A bien des égards, la propriété intellectuelle semble être, dans notre société de l’information, le sujet le plus technique et le plus polémique qui puisse exister.
Par Jean-Baptiste Gévart.
A bien des égards, la propriété intellectuelle semble être, dans notre société de l’information, le sujet le plus technique et le plus polémique qui puisse exister. Pas un jour sans une actualité ou une prise de position sur ce sujet, pas une journée sans confusion sur cette question sensible. Le combat politique est particulièrement violent sur la question du droit d’auteur et du droit des brevets, à laquelle nous nous consacrerons. Plutôt que de reprendre en ces quelques lignes le continuel débat entre pro et anti-propriété intellectuelle, nous choisissons d’éclairer la question sous un angle différent : pourquoi la propriété intellectuelle existe-t-elle ? La réponse donnée à cette question est un premier pas qui nous permettra, par la suite, d’évaluer l’efficience du droit de la propriété intellectuelle. À défaut, il nous faudra étudier les alternatives en présence.
Historiquement, deux grandes raisons reviennent pour justifier l’existence de droits de propriété intellectuelle : l’incitation à la création et à l’innovation pour les auteurs et les inventeurs, et la diffusion de la culture et la promotion du progrès technique. Ces objectifs fondamentaux supposent toutefois un postulat dont nous signalerons simplement qu’il n’est pas démontré : l’auteur, comme l’inventeur, ne serait pas incité à créer et verrait ses efforts ruinés s’il n’était pas protégé contre la copie de son travail par un tiers.
Il en découle naturellement que les droits de propriété intellectuelle s’incarnent en autant de monopoles, de privilèges, accordés par l’État aux auteurs et aux inventeurs, leur offrant non pas une autorisation d’exploiter mais le droit d’interdire aux tiers l’exploitation de leurs œuvres et de leurs inventions. La spécificité de ce monopole est qu’il ne porte pas sur un bien matériel, mais sur une chose immatérielle. À y regarder de plus près, cette chose immatérielle possède toutes les caractéristiques de l’information : elle peut être reproduite presque gratuitement et instantanément, sans que celui qui la développe n’en perde l’usage, tandis que sa circulation profite à tous ceux qui la reçoivent.
Sous l’appellation de « propriété intellectuelle » se cache ainsi un mécanisme consistant à réserver l’exploitation d’une information – un film, un livre ou le contenu d’un brevet – au profit d’un seul. La propriété intellectuelle est d’une nature qui s’oppose frontalement à celle du droit de propriété et à la liberté du commerce, ainsi que l’ont constaté tour à tour les consommateurs amateurs de produits culturels et les entreprises, entravées par des brevets placés comme autant de barrières à l’entrée d’un marché. Cette opposition se révèle régulièrement et par éclat, notamment lors des procédures engagées contre les membres de réseaux peer-to-peer et contre les entreprises pharmaceutiques du tiers-monde. Il est peu dire que la propriété intellectuelle n’a pas bonne presse. De fait, la volonté originelle de protéger les auteurs et les inventeurs a été dépassée, dans l’esprit du public, par un conflit systématique entre producteurs et consommateurs d’information.
À cette tension s’ajoute un lobbying particulièrement présent dans l’élaboration de nouvelles règles qui a permis, entre autres et sans réel débat préalable, l’émergence de droits protégeant les semi-conducteurs, les nouvelles variétés végétales ou encore les bases de données… Le champ du droit des brevets a lui-même été étendu jusqu’aux inventions constituées par l’application technique d’une fonction du corps humain et aux inventions portant sur les végétaux et les animaux, tandis que la durée du droit d’auteur passait à 70 ans après la mort de l’auteur. Cette dernière élongation de la durée des droits, si peu en phase avec nos habitudes de consommation, est symptomatique du passage d’un système incitatif à un système de rente, dans lequel les titulaires de droits sont incités à protéger leurs droits et à les faire fructifier plutôt que d’innover ou de créer.
Malgré ce système aux allures parfois impérialistes, des alternatives à la logique monopolistique se sont construites progressivement. Grâce à Internet s’est propagé un grand nombre d’œuvres libres, les auteurs renonçant par avance à tout ou partie de leurs droits patrimoniaux – l’auteur n’ayant pas le droit de renoncer à son droit moral – pour mieux laisser les tiers utiliser leurs œuvres, les améliorer et les partager.
