Aides à la presse : les chiffres

Vos impôts servent à financer chaque année plusieurs centaines de millions d’euros de subvention à la presse. Et ce ne sont que les aides directes.

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Aides à la presse : les chiffres

Publié le 26 octobre 2012
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Vos impôts servent à financer chaque année plusieurs centaines de millions d’euros d’aides à la presse.

Par Alexis Vintray.

Nos confrères d’Owni.fr (un autre pure player de l’information en ligne) ont mis en ligne hier un rapport de l’Assemblée nationale sur l’économie de la presse. Une bombe qui révèle les montants exacts des subventions reçues par chacun des grands journaux et permet au citoyen et contribuable de se faire une bonne idée de la situation actuelle.

Présenté le 24 octobre par son auteur, le député Michel Françaix, ce rapport entend lister les principales aides directes à la presse. Entendre par là qu’il ne prend pas en compte les aides indirectes, exercice que Contrepoints a fait pour avoir l’image complète des aides à la presse. Nous y reviendrons plus bas.

De quoi sont constituées ces aides directes ?

En 2013, les aides directes à la presse vous coûteront 516 millions d’euros, selon les chiffres du projet de loi de finances 2013 (PLF 2013) cités par le rapport. Un demi milliard d’euros, même si on note une petite baisse par rapport à 2012. Rapporté au nombre de titulaires de la carte de presse (39 000 en 2006), cela fait plus de 13 000 euros par journaliste.

La première forme d’aide en montant provient des aides postales. Pour subventionner « un support qui n’est plus d’avenir » (le papier) selon les termes même du rapport, le contribuable verse donc chaque année 249 millions d’euros, (+32,4 millions en supplément en 2013, soit 281 millions) en aides directes à la presse.

Pour financer une agence de presse française (l’AFP), l’État paie chaque année 119 millions d’euros en abonnements à l’agence. Des abonnements qu’il ne prendrait pas, ou sûrement nettement moins, si le gouvernement considérait l’AFP comme un fournisseur normal.

Dans le même registre, ne négligeons pas les aides versées pour la restructuration de Presstalis, anciennes NMPP (28 millions). Le blocage durable des NMPP par le syndicat du livre CGT a abouti à rendre les coûts de distribution de la presse en France parmi les plus élevés d’Europe.

Le portage des journaux est lui aussi très subventionné, à hauteur de 37,5 millions pour la PLF2013. Des chiffres en très forte hausse depuis 2009 inclus, avec pour ambition de développer le portage. Or, comme le note le rapporteur, l’apparition de la subvention est allée de pair avec une croissance… plus lente qu’auparavant du portage.

Plus choquant, vos impôts servent à financer à hauteur de 12 millions d’euros des subventions à des titres hautement politisés ou religieux, selon le raisonnement que leur positionnement les prive de recettes publicitaires, que l’État doit donc compenser… Ainsi, au titre de la diversité politique, le quotidien communiste L’Humanité a perçu 3,1 millions, le quotidien catholique La Croix 3 millions et Libération 2,9 millions.

Après toutes ces aides et bonnes dernières avec des montants bien plus faibles viennent les aides pour permettre au secteur de se moderniser : financement de plans de départs pour 20 millions d’euros, fonds de modernisation pour 33,5 millions.

Des aides confuses et contradictoires

Le bilan dressé par Michel Françaix du panorama des aides est extrêmement noir : aucune cohésion d’ensemble, saupoudrage, aides contradictoires. Ainsi des aides à la diffusion postale, qui représentent 60 % du total, alors que la volonté affichée est de développer… le portage qui lui bénéficie « uniquement » d’une quarantaine de millions, avec les résultats mentionnés précédemment.

De même, la quasi totalité des aides est dirigée vers les supports papier en déclin, alors que la sortie de crise pour la presse se fera assurément sur Internet.

