Montebourg en marinière : le « made in France » est-il la solution ?

Le « made in France » est en réalité un argument populiste, dangereux et sans aucun fondement théorique.

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Montebourg en marinière : le « made in France » est-il la solution ?

Publié le 20 octobre 2012
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En couverture du Parisien magazine, posant en marinière, le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg s’assume en égérie du « Made in France », un argument en réalité populiste, dangereux et sans aucun fondement théorique.

Par Pierre Garello(*).

Publié en collaboration avec UnMondeLibre.

En France , le « made in France » qui avait donné le « la » d’une campagne présidentielle quelque peu déprimante, a enfin trouvé son porte-étendard : Arnaud de Montebourg posant en marinière avec un mixer Moulinex à la main. Vive la démondialisation ? Il est sans doute nécessaire de revenir sur cette « vague ».

Rappelons d’abord quelques chiffres. Si « la France » importe dans presque tous les secteurs de l’économie, ces importations sont particulièrement importantes dans les secteurs des produits industriels (181Mds€), des équipements électriques, électroniques et informatiques (96,7Mds€), dans les matériels de transport (64,3Mds€), et dans le secteur de l’énergie (pétrole, gaz, produits raffinés : 47,3Mds€). Sans surprise, nos importations de services représentent des sommes bien moins importantes puisque le service demeure bien souvent une activité par essence de proximité.

Ces chiffres d’importations sont-ils une mauvaise nouvelle ? Pour répondre il faut se tourner vers les chiffres des exportations cette fois-ci, et ceux-ci indiquent que la France exporte également dans ces secteurs, et souvent pour des montants à peu près identiques ! « Nous » importons et exportons des voitures ; « nous » importons et exportons des avions, « nous » importons et exportons des produits électroniques, « nous » importons et exportons des produits alimentaires, etc. Il n’y a guère que dans le secteur de l’énergie que nous importons beaucoup plus que nous exportons.

Allons plus loin : lorsqu’on importe un produit, il y a bien souvent des composantes qui viennent de France. Prenons par exemple une voiture allemande, conspuée d’ailleurs par M. Bayrou [1]. Une Audi peut être équipée de pneus Michelin : plutôt une bonne nouvelle pour la firme française. Par ailleurs, les importations sont souvent des importations de produits intermédiaires. Par exemple, on importe du pétrole ou des composants afin de produire des biens en France qui seront ensuite exportés. Réduire ces importations pénaliserait lourdement nos exportations !

Regardons la photo « promo » de M. Montebourg : le soit-disant Made in France est en réalité produit pour une bonne part avec des fibres textiles (marinière), des minerais de métal (mixer ou mécanismes de montre) ou des mécanismes (montre) ou encore du pétrole (plastique du mixer) provenant à coup sûr de l’étranger… Ces produits exhibés fièrement par le Ministre du Redressement Productif sont en réalité Made in Monde ! Juste finis en France.

La question des importations et des exportations et donc bien plus complexe qu’on le prétend. Et freiner les importations en augmentant les tarifs douaniers par exemple, ou en mettant des quotas aurait pour résultat que les produits coûteraient plus cher et seraient dans bien des cas de moins bonne qualité. Donc les entreprises françaises paieraient un prix plus élevé pour leurs fournitures et donc auraient plus de mal… à exporter.

La France est cinquième exportateur mondial. Faudrait-il se couper du monde avec une politique protectionniste ? En particulier à l’égard de l’Asie ? Ces pays répondront par des représailles. Et si « nous » ne commerçons plus avec l’Asie, nos exportations baisseront de façon substantielle. La France est aussi le cinquième PIB mondial (derrière les États-Unis, la Chine, le Japon et l’Allemagne). L’analyse économique nous enseigne que l’on se développe en échangeant (principe de la division du travail). Une économie développée est donc systématiquement une économie qui exporte beaucoup et qui importe beaucoup.

Beaucoup critiquent le « modèle allemand ». Il y a de bonnes choses faites en Allemagne et il y en a de mauvaises. Sans doute pouvons-nous nous inspirer de certaines politiques globales qui visent à faciliter la création d’entreprises, qui facilitent la fluidité de la demande et de l’offre de travail, qui permettent l’innovation dans les secteurs de la formation et de l’apprentissage, qui maintiennent les charges sociales à un niveau raisonnable. Par contre, évitons les « paris fait par la Nation » du genre : « nous allons conserver nos industries et développer nos propres sources d’énergie ». Non pas que l’industrie soit un mauvais secteur ou que les nouvelles sources d’énergie ne soient pas intéressantes. Mais concentrer toute l’énergie des entrepreneurs et des employés (et des contribuables) dans une direction choisie par un groupe d’experts soi-disant éclairés est extrêmement dangereux. Les politiques industrielles, qui reviennent à la mode dans le discours politique, font plus de mal que de bien pour la bonne et simple raison que les décideurs ne sont jamais… les payeurs.

Le « made in France » est en réalité un argument populiste, dangereux et sans aucun fondement théorique. Pour ceux qui, comme Arnaud Montebourg, mettent en avant ces arguments, la France va mal à cause des autres et il faudrait vivre en autarcie. Cette position est ridicule. Ce qu’il faut souhaiter c’est que la terre entière achète du « Made in France » parce que nos produits auront une réputation de bon rapport qualité/prix. Voilà ce que nous devons viser.

—-
Sur le web.

(*) Pierre Garello est professeur d’économie à l’Université d’Aix-Marseille et directeur de recherches à l’Institut de recherche en économie et fiscalité (www.irefeurope.org)

Note :

  1. L’article disait, en reprenant une information parue dans la presse, que M. Bayrou roulait en Audi, une marque allemande. Une information en partie fausse que nous avons retirée (la voiture étant, selon François Bayrou, celle d’un ami).
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