Avec le logiciel libre, Internet a vu aussi croître le nombre des encyclopédies participatives, des artistes en recherche de célébrité et des sites de partage de contenus de toutes sortes. Engoncées dans un système régi par le brevet, les entreprises innovantes connaissent quant à elles la nécessité de mettre en commun leurs brevets pour pouvoir demeurer compétitives et, lorsque le coût du dépôt de brevet est trop élevé, n’hésitent plus à publier leurs résultats pour empêcher toute prise de brevet ultérieure.
À ce stade apparaît la limite de la propriété intellectuelle : son coût. Coût pour les entreprises, qui doivent tout à la fois protéger leurs droits par le contrat ou le contentieux, veiller à ne pas porter atteinte aux droits de leurs concurrents et s’adapter aux évolutions juridiques. Coût pour la société, qui doit consacrer le temps de ses institutions à la protection de ces droits. Coût, enfin, pour le consommateur et le contribuable, sur qui se répercute l’ensemble de ces frictions. En admettant que son efficience ne va pas de soi, nous admettons que ce droit n’est pas adapté à toutes les nations et à toutes les époques, et qu’il doit être examiné rigoureusement comme ce qu’il est : une exception aux principes de liberté du commerce et de propriété, dont la légitimité dépend de l’équilibre entre les objectifs que la société cherche à atteindre et son coût social.
Sans opter pour une position radicale, requérant la fin de la propriété intellectuelle pour rétablir l’emprise du droit de propriété, quelques pistes nous semblent particulièrement pertinentes et plus aisées à suivre pour libérer la culture et l’innovation. Ainsi, la simple possibilité donnée à chacun de fixer lui-même le contour qu’il entend donner aux droits portant sur son œuvre et la protection de ces droits par le contrat permettrait dès à présent de sécuriser la culture libre. De même, un contrôle plus ferme de la brevetabilité éviterait la multiplication de brevets à faible valeur ajoutée pour la société.
Enfin, toute évolution du droit de la propriété intellectuelle devrait être soumise à l’analyse économique afin d’en connaître la pertinence au regard des objectifs visés. Le droit d’auteur comme le droit de brevet ayant des durées limitées, le temps fera le reste…
La propriété intellectuelle, un sujet qui déclenche des débats nombreux chez les libéraux. Lisez notre dossier spécial pour vous faire votre opinion!
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Faut pas confondre les choses.
Si je passe 2 ans à faire un soft à temps plein (après 15 ans à apprendre le métier) et qu’on ne me paie pas je vais plus me crever ni à faire le bidule ni à apprendre comment en faire et je me vois mal organiser des concert pour faire payer l’accès au soft.
Ce n’est pas du « lobbying » que de vouloir faire respecter ses droits fondamentaux concernant le produit de son travail: Le contrat est clair: je demande un paiement pour mes milliers d’heure de travail, si il est injustifié personne ne l’achètera ou je devrais baisser mes prix. Par contre si tout le monde l’utilise sans payer c’est une violation de mes droits, ça reste du pillage pur et simple.
Si j’ai sorti un truc que tout le monde peux faire aussi il suffit de chercher la version libre forcément faite par un autre: La encore le marché décide. Dans le cas contraire c’est que mon produit apporte bien une valeur et il vaut bien un paiement.
Article incohérent dont seul le dernier paragraphe est sensé.
La propriété intellectuelle est un droit fondamental ( et absolu ) de l »être humain, dont l’exercice est saboté par les gens de l » Etat — ce qu’il faut abolir, c’est l’action de l’Etat, et non la propriété !
Hum, valeur-travail, ça sent le concept marxiste.
Donc si j’ai bien compris, quelque chose dont je suis propriétaire mais acquis sans travail n’est pas à moi 🙂
« Donc si j’ai bien compris »
Non.
« ça sent le concept marxiste. »
ça me rappelle un syndicaliste que je connais, un seul mot clé suffit à le déclencher, tu lui dis « efficacité » il part aussi vite que toi avec le « travail ».
Les ravage de l’ednat en compréhension de texte.
RT @Contrepoints: Propriété intellectuelle : Libérons la #culture et l’#innovation! http://t.co/l4GiOPPz
« Sans opter pour une position radicale » lit-on après avoir dégusté ce qui est de la plus radicale des positions lue depuis toujours sur ce sujet. De qui se moque t-on ?
Il faudrait à vous lire laisser chaque créateur ou chaque inventeur décider de ce qui peut être fait ou non à raison de l’exploitation d’une invention ou d’une oeuvre quelconque ? Vous semblez ignorer que c’est déjà une alternative proposée par les lois actuellement applicables. Si je crée, je suis libre de céder ou de partager les droits avec qui bon me semble, de même que je suis libre de me réserver les fruits de mon travail, au choix.
