Affaire Aurore Martin : et l’État de droit ?

La France autorise l’extradition d’Aurore Martin pour un délit non condamnable en France. Et l’état de droit M. Valls ?

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Aurore Martin en public en 2011 (Photo: Ezker Abertzalea)

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Affaire Aurore Martin : et l’État de droit ?

Publié le 4 novembre 2012
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La France autorise l’extradition d’Aurore Martin pour un délit non condamnable en France. Et l’État de droit M. Valls ?

Un billet d’humeur du Parisien Libéral.

Aurore Martin en public en 2011 (Photo: Ezker Abertzalea)

Il s’est passé quelque chose d’assez incroyable avant hier. Comme le rappelle PaSiDupe (lire Valls a extradé la militante basque française Aurore Martin) ou d’autres médias, la France a extradé l’une de ses ressortissantes accusée à l’étranger d’un délit (d’opinion) non condamnable en France. En effet, cette militante basque est visée depuis le 13 octobre 2010 par un mandat émis par un magistrat madrilène pour «faits de participation à une organisation terroriste, et terrorisme». Elle est accusée d’avoir participé en Espagne à des réunions publiques comme membre de Batasuna, branche politique de l’organisation séparatiste basque ETA, organisations interdites en Espagne (mais pas en France, a priori).

Aurore Martin n’est a priori pas une sainte mais elle ne semble n’avoir tué personne.

Par contre, il y a cette triste histoire dite « affaire Zeitouni« , du nom de cette jeune Israélienne de 25 ans décédée en septembre 2011 après avoir été renversée le 16 septembre 2011 au petit matin dans une rue de Tel-Aviv par le 4 x 4 de deux ressortissants français sortant de boite de nuit. Ces deux français,  qui avaient aussitôt pris la fuite vers l’Hexagone, s’appellent, si on en croit Le Monde, Le Parisien ou le Jerusalem Post Claude Khayat et Éric Robic.

Voila deux personnes suspectées d’avoir tué, et extradables vers un pays démocratique et ami. Valls va t-il extrader ? Il y a une plainte en France contre ces deux individus, d’après Veronique Chemla.

Les autorités rwandaises accusent Alain Juppé de complicité dans le génocide des Tutsi. Valls va t-il extrader ?

En revanche, quand un directeur général du FMI est mis en examen pour possible viol, dans un pays démocratique avec une justice indépendante, alors, le très paisible Valls s’emporte (voir Valls revient sur l’affaire DSK : triste … , un billet du 20 mai 2011). Il est vrai qu’en France, le viol n’est pas un crime très grave. On peut s’en sortir à bon compte.

Il ne s’agit pas de dire si Aurore Martin est coupable de quoi que ce soit, ou pas. Il s’agit simplement de rappeler, qu’en théorie, l’article 5 de la loi du 10 mars 1927 (qui dit « L’extradition n’est pas accordée lorsque l’individu, objet de la demande, est un citoyen ou un protégé français, la qualité de citoyen ou de protégé étant appréciée à l’époque de l’infraction pour laquelle l’extradition est requise ») aurait dû protéger Aurore Martin, en théorie.

La plupart des citoyens français sont d’honnêtes gens qui n’ont rien à se reprocher. Ils ne verront donc pas l’intérêt de défendre, non pas une présumé terroriste basque, mais les droits de cette présumée terroriste. Après tout, quand on n’a rien à se reprocher, n’est-ce pas ?

Détrompez-vous. Petit à petit, l’État bascule dans l’illégalité, d’abord avec les vrais criminels, puis les délinquants présumés, et enfin avec tout le monde, et ce grâce à des outils illégaux mais acceptés parce que tournés contre la criminalité. Vous pensez qu’au nom de notre sécurité, il faut laisser faire n’importe quoi ? (acquittement de policiers accusés de violence, extradition de nationaux, recel ministériel de listes volées de comptes bancaires non déclarés, etc ?). Souvenez-vous du poème du pasteur Niemoller.

Lorsqu’ils sont venus chercher les communistes 
Je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste. 
Lorsqu’ils sont venus chercher les syndicalistes 
Je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste. 
Lorsqu’ils sont venus chercher les Juifs 
Je n’ai rien dit, je n’étais pas Juif. 
Puis ils sont venus me chercher 
Et il ne restait plus personne pour protester.

Que le crime soit illégal et doit être puni, ça ne souffre aucun débat. Mais penser ?


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  • Quid des accords européens vs le droit français?
    L’expulsion de A Martin s’est déroulée dans le cadre d’accords européens de justice suite à une demande de l’Espagne validée après que les recours de cette dernière aient été épuisés. Cette expulsion s’est donc déroulée dans un cadre parfaitement légal du point de vue Européen.
    La question est donc de savoir que deviennent les lois Françaises vs les lois Européennes et de savoir si la morale l’emporte sur la loi comme semble le suggérer cet article.

    • Bonne question et il en est ainsi car droit européen a primauté sur le droit national. On peut le regretter, mais comme disent les sioux (dans les film de cap et d’épée): dura lex, sed lex!

      Après il y a la question morale et l’attitude du gouvernement en la matière est scandaleuse.

  • On peut tout à fait regretter ces deux poids deux mesures dès lors que l’on parle de supposés terroristes à qui l’on applique trop souvent des « justices » d’exception.
    Cependant, lorsque l’auteur ici déclare que Aurore Martin n’a comme tort que d’avoir participé à des réunions, il me semble que c’est le rôle des enquêteurs que démontrer dans quoi et jusqu’à quel point cette dame (que je ne connais pas) était impliquée, et à un juge/jury de trancher.
    L’auteur a, il me semble, le tort de déjà conclure qu’elle est innocente, ou seulement coupable de crimepensée.

