François Fillon prend un risque en confortant des obsessions distillées par les médias.
Par Marc Crapez.
Dans un livre publié en 2006, François Fillon souhaitait respecter la sincérité du peuple de gauche, tout en combattant la « domination idéologique » d’intellectuels qui considèrent que « seule une avant-garde peut décider de ce qui est juste ». Il voulait œuvrer pour « la liberté intellectuelle au service de la réalité ».
Belle formule et mission accomplie à Matignon. Le peuple français ne s’est pas plaint de lui. Le peuple de droite le respecte. Il fut l’un de ses meilleurs Premiers ministres. Il pourrait être apprécié à l’égal de Raymond Barre. Des historiens pourraient le comparer à Louis Barthou.
De grands hommes de droite eurent des destins contrariés. Après avoir raté l’élection présidentielle à 64 ans, Raymond Barre obtint la mairie de Lyon à 71 ans. Après son échec à la mairie de Paris à 58 ans, Philippe Séguin alla à la Cour des comptes à 61 ans. Jusqu’au bout, leur hauteur de vue fit honneur à la droite française.
En parlant de fracture « morale » à l’UMP (puis d’une question « d’honneur »), Fillon risque de conforter ce que Raymond Aron appelait « les préjugés de la gent parisienne ». En effet, pour certaines oreilles, le mot moral a une connotation signifiant qu’il accuse son adversaire de quasi-fascisme.
Auprès de ses proches, il aurait jugé cet adversaire « mal conseillé par des communicants et des politologues ».
Propos pouvant être déformé en parvenant à certains militants. Au 20 heures de France 2, un reportage relaie ce propos d’une militante UMP : « Dans l’entourage de Copé y a des gens du Front national » !
Le qu’en-dira-t-on
Sur la forme, ce commérage ressemble à ceux qui, il y a cinquante ans, insinuaient que « dans l’entourage de Tartempion y a des francs-maçons ». Même médisance basée sur la rumeur. Même phobie d’un ennemi qui se serait faufilé jusque chez soi. Même suspicion insidieuse susurrant qu’il y aurait anguille sous roche. L’esprit de clocher de jadis était basé sur un même type de qu’en-dira-t-on, exigeant des « gens comme il faut » car, disait-on, « où irait-on » si l’on se fiait à des « gens qui ne sont même pas d’ici ni du pays » !
Sur le fond, ce commérage s’alimente à quelques faits dérisoires (un membre de son entourage dont le père était à l’OAS, un soutien qui avait débuté au Front national de la jeunesse) qui ne signifient absolument rien, et dont on trouverait l’équivalent autour de n’importe quel autre leader politique. Ce commérage n’est même pas une généralisation abusive, il est carrément au stade de la logique stalinienne de la culpabilité par contiguïté, ou de la logique fasciste de la tache indélébile (« si ce n’est toi, c’est donc un des tiens »). Et s’il y a des sources d’inspiration, ce sont certainement moins des soucis tactiques soufflés par le fameux Patrick Buisson que des considérations éthiques défendues par un chroniqueur comme Gilles-William Goldnadel.
Ce courroux médiatique est similaire à celui qui dénigra Fillon en tant qu’opposant au traité de Maastricht, aux côtés de Philippe Séguin qui exposait :
« Le conformisme ambiant, pour ne pas dire le véritable terrorisme intellectuel qui règne aujourd’hui, disqualifie par avance quiconque n’adhère pas à la nouvelle croyance. Qui veut se démarquer du culte fédéral est aussitôt tenu par les faiseurs d’opinion au mieux pour un contempteur de la modernité, un nostalgique ou un primaire, au pis pour un nationaliste forcené ».
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