Cet article sent la posture idéologique … Dommage.
L’article est assez démagogique, dans l’air du temps.
Mais parlons un peu du monopole.
On oublie de dire qu’un brevet est un monopole limité dans le temps. Ce qui permet de supprimer des monopoles de fait (par exemple tenus uniquement par le secret) qui peuvent perdurer sur des décennies, seule menace du capitalisme et du marché libre contre lui-même. C’est bien pour cela que les lois anti-trusts existent. Le brevet est donc un compromis qui laisse assez de temps à l’inventeur de se positionner sur le marcher avant de subir l’attaque – salvatrice pour tous – de la concurrence.
En fait les libéraux ne sont pas d’accord entre eux.
Lire l’article de wikiliberal: http://www.wikiberal.org/wiki/Propri%C3%A9t%C3%A9_intellectuelle
Article difficile sur un sujet difficile. Comme il apparait dans les commentaires, les libéraux ne sont pas d’accord entre eux…
Pourquoi ? Parce qu’on a négligé les fondamentaux.
Est une propriété ce qui est « propre » à quelqu’un, c’est à dire à personne d’autre. Par définition, rien de ce qui est public, partagé entre tous, n’est une propriété. Et comme justement, au mépris de la définition, on prétend plaquer la catégorie « propriété » à des objets auxquels elle ne peut pas s’appliquer, on ne peut raconter des conneries sans noms.
Pour no treason : la seule propriété intellectuelle, c’est le secret.
Pour Ilmryn : Tu n’as pas besoin d’un droit spécifique pour défendre tes droits, le droit commun suffit : tu as besoin d’un contrat qui donne à tes client un accès à tes secrets (le code produit) tout en leur interdisant de le diffuser eux-même ( a priori, ce n’est pas leur intérêt, si ton code est utile et compétitif le garder pour eux est aussi leur avantage)
La seule protection à assurer c’est la protection des secrets ; le reste ne pose ensuite plus de problème ; notamment, le problème des brevet-barrages est ipso facto résolu parce que ça n’interdit pas à quelqu’un d’autre de refaire la même chose si ça lui coute moins cher que d’acheter le secret au précurseur (trop gourmand)
En fait LA question en politique est la question de la propriété.
Est-elle absolue, est-elle limitée et par qui et dans quelle circonstance ?
Je suis toujours étonné de n’avoir jamais un homme politique discuter de cette question, sans doute que dans leur esprit la réponse est claire…
Si l’on veut que ce journal reste sérieux, il ne faut pas laisser n’importe qui dire n’importe quoi. La propriété, foncière ou intellectuelle, et son droit imprescriptible, est le fondement de la démocratie, c’est inscrit noir sur blanc dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.
Un peu comme la flat tax, non ?
Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen 1948
Article 17
1. Toute personne, aussi bien seule qu’en collectivité, a droit à la propriété.
2. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa propriété.
http://www.un.org/fr/documents/udhr/
Bonjour François,
Ce n’est pas si simple (re)lisez l’article du wikilibéral et le post de P.
Je ne voit pas le rapport entre propriété et démocratie (bcp de démocratie sont contre la propriété ou sa valeur inprescriptible).
Ben voyons !