    Mais je rejoins encore une fois tany sur « morale vs loi ».

    • @No comment: Ca ne vous choque pas que cette femme soit extradee et enfermee AVAMT que l’enquete ne soit achevee? Vous dites en somme que les enqueteurs n’ont pas fini le boulot. Ben qu’ils le finissent avant d’enfermer les individus et les priver de liberte. C’est trop leur demander ?

  • La loi du 10 mars 1927 a été abrogée par la Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 – Article 20.
    Je vois bien la teneur de l’article.
    Mais appeler à l’état de droit en invoquant une loi abrogée…
    Après sur l’aspect moral, d’accord d’accord…

  • Sur le fond je pense qu’un État ne devrait pas extrader ses ressortissants mais les juger lui-même, c’est une prérogative souveraine. Et beaucoup plus important encore il ne devrait jamais extrader une personne (même étrangère) pour des actes qui ne serait pas illégaux sur son territoire, c’est une question de justice élémentaire.

    Néanmoins je trouve l’article est assez confus. En réalité ce qu’il faut dénoncer c’est la logique même de la construction européenne qui repose sur des abandons de souveraineté et sur la reconnaissance automatique de décisions étrangères.

  • Au contraire le non droit c’était quand les terroristes (et leurs soutiens) se contentaient de passer la frontière pour profiter de l’aile protectrice de la France ( merci Mitterrand). Si il y a bien une intégration européenne positive a mener ça serait sur la collaboration policière inter états. Les criminels eux ne se gênent pas .

    • Pas besoin d’intégration européenne : il était déjà possible d’extrader les terroristes qui n’avait pas la nationalité française, et de juger ceux qui l’avait, indépendamment du lieu où ils ont commis leurs crimes. L’exécutif pouvait s’y opposer, mais après tout il a bien le droit de grâce pour les crimes commis en France.

      Enfin le plus important c’est qu’Aurore Martin n’est même pas, en droit français, une terroriste.

  • Jusqu’à preuve du contraire, mettre hors d’état de nuire des militants socialo-marxistes violents ou appelant à la violence, dans le respect des textes de loi (dont on peut discuter de la pertinence, mais c’est un autre sujet), n’est pas incompatible avec la vie, la liberté, la propriété privée, la démocratie, la paix civile et toussa. On a beaucoup de mal à partager la position du Parisien qui apparaît ici plutôt antilibéral.

    • tout dépend des moyens : pour un libéral la fin ne justifie pas les moyens, et le respect de l’état de droit est un principe plus important que la lutte contre les malfaisants. L’auteur dénonce une entorse à l’état de droit que les méfaits réels ou supposés de cette personne ne justifierait pas ; certes, cette dénonciation se trouve déstabilisée par la remarque de Kiergaard (si la loi supposée interdire la pratique a été abrogée, il n’y a plus de problème d’état de droit), mais la démarche restait profondément libérale.

      • Voilà. De ce que j’ai compris de l’affaire, elle était sous le coup d’un mandat d’arrêt européen (http://europa.eu/legislation_summaries/justice_freedom_security/judicial_cooperation_in_criminal_matters/l33167_fr.htm). Je renouvelle donc mon profond étonnement à propos de cet article du Parisien qui paraît incompréhensible pour un libéral.

        • Mandat d’arrêt européen ou pas, l’ancienne législation interdisait l’extradition d’une française. Le Parisien s’appuyant (à tort) sur cette ancienne législation dénonçait à bon droit, et de façon parfaitement libérale, cette entorse à l’état de droit (tel qu’il le percevait, à tort semble-t-il encore une fois). L’article est clair et compréhensible et libéral … et erroné (la législation nouvelle permet semble-t-il l’extradition par la France d’un français) , mais ça ne condamne pas la démarche.

          Après, on peut discuter de savoir si l’extradition par un état d’un de ses ressortissant est légitime ou pas, et si c’est une matière où le gouvernement fait ce qu’il veut comme il veut. En pratique, permettre au gouvernement de faire ce qu’il veut en la matière revient à l’autoriser à décider si le droit qui s’applique à toi c’est le droit national, ou le droit d’un pays étranger qui en fait le demande si le gouvernement est d’accord (ici le droit espagnol, là, pourquoi pas, le droit iranien ou chinois ou cubain ou américain ou rwandais).

          Vu comme ça, il me semble assez clair que cette extradition n’est pas libérale, et je suis sur la même ligne que Arn0 plus haut : nous devons lavez notre linge sale en famille, juger si il y a lieu les méfaits commis à l’étranger (y compris les infractions routières comme cette autre affaire évoquée : il n’est pas normal que l’auteur d’un acte aussi grave reste impuni simplement parce qu’il a été commis à l’étranger), et pas livrer à l’étranger l’auteur (présumé). Ça n’exclut pas une collaboration avec l’étranger, si le peuple a agréé la démarche (et seulement dans ce cas)

  • On peut quand même parler ici de délit d’opinion, et de la liberté de les exprimer, à laquelle j’imagine les libéraux tiennent. Peu importe du reste ce qu’on pense de Batasuna.
    Je me demandais si les libéraux s’empareraient du sujet, je suis contente de trouver cet article sur Contrepoints. C’est vrai quoi, on ne vous entend que sur l’économie, c’est sympa aussi d’entendre parler de droit !

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