Enfin, une part très importante des aides à la diffusion (postale ou portage) bénéficie à des titres dont on est en droit de se demander s’ils doivent être aidés par l’État :  Télé 7 jours ne bénéficie de pas moins de 7,3 millions d’euros d’aides directes, 4,8 millions pour Télé Star, etc. Si on regarde les principaux bénéficiaires de l’aide directe du programme presse et des aides postales (en jargon parlementaire), on obtient le graphe suivant (nous avons choisi de nous arrêter avant Paris Match, Télé 7 Jours, etc.) :

La lecture du rapport intégral est instructive, le lecteur intéressé le trouvera sur Owni.

Des aides indirectes qui coûtent également cher aux contribuables

Ce décompte pourtant déjà extrêmement élevé, ne prend pas en compte les aides indirectes, non chiffrées dans ce rapport. On peut en identifier au moins deux majeures, coûtant au contribuable au moins 235 millions d’euros selon nos estimations 1 :

  • TVA ultra réduite à 2,1 %, versus 19,6 % pour les autres produits. Pour donner un ordre de grandeur, sachant que les recettes des ventes de la presse étaient attendues pour 2010 par l’Insee à 5,7 milliards d’euros, si on compare le taux de 2,1 % au taux de 5,5 % appliqué aux produits de première nécessité, cela représente une aide indirecte de 194 millions (5,5 % – 2,1% * 5,7 milliards d’euros). Si la presse payait le taux normal de 19,6 %, l’aide indirecte représenterait près d’un milliard.
  • Niche fiscale pour les journalistes, qui peuvent déduire 7650 euros de leur revenu imposable et ainsi réduire nettement leurs impôts, tout en bénéficiant d’aides soumises à conditions de ressources. En 2010, alors qu’il était ministre du Budget, François Barouin reconnaissait officiellement qu’il s’agissait d’une « aide indirecte à la presse« . Sachant qu’il y avait 37 009 titulaires de la carte de presse en France en 2006 et en prenant l’hypothèse qu’ils gagnaient en moyenne au moins 11 897 euros par an (le taux marginal de l’IR étant donc au moins de 14 %), le coût de cette aide indirecte est d’au moins 39,6 millions.

Ceux qui espèrent à la suite de ce rapport une suppression des subventions à la presse en seront malheureusement pour leurs frais, le député semblant plus enclin à changer la façon dont les aides sont accordées qu’à les supprimer purement et simplement, malgré le déficit abyssal des comptes publics. Ainsi Michel Françaix d’écrire :

Dans le contexte de révolution industrielle que vit la presse, le rôle des pouvoirs publics ne doit pas être d’empêcher mais d’accompagner une mutation irréversible.

Toutefois, il faut saluer la transparence que ce rapport permet enfin, en donnant au citoyen l’information dont il a besoin pour se faire entendre auprès de ses représentants.

À vous d’agir !

À Contrepoints nous sommes fiers de n’accepter aucune subvention et de ne vivre que de nos revenus commerciaux et de vos dons. Soyez assurés que nous refuserons toujours toute subvention. La condition d’une démocratie saine est à nos yeux l’absence totale de subventions, qui donnent aux politiques des moyens de pression sur la presse, biaisent le jeu politique et sont injustes car payées par tous au profit de quelques-uns. Si vous partagez ces idées, signez la pétition pour la fin des subventions à la presse. Vous pouvez aussi nous aider à exister par un don en ligne.

  1. Ces estimations rapides ne prétendent pas avoir de caractère scientifique. Nous accueillons avec plaisir toute remarque sur ce sujet en commentaire
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  • Dans ce pays, quel secteur d’activité ne reçoit pas, sous une forme ou une autre , de subventions ?

    • Mauvaise question.

      De toute façon la charge fiscale totale est répartie sur tout le monde, il n’y a pas de miracle ni de création ex-nihilo, la presse comme le reste de la société française supporte le poids de l’état plutôt ce soit que le contraire, aides ou pas. Chaque dépense publique forcée par nos gouvernants se traduit par moins de richesse pour tous. Néanmoins la proximité avec le pouvoir a tendance à alléger cette charge, et donc ça la reporte sur les autres.

