L’économie sociale et solidaire veut remplacer le libre choix par la contrainte, des projets profitables par des projets déficitaires.
Par Baptiste Créteur.
Nous fêtons en ce moment la semaine de la finance sociale et solidaire, qui vise à permettre à des projets « présentant une forte utilité sociale ou environnementale » de voir le jour.
Parce qu’on oublie trop souvent que créer de l’emploi et de la richesse, c’est mal, et qu’il vaut mieux financer des projets peu rentables en toute irrationalité ; ou parce qu’on peut rêver que ce soit le premier pas vers un financement volontaire plutôt qu’étatique de projets irrationnels ; aujourd’hui, rendons hommage avec Le Monde à un secteur en plein essor.
Comme le dit Sophie des Mazery, directrice générale de Finansol :
« La crise incite les épargnants à s’interroger sur le sens qu’ils peuvent donner à leur argent. Certains sont prêts à gagner moins si on leur montre que leur épargne peut être utile à la société. »
On pourrait se dire qu’une allocation rationnelle de l’investissement vers les secteurs les plus productifs, compétitifs et rentables est utile à la société, mais c’est sans compter sur la nature nauséabonde de l’argent.
Jean-Marc de Boni, président du directoire du financeur solidaire la Nouvelle Economie fraternelle (la Nef) commente :
« Nous sommes à une époque charnière. Les citoyens ont compris que le libéralisme était incompatible avec une répartition juste des richesses, mais on n’a pas encore changé de système. »
Une vision partagée par Jean-Guy Henckel, fondateur du réseau Cocagne :
« Nous avons devant nous quinze ans pour inventer un nouveau modèle de société. C’est possible si les entreprises, les pouvoirs publics et la société civile travaillent de concert. »
Voilà donc le nÅ“ud du problème : le libéralisme est incompatible avec une répartition juste des richesses, mais on n’a pas encore changé de système. J’oubliais que nous vivions dans un enfer libéral…
Que ceux qui le possèdent choisissent d’utiliser leur argent comme ils l’entendent n’est une bonne chose que si cela contribue à l’avènement d’un « nouveau modèle de société », pour l’avènement duquel il est nécessaire que  » les entreprises, les pouvoirs publics et la société civile travaillent de concert. » De gré ou de force, qu’on le veuille ou non, parce que la liberté et la rationalité, c’est mal. Il est mal d’investir dans des projets rentables, apportant un progrès pour leurs futurs clients, créant de la richesse, de la valeur, et sans doute de l’emploi ; il est bien d’investir dans des projets qui ne dégageront jamais de profits, mais auront le mérite de faire vivre des idées qu’on aurait longtemps abandonnées si la rationalité primait.
Au-delà de cette conception de l’économie qui veut que le besoin prime sur l’accomplissement, l’économie sociale et solidaire pourrait être une bonne chose : si ceux qui le souhaitent investissaient dans les projets moins rentables, bien-pensants à défaut d’être bien pensés, au lieu de mobiliser de force l’argent des autres, ils en sortiraient grandis. On pourrait même rêver que l’économie sociale et solidaire remplace les subventions :
« Pour répondre aux besoins de financement d’un tel chantier, la finance solidaire devra changer de braquet. Une urgence, alors que la crise affaiblit les acteurs de l’ESS et que beaucoup d’associations doivent faire face à une baisse des subventions publiques. »
Mais non, l’argent des contribuables sera en réalité utilisé pour développer l’économie sociale et solidaire en remplacement des (possibles) baisses de subventions :
« Aujourd’hui, une poignée de financeurs solidaires (France active, ADIE, Habitat et humanisme…) captent l’essentiel de l’épargne solidaire et l’orientent vers des projets qu’ils accompagnent dans la durée. Dès 2013, la future BPI encadrera leur activité et tentera de donner une nouvelle impulsion au secteur. »
Les Français contribueront donc, via la BPI, à l’essor de l’économie sociale et solidaire ; on ne prend même plus la peine de tenter de leur faire croire que le secteur a de l’avenir ou que les investissements seront rentables : l’objectif affiché de l’économie sociale et solidaire est de financer des projets non rentables. D’ailleurs, Benoît Hamon va même lui accorder une place de choix dans l’allocation clairvoyante étatique des ressources :
« Aujourd’hui, les banques doivent utiliser une partie des encours du Livret A et du LDD pour financer les PME et les travaux d’économie d’énergie. Demain, elles devraient aussi financer l’économie sociale et solidaire. De même, la création d’un label permettra aux banques de mieux identifier les projets solidaires. Ce label permettra aussi aux entreprises sociales et solidaires d’être éligibles à des financements spécifiques et d’être favorisées en cas d’appel d’offres pour des marchés publics. On pourrait aussi envisager qu’il puisse être utilisé afin que certaines de ces entreprises puissent bénéficier d’une fiscalité adoucie. […] L’assurance-vie doit soutenir davantage le secteur productif et en particulier l’ESS. Cela pourrait passer par des incitations fiscales. Une possibilité serait d’obliger les compagnies d’assurances à proposer des contrats prévoyant des investissements dans des entreprises labellisées ESS, à l’image de ce qui a été fait pour l’épargne salariale. Créer un nouveau produit, une assurance-vie solidaire qui consacrerait 5 % à 10 % de son encours au financement de projets solidaires, serait aussi une idée intéressante. […] ces investissements ont un réel impact économique et sont socialement utiles. »
Abandonnons toute rationalité, refusons de choisir le meilleur. N’investissons pas là où cela a du sens, là où cela créera de la valeur, mais là où d’autres ont un besoin. Sacrifions-nous, choisissons l’investissement le moins productif, favorisons la survie du moins adapté, et laissons mourir dans l’Å“uf les projets susceptibles de créer de la richesse. Veillons autant que faire se peut à ne pas déployer nos capacités, à ne pas innover autrement que socialement, à être aussi incompétents que possible pour ne pas menacer les projets non compétitifs.
