Quand on a un petit passage à vide, on prend des vitamines. Quand c’est un gros, on se remet en question. Et quand c’est un très gros et qu’on ne veut pas se remettre en question, on va cogner le voisin pour se défouler parce que lui, il réussit. C’est exactement comme ça que les éditeurs de presse ont décidé de résoudre leur actuel problème de perte de crédibilité.
Que voulez-vous, en France, si on n’a ni pétrole ni idées, on a en revanche des cadors du protectionnisme et de la taxe vexatoire. Et la rage cleptomane des collectivistes (ici, ceux de la presse) est d’autant plus attisée que le gouvernement maintenant en place est ouvertement favorable à la distribution prodigue de coups de bâtons fiscaux et d’argent des autres. Et en plus, cette compulsion est assortie d’un effet bénéfique : elle permettrait de redresser les comptes de certains de ces organes de presse, tendres amis du pouvoir, justement. Le monde est petit, le hasard fait bien les choses, et tout ça.
Bref : puisque Google engrange au moins autant de bénéfices que la presse nationale de déconfitures (la décroissance des abonnements, elle pratique depuis 40 ans), le syndicat de la presse française a judicieusement choisi d’éviter toute remise en question de son modèle économique pour se placer en mode « lobbying intense » avec propulsion d’une petite loi de derrière les fagots.
L’idée, comme d’habitude lorsqu’on parle de dinosaures moribonds qui refusent obstinément de s’adapter à la nouvelle donne (bisous SACEM, love Pascal Nègre, kiss kiss photographes et tout ça) consiste à — accrochez-vous, c’est du violent — faire payer l’indexation des contenus au moteur d’indexation (Google, notamment).
Oui, oui, vous avez bien lu : alors qu’actuellement, le modèle qui fonctionne partout dans le monde est exactement l’inverse, à savoir qu’un site devra payer pour que des liens pointent vers lui et apparaissent en bonne place sur les moteurs de recherche, le syndicat réclame que les liens entrants leur rapportent des thunes, ponctionnées grâce à une taxe sur le moteur d’index qui produit le lien.
Ainsi, Marc Feuillée (Le Figaro), Francis Morel (Les Échos), Nathalie Collin (Nouvel Obs) (et d’ailleurs l’autre débris de Joffrin aussi) ont réclamé d’Aurélie Floppydisk (du ministère de la Culture) un projet de loi pour mettre cette taxation en musique place, Aurélie qui, aussi vaporeuse qu’inutile, n’a pu s’empêcher d’abonder stupidement dans leur sens. Leur justification ? Du miel, comme on peut le lire :
Il est inadmissible que Google utilise nos articles gratuitement pour ponctionner le marché publicitaire français sans rémunérer les créateurs de contenus !
Bizarrement, aucun de ces hypocrites n’a choisi de désabonner sur le champ leurs contenus fortement créatifs de Google News. Pourtant, c’est facile, il suffit de ne plus fournir un petit fichier au robot d’indexation, et pouf, immédiatement (dans les minutes qui suivent, disons), Google News ne reprend plus les informations de votre journal et vous disparaissez du Net : joie et bonheur, votre audience est alors ramenée à celle d’un petit blog de campagne, ce qui est déjà beaucoup pour ce genre de journalisme.
Et puisqu’on en est à parler de se désabonner, je ne peux qu’encourager les lecteurs dubitatifs et payants de ces feuilles de choux à en faire autant : n’achetez plus ces lavasses fades que sont lentement devenus Le Fig, Libé, Le Monde, Les Échos, le Nouvel Obs et les autres. Leur parti-pris, leur absence quasi-assumée d’éthique et de recul, leurs sujets abrutissants, leur traitement rigologène de l’actualité et la morgue insupportable doublée d’une fine couche de mépris hautain que leurs journalistes vedettes utilisent régulièrement pour s’autoriser leurs lamentables performances, bref, tous ces éléments justifient largement votre désabonnement et la faillite complète de ces monuments de mauvais goût.
Comme je le disais dans un précédent billet étayé par un graphique dont manifestement peu de ces journalistes approximatifs ont pris connaissance, l’avenir de la presse est tout tracé tant qu’ils n’ont pas compris leur business.
