La proposition de résolution initiée par les sénateurs du groupe CRG-SPG, qui fait ressurgir la police de proximité, présente au moins l’intérêt de susciter une réflexion globale sur la sécurité.
Par Roseline Letteron.
Madame Éliane Assassi, sénatrice de Seine Saint Denis et une vingtaine de sénateurs du groupe CRG-SPC (qui rassemble les membres du Parti communiste et du Parti de gauche) ont déposé le 6 juillet 2012 une proposition de résolution « relative à la politique de la France en matière de sécurité », qui devrait bientôt être examinée par le Sénat. Sous cet intitulé très général, les auteurs de la proposition veulent affirmer qu' »il est indispensable de rétablir une police de proximité – peu importe le nom qu’on lui donne (…)« .
La résolution parlementaire
Ce type de résolution trouve son origine dans la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui a introduit un nouvel article 34-1 dans la Constitution. Il autorise chaque assemblée parlementaire à voter des résolutions, c’est-à -dire à donner un avis, sur des questions de son choix. La Constitution précise cependant que ces résolutions ne doivent, en aucun cas, engager la responsabilité gouvernementale. Cela n’empêche pas le gouvernement de susciter le vote de résolutions dans le but de tester la volonté parlementaire de mener à bien une réforme. C’est ainsi, par exemple, que la résolution votée par l’Assemblée nationale le 12 mai 2010 a mis en lumière l’existence d’une solide majorité en faveur de la loi sur l’interdiction du voile intégral dans l’espace public. Il n’est guère douteux qu’un vote largement majoritaire de la résolution sur la police de proximité pourrait conduire à officialiser, dans la loi, une nouvelle doctrine d’emploi des forces de sécurité.
Théoriser une pratique ancienne
La police de proximité repose sur trois piliers. Le premier réside dans une approche globale de l’ordre public qui comporte une triple démarche préventive, dissuasive et répressive. Le second, dans une intervention au cÅ“ur de la population, dans laquelle les forces de police doivent se fondre afin de répondre à ses attentes en matière de sécurité. Le troisième enfin impose une série de coopérations entre l’État et les collectivités territoriales, mais aussi entre les collectivités publiques et le secteur associatif, afin de permettre une meilleure mobilisation en faveur de la sécurité. Cette définition, qui a suscité bon nombre d’études et de débats, ne fait finalement que théoriser une pratique déjà bien connue. C’est ainsi que le fonctionnement de la Gendarmerie a toujours reposé sur une connaissance aussi profonde que possible du territoire et une coopération étroite avec les élus locaux. Autrement dit, la Gendarmerie faisait de la police de proximité comme monsieur Jourdain de la prose, sans le savoir.
Si la notion de police de proximité a été initiée dès 1998 par Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l’intérieur du gouvernement Jospin, elle a donné à une expérimentation très progressive, avant d’être généralisée par la loi du 29 août 2002 d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.
Aucun bilan sérieux n’a pu être établi de cette pratique nouvelle car Nicolas Sarkozy a mis brutalement fin à la police de proximité. Ministre de l’intérieur, il a affirmé, lors d’une visite au commissariat de Bellefontaine en février 2003, avec un sens de la nuance qui lui est propre, que « la police n’est pas là pour organiser des tournois sportifs mais pour arrêter des délinquants« . La police de proximité a donc été abandonnée, au profit d’une politique dirigée dans deux directions. D’une part, une démarche résolument sécuritaire s’est traduite par le développement considérable des fichiers, du recours à la biométrie et à la vidéosurveillance. D’autre part, un renforcement de la répression pénale a suscité notamment la mise en place des peines planchers, de la rétention de sûreté, de la mise en question de la justice des mineurs.
Aujourd’hui, la proposition de résolution initiée par les sénateurs du groupe CRG-SPG fait ressurgir la police de proximité. Nul ne sait si cette tentative aboutira, mais elle présente au moins l’intérêt de susciter une réflexion globale sur la sécurité.
Droit à la sécurité ou égalité devant la sécurité
Les pseudo-criminologues ont souvent prétendu, ces dernières années, qu’il existait un droit à la sécurité. Il ne figure pourtant dans aucune disposition constitutionnelle, et le Conseil constitutionnel s’est limité, dans une décision du 22 juillet 1980, à affirmer que « la sécurité des personnes et des biens » est un « principe de valeur constitutionnelle ». Encore s’agissait-il, à l’époque, de justifier la limitation du droit des grève pour les personnes travaillant dans des sites nucléaires, et non pas de garantir un droit à la sécurité dont pourraient se prévaloir les citoyens. Seule la loi, ou plus exactement les lois successives, déclarent depuis 1995 que « la sécurité est un droit fondamental », formulation reprise par tous les textes sécuritaires, de manière quelque peu incantatoire, sans que ces dispositions se voient attribuer un contenu normatif précis.
La notion de police de proximité présente l’intérêt de ne pas susciter la recherche d’un hypothétique droit à la sécurité. À dire vrai, cette consécration est bien inutile dès lors qu’est garantie l’égalité des citoyens devant la sécurité. Il s’agit en effet d’irriguer l’ensemble du territoire, de s’assurer qu’aucun espace n’est à l’écart de la politique publique de sécurité, soit parce que la délinquance en a fait une zone de non droit abandonnée des pouvoirs publics, soit parce que la faible densité de population a servi à justifier la réduction des personnels, la fermeture des commissariats ou le regroupement des brigades de gendarmerie. Dans tous les cas, il ne s’agit plus de développer un discours sécuritaire de nature dogmatique, mais d’assurer tout simplement la sécurité, préoccupation essentiellement pragmatique.
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