Si les inégalités mondiales sont en baisse grâce à la mondialisation des échanges commerciaux et la libéralisation du commerce, les inégalités sont en hausse dans les pays industrialisés.
Par Le Minarchiste, depuis Montréal, Québec.
Dans son édition du 13 octobre dernier, le magazine The Economist publiait un rapport spécial de 10 articles sur les inégalités dans le monde. Le magazine qualifie cet enjeu comme étant l’un des plus importants défi de l’économie mondiale…
Première trouvaille intéressante, le coefficient Gini mondial (mesurant les inégalités de revenus) a diminué au cours des dernières années, soit depuis les années 1980 ! Cependant, il a augmenté dans certains pays industrialisés.
Avant la révolution industrielle, les inégalités étaient très faibles comparativement à aujourd’hui. Cependant, la richesse était détenue par une petite élite dominante et la mobilité entre les classes était quasi nulle. L’endroit dans le monde où les inégalités étaient les moins élevées étaient les (relativement libres) 13 colonies d’Amérique ! Puis, la révolution industrielle a fait apparaître une nouvelle classe d’entrepreneurs capitalistes alors que les habitants des campagnes sont devenus ouvriers dans les villes, augmentant ainsi leurs revenus comparativement aux agriculteurs. Le résultat a été une augmentation des inégalités, mais aussi une augmentation faramineuse du niveau de vie. Cette hausse des inégalités a été accompagnée d’une hausse de la prospérité pour toutes les classes de la société, comme c’est si souvent le cas (c’est ce qui a été observé en Chine depuis les réformes de Deng Xiaoping de 1978, ceci dit, en Chine ce sont les employés du gouvernement qui ont le plus bénéficié de la richesse, à commencer par Wen Jiabao lui-même, qui a amassé une fortune de $2.7 milliard durant son règne).
Plus récemment, l’essor de la mondialisation des échanges commerciaux (qui a accéléré au cours des années 1980) a permis à 1,5 milliard de travailleurs des pays émergents d’avoir accès au marché mondial et de constituer une nouvelle classe moyenne. C’est donc la mondialisation qui a été le catalyseur de la baisse mondiale des inégalités !
Dans les pays industrialisés cependant, les inégalités ont augmenté, et ce même dans un pays égalitariste comme la Suède. La raison est que ces pays ont transité vers un modèle économique basé sur le savoir et ont vu leur industrie manufacturière décliner. La prime salariale des travailleurs ayant un haut niveau de compétence a donc fortement augmenté. C’est ce qu’a démontré une étude de l’OCDE, qui conclue que « le changement technologique a une influence plus grande sur la dispersion des salaires que la mondialisation des échanges ».
L’étude mentionne que la part du commerce international dans le PIB mondial a augmenté d’environ 33% en 1978 à plus de 50% en 2008. Le stock d’investissements étrangers a quant à lui augmenté de 5% du PIB à environ 50% dans les pays de l’OCDE. Durant cette période d’essor de la mondialisation des échanges, leurs résultats confirment que « le niveau d’intégration au commerce mondial et l’ouverture aux marchés extérieurs n’ont pas eu d’impact significatif sur les inégalités salariales dans les pays de l’OCDE ». Donc la mondialisation n’est pas la cause de la hausse des inégalités (voir ceci à cet égard).
Au cours des 30 dernières années, plusieurs pays ont entrepris des réformes structurelles telles que l’allègement de règlementations anti-concurrentielles, l’abolition de mesures protectionnistes, la réductions des impôts et la réduction de l’assurance-chômage. Ces changements ont eu comme impact d’augmenter la dispersion salariale à l’intérieur des pays (donc de favoriser les inégalités), mais elles ont aussi engendré une forte croissance de l’emploi (ce qui diminue les inégalités). Si on combine les deux effets, ils s’annulent ; donc ces réformes n’ont pas eu d’impact sur les inégalités.
Selon une étude des professeurs Goldin et Katz de l’Université Harvard, 60% de l’augmentation des inégalités salariales aux États-Unis entre 1973 et 2005 est attribuable au fait que les jeunes n’arrivent pas à acquérir les compétences qui sont en demande dans l’économie. Il y a plusieurs raisons pour cela, l’une d’elles étant la mauvaise structure du système américain et ses coûts faramineux. Vous pouvez lire les grandes lignes de leur analyse ici. En moyenne, le nombre d’années d’éducation a augmenté de presque un an par décennie entre 1875 et 1950. Puis, un ralentissement marqué est survenu. Le nombre de nouveaux diplômés universitaires a augmenté de 3% par an entre 1915 et 1960, et de 3,8% par an entre 1960 et 1980, puis le rythme a ralenti à 2% par an entre 1980 et 2005. Ces deux tendances ont généré une forte augmentation de la prime salariale des diplômés universitaires puisque l’offre de travailleurs à haut niveau de compétence a augmenté moins vite que la demande pour ceux-ci aux États-Unis.
