Promotion Ubu Roi, dans les coulisses de l’ENA

Olivier Saby a passé 27 mois sur les bancs de l’ENA. Il raconte tout ce qu’il a vécu dans un ouvrage drôle et inquiétant à la fois. Car cette école forme ceux qui dirigent la France…

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Promotion Ubu Roi, dans les coulisses de l’ENA

Publié le 18 novembre 2012
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Olivier Saby a passé 27 mois sur les bancs de l’ENA. Il raconte tout ce qu’il a vécu dans un ouvrage drôle et inquiétant à la fois. Car cette école forme ceux qui dirigent la France…

Par Bogdan Calinescu.
Publié en collaboration avec l’aleps.

Pour bien s’intégrer, l’École offre aux nouveaux élèves trois jours de ski dans les Vosges. Sur la route, le car passe à proximité d’un ravin. Le narrateur (l’élève de l’ENA) se demande : « … et si notre car tombait dans un ravin, quel impact aurait sur le pays la disparition d’une promotion d’énarques ? » Excellente question à laquelle il est pourtant très facile de répondre : notre pays se porterait beaucoup mieux sans aucun doute. Et lorsqu’on lit ces pages avec ce qui décrit ce qu’on fait dans cette école, la réponse est encore plus évidente.

Nous avons affaire à un véritable document. Pour la première fois, un ancien élève de l’ENA témoigne sur ce qui se passe à l’intérieur de cette école. On a déjà connu plusieurs rapports sur l’ENA, des livres très instructifs comme celui de l’ancien député Jean-Michel Fourgous mais jamais de témoignage direct. Et les conclusions sont saisissantes.

L’élève de l’ENA est coulé dans un moule. Celui de l’étatisme et des réglementations. On lui apprend qu’il va diriger le pays et son économie. Qu’il sait plus que tout le monde et que les autres doivent l’écouter et le suivre. Une fois reçu, le but est de finir parmi les premiers. C’est l’assurance d’entrer à l’Inspection des finances ou à la Cour des Comptes. Le must du must. Carrière assurée. L’école accorde à chaque élève un matricule. Qui lui restera pour la vie. Cela commence dès les premières semaines, lorsque l’élève doit faire un stage dans une administration. Notre héros demande un stage à Tel-Aviv et il atterrit à Beyrouth. C’est à l’Ambassade de France qu’il saisit une grande partie du fonctionnement de la bureaucratie française : personne n’est capable de lui donner du travail et chacun s’interroge sur son rôle à l’Ambassade. D’ailleurs, la problématique libanaise n’est pas leur priorité. Ni le déclin de la langue française dans un pays traditionnellement francophile. Il reste, bien entendu, les cocktails…

À l’Ecole, les formations à l’étatisme sont aussi des erreurs de casting. Après seulement 20 jours, seulement 30% des élèves suivent encore les cours. Les autres semblent avoir compris ou l’ennui les a gagnés… Une fois, un expert de France Télévisions assène un cours sur la réduction des coûts au ministère de l’Agriculture, une autre fois, un expert de la grippe aviaire doit leur parler de l’ouverture du capital de Gaz de France.

On ne peut pas raconter toutes les histoires du livre comme un autre stage « Territoires », cette fois-ci en Bretagne. Mais on comprend très bien pourquoi l’auteur écrit que « l’ENA n’est pas une école mais un sas de vaccination contre les travers de l’administration : incohérence des instructions, absence de réflexion pédagogique, autocélébration, frustration, ennui, brimades, infantilisations ».

Anecdotes, humour, l’ouvrage est très agréable à lire malgré l’aridité du sujet. Mais le drame c’est que tout cela est bien vrai et que la France souffre terriblement de cette École.

Olivier Saby, Promotion Ubu Roi, Flammarion, 260 pages, septembre 2012.

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    • Tout à fait, les élèves de l’ENA sont pitoyables et les conséquences de leur pouvoir sont dramatiques. Ceux qui doivent côtoyer les anciens de l’ENA par obligation professionnelle le savent parfaitement.