Car non, messieurs, vous ne vendez pas de l’information. Que vous le vouliez ou non, que vous fermiez ou non vos petits poings et que vous tapiez ou non très fort sur la table en rouspétant et en postillonnant vos arguments, l’information de vos journaux sera bientôt parfaitement et totalement gratuite. Et comme Kodak qui croyait vendre des souvenirs et se contentait de vendre des produits chimiques, comme pour toutes ces industries qui ont dépensé des fortunes croyant vendre une chose mais qui en vendaient en réalité une autre, vous persistez à croire vendre de l’information, de la mise en page et de l’analyse, alors même que chacun de ces éléments voit sa valeur de possession tomber à zéro. Ce qui fait la force d’une information, sa valeur, c’est sa capacité ou non à être échangée. Et ce qui fait la force d’un journal, c’est sa notoriété, sa capacité à délivrer, échanger de l’information de qualité. C’est, dans une certaine mesure, le filtre que vous imposez à l’information, votre capacité d’analyse.
Or, si vous perdez des abonnés, ce n’est certainement pas parce que Google vous les pique, hein, cette bonne blague.
C’est tout simplement, obstinément, parce que personne n’est prêt à payer pour une fade resucée de dépêches AFP rarement relues comme en témoignent régulièrement les fautes d’orthographes religieusement reproduites d’un organe de presse à l’autre. Ben non : précisément parce que maintenant, n’importe qui avec Facebook, Twitter obtient ces informations gratuitement, personne ne sera prêt à payer pour ça, comme personne n’a jamais payé pour écouter la radio.
C’est aussi, actuellement, parce que personne n’est prêt à payer pour vos zanalyses. La nature même du contenu pourrait faire croire que les gens voudraient payer ; d’ailleurs, ils s’abonnent à certains magazines spécialisés, ils sont effectivement prêts à payer certains contenus réellement informatifs sur internet. Non, là, le problème n’est pas dans l’accessibilité, mais bien dans le niveau : vos zanalyses, elles ne valent pas un clou. D’ailleurs, vous êtes concurrencés par les blogs (quitte à avoir des zanalyses gratuites qui ne valent rien, autant rigoler et lire les miennes, par exemple). Et quand le lecteur voit que vous montez immédiatement dans les tours pour des échanges idiots en 140 caractères parce que l’auteur est connu, on comprend que ça ne lui donne pas envie de s’abonner, payer des sommes plus ou moins considérables pour avoir plus de ce genre de performances éditoriales…
C’est enfin parce que le filtre que vous imposez à l’information est un filtre caché. Vous serinez, prétendez, pipeautez votre lectorat sur l’indépendance et la neutralité de la presse, sans jamais assumer votre parti pris pour ou contre le pouvoir en place. Le brouhaha comique qu’avait pu susciter un livre comme « La Face Cachée du Monde » donne une excellente idée du mépris dans lequel vous tenez réellement cette indépendance, cette neutralité et éclaire d’une lumière tranchante la qualité journalistique réelle de ce que vous produisez.
Par dessus le marché, vous êtes maintenant tous si semblables qu’un nombre de lecteurs, répartis sur autant de parutions, ne peut que diluer la force de l’abonnement correspondant. Eh oui : si vous faites tous la même soupe, les gens finissent par se lasser.
Bref : vous n’offrez finalement aucune raison pour qu’on souhaite vous lire, et a fortiori pour qu’on paye pour ça.
Or, et c’est le pompon, que le citoyen lecteur le veuille ou non, il paye déjà pour ça. D’ailleurs, le 8 septembre 2010, le rapport Aldo Cardoso, commandé par Bercy, évaluait la facture du contribuable, en aides et subventions, à plus d’un milliard d’euros (615 millions d’aides directes et 400 millions d’aides indirectes comme l’exonération fiscale et la TVA super réduite). On trouvait d’ailleurs dans ce rapport une demande :
mettre un terme aux effets pervers de certaines aides publiques qui maintiennent la presse dans un système d’assistance respiratoire permanente.
Je trouve cette idée pertinente et particulièrement urgente vu l’état des finances publiques. Et si, en plus, cela peut aider l’euthanasie la mort digne de certains organes passablement moribonds, c’est un plus appréciable.
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Sur le web
Que le citoyen lecteur le veuille ou non… et même le citoyen non-lecteur, il est utile de le préciser ! Très bon article, à part ça.
« C’est à cause d’un de ces énièmes accès de violence que l’affaire des tournantes à éclater », « Pendant plusieurs mois, Nina et Stéphanie, âgés de 15 et 16 ans », « Mais elle garde son secret pendant six ans avant de tout raconter à un policière ».
Trois énormes fautes dans un article qui compte trois minuscules paragraphes ? C’est L’Express, of course. Avant d’oser réclamer des revenus indus, qu’ils respectent un minimum leurs lecteurs et relisent les papiers qu’ils mettent en ligne.
Heureusement j’ai une pensée émue pour ces andouilles d’apprentis journalistes (les plus ignares et arrogants de la promo généralement) qui se trainent de stage photocopie en CDD mal payé.