C’est à cette seule condition que nous parviendrons à l’avènement d’un nouveau modèle de société, fondé sur l’absence de valeur. Entrons dans le monde magique de l’économie sociale et solidaire, à marche forcée ; ayons un réel impact économique négatif. Ce pays est foutu.
Je n’aurais pas dit mieux… Bravo !
Par contre, le bon coté est qu’il suffit désormais de se faire passer pour « social et solidaire » pour bénéficier des largesses du système.
Certains sont prêts à gagner moins si on leur montre que leur épargne peut être utile à la société. »
Super! des noms!
Un nouveau secteur à créer sur le modèle des intermittents
du spectacle?
Avec tous ces traine-savates que va-t’il rester pour bouffer?
Article d’une mauvaise foi sidérante. Où est-il dit que l’ESS cherche la non-rentabilité ? L’ESS ne nie pas la recherche d’une efficacité économique, simplement elle ne fait pas de la lucrativité l’alpha et l’oméga de son activité ; elle s’inscrit davantage dans l’économie réelle que dans l’économie financiarisée. Pour rappel, l’ESS représente 10 % du PIB, plus de deux millions de salariés et elle est le modèle de fonctionnement de nombreuses banques ainsi que des mutuelles. En résumé, l’ESS ne peut se limiter à la définition rapide que vous en proposez. C’est un mode de fonctionnement économique alternatif, fondé sur un mode de gouvernance qui se veut plus démocratique, qui ne renie pas la recherche de la rentabilité et cherche à produire de la richesse.
commentaire d’une mauvaise foi sidérante. Si effectivement des choses comme l’organisation des centres Leclerc ou le crédit agricole sont inclus dans l’ESS pour atteindre les fameux 10% du PIB + 2 millions de salariés (de par leur forme coopérative), il est tout aussi clair que ce n’est pas à ce genre d’entreprise que B. Hamon pense, et veut favoriser, quand il parle de « projets solidaires », « label », « favorisées en cas d’appel d’offres pour des marchés publics », « fiscalité adoucie », etc.
Encore un taré!
« Encore un taré! » ! Quel mépris de votre part.
Une fois encore l’ESS a des formes variées, et ce n’est pas nécessairement une forme d’organisation qui conduit à un manque de rentabilité. Avez-vous entendu parler du groupe SOS par exemple ? Il regroupe plusieurs organisations de l’économie sociale (insertion par l’activité économique, centres médico-sociaux, organismes de formation…) en assumant complètement la recherche d’une rentabilité. Donc écrire que l’ESS veut « remplacer des projets profitables par des projets déficitaires », oui, c’est de la mauvaise foi.
P
Par ailleurs l’ESS fait partie du paysage quotidien de nombreuses personnes : associations, centres de soin, crèches. De nombreuses activités du service à la personne sont gérées sur ce modèle. Il y a bien une production de richesse derrière tout cela, et une réelle exigence quant à la gestion. Quand une collectivité apporte une subvention à ce type de structure, il y a derrière un réel suivi pour s’assurer du bon usage des fonds alloués et de leur contribution à la dynamique du territoire.
Dommage donc d’afficher autant de mépris pour un modèle économique qui peut faire preuve d’une réelle efficacité.
Mépris ? qui a du mépris ?
N’est-ce pas du mépris pour l’économie « normale » que de prétendre que l’ESS mérite des privilèges ?
N’est pas du mépris à l’égard de l’ESS que de sous-entendre que l’ESS aurait besoin de ces privilèges pour exister et se développer ?
