Le strict encadrement des loyers pénalisera les ménages modestes

Le renforcement de l’encadrement des loyers par Cécile Duflot pénalisera surtout les plus fragiles.

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Le strict encadrement des loyers pénalisera les ménages modestes

Publié le 16 octobre 2012
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Le renforcement de l’encadrement des loyers par Cécile Duflot pénalisera surtout les ménages les plus fragiles.

Par Vincent Bénard
Note : au moment de l’écriture de l’article, l’annonce de la sortie du dispositif Duflot pour remplacer le Scellier n’était pas encore connue, expliquant l’erreur de l’antépénultième paragraphe.

Comme annoncé par Mme Cécile Duflot, ministre du Logement, au 1er août est entré en vigueur un décret interdisant à un propriétaire d’augmenter un loyer plus vite que l’indice officiel du prix du logement lors d’un changement de locataire dans les agglomérations les plus chères.

 

L’encadrement des loyers renforcé

Auparavant, le loyer était libre à la signature du bail mais ne pouvait augmenter annuellement plus vite que l’indice officiel du logement (IRL) qui suit peu ou prou l’indice officiel des prix à la consommation.

Rappelons que jusqu’en 2005, c’est l’indice des coûts de la construction (ICC) qui servait de référence à la réévaluation des loyers, non sans conséquences : de 1965 à 2000, l’ICC a évolué bien en deçà de l’indice des prix, aussi l’habitude a-t-elle été prise de profiter du changement de locataire pour réévaluer les loyers à la signature d’un nouveau bail.

Le changement d’indice n’a pas fait disparaître cette singularité car dans les agglomérations les plus dynamiques, le prix du logement à l’achat tend à augmenter beaucoup plus vite que l’inflation depuis 1997. Même si la hausse des loyers n’est pas aussi importante, elle a tout de même atteint 50 % à Paris au cours de la dernière décennie, soit deux fois l’inflation. La hausse moyenne à la relocation est de 8 % à Paris et 5 % dans le reste de la région Ile de France (1). Le décret se propose de la limiter au niveau de l’IRL, soit 1,1 % en 2011. Dans le cas où le précédent locataire était resté très longtemps dans les lieux, induisant un loyer en retard par rapport au prix moyen du marché, le rattrapage ne pourra excéder 50 % de la différence.

Comment les propriétaires réagiront-ils à cette nouvelle limitation de leur liberté contractuelle ?

 

Des rendements de plus en plus faibles

Aujourd’hui, le rendement locatif brut moyen d’un bien immobilier est passé de 5 % en 1997 à 2,5 % en 2010 en région parisienne et de 6 % à moins de 4 % en province.

Car si les loyers ont augmenté de 50 % à Paris, les prix à l’achat ont fait un bond de 149 % dans la même période (2). La moindre augmentation des loyers s’explique d’une part par leur encadrement, d’autre part et surtout par la baisse des taux d’intérêts rendant l’achat extrêmement compétitif par rapport à la location.

À ces rendements bruts déclinants, le bailleur doit retrancher une fiscalité galopante : CSG (passée à 15,5 % début 2012), impôts sur le revenu, voire ISF… Il ne peut déduire que 14 % de sa base imposable pour travaux contre 30 % avant 2004. Il est donc compréhensible qu’il essaie de profiter de toute fenêtre de tir en marché haussier pour réévaluer le loyer de son bien, simplement pour que son capital immobilisé continue de lui rapporter un peu. D’ailleurs, en cas de marché baissier, les locataires ne se privent pas, tout à fait normalement, de négocier des baisses et personne ne songerait à les en empêcher, fort heureusement.

Au départ d’un locataire, s’il estime le plafond imposé par l’État trop bas, le bailleur ne sera aucunement obligé de relouer. Il aura comme alternative la revente à des niveaux de prix qui excluent totalement les ménages simplement moyens aujourd’hui, ou la conservation d’un logement vacant comme réserve de valeur, car en ces temps d’incertitude sur le futur de la monnaie, nombreux sont ceux qui préféreront conserver un actif tangible.