Comme l’explique brillamment Thomas Sowell dans son livre (voir ceci), il n’y a pas de moyen objectif d’évaluer une université. Les gens se tournent donc vers des indicateurs qui sont peu efficaces, comme la présence de professeurs vedettes, la quantité de recherches publiées, la taille de la piscine, la hauteur du mur d’escalade, la qualité des équipes sportives, etc. De l’autre côté, le gouvernement augmente sans cesses les subventions aux universités, notamment en endossant les prêts étudiants. Face à cette situation, les universités à but non-lucratif ont un fort incitatif à 1) hausser les frais de scolarité, ce qui sera absorbé par l’État et le crédit ; et 2) surinvestir dans des choses qui n’augmentent pas nécessairement la qualité de l’éducation fournie, mais qui favoriseront l’établissement dans les classements des « meilleures » universités.
Puis, de leur côté les employeurs utilisent aussi ces fameux classements « objectifs » pour évaluer leur candidats potentiels. Certaines entreprises n’engagent que des gens provenant d’établissements prestigieux de type Ivy League, qui coûtent les yeux de la tête. C’est ce qu’il faut pour accéder à un poste prestigieux. Conséquemment, l’accès aux universités qui permettront d’obtenir un emploi plus rémunérateur est réservé aux étudiants provenant de familles aisées, ce qui entretient une forme d’élitisme et nuit à la mobilité sociale.
D’ailleurs, aux États-Unis, les universités les plus sélectives et les plus dispendieuses sont celles qui reçoivent le plus de subventions gouvernementales, mais sont aussi celles qui acceptent le moins d’étudiant provenant de familles à faibles revenus (voir tableau 5 ci-bas). Les étudiants provenant de ces universités auront les meilleurs revenus par la suite tel que démontré dans le tableau 1 ci-bas. (voir ceci pour la source de ces deux tableaux)
Donc en subventionnant les universités en fonction de leurs coûts (dont une bonne partie ne sert pas à l’éducation, mais bien à améliorer leur classement), et en subventionnant les prêts étudiants dans un environnement où la Federal Reserve manipule les taux d’intérêt à la baisse, l’intervention du gouvernement américain dans l’éducation fait augmenter les frais de scolarité et favorise une forme d’élitisme qui nuit à la mobilité sociale et accentue les inégalités.
En Amérique latine, les inégalités ont fortement diminué depuis 2000. L’accès à l’éducation s’y est grandement amélioré, ce qui a augmenté l’offre de travailleurs compétents et réduit la prime salariales dont ceux-ci bénéficient. Les travailleurs moins compétents en ont eux aussi bénéficié étant moins nombreux et bénéficiant de la mondialisation et des délocalisations. D’ailleurs, l’une des solutions proposée par The Economist est les transferts conditionnels, qui ont si bien fonctionné au Brésil et au Mexique, qui consistent à ce que les familles pauvres reçoivent de l’argent tant que leurs enfants vont à l’école et reçoivent des bonus lorsque ceux-ci réussissent bien.
L’une des leçons tirées par The Economist des exemples historiques est que les meilleures politiques de réduction des inégalités ne concerne pas la redistribution des revenus, ni l’augmentation de la taille du gouvernement. Les meilleures réformes ont plutôt consisté à s’attaquer à la corruption, à la connivence entre l’État et les plutocrates, en investissant dans l’éducation et en fournissant un filet de sécurité aux plus pauvres par l’assurance-chômage.
Comme je l’expliquais dans un article antérieur, les inégalités sont une source de progrès car elles encouragent les gens à travailler plus fort, à innover et à être plus productifs, et elles encouragent les gens à investir dans leur éducation et/ou leurs compétences. C’est ce que The Economist nomme les « inégalités efficientes ».
Il y a cependant des inégalités que l’on pourrait qualifier d’inefficientes. Ce sont celles qui résultent de l’intervention étatique dans l’économie : la connivence, la corruption et le favoritisme. J’en ai décrit de nombreux exemples dans cet article. Par exemple, l’économiste Luigi Zingales de l’Université de Chicago estime que le statut de « too-big-to-fail » des banques équivaut à une subvention de $30 milliard par an (voir ceci). L’inflation est aussi une grande source d’inégalités engendrées par l’intervention de l’État à travers la banque centrale.