En France les journalistes sont au choix des idéologues ou bien des moines copistes de l’AFP. Jamais la moindre analyse.
Pour info l’interview d’Aurélie Filippetti que cite l’expansion sans faire de lien est disponible ici : http://www.aqui.fr/societes/interview-aurelie-filippetti-laquo-l-avenir-de-la-presse-passe-par-le-numerique-raquo,7276.html
Bravo pour votre courage dans cet édito face à ce ramassis de journalistes dont l’étroitesse d’esprit n’est égalée que par leur prétention et leur arrogance.
Désolé,
Je suis complètement à contre-courant de votre article, et je pense que ces journaux nationaux (au moins un) ne sont pas concurrencer, pour le contenu, par ce qu’on peut trouver sur internet et sur ce site.
C’est d’ailleurs avec délectation que je vais m’installer confortablement dans un fauteuil, de la façon la plus ringarde qui soit (sans le chien et la pipe) pour en lire un.
Mais personne ici ne vous en empêche, Citoyen. Faites simplement attention à ne pas vous éclater les neurones. Et à propos, vous ne seriez pas vous-même journaliste à L’Express ?
« … ne sont pas concurrencer, pour le contenu … »
Et pour la syntaxe.
Faut pas être désolé.
D’ailleurs vous faites bien de vous délecter, vu le prix que le contribuable investit pour que vous puissiez lire votre « presse ».
Ce qu’il y a de bien, avec CITOYEN, c’est sa cohérence interne, parfaitement en ligne avec les socialistes du pays. Il n’aime pas Contrepoints, mais comme une drogue dégueulasse à laquelle il ne semble pas pouvoir résister, il revient quand même lire ET commenter. Et en plus, ça ne lui coûte rien. Pendant ce temps, il doit se cogner les articles consternants d’une presse minable, dont un paquet est parfaitement opposée à sa propre ligne politique, et notre aimable commentateur prétend être tout heureux de lâcher des thunes pour ces derniers. Décidément, l’hypocrisie et l’incohérence sont devenus une constante chez les collectivistes.
h16 : « Pendant ce temps, il doit se cogner les articles consternants d’une presse minable, dont un paquet est parfaitement opposée à sa propre ligne politique »
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N’exagérons pas. Vu le niveau de son QI, lire un journal papier pour CITOYEN, ça consiste surtout à consulter les rubriques Astrologie et les pubs pour le saucisson.
Absolument ! Déjà, notons l’exploit quasi-impensable de nos jours : Citoyen sait lire !
« je pense que ces journaux nationaux (au moins un) ne sont pas concurrencer, pour le contenu, par ce qu’on peut trouver sur internet et sur ce site. »
Qui voudrait concurrencer une grosse merde gisant sur un trottoir ?
Tout ceci étant dit, si vous souhaitez payer votre abonnement à Contrepoints, c’est ici : http://www.contrepoints.org/faites-un-don/
Nous faisons un meilleur travail que bien des journalistes (comme expliqué dans l’article), et pour presque rien, mais nous avons tout de même quelques coûts pour faire tourner et développer votre journal en ligne préféré.
Merci Nick de Cusa, pour cette information constructive (pour les dons) que j’ignorais complètement.
Mais en même temps vous démontrez que la liberté à un prix, jusque là rien de nouveau, mais surtout, que dans un système libéral, les espaces de liberté seraient proportionnés aux moyens financiers de leurs commanditaires.
C’est un rappel intéressant.
Sinon, être un parasite n’est pas dans mon schéma personnel (quoique vous en pensiez) , vos remarques étant, votre légitimité est incontestable, je cotiserai ou je disparaîtrai.
Si encore il ne s’agissait que de facturer les acces d’un moteur de recherche à LEUR systéme d’information, ça se defendrait de notre point de vue.
Encore que ce serait contraire à l’interdiction de « discrimination » des clients faite par une autre loi stupide.
Mais cette idée « géniale » n’est sans doute pas partagée par tout le monde.
De crainte d’un effet d’eviction trop fort, Il leur faut, pensent-il, une taxe qui frappera aussi les collégues… CQFD
bravo !!
cette presse de m…. doit crever !
pas un sou, pas un sou pas un sou,
Je ne comprends pas trop le but de l’article. Il est évident que la presse doit évoluer, le problème de son financement est établi. Néanmoins si google news dégage d’importants bénéfices en se contentant d’indexer du contenu et en s’accaparant les revenus publicitaires sans en faire profiter les fournisseurs de contenu cela ne peut pas être viable, pour au moins deux points :
– le premier est lié à la disparition du contenu en lui même. On a beau dire ce que l’on veut sur la qualité de la presse, elle joue a prioiri le rôle indispensable de mettre à disposition des lecteurs des informations fiables, en rémunérant les journalistes qui écrivent son contenu. Si elle disparaît faute de financement, google news ne servira d’interface que vers des sites d’information avec des structures très légères dans lesquels les contenus sont rédigés le plus souvent par des bénévoles (comme sur ce site, j’imagine) et qui n’ont souvent pas les moyens de faire des investigations poussées, donc à terme c’est la mort de l’information d’investigation indépendante, bref ce que souhaitent sans doute trouver bon nombre de lecteur.
