Zhang Weiying, un économiste autrichien en Chine

Libéral dans un pays communiste, économiste dans une machine bureaucratique, Zhang Weiying est une figure étonnante parmi l’élite chinoise actuelle.

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Zhang Weiying, un économiste autrichien en Chine

Publié le 20 octobre 2012
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Libéral dans un pays communiste, économiste dans une machine bureaucratique, Zhang Weiying est une figure étonnante parmi l’élite chinoise actuelle. Tandis que le pouvoir central continue à engager programmes keynésiens sur programmes keynésiens, sa voix appréciée et respectée commence à avoir un impact sur la politique économique chinoise.

Par Benoît Malbranque.

Zhang Weiying (photo de Rohit Chawla).

« Qu’ils soient bons ou mauvais, tous les événements qui interviennent dans le monde social actuel sont le résultat d’idées. Il apparait donc nécessaire de lutter contre les mauvaises idées. » [1] Ce grand principe de l’économiste Ludwig von Mises, le chinois Zhang Weiying en a fait le sien, et c’est sur le terrain des idées qu’il entend mener le combat. Ses références ? Friedrich Hayek, Ludwig von Mises, et Murray Rothbard, mais aussi Ronald Reagan et Margaret Thatcher. Son adversaire ? L’orthodoxie keynésienne qui forme la base idéologique des décisions politiques chinoises et qui, affirme-t-il, conduit le pays vers la ruine. Ainsi qu’il le rappelait dans un article paru dans le Wall Street Journal il y a quelques mois, « ce sont les idées qui déterminerons le futur de la Chine » [2]. Au fond, cette conviction constitue déjà une forme de rejet des principes marxiste-léniniste qui dominent la Chine.

En termes d’idées, Zhang est un original. Dans un pays encore marqué par la tradition confucéenne et l’idéologie marxiste-léniniste dans sa forme « maoïsée »,  il se présente comme un disciple de Hayek et de l’école autrichienne d’économie.  Ces idées ne sont pas très répandues en Chine, et il le sait. Comme il l’expliquait déjà il y a quelques mois, « il est difficile, voire impossible de trouver quelqu’un parmi l’élite intellectuelle chinoise qui explique publiquement qu’il faudrait non pas autant ou même davantage d’intervention étatique qu’aujourd’hui, mais moins » [3]. Tout au long de son parcours, il avait été un marginal. En 1983, au moment de ses études, il avait écrit un article expliquant que l’argent n’était pas quelque chose de mauvais, une thèse déjà provocatrice étant donné le climat intellectuel de l’époque.

Dans un ouvrage publié cette année, il a continué sur cette voie. Il y affirme que seule la logique du marché et des réformes favorisant l’esprit d’entreprise peuvent solutionner les problèmes auxquelles la Chine est désormais confrontée. « Dans ce livre, je défends le marché, l’entreprenariat, et l’idée d’une société ouverte » écrit-il dès l’introduction [4]. Zhang explique les échecs et de la voie réformiste et de la réaction traditionaliste par leur refus de réduire l’intervention de l’État dans l’économie, laquelle seule peut garantir une croissance forte et durable. Il reconnait que cette idée d’une réforme pro-marché et pro-capitalisme ne constitue pas l’agenda actuel du régime chinois, lequel reste encore accroché aux dogmes de l’argent facile, des plans de relance, de la gestion publique de l’activité économique par le planisme, et, en somme, d’une forte intervention du gouvernement dans la vie économique. Selon Zhang, seul un changement de mentalité sur ces questions permettra à la Chine d’éviter le déclin ou la stagnation qui s’annonce déjà pour elle. « Si ces idées sont remplacées, nous aurons un magnifique futur » écrit-il même avec enthousiasme [5].

Pour un observateur européen habitué à considérer la Chine comme l’une des dernières voitures communistes encore en circulation, les mots de cet économiste sont étonnants.

Une meilleure voie est imaginable. Si nous ouvrons le secteur de la santé au marché et aux capitaux privés, nous observerons que les coûts des services de santé et la difficulté d’en obtenir serait grandement diminuée. Si nous permettions aux capitaux privés d’investir dans nos écoles et de fonder de nouvelles universités, le niveau de l’éducation en Chine augmenterait. Si nous créions un gouvernement constitutionnel et établissions le pouvoir absolu de la loi, alors le pouvoir du gouvernement serait placé sous l’autorité d’un État de Droit. Nous verrions ainsi moins de cas de vol et de démolition de propriété dont les gouvernements locaux se rendent coupables et qui provoquent des centaines de milliers de révoltes chaque année. [6]

Le Wall Street Journal publiait vendredi dernier son entretien avec cet économiste plus autrichien que chinois, et revenait sur son influence croissante.

Comme l’article le rappelle, les conclusions que Zhang avait tiré de la crise économique et financière sortaient très largement du cadre d’analyse à la mode de nos jours. En 2009, dans un discours intitulé « Enterrons le keynésianisme » il avait expliqué en quoi l’offre surabondante de crédit avait provoqué des déséquilibres majeurs dans la structure productive de l’économie et avait conduit à la formation de bulles, puis à une crise inévitable. Dans des termes à la fois très précis et très durs en même temps, il indiquait qu’une nouvelle politique d’argent facile ne pourrait pas solutionner une crise causée par cette même politique. « Aujourd’hui l’économie est comme un accro à la drogue, et la prescription du médecin c’est de la morphine, expliquait-il alors. Le résultat final sera encore pire. » [7]

À cette époque, il se présentait déjà comme un disciple de Friedrich Hayek et de l’école autrichienne d’économie. Il était considéré comme un marginal. Il parlait des thèmes favoris de ces économistes autrichiens : les cycles économiques, l’expansion artificielle du crédit, et les malinvestissements. « Zhang Weiying prévenait depuis longtemps que les programmes de relance budgétaire mènerait à des malinvestissements » raconte le Wall Street Journal. « Il n’a pas été écouté. Mais désormais les ministres invitent ce disciple de Hayek à s’exprimer. » [8] En effet, depuis que la croissance chinoise s’essouffle et que des pressions inflationnistes se font dangereusement sentir, les dirigeants chinois sentent qu’il est peut-être temps de changer leur fusil d’épaule.