Supposons que ce que vous dites est vrai. Il faut alors tout simplement arrêter la production, le commerce, donc supprimer l’universalité immémoriale avant toute théorisation de l’économie de la valeur ajoutée du travail et de la transformation, car ces derniers appartiennent en propre et depuis l’aube des temps à celui qui les apportent au produit final le long de la longue chaîne de transformation depuis le matériau brut, intelligence ou matières premières. Donc votre idée est totalement saugrenue et a-économique, ne peut en aucun cas faire partie d’un quelconque avenir basé sur la théorie de la gratuité. Même Facebook et le modèle de l’e-commerce « gratuit » reposent sur des rentrées publicitaires substantielles (ces gens sont milliardaires, je vous le rappelle) et arrivent à lever 100 milliards de $ à Wall-Street (enfin faut le dire vite). Vous en connaissez vous des philanthropes qui larguent 100 milliards de $ sur le marché financier comme cela, pour des brouettes ! Vous êtes un comique et le plus grave, c’est que la belle prose de ce texte puisse laisser croire que son auteur a un savoir et une pratique économique. Je dirige une activité économique depuis 30 ans avec les normes du CA, du bénéfice, des investissements productifs et du point mort. Hors cela point de salut, sur terre, sur mer, dans les airs, dans tous les pays du monde, même les communistes. Ceux qui vous disent le contraire sont des escrocs ou des théoriciens de l’inutile. C’est ce que j’avais compris en lisant ce texte qui sort tout droit de la bouche d’un manipulateur ou des entrailles dialectiques d’une secte. Il y en a aussi en économie. Elles ont tué l’industrie de la musique depuis 10 ans… On sait maintenant à quoi s’en tenir. Pragmatiquement : beaux discours pour gogos appauvris par le socialisme, 700 milliards d’euros spoliés, 100.000 personnes au chômage. Oui je connais votre réponse : «discours agressif», «ce qui est extrême est insignifiant», «moine copiste», etc… Si la réalité est extrême, et bien, je vous souhaite d’habiter Pluton, ce sera mieux pour vous et vos théories. Vous me rappelez un beau-frère d’extrême gauche qui disait que j’étais d’extrême droite (technique Beria, Vishinsky, Lissenko, Lénine et Goebbels réunis) alors que lui était déjà barré intellectuellement aux confins du système solaire économique. Je lui avais juste proposé d’aller habiter en URSS, là où tout était gratuit, là où il n’y avait plus rien sur les étals Il préférait rester en France. EDF, c’était mieux pour ses poches et ses avantages en nature payés par les taxes directes détournées sur la facture de l’usager. Et in fine, comme vous, il détestait l’argent, surtout celui des autres, celui des créateurs, des inventeurs, parce que lui n’arrivait pas à vivre de son génie créatif.
Je ne comprends pas votre post. Selon vous l’industrie de la musique est morte? Vous voulez dire que certains rentiers de la musique sont morts. Parce que de la musique j’en entends toujours autant à la radio à la TV sur internet dans les concerts. Je n’ai pas du tout l’impression que les musiciens aient arrêté de créer. Vous oui?
Quant aux « 700 milliards d’euros spoliés », je ne prendrai même pas la peine de commenter (ça fait 1400€ pour chacun des 500 millions d’habitant de l’UE, et ça vous paraît plausible)
Je me suis trompé : c’est 700 millions d’euros spoliés (chiffre officiel de l’association des producteurs et éditeurs phonographiques)
reBonjour François 🙂
Je n’ai pas de position tranché sur les droits intellectuels.
Je vous demande simplement de lire wikilibéral sur la question.
700millions d’euros et 100000emplois ça fait 7000 € par emploi. Ca aussi ça vous paraît plausible?
S’il est amusant d’observer ces artistes subventionnés qui refusent que leurs œuvres soient publiques, il est aussi franchement intéressant de constater que les développeurs sont très rarement propriétaires de leur code, comme les chercheur ne sont pas généralement pas les propriétaires de la molécules qu’ils découvrent, contrairement aux entreprises qui les emploient. Vous savez, ces multinationales qui achètent systématiquement les startups innovantes mais incapables de payer les batteries d’avocats dont disposent leur nouveaux propriétaires…
Aussi, de quoi puis-je encore devenir propriétaire si mes biens sont tous soumis au contrôle d’un tiers ? La propriété intellectuelle nécessite qu’un architecte puisse refuser que je diffuse des photos de ma maison, qu’un auteur puisse m’empêcher de revendre des livres que j’ai payé ou qu’un musicien puisse me forcer à installer un logiciel espion dans mon PC. Elle entre donc directement en contradiction avec la propriété matérielle ; la propriété intellectuelle, c’est le vol.
« Aussi, de quoi puis-je encore devenir propriétaire si mes biens »
Plus il y a d’emmental, plus il y a de trous.
Plus il y a de trous, moins il y a d’emmental.
Donc plus il y a d’emmental, moins il y a d’emmental.
« La propriété intellectuelle nécessite qu’un architecte puisse refuser que je diffuse des photos de ma maison »
Et la liberté nécessite que je puisse venir me servir de votre femme, donc la liberté c’est mal CQFD.
« la propriété intellectuelle, c’est le vol »
Et l’ultra-libéralisme la défense des riches et le malheur du monde ?
La propriété intellectuelle supose qu’un tier a un droit sur l’alignement des bits de mon disque dur … Voir cerveau. Violation de droit de propriété.
Cette seule constation détruit la propriété intellectuelle et prouve que ce n’est pas un vrai droit de propriété,