Magie de l’internet : c’est lorsqu’on s’y attend le moins qu’on tombe sur des billets fort instructifs. Et c’est avec gourmandise que je vous propose celui de Nikos Tsafos sur son pays, la Grèce. En se penchant sur les sacrifices que son gouvernement a mis en place, et en évaluant la charge portée par le secteur privé et le secteur public, il aboutit à des conclusions bien polémiques.
On se souvient qu’il y a quelques mois, je relatais dans ce billet les chiffres fournis par Véronique de Rugy sur l’évolution des dépenses des gouvernements de la zone euro, sur les dernières années. Le graphique était alors sans ambiguïté : l’austérité n’était pas flagrante du tout, et pour certains pays, les dépenses avaient continué à augmenter benoîtement. Depuis, la situation générale en Europe s’est encore dégradée avec l’Espagne et, dans une certaine mesure, l’Italie, qui ont rejoint la Grèce dans la farandole douteuse des pays en faillite ou quasi-faillite.
Si l’on s’en tient aux journaux, l’austérité frappe durement ces pays et même la France qui patauge maintenant dans un chômage de masse et des dérapages budgétaires catastrophiques, suite à un changement maintenant (ou quelque chose comme ça). Et force est de constater que pour toute une frange de population en Europe, les temps actuels sont particulièrement durs. Cependant, la fameuse austérité, elle, n’est toujours pas en place.
Et c’est ce curieux décalage entre ce qu’on observe (une population appauvrie, un chômage en hausse et une misère qui s’installe) et ce qu’on peut voir dans les chiffres des dépenses gouvernementales qu’explique fort bien les calculs de Nikos Tsafos. Constatant lui-même que l’État grec manquait cruellement d’argent, il a cherché par le détail à comprendre qui, finalement, supportait le plus le coût maintenant exorbitant de l’austérité dont tout le monde parle.
Surprise (modérée) : c’est, encore et toujours, le secteur privé qui se prend l’essentiel du fardeau. Ce qui est franchement scandaleux : répartir l’effort à faire de façon équitable entre le secteur public et le privé est ce que le gouvernement pourrait faire de mieux. Non seulement, cela améliorerait grandement sa crédibilité auprès d’un peuple qui suffoque sous les taxes et impôts servant à payer des salaires publics généreux (si cela vous rappelle un autre pays, c’est normal), mais cette décision amènerait aussi des bénéfices économiques notoires, comme le montre le tableau suivant :
Certes, il faut tenir compte du fait que les chiffres du secteur public grec sont pour le moins opaque. Cependant, on peut noter que le secteur public a réduit la voilure de 56.000 postes entre 2009 et 2011 (soit 7,8% de décroissance, ligne 1). Dans le même temps, l’emploi en Grèce a chuté de 544.000 poste, soit 12,2% (ligne 2). Si l’on soustrait les emplois publics de l’emploi total, on peut conclure que le secteur privé a subi une chute de l’emploi de 13%. Ceci s’ajoute aux coûts du travail qui ont aussi considérablement chuté de 18,5% (lignes 4 et 5).
Dans le même temps (d’après les données Eurostat, ligne 6), le gouvernement grec a réduit sa masse salariale de 15,9%, de 31 milliards d’euros à 26. Si l’on rapporte cette chute au nombre de salariés, cela représente une baisse des salaires de 8,8% (ligne 7). Cependant, et c’est là où cela devient très intéressant, si l’on applique la même baisse de 18,5% que dans le privé, les salaires dans le public auraient été, en moyenne et par personne, 4000€ plus bas.
Si l’on met ces éléments ensemble, on peut estimer que si le nombre de salariés du secteur public avait diminué de la même façon que les salariés du privé, la masse salariale aurait fondu de 19,9%. Et si elle avait diminué en accord avec tout le reste de l’économie, cette même masse aurait diminué de 28,4%.
Autrement dit, si le secteur public s’était pris la crise avec la même force que le secteur privé, le gouvernement aurait dépensé 3,9 milliards d’euros en moins en 2011 (c’est-à-dire 22.2 milliards au lieu des 26.1 effectivement dépensés). Le déficit primaire grec s’établissant alors à 4.6 milliards d’euros, le gouvernement aurait frôlé l’équilibre en 2011. Un autre façon de voir les choses, c’est de constater que les taxes et impôts ont augmenté jusqu’à ajouter 2.3 milliards d’euros dans les caisses entre 2009 et 2011 ; avec un alignement du public sur le privé, les taxes et impôts auraient pu rester les mêmes qu’en 2009 et le gouvernement aurait tout de même dégagé 1.6 milliards d’euros de trésorerie supplémentaire.
(L’ensemble des sources de ces chiffres est disponible à partir du billet de Tsafos)
Ici, on en revient à cette constatation déjà effectuée dans d’autres pays, en d’autres temps, et dans d’autres billets : la rigueur, ça marche. L’austérité, ça donne des résultat.
Mais cette austérité là ne cogne pas systématiquement sur la classe moyenne, et doit commencer d’abord dans le giron de l’État, dans le secteur public. Elle impose, finalement, que les rentiers d’un systèmes soient remis à leur place. Elle impose que tous fassent des efforts, et ce « tous » couvre autant les retraités et les chômeurs que les actifs, et les actifs du public autant que ceux du privé.