Les années du « miracle chinois » avec une croissance à deux chiffres paraissent bien loin. Selon les chiffres communiqués par Pékin durant l’été, la croissance chinoise aurait été de 7,6% sur les douze derniers mois. Certains analystes européens parlent quant à eux de 1%. Pour autant, la bataille des chiffres n’a que peu d’importance car rien ne peut cacher l’ampleur du ralentissement économique chinois. Les investissements publics de l’État ont provoqué des distorsions majeures dans la structure productive de l’économie du pays et l’inflation robuste a désormais du mal à être contrôlée. « En d’autres termes, explicite bien le Wall Street Journal, les mesures de relance ont prouvé la véracité des théories autrichiennes de M. Zhang. » [9]

L’élite au pouvoir commence donc à écouter cet économiste longtemps ignoré. Ses articles sont lus par de nombreux ministres, tous ayant besoin de comprendre quelles réformes pourraient favoriser le redémarrage de l’économie chinoise. En 2002, la chaine publique CCTV l’avait désigné « économiste de l’année », et depuis, son influence n’a cessé de croître. Récemment, Zhang a écrit un article sur l’économiste Murray Rothbard et sur ses idées. Après l’avoir lu, le secrétaire du Parti Communiste à Shanghai lui a confié avoir beaucoup apprécié. L’économie autrichienne n’est pas encore à la mode en Chine, mais elle commence à séduire. En tout cas, elle fait partie du débat, et c’est là l’essentiel.

À travers le monde, un nombre croissant d’économistes œuvrent conjointement pour apposer les derniers clous sur le cercueil du keynésianisme. Zhang Weijing est l’un des plus brillants et des plus prometteurs d’entre eux. Encourageants, les efforts de celui que certains appellent déjà le « Friedrich Hayek chinois » [10] incitent à considérer avec optimiste la tendance prise par le mouvement des idées en matière d’économie.

—-
Notes :

  1. Ludwig von Mises, Economic Policy: Thoughts for Today and Tomorrow, Chicago, Illinois, Regnery Gateway, 1979, p. 105.
  2. Zhang Weiying, « Ideas will determine China’s future », Wall Street Journal, 1er Août 2012.
  3. Zhang Weiying, « Ideas will determine China’s future », Wall Street Journal, 1er Août 2012.
  4. Zhang Weiying, Changer la Chine. La voie à suivre pour réformer la Chine, (titre original : 什么改变中国. 中国改革的全景和路径), CITIC Press Corp., 2012, p.12.
  5. Ibid., p.16.
  6. Ibid., p.15
  7. Abheek Bhattacharya, « Zhang Weiying: China’s Anti-Keynesian Insurgent », Wall Street Journal, 12 Octobre 2012.
  8. Abheek Bhattacharya, « Zhang Weiying: China’s Anti-Keynesian Insurgent », Wall Street Journal, 12 Octobre 2012.
  9. Abheek Bhattacharya, « Zhang Weiying: China’s Anti-Keynesian Insurgent », Wall Street Journal, 12 Octobre 2012.
  10. Charles Rowley, “Friedrich Hayek is alive and well and now lives in Beijing”.
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  • Au rythme ou vont les choses, les Français vont rester les derniers Keynésiens.

  • « solutionner » est un barbarisme étatique. Il faut résoudre les problèmes

  • On est vraiment mail! Si les chinois font vraiment le grand saut vers une économie responsable on va vraiment déguster…
    Ce qui est vraiment intéressant dans l’histoire c’est que cela pourrait démontrer que la démocratie n’est finalement pas les système optimal pour le développement éonomique (Singapour l’a déjà plus ou moins prouvé d’ailleurs) et qu’il suffit en faite de simplement appliquer des règles justes (issu du droit naturel) qui s’applique à tous (pouvoir compris) sans rien demander à personne (la justice et l’économie ne sont pas une question d’opinion fusse t elle majoritaire)

  • Vraiment, les libéraux racontent n’importe quoi. moi seule détient la vérité absolue, avec ma secte verte Non mais !

  • D’ici à ce que ce genre de théories obtienne la même écoute attentive de la part des politiciens français…

  • Avec un peu de chance, c’est eux qui nous enverrons des sacs de riz, pour pouvoir au moins avoir un repas par jour.

    J’imagine bien qu’avec les réformes socialistes qui nous attendent, les seuls riches seront les hauts fonctionnaires.

  • La dette chinoise va naitre de la baisse de croissance.

  • en 1983, il y avait belle lurette que le  » camarade deng  » avait dit aux chinois de s’enrichir !
    le fait qu’un tel economiste ne soit pas deja au goulag ou pire, est la preuve que le système chinois n’est plus marxiste-leniniste.
     » la croissance chinoise n’est que de 7,6%  » . avec 0,1 %, en france, on a les victoires que l’on peut.
     » quelles reformes pourrait favoriser le redemarrage de l’economie chinoise  » . de quoi parle-t-on ? l’auteur ne confondrait-il pas la chine avec le japon ,, ou la grèce? ou la france ?

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