Vous avez dit égalité ? (1) Les bases du concept

Bien loin d’être un étalon de la performance d’un système, l’égalité est un pur concept opératoire, qui doit trouver sa définition de l’extérieur, définition différente pour chaque domaine d’activité.

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Vous avez dit égalité ? (1) Les bases du concept

Publié le 1 novembre 2012
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Bien loin d’être un étalon de la performance d’un système, l’égalité est un pur concept opératoire, qui doit trouver sa définition de l’extérieur, définition différente pour chaque domaine d’activité.

Par Stanislas Kowalski.

Quand les réformes se succèdent à un rythme affolant et ne résolvent rien, il faut s’attendre à un effondrement. Il arrive nécessairement un moment où une société atteint son point critique d’incohérence. Un pont peut entrer en résonance, c’est-à-dire se mettre à vibrer sous l’effet du vent ou de toute autre contrainte, de telle sorte que les mouvements vont aller en s’amplifiant jusqu’à la rupture de l’édifice. À mesure qu’elles se complexifient et s’enrichissent, les sociétés sollicitent de plus en plus les résistances humaines et doivent contenir des forces contradictoires de plus en plus grandes. Il arrive un moment où ces forces ne trouvent plus leur équilibre que dans un mouvement de balancier.

En matière d’éducation et sans doute aussi en économie et en politique, nos sociétés occidentales sont entrées dans un de ces mouvements frénétiques sans direction apparente. On en arrive curieusement à se réjouir de l’alternance politique. Faire et défaire. Où est le progrès ? Mais cela ne serait rien, si c’était le signe d’un conservatisme tranquille. Au-delà des fluctuations, il y a des problèmes qui prennent de l’ampleur. Réformes sur réformes ne résolvent pas le problème du chômage, et il n’y a que des artifices statistiques pour masquer son augmentation structurelle. La durée de vie des programmes scolaires n’atteint pas la moitié du temps passé par les enfants sur les bancs de l’école obligatoire. Les codes de lois augmentent de façon exponentielle, sans que la justice soit mieux rendue, loin s’en faut. Et nous pouvons constater conjointement une baisse de qualité des services publics et une augmentation des déficits, malgré une augmentation parallèle des taux d’imposition. On a dû se tromper quelque part. Obstination dans l’erreur, échec systématique des solutions proposées. Comment est-ce possible ? Sans doute cela vient-il de ce que les questions sont mal posées et les termes du débat trompeurs.

Il conviendrait donc d’analyser les concepts qui sous-tendent nos débats de société. Je veux parler de ces concepts qu’on retrouve à peu près dans tous les camps, de ces valeurs dont tout le monde semble se réclamer et qui n’ont pas le même sens pour tout le monde. Dans cette série d’articles, je me concentrerai sur l’égalité. Il s’agit en effet du principal critère mis en avant pour réclamer les réformes. Il sert à justifier aussi bien la fiscalité que la suppression des notes ou le mariage gay. Je vais essayer ici de montrer que, bien loin d’être un étalon de la performance d’un système, l’égalité est un pur concept opératoire, qui doit trouver sa définition de l’extérieur, définition différente pour chaque domaine d’activité. Dans les articles suivants j’essaierai d’en tirer quelques conséquences pour les grands débats de société en cours.

Pour y voir clair, faisons donc un petit tour du côté des mathématiques. Poser une égalité revient toujours à faire abstraction. En mathématiques on manipule de purs concepts, il n’y a donc pas de problème à dire : 3 x 4 = 4 x 3
Mais si je veux appliquer ces nombres à des réalités concrètes et mesurables, une difficulté apparaît immédiatement. Puis-je dire par exemple que 3 paquets de 4 biscuits reviennent au même que 4 paquets de 3 biscuits ? Oui, si j’ouvre tous les paquets et que je les mange en une seule fois. Non, si j’organise par exemple un grand jeu dans la forêt et que je veux distribuer le goûter aux participants. Pour l’intendant, la multiplication ne sera pas toujours commutative. Soit dit en passant, je me demande si ce décalage entre le concept abstrait et les applications pratiques n’expliquerait pas les difficultés d’apprentissage de certains élèves. Quoi qu’il en soit, on voit bien qu’en posant l’égalité 3 x 4 = 4 x 3, j’ai procédé à une abstraction, en éliminant un facteur que je jugeais sans intérêt, à savoir la composition des paquets.

On trouve la même chose en poésie. Je me plais beaucoup à écrire au tableau : 3 x 4 ≠ 4 x 3
D’abord parce que c’est vrai d’un point de vue rythmique, ensuite parce que ça permet de repérer les élèves qui ne suivent pas. On les voit se réveiller, quand ils se demandent ce que ça vient faire en cours de français et comment le professeur peut être assez bête pour écrire un truc pareil ! Les bons élèves, eux, ont déjà compris que le rythme d’un tétramètre classique – « Tout m’affli/ge et me nuit/ et conspi/re à me nuire » (Racine) – n’est pas du tout le même que celui d’un trimètre romantique – « J’ai disloqué/ ce grand niais/ d’alexandrin » (Hugo). Pourtant, vous avez bel et bien douze syllabes à chaque fois.

En géométrie je pourrais, comme le fait Marie-Laure Izorche, m’amuser à comparer des triangles et déclarer égaux des triangles dont l’aire est identique mais le périmètre différent, des triangles ayant des angles égaux mais des tailles différentes, ou des triangles ayant exactement les mêmes dimensions mais différents par l’encre avec laquelle ils ont été tracés. À l’extrême, des triangles en tout point identiques (taille, forme, couleur) mais placés différemment dans l’espace, par exemple l’un tourné vers le bas et l’autre vers le haut, ont-il la même signification ? Rien n’est moins sûr. Je peux employer l’un pour dire oui et l’autre pour dire non. Je peux les employer pour symboliser le masculin et le féminin. Et dès lors, je peux tenir tous les triangles pour inégaux, chacun ayant sa singularité irréductible. Et pourtant ces figures sont très comparables et tant que je n’ai pas de code pour les interpréter, je peux aussi bien les tenir pour interchangeables. Je pourrais même affirmer que fondamentalement, tous les triangles sont égaux, en ce qu’ils ont tous trois côtés, trois angles et quelques propriétés communes. Tout dépend des critères que je veux retenir pour porter mon jugement. Reste à savoir évidemment, si les critères retenus sont pertinents pour le genre de problème que j’ai à résoudre ? Mon triangle est-il un symbole dans un message codé ou la structure de base d’un projet architectural ?

À suivre…

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