En fait, le vrai fléau n’est pas l’inégalité des revenus, mais plutôt le manque de mobilité entre les classes. C’est ce qu’a démontré une étude de Marrero et Rodriguez de la Banque Mondiale, étudiant le lien entre la mobilité et la croissance du PIB. L’étude de Molina, Saavedra et Narayan, aussi de la Banque Mondiale, montre une corrélation positive entre l’accès à l’éducation (mesurée par le Human Opportunity Index) et la croissance économique.
Fait intéressant, The Economist cite plusieurs études qui contredisent la thèse de Raghuram Rajan à l’égard du fait que les inégalités engendrent les crises financières (voir ceci). La thèse de Rajan était que face aux inégalités, les pauvres s’endettent pour augmenter leur consommation au même niveau que les riches, ce qui rend le système instable. Pourtant, en Chine et en Allemagne, la hausse des inégalités a été accompagnée d’une hausse du taux d’épargne, et non de l’endettement. The Economist cite aussi l’étude de Bordo et Meissner qui couvre 14 crises financières entre 1920 et 2008, ainsi que celle de Atkinson et Morelli qui porte sur 25 pays sur 100 ans, lesquelles invalident la thèse de Rajan.
Conclusion
- Les inégalités mondiales sont en baisse grâce à la mondialisation des échanges commerciaux et la libéralisation du commerce, qui ont permit à des milliards de personnes des pays émergents d’améliorer leur niveau de vie un peu plus près de celui des pays du G7.
- Les inégalités sont en hausse dans les pays industrialisés. Pour certains, comme la Suède, c’est en raison d’une libéralisation de l’économie qui a mené à une hausse des inégalités, mais aussi à une hausse de la prospérité. Pour d’autres, comme les États-Unis, c’est en raison d’une défaillance dans l’accès à l’éducation (qui résulte en majeure partie de l’intervention étatique) qui fait en sorte que l’offre de travailleurs à compétence élevée croît moins vite que la demande, augmentant la prime salariale de ces travailleurs relativement aux autres.
- Un bon moyen de contrer les inégalités « inefficientes » et de favoriser la mobilité sociale consiste à réduire l’intervention de l’État dans l’économie qui mène à la corruption et à la connivence.
- L’accès à l’éducation est aussi primordial à cet égard, mais subventionner l’éducation n’est pas nécessairement une bonne façon d’améliorer l’accessibilité.
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Sur le web.
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Penser en terme d’inégalités immédiates à un instant T, c’est comme essayer de comprendre le relief en pensant en 2D: vain. Ce qui compte ce n’est pas d’être tous exactement au niveau de notre voisin: la marche de la misère à la prospérité n’est pas une course où tout le monde part en même temps de la même ligne de départ pour arriver à la même ligne d’arrivée.
Non, ce qui compte, c’est le chemin parcouru par chacun sur cette route.
« Si les inégalités mondiales sont en baisse grâce à la mondialisation des échanges commerciaux et la libéralisation du commerce, les inégalités sont en hausse dans les pays industrialisés. »
« C’est donc la mondialisation qui a été le catalyseur de la baisse mondiale des inégalités ! »
Ce n’est pas grâce à la mondialisation des échanges ni à leur libéralisation mais plus simplement en raison de l’augmentation des richesses créées, que les inégalité peuvent se réduire.
Il manque à ce genre d’étude – ce qui est hélas habituel –, une dimension démographique.
Constats se ramenant donc à un seul : quelles qu’en soient les raisons, contrairement à une idée aussi répandue que fausse, l’augmentation de richesse globale d’une population déterminée a pour effet de réduire sa pauvreté et vice versa (M. de La Palisse n’aurait pas dit mieux) , avec comme conséquence, dans le premier cas un accroissement des écarts et donc des inégalités. Si par contre la population augmente dans le même temps, cette augmentation de population étant proportionnellement plus forte en bas qu’en haut de la pyramide sociale, il en résulte une réduction des inégalités.
C’est d’ailleurs ce qui peut expliquer, pendant une même période, une augmentation des inégalités dans les pays développés comparativement à ce qu’il en est dans ceux en voie de développement. Les inégalités s’y révèlent inversement proportionnelles à leur démographie.
Lire (gratuitement chez Amazon) à ce sujet « La pyramide sociale -Monstrueux défi »
Il n’y a pas de lien de causalité démontré qui permettrait d’expliquer la prospérité économique à partir de la démographie.
Les évolutions démographiques sont plus certainement une conséquence des évolutions économiques que l’inverse. Le fantasme de la maîtrise démographique par les divers constructivismes est toujours criminel, quel que soit les modalités ou les tentatives de justification péniblement imaginées par les héritiers rouges, verts et bruns de Malthus.