      La bonne question serait de se demander à quel point défavoriser les uns plus ou moins que les autres les fait sombrer plus ou moins vite dans la dépendance… Diviser pour mieux régner ? A voir l’unanimité gauchisante de nos médias (même jusqu’à La Croix ! ) ça marche bien, et même très bien…

      • Comment ça « même jusqu’à La Croix » ? Leur merde socialiste déversée à destination des catholiques bien-pensant n’a rien de catholique ! Dans son essence, le catholicisme est bien plus libéral que socialiste. Il a développé la notion de Charité au prochain, libre et gratuite ; la défense de la propriété privé ; la distinction entre for interne (ce qui concerne la personne uniquement) et for externe (ses actions qui la mettent en lien avec la société) ; mais jamais il n’a reconnu l’injustice socialiste, la solidarité, etc…

        (Un Catholique, lecteur assidu de Contrepoints, anti-socialiste, anti-marxiste, anti-droite, anti-gauche)

    • Dans ce pays, quel secteur d’activité reçoit autant de subvention que les journaux?
      Quel autre catégorie de professionnelle en France peuvent déduire de leur revenu imposable 7650€ et ainsi réduire nettement leurs impôts, tout en bénéficiant d’aides soumises à conditions de ressources.

      Je me rappelle quand Renault à bénéficié d’une aide sur les dix dernières années, c’était un emprunt de 5 milliards d’euros, à rembourser, évidemment!!! Tout le monde à trouver cela scandaleux en particulier la presse.
      Quand la presse bénéficie d’une aide durant les dix dernières années (et même avant) de 5 milliards d’euros étalé sur dix, c’était un don de 5 milliards d’euros, à garder, évidemment!!! Tout le monde trouve cela normal en particulier la presse.

    • Le marché de la drogue ! Et il est florissant !

  • Sans oublié les obligations de publication d annonces légales (création société, appel d’offre, …) dans d’obscure publication dont la propriété mériterait une enquête et qui serait avantageusement remplaçable par site web public avec recherche et alertes automatique

  • Pour parler sincrement…Etat un responsable de PMEs, je cherche benoitement à reprendre par les subsides ce que l’Etat me prend en taxe, ce qui grosso modo permet de revenir à une taxation « vivable ». Maintenant je le fais en âme et conscience et je reconnais le côté malsain du mécanisme puisque vous devenez dépendant du bon voiloir des puissants…

  • C’est le principe même du fonctionnement de la Mafia: on vous prélève de manière obligatoire, et on vous rend une partie si vous êtes bien comme la Mafia veut que vous soyez: cela lui permet une ingérence dans vos affaires (la Mafia en question peut alors avoir une influence sur vos prix, vos marges, les personnes avec qui vous faisez affaire).

    Plus de 700 millions d’aides (directes et indirectes) à la presse française d’après l’article, pour un chiffre d’affaire d’environ 10 milliards (d’après le lien Insee), cela représente 7%, ce qui doit être assez proches du profit net de cette même presse. Bref, ils dépendent de l’Etat pour la totalité de leurs profits… ils sont nationalisés.

  • Une pétition pour supprimer toutes ces subventions serait la bienvenue.