On l’a « découvert » il y a quelques jours : tout l’appareil d’État est gangréné de myriades d’agences, commissions et autres institutions dont les noms et acronymes se disputent le ridicule pour toucher le plus vite possible le plus gros budget. Aucune de ces agences n’a été touchée par l’austérité et le serrage de ceinture gouvernemental.
Et si, pour équilibrer, la rigueur passait par là ? Si elle touchait, enfin, ces milliers d’agences hétéroclites, multiples, inutiles pour la plupart, et créées pour répondre à un besoin pressant de poste pour des petits copains ? Si l’austérité et surtout son application les concernait un peu ?
Et si le changement, c’était ça ?
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Sur le web
RT @Contrepoints: Avec une vraie rigueur budgétaire, l’état Grec serait à l’équilibre http://t.co/pfThpC2z
Et l’an prochain en France, 40.000 fonctionnaires de plus dans l’ « Education nationale » ( où il faudrait en licencier au moins 400.000 ).
La SNCF compte embaucher 10.000 personnes en 2012 et 40.000 d’ici 2017 : http://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/20120924trib000720987/la-sncf-recrute-10.000-embauches-prevues-en-2012.html
Pour la fonction publique en Franchouillie, pas austérité en vue.
Ah !Ah ! Ah ! J’adore ! Alors que l’austérité en Grèce est à l’origine de la pire dépression que ce pays n’ait jamais connu, voici que H16, notre brillant libéral, dit que la cure n’est pas assez sévère… On croirait rêver !
L’austérité? Où? En Grèce? *rire*
Les gauchites ont vraiment une immagination débordante.
Maintenir les dépenses publiques et recevoir tout plein d’argent gratuit des autres, c’est l’austérité vue par un communiste.
La troika et les Grecs se foutent de la gueule du monde.
Certes les grecs partent de loin, mais il est marrant comme cette haine du fonctionnaire gangrène aveuglément les libertaRiens. Que des fonctionnaires surnuméraires/inutiles soient révoqués (y en a j’en ai cotoyés), avant de couper dans le muscle on coupe dans le gras, cela s’appel de l’optimisation. La fonction publique si elle n’a pas vocation a donner du travail inutile, a pour fonction de fournir « l’huile » qui permettrai à la machine de fonctionner (énergie, communications, santé…). Que l’on chasse le gaspillage, 100% d’accord, mais il ne faut pas s’étonner qu’à vouloir trop d’ « austérité » la machine se grippe.
Je croyais que h16 pensait qu’il y avait eu des embauches de fonctionnaires entre 2 rapport de la troïka…
Où trouvez vous une « haine » des fonctionnaires » ? Quel passage ? Merci.
Kudram,
En quoi l’énergie, les communication et la santé relèvent du domaine public?
Ces secteurs sont actuellement très chers car justement il y a une règlementation imposant un oligopole (voir un monopole) alors que la marché libre (et je dis bien LIBRE) pourrait apporter la concurrence, la baisse des prix et plusieurs milliers d’emplois.
* l’énergie : source de l’activité économique,militaire et de quasiment tout… Il me semble normal qu’un Etat puisse gérer ce domaine aussi vital que le système sanguin d’un organisme (meilleur influence géopolitique/pol.étrangère…qu’une entreprise privée).
*Les comms : quasi de même, à la différence que la source de l’activité est moins dépendante de l’étranger ; l’Etat doit avoir un droit de préemption/de regard significatif a minima.
*La santé : c’est subjectif, mais pour moi a une valeur symbolique d’appartenance à une nation (l’entraide intercitoyen), à cela s’ajoute l’intérêt de chercher tout azimuth (recherche fondamentale) chose que l’initiative privée ne peut soutenir par elle-même, et qui peut bénéficier au dynamisme général (public et privé). (désolé c’est brouillon mais il est tard).
Ces secteurs ne sont pas forcément très cher : selon le mode de gestion pris en compte. Dû à l’investissement initial le coût de l’énergie est resté faible longtemps (on est à un tournant en ce moment), pour les telecoms la concurrence s’est quand même bien développé sur l’infrastructure nationale (je reconnais que l’action privée à permit une meilleur adaptation aux évolutions des NTIC), pour la santé…les pauvres mourront plus facilement et plus nombreux(donc moins de chomeurs :X).
@koris le marché LIBRE : comme bien des utopies, certains paradigmes sous entendent une universalité de la bonne volonté (pas de faucons) peu compatible avec la réalité (fraude/crime/abus…).
@Nick : pas forcément vous (mea culpa), mais l’ambiance du site (commentaires) et des courants véhiculés sont très haineux/ou font preuves d’une dichotomie simpliste.
J’essaye d’être patriote (i.e. d’être pragmatique et sous entend reconnaitre quand je me fourvoie) je viens ici pour avoir d’autres points de vus, mais d’une certain façon j’ai l’impression, ici, d’assister aux discours de gourous à des adeptes par définitions déjà convaincus (persuadés ?).
Je vais encore m’en prendre plein la gueule, mais après tout entre la religion et l’économie, peu de différences.
Amicalement.