      • J’ai la chance (ou la malchance) de connaître des énarques dans mon entourage. Une chose est certaine : ils sont dogmatiques et pensent avoir toujours raison, même dans l’erreur !

  • Il n’y a qu’a en voir les résultats avec le gouvernement que nous avons actuellement. Concentration élevée d’énarques.

  • L’ENA est un cancer pour la France.

  • J’étais dans le bus et suis navré de ne pas avoir péri dans la chute qui aurait, dans l’intérêt général, dû se produire.

    • Y a pas de mal… Pour ma part, estimant que l’intérêt général n’est qu’une invention sémantique pour permettre à la majorité de malmené la minorité, je n’ai pas la moindre empathie à son égard.
      De plus, le fait que vous soyez ici prouve que vous faites preuve de quelque chose d’assez rare chez les diplomés de grandes écoles (que je ne connais que trop bien) : la curiosité.

      Vous avez eu la chance de survivre à cette catastrophe (car s’en était une ! Quelques dizaines de mètres plus à gauche ou à droite et le car tombait !!!), à vous de rattraper les erreurs des autres membres de votre promotion 😉

      Pour en revenir au sujet : l’ENA est un mal pour la France parce qu’elle vient d’un raisonnement faussé. En gros, on créé une école qui formera une élite avec pour objectif de diriger le pays. Malheureusement, le monde (et le pays) a changé en 60 ans. Nous sommes dans la situation où nous fabriquons des clous (peut être les meilleurs du monde) alors que nous aurions besoin de vis et de boulons.

      Mais je vous rassure : la même chose touche toutes les grandes écoles, qu’elle destinent à des carrières publiques ou privées. De toute l’histoire du monde on n’a jamais sut former des stratéges et des gestionnaires compétents. On peut former des ingénieurs, des techniciens, des mathématiciens ou des historiens. Ces gens sont le parfaite symbiose entre la sapience et l’intelligence. Mais pour un stratège, il faut autre chose : l’esprit critique. Et ceci ne s’enseigne pas.

      • l’ENA est quand même différente des grandes écoles pour deux raisons
        1) elle a un client unique : l’état (et même une fraction de plus en plus restreinte de l’état)
        2) elle dispose d’un monopole légal à l’égard de ce client
        Les grandes écoles ont des clients variés, et sont en concurrence avec d’autres filières de formation. Elle s’adaptent au monde, ou elles chutent, remplacées par d’autres qui remplissent mieux la fonction. Pas l’ENA (ni l’école des impôts, ni l’école des inspecteurs du travail , etc. : il y a plein de petites soeurs de l’ENA qui font, à leur échelle plus modeste, autant de mal pour les mêmes raisons )

        J’ai l’habitude de me foutre des énarques : ce sont des handicapés à qui on réserve des quotas de postes, sans quoi ils seraient à la rue, personne ne veut les embaucher (même dans l’administration, et même quand l’employeur est lui-même énarque !). Ça leur fait mal mais ils ne peuvent rien dire, ils savent que c’est vrai.
        La plupart des énarques de valeur (il y en a), ce sont des « faux », ceux qui sont passés par le « tour extérieur » (la promotion interne de gens qui se sont correctement débrouillés) ; mais les postes importants iront aux cons patentés.

      • Le débat est important et les commentaires successifs suscitent chez moi pas mal de questions.

        Un ingénieur ou un historien qui fait aussi l’ENA aura-t-il grâce à vos yeux ou est-ce l’ENA qui pervertit tout ?

        Comment doit-on recruter les fonctionnaires ?

        Un jeune sorti d’université ou d’école a-t-il le droit de devenir fonctionnaire ou faut-il supprimer le concours externe et ne garder que le concours interne et le troisième concours ?

        NB : c’est complètement accessoire mais vous vous méprenez sur la définition du « tour extérieur », qui consiste en la nomination discrétionnaire d’un fonctionnaire par l’autorité politique.

  • bonjour je suis à la recherche d’une école de formation sur l’environnement et péril aviaire dont, les aéroports aux accident des avions par les oiseaux soit péril animaux merci

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