  • INTERIMAIRES RANSTAD – MIDI PRINT

    Gallargues le Montueux, le 23 mai 2012
    A nos Amis et Camarades élus SGLCE CGT du Livre

    L’intérim est l’indicateur conjoncturel de la baisse d’activité ou de la réorganisation de celle-ci, l’élection présidentielle passée et nous nous en doutions, relance les plans de restructuration en veilleuses.
    L’intérim a été développé pour augmenter la flexibilité et peser sur le cout du travail afin de maintenir le taux de profit de l’industriel. Il est plus facile pour les grandes entreprises de se débarrasser ainsi de salariés précaires que de mettre en œuvre des plans sociaux touchant leur propre personnel.
    Et nous ne sommes pas dupés par les réorganisations successives de la presse, largement aidées par des subventions de l’état.
    Accord de 1976 diminution des effectifs 35%.
    Accord de 1989 583 ouvriers ont quitté la profession.
    Accord de 1992 422 ouvriers ont quitté la profession.
    Convention 2005 586 ouvriers ont quitté la profession.
    Et ça continu…
    Avec comme finalité « en finir » avec les ouvriers du livre CGT.
    Le groupe d’imprimerie qui nous emploie sert de sas aux restructurations finales des éditeurs nationaux de presse.
    Appliquant la stratégie de l’entonnoir échelonné dans le temps, il parait évident qu’en se désengageant de l’impression, les éditeurs en accord avec l’imprimeur unique, basculent leurs personnels vers un seul pôle d’impression qui lui, avec ses nombreuses imprimeries jouera avec le volume de tirage et le nombre de titres, tantôt fait dans une imprimerie tantôt dans l’autre ,mutant ainsi les salariés créant de substantielle baisse d’effectif au coup par coup afin d’éviter de fort mouvement sociaux, puis à terme dans le cadre de sa propre réorganisation mettra en place un autre plan social sous couvert de redondance, sonnant ainsi le glas des ouvriers du livre CGT
    Les grands capitaux, de la banque, l’armement etc… propriétaire de titre nationaux ou le profit à court termes à plus d’importance que les valeurs de fonds de la profession, dévoient l’information à la simple communication et propagande, réduisant certain titre à de vulgaire support publicitaire agrémenté en copié collé de quelque article issus de source AFP sans besoin journalistique. Cette stratégie, trace la voie du déclin de la presse écrite .Ils s’acharnent à nous convaincre de la fin du support papier au profit du tout numérique et utilisent les aides de l’état non pas pour ouvrir l’information écrite à la proximité du citoyen de tout âge ni pour entreprendre une refonte fondamentale de la liberté d’informé. Mais pour casser progressivement l’institution qu’est la vraie presse, du journalisme d’investigation aux ouvriers de l’impression.
    Ils soulignent en plus avec amertumes dans un rapport sénatorial le droit de regard de la CGT sur le recrutement datant de 1944 et les rémunérations de ceux-ci considéré par les éditeurs comme un surcout.
    Les propriétaires d’éditions actuels n’ayant aucun lien historique avec la presse écrite, essaient de nous faire croire qu’il est contre nature de lier l’édition à l’impression. N’en déplaise à ces Monsieur depuis la création de l’imprimerie, l’histoire en atteste , l’Impression et l’Edition sont intimement liées.
    Ces quelques lignes, cher Camarade, pour te faire part de notre analyse et de nos inquiétudes, aux vues des diverses mutations en cours, sachant que l’intérimaire est le premier sortant en cas de restructuration, qu’en sera-t-il après le dernier intérimaire sorti ?

    • ….N’en déplaise à ces Monsieur depuis la création de la paysannerie, l’histoire en atteste , la société et le monde agricole sont intimement liés.
      Ces quelques lignes, cher Camarade, pour te faire part de notre analyse et de nos inquiétudes, aux vues des diverses mutations en cours.

      Signez pour le retour massif de la population à la terre !
      (ET accessoirement soutenez nos camarades des locomotives à vapeur et des mines)

  • Attendez l’année prochaine… On verra si le soit-disant journal libéral « L’Opinion » l’est vraiment.

  • ça ne m’étonne pas que de plus en plus de créateur d’entreprise vont s’exiler à l’étranger pour monter leur business.
    Selon les estimations 2014 les sociétés offshore vont voir une croissance de plus de 20% …
    A voir …

    Merci pour l’article
    Elie

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