– de plus, il faut bien voir que la situation de google est problématique, cette société est dans une situation de monopole, ce qui s’explique parfaitement car elle dispose d’une avance technologique indéniable sur l’ensemble de ces concurrents, dans ce cadre elle a le pouvoir de dicter ses lois sur la façon dont elle souhaite rétribuer les fournisseurs de contenu. C’est un des soucis du libre marché : on peut toujours penser que les situations de monopole finissent par s’écrouler à cause de la concurrence, mais sans système de régulation c’est quasi-impossible. En effet, comme on le voit depuis dix ans, et surtout ces dernières années, une société comme google est extrêmement attentive à l’apparition de « bonnes idées » qui pourraient à terme leur faire de l’ombre, c’est pourquoi comme facebook, par exemple, à l’aide de moyens colossaux (trésorerie ou investisseurs), ils n’hésitent pas à acquérir bon nombres de startup prometteuses. De cette façon google se comporte comme un espèce de dictateur (bienveillant aux yeux de bons nombres d’utilisateurs – leurs produits sont toujours très bien faits et innovants), mais qui ne laissera jamais la possibilité à la moindre véritable concurrence de grande envergure… Le problème du financement de la presse est la preuve elle-même de la situation de monopole dangereuse de google, cette société est aujourd’hui en mesure de mettre au pas l’ensemble de la presse, sauf si elle en appelle au régulateur, incarnée par la puissance publique.
Je ne comprends pas bien ce qui peut pousser un libéral à supporter la position de véritable monopole d’une entreprise privée comme google, quand on estime que l’Etat (bien que représentant l’ensemble des individus), n’a pas lui même à se trouver dans ce type de situation.
Croyez-vous que Le Monde partage ses revenus publicitaires avec ceux qui lui fournissent la matière première du journal ?
Si google ne gagnait pas un kopeck, tous ces parasites qui se prétendent journalistes ne réclameraient pas une loi pour récupérer de l’argent.
Naturellement, Le Monde paye ses journalistes et les agences de presses qu’il cite (l’abonnement aux dépêches AFP est évidemment payant)…
Les gens qui sont interviewés par les journalistes et qui fournissent donc de l’information sont rarement rémunérés.
Bonjour VinsK
« le premier est lié à la disparition du contenu en lui même »
Le contenu est de qualité plus que médiocre donc, c’est pas une perte.
« à terme c’est la mort de l’information d’investigation indépendante »
Indépendante ! Regardez les journalistes et les politiques, ils ont fait les memes études, ils mangent ensemble, ils b…sent ensemble.
» Le problème du financement de la presse est la preuve elle-même de la situation de monopole dangereuse de google » ??
La subvention de la presse ( 1 813,5 M€ d’apres wiki) est antérieure à google. Google n’a pas de monopole.
@Vinsk : « Si elle disparaît faute de financement, google news ne servira d’interface que vers des sites d’information avec des structures très légères dans lesquels les contenus sont rédigés le plus souvent par des bénévoles (comme sur ce site, j’imagine) et qui n’ont souvent pas les moyens de faire des investigations poussées (…) »
Oui, l’Histoire gardera un souvenir nostalgique de la qualité du fact-checking et du recul pris par les grands quotidiens dans leur traitement du non-événement « The Innocence of Muslims »… ou pas.
« les situations de monopole finissent par s’écrouler à cause de la concurrence, mais sans système de régulation c’est quasi-impossible. »
Non, pas « à cause » de la concurrence, mais parce que les gens trouvent mieux ailleurs. Si vous êtes le meilleurs vous pouvez avoir 10’000 concurrents ça ne changera rien.
Tant que google est le meilleurs il reste en situation de monopole, donc une régulation ne ferait que tuer l’excellence au profit de la médiocrité. Il suffit d’assurer le droits pour empêcher google d’envoyer des tueurs chez ses concurrents. Le reste ce fait tout seule: Google déconne, les gens trouvent mieux ailleurs et ça va très vite.
La première fois que j’ai parlé de google à un collègue il c’est payé ma poire devant la page vide, à l’époque d’autres avaient un monopole total (avec des pages d’accueil foutoir). En 5 ans c’était fait.