Les universités devraient devenir des établissements réellement indépendants, libres de gérer sans pilotage ministériel un capital, un budget, une politique d’enseignement et de recherche.
Le capitalisme a suscité les progrès de la production, mais aussi ceux de la connaissance, et ce n’est pas un hasard.
Albert Einstein, 1934
Égalitarisme et centralisation sont les deux piliers du système universitaire et de recherche français. Au nom d’une idéologie qui a fini par imprégner l’ensemble du monde scientifique et intellectuel, l’État s’est arrogé le monopole du savoir, car « la connaissance est un bien commun » qui ne saurait décidément pas être confronté à des logiques « néolibérales ». Au contraire de la plupart de nos voisins, les personnels d’enseignement et de recherche sont en grande partie des fonctionnaires recrutés par des commissions nationales. Autre particularité française, les instituts de recherche nationaux (tels que le CNRS et l’INSERM) sont des monstres bureaucratiques en grande partie déconnectés de l’Université, alors qu’ils devraient en être le socle. Cette autre « exception française » est un des facteurs à l’origine des performances déclinantes des universités françaises dans les classements internationaux. La relative excellence de la recherche française ne doit pas faire oublier que celle-ci pâtit largement d’une organisation rigide et anachronique.
La législation limite fortement la création d’universités libres et consacre le monopole de l’Université publique. Une réelle libération de notre système de recherche et d’enseignement supérieur devrait englober à la fois la refonte des universités publiques et la suppression des dispositions légales entravant la création d’universités libres. La loi de 2007 relative à l’autonomie des universités n’est qu’un trompe-l’œil : les universités devraient devenir des établissements réellement indépendants, libres de gérer sans pilotage ministériel un capital, un budget, une politique d’enseignement et de recherche.
La gestion financière des universités devrait se rapprocher de celle des établissements commerciaux. Les fonds de dotation universitaires, très répandus outre-Atlantique, n’ont été introduits que très récemment en France. L’Université de Stanford en Californie est ainsi gérée par la Stanford Management Company et la valeur de son fonds de dotation atteignait 16 milliards de dollars en 2011, en grande partie alimenté par des dons dédiés (par exemple pour des chaires de recherche) et dont une fraction est attribuée chaque année aux dépenses de fonctionnement de l’université. Outre le fonds de dotation, une variété de sources de financement peut alimenter les budgets de fonctionnement des universités indépendantes (contrats de recherche publics et privés, frais de scolarité, dons, brevets, activités commerciales, etc.). En fonction de leur histoire, de leurs moyens et de leurs priorités scientifiques et éducatives, les universités peuvent privilégier une politique d’excellence visant à attirer les meilleurs étudiants et chercheurs, ou mettre l’accent sur l’accessibilité des études à tous en acceptant des étudiants qui ne pourraient pas intégrer les établissements les plus sélectifs. Les universités françaises devraient également être libres de délivrer leurs propres diplômes, car le monopole étatique de la reconnaissance et de la délivrance des diplômes ne peut aboutir qu’à une baisse de la qualité de ceux-ci, en l’absence de compétition réelle entre établissements d’enseignement supérieur.
D’autre part, la suppression de la loi Jules Ferry du 18 mars 1880, qui réserve à l’État la création des universités, permettrait l’éclosion de nouvelles universités libres, ex nihilo (comme l’Université de Buckingham au Royaume-Uni) ou par regroupement d’instituts préexistants. La création d’établissements de recherche nationaux a en partie coupé le lien organique qui liait Recherche et Université. La création d’unités mixtes de recherche a abouti à un mille-feuille administratif, où les différents aspects de la gestion d’un laboratoire (finances, ressources humaines, orientations scientifiques) sont assumés par plusieurs institutions. C’est pourquoi les organismes nationaux devraient être scindés en instituts de recherche autonomes et en unités réintégrées pleinement aux universités indépendantes.
Enfin, une réelle réflexion sur le financement de la Recherche (qui repose en grande partie sur des fonds publics nationaux ou européens) est fondamentale. Il est répété comme une évidence que seul l’État serait à même d’assurer les projets de recherche les plus ambitieux. Il existe pourtant un nombre certain d’exemples de découvertes ou d’innovations scientifiques réalisées par le secteur privé. C’est à deux chercheurs d’IBM que l’on doit la découverte de la supraconductivité à haute température, qui leur a valu le prix Nobel de physique en 1987. Le séquençage du génome humain, terminé il y a une dizaine d’années, a été réalisé par deux équipes en compétition appartenant au Human Genome Project (financé sur fonds publics américains) et à la compagnie privée Celera Genomics (pour une fraction du coût du projet concurrent). Le financement public de la recherche obéit à des logiques bureaucratiques souvent inefficaces et quelquefois nuisibles : les projets consensuels qui soutiennent les thèses en vigueur ou les domaines prioritaires décidés par les politiques sont souvent favorisés par rapport à des projets plus risqués mais potentiellement révolutionnaires. C’est ainsi que le Professeur Mario Capecchi, co-lauréat du prix Nobel de Médecine en 2007 pour ses travaux sur les souris transgéniques, a vu ses demandes de financement public refusées pendant des années.
On peut raisonnablement penser que dans le cadre d’une libéralisation globale de l’économie française, une baisse drastique des prélèvements obligatoires libérerait des ressources importantes pour le financement privé de la Recherche : fondations, mécénat, dons privés et investissements commerciaux peuvent se substituer au moins en partie aux financements publics. La fondation Bill et Melinda Gates distribue par exemple à elle seule plus de 1,5 milliards de dollars chaque année pour la recherche médicale, l’aide au développement et l’éducation. Le centre de recherche Généthon à Évry est financé en grande partie grâce aux dons recueillis par le Téléthon. On assisterait sans aucun doute à une multiplication d’initiatives similaires dans une société plus libre.
On le voit bien, l’essor d’une Recherche et d’une Université libres, loin de menacer le développement des sciences et de la connaissance, pourrait au contraire leur redonner un nouveau souffle.
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Sur le web
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On peut aussi dénoncer les effets pervers d’une recherche centralisée par l’autorité publique. Comme le dénonçait déjà Hayek dans son discours d’acceptation du Nobel d’Economie en 1972, lorsque le spécialiste s’addresse aux profanes la distinction conférée par une autorité (publique ou académique) lui transmet de l’autorité et donc une crédibilité supérieure. Or la vérité scientifique n’est jamais affaire d’autorité, et le plus souvent cette autorité sert surtout à réduire voire supprimer toute falsifiabilité des théories des chercheurs « oints par le Seigneur », ce qui stoppe le progrès scientifique. On le voit dans de nombreux domaines: nutrition, énergie, climat, économie…
Le problème clé est bien là :
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