 

Des logements attractifs mais vacants

Revenons sur l’apparent paradoxe que constitue la présence simultanée d’appartements vacants et d’une pénurie de bons logements, forçant les loyers à la hausse et condamnant de nombreux ménages modestes à occuper des logements insalubres, voire pas de logement du tout (3).

Sur le 1,9 million de logements vacants que compte le pays (4), selon l’INSEE, environ 22 % ne sont ni en grande vétusté, ni dans une ville à faible demande, ni mis en vente, ni bloqués par succession difficile ou en vacance temporaire entre deux locations. Ce sont donc environ 400 000 logements en zones tendues qui pourraient trouver facilement un locataire mais que leurs possesseurs laissent volontairement vides.

Que les rendements locatifs faibles combinés à une fiscalité lourde ne séduisent guère, soit. Malgré tout, le sens commun suggère qu’un propriétaire devrait préférer un rendement faible à pas de rendement du tout, ne serait-ce que pour payer sa taxe foncière.

C’est sans compter sur le risque que constitue aujourd’hui un locataire mauvais payeur qui peut rester 18 à 24 mois dans son logement s’il est bien conseillé, en usant et abusant des recours législatifs possibles. Aussi les conflits pour non paiement de loyers sont-ils en progression constante et si 100000 jugements d’éviction ont été prononcés en 2010, nombreux sont ceux qui ne sont pas exécutés dans des délais raisonnables. En outre, les mauvais locataires sont rarement les plus soigneux : les propriétaires récupèrent souvent leur logement détérioré. En cas de mauvaise location, non seulement le bailleur ne pourra pas revendre le logement mal occupé, mais en plus il perdra de l’argent. La combinaison de l’encadrement des loyers et d’une grande protection des mauvais payeurs a transformé l’immobilier en placement à la fois peu rentable et de plus en plus risqué…

Un signe qui ne trompe pas : les investisseurs institutionnels qui ont représenté jusqu’à 25 % du marché locatif privé dans les années 1970, n’en représentent plus que 3 % aujourd’hui.

 

Les familles modestes pénalisées

Le renforcement de l’encadrement des loyers ne peut que renforcer la désincitation à la location des logements existants et à l’investissement locatif.

Ajoutons que compte tenu de l’orientation idéologique du gouvernement, les propriétaires n’anticiperont certainement pas un rééquilibrage des lois gérant la relation entre propriétaires et locataires en leur faveur, accentuant la perception du risque de perte sur investissement précédemment décrit.

Ces premières mesures gouvernementales vont tarir un peu plus l’investissement locatif et donc l’offre de logements décents et abordables. En outre, elles renforceront les exigences des bailleurs quant aux garanties exigées des aspirants locataires : cela nuira aux familles les plus modestes, dont les prochains rapports de la fondation Abbé Pierre souligneront, année après année, l’infortune croissante.

 

Les solutions que nous ne verrons pas

Nous avons vu que le privé ne serait guère incité à produire les 350 000 logements annuels rêvés par Mme Duflot. L’État n’aura sans doute pas l’argent nécessaire pour financer les 150 000 logements sociaux annoncés, et il est peu probable qu’il puisse renouveler des dispositifs de subvention de type Robien ou Scellier, ce qu’il ne faut pas regretter, tant ces béquilles fiscales conduisent le plus souvent à une très mauvaise allocation des ressources.

Les pistes explorées par le gouvernement se bornent à rafistoler le triptyque logement social – niches fiscales – encadrement des baux appliqué sans faiblir par la gauche comme la droite depuis l’après-guerre et qui a amplement prouvé son incapacité à améliorer les conditions de logement des plus modestes.

Un changement de paradigme fondé sur une plus grande liberté des acteurs privés du logement serait à même de renverser cette spirale de l’échec : une libéralisation foncière non limitée au secteur public abaisserait fortement les coûts du logement neuf (5), forçant l’ancien à revenir à des niveaux raisonnables. Les loyers baissant moins vite, les rendements locatifs redeviendraient plus attractifs, incitant les propriétaires à ne pas laisser vides leurs logements, et les investisseurs, notamment les institutionnels, à revenir sur un marché qu’ils ont depuis longtemps déserté, et ce sans recours à de coûteux cataplasmes fiscaux.