Du mépris à l’égard des citoyens que de penser qu’ils ne s’engageront pas dans ce chemin (supposé bon) sans le truchement de la contrainte étatique ? du mépris à l’égard des épargnants et des contribuables que leur piquer leur pognon de force pour faire ce que le pouvoir a décider ?
L’ESS, la vraie, existe là où elle peut et doit exister. Sous couvert de l’aider, il s’agit en fait de la transformer en Economie Socialiste et Solidariste d’Etat, en détruisant ce qui fait la force, la spécificité et l’intérêt de l’ESS : son caractère volontaire, local et humain.
Si ça fonctionne bien, il n’y a donc pas besoin de subventions.
Je ne sais pas si vous êtes intellectuellement très malhonnête ou simplement incapable d’effectuer la moindre recherche sérieuse avant de publier un article.
L’économie sociale et solidaire est très loin d’être celle de l’irrationalité et de la non-rentabilité.
Ces entreprises (1) font souvent preuve d’une vitalité n’a rien à envier à celles qui sont cotées en bourse. La seule différence c’est que les excédents sont très largement réinvestis dans la structure. C’est ce qu’on appelle la non lucrativité ou lucrativité-limitée. Mais le respect de cette règle n’empêche pas de mener un projet économique viable, de répondre à des appels d’offre, de mener des activités commerciales ou de vendre des biens et des services dans des secteurs parfois très concurrentiels.
L’efficacité économique est alors mise au service du projet de l’entreprise et dans l’ESS, la raison d’être du projet entrepreneurial n’est pas l’enrichissement du capital, mais la finalité sociale (2).
Quant au caractère étatique des entreprises de l’ESS, celles-ci relèvent clairement de l’initiative privée, c’est même un de leurs fondements. Cela ne les empêchent pas d’être soutenues par les pouvoirs publics lorsqu’elles mènent des actions relevant de missions de service public ou d’intérêt général.
L’ESS n’est donc pas un doux rêve, dans lequel de gentilles personnes improductives et pétries de bons sentiments se complaisent dans la charité.
Dans son rapport sur l’ESS en 2010, Francis Vercramer député de la majorité UMP, saluait déjà l’ESS comme un ensemble d’acteurs économiques compétitifs créant des emplois par nature non-délocalisables.
Le parlement européen et la Commission européenne ont également publié des rapports soulignant la pertinence des actions des entreprises de l’ESS. Une place de choix leur sera d’ailleurs accordées dans la prochaine programmation des fonds européens et la stratégie Europe 2020.
Alors s’il vous plait, la prochaine fois que vous écrivez un article, essayez de vous renseigner un peu avant, ça vous permettra de dépasser la puissance intellectuelle de propos du café du commerce.
1 Afin de contrevenir à tout ergotage sémantique relatif au terme « entreprise » : l’entreprise au sens européen correspond une entité ayant une activité économique. Voir l’arrêt Hofner de la CJCE en 1991.
2 Voir le site de l’AVISE, efficace pour arrêter avec les idées reçues – Agence pour la valorisation des initiatives socio économiques – http://www.avise.org
D’abord, vous dites : « L’économie sociale et solidaire est très loin d’être celle de l’irrationalité et de la non-rentabilité. »
Puis : « Cela ne les empêchent pas d’être soutenues par les pouvoirs publics lorsqu’elles mènent des actions relevant de missions de service public ou d’intérêt général. » et « Une place de choix leur sera d’ailleurs accordées dans la prochaine programmation des fonds européens et la stratégie Europe 2020. »
Sont-elles rentables, oui ou non ? Quelque soit la réponse, il n’y a pas lieu de les « soutenir » par de l’argent public (i.e. de l’argent du contribuable) – au même titre que n’importe quelle entreprise ou association d’ailleurs. Voilà ce que dit l’article.
Les entreprises de l’ESS, sont – comme n’importe quel agent économique -soutenues par les pouvoirs publics lorsqu’elles mènent des actions relevant de missions de service public ou d’intérêt général.
Quelle entreprise ne remplit pas ce rôle ? Elles créent de la richesse et de l’emploi, les synergies entre elles sont incommensurables, elles génèrent des opportunités pour les individus, permettent d’accéder à des biens et services de plus en plus performants pour des prix toujours moindres… Mais n’ont de sens que si elles sont rentables en l’absence d’aide étatique, c’est-à -dire si elles parviennent à susciter assez d’enthousiasme de la part de potentiels clients pour qu’ils décident d’acheter – autrement dit, si leur succès tient au choix libre des individus et non à leur contribution forcée via l’Etat.
L’intérêt général, c’est celui de tous les individus, pas celui d’un ensemble fictif qui les regrouperait tous.