Enfin, un moindre laxisme vis-à-vis des mauvais payeurs, loin d’être inhumain, créerait au contraire une véritable incitation à la remise sur le marché de logements attractifs mais aujourd’hui vacants, soulageant la peine de ménages aujourd’hui maintenus à la porte du logement. Le Québec, où l’on expulse rapidement les mauvais locataires, même en hiver, ne connaît pas de pénurie de logement locatif, les ménages modestes y trouvent à se loger sans avoir à présenter un paquet de garanties et les expulsions y sont rares, les familles dont le logement devient trop cher à la suite d’un coup dur financier trouvant facilement à se reloger à moindre prix avant que l’huissier n’ait à intervenir (6).

Dans un tel contexte, la demande d’intervention sociale en faveur du logement se limiterait à des familles réellement très modestes, à un coût raisonnable pour la collectivité, et ne nécessiterait pas que l’État torde le bras aux élus locaux en menaçant de multiplier par 5  les représailles financières envers ceux qui estiment que le salut en la matière ne passe pas par la discutable loi SRU. Car non contentes de ne pas atteindre leurs objectifs, nos lois jacobines, niant aux élus locaux le droit à rechercher des solutions plus intelligentes que celles concoctées par les grands ministères, sont une offense à la démocratie locale. Et si on osait la liberté pour sortir enfin de la crise du logement ?

——–

 

À lire également :

Article initialement paru dans La Revue Parlementaire (septembre 2012).

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  • ce décret est inconstitutionnel. La cour de justice européenne a déjà jugé que ce genre de mesure est une forme d’expropriation (ce qui est pur bon sens et parfaite logique, de par l’atteinte à l’usufruit), alors que la constitution (préambule, partie DDHC) impose un dédommagement préalable à toute expropriation. Que ce décret ne prévoit pas…

    On n’a en a donc rien à foutre et si l’administration cherche à s’en prévaloir, elle se fera exploser la tête par le tribunal administratif.

    • Tout impôt est une expropriation, pourtant on n’est pas dédommagé. Non vraiment ne pas se fier à des textes contre textes, tout peut cohabité en parfaite contradiction, pourvu qu’on brouille le vocabulaire.

  • « Ce sont donc environ 400 000 logements en zones « tendues » qui pourraient trouver facilement un locataire mais que leurs possesseurs laissent volontairement vides….

    …Aussi les conflits pour non paiement de loyers sont-ils en progression constante, et si 100 000 jugements d’éviction ont été prononcés en 2010″

    La rumeur n’est pas bonne conseilllère.

  • Pas du tout d’accord avec le dernier paragraphe, qui est en contradiction avec un souhait exprimé plus haut « libéralisation foncière … ». Qui détient les clés du foncier : les maires via le PLU et les COS. Sous la pression des électeurs, ils limitent voire refusent la construction de logements sociaux ou intermédiaires(« un maire batisseur est un maire battu »).
    La gauche a instauré la loi SRU, mais a permis aux maires d’y échapper en payant une amende (avec l’argent du contribuable, bien sur). La droite critique cette loi, mais n’a pas eu le courage de l’abroger.

    La crise du logement est un problème national, sa solution ne peut être entre les mains des 36000 maires des 36000 communes de France. Il faut leur enlever leur pouvoir en matière d’urbanisme, en commençant par ceux qui refusent de batir du social, et transférer ce pouvoir à un échelon supérieur (communauté de communes, département ?) moins sensible au clientélisme local.

    Pour sortir de la crise, il faut construire. Pour construire, il faut du foncier qui ne doit plus dépendre des roitelets locaux. Pour construire une autoroute ou une ligne TGV, on ne demande pas leur avis à chaque maire de chaque commune traversée. Avoir un toit serait-il moins important que se déplacer ?

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