Le mur de la dette souveraine française

L’État français doit faire la preuve d’un véritable effort de crédibilité pour réaffirmer sa solvabilité, convaincre les investisseurs et ainsi réussir à franchir le mur de la dette.

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Le mur de la dette souveraine française

Publié le 29 novembre 2012
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L’État français doit faire la preuve d’un véritable effort de crédibilité pour réaffirmer sa solvabilité, convaincre les investisseurs et ainsi réussir à franchir le mur de la dette.

Par Yann Henry.

Dans un précédent article, nous avons étudié la composition de la dette publique française. Nous avons ainsi pu constater qu’elle était majoritairement constituée (à plus des trois quarts) de la dette souveraine, à laquelle nous allons nous intéresser dans cet article. Il existe un élément qui est moins souvent évoqué et qui pourtant risque d’être capital dans les mois et les années à venir. Il s’agit du profil d’amortissement des dettes, c’est-à-dire l’échéancier auquel le débiteur devra rembourser ses dettes.

L’obligation arrivée à échéance, il faut en effet la rembourser, sous peine de défaut. Ceci ne peut se réaliser que de deux manières : avec un excédent budgétaire ou alors grâce à l’argent d’un nouvel emprunt. Dans ce deuxième cas on dit que l’emprunteur rolle [1] la dette, ou qu’il pratique de la cavalerie financière. Dans l’exemple de l’État français, qui n’a pas équilibré un budget depuis 1974, c’est ce deuxième moyen qui est employé. Et lorsqu’il y a un déficit budgétaire, non seulement faut-il prolonger les dettes arrivant à échéance, mais il y a en plus nécessité d’emprunter davantage pour combler ce nouveau déficit.

Le gouvernement français dévoilait le 28 septembre dernier le projet de loi de finances pour 2013. Celui-ci prévoit un montant d’émissions de dette à moyen et long terme (BTAN, OAT) net des rachats de 170 milliards d’euros. Pour simplifier, ce total se décompose en 109 milliards d’euros d’obligations arrivant à échéance en 2013 et en 61 milliards d’euros de nouveaux emprunts pour financer un déficit en hausse. Pour l’Agence France Trésor (AFT), à qui est confiée la gestion de la dette souveraine française, la majorité des besoins provient donc de la dette passée arrivant à échéance, c’est-à-dire du rolling de la dette.

Ce sont donc 170 milliards d’euros qui vont être émis sur les marchés à de nouvelles conditions. C’est précisément là que se trouve le risque : les prêteurs vont-ils avoir confiance ? Le niveau de taux d’intérêts pour emprunter sur les marchés financiers va-t-il baisser ou augmenter ? Les prêteurs vont-ils demander des taux prohibitifs ? Si l’on étudie l’histoire économique européenne récente, on s’aperçoit en effet que l’Italie, l’Espagne, l’Irlande et le Portugal (sans parler de la Grèce) ont ainsi vu cette année leurs conditions d’emprunt se dégrader considérablement, ce qui a amené la BCE à acheter sur les marchés secondaires des obligations des États concernés (elle a activé le Securities Markets Programme en mai 2010) :

Actuellement,  l’État français arrive à se refinancer à des conditions favorables. Par exemple, les conditions à 10 ans sont de 2,11%, ce qui est historiquement peu élevé :

Pour autant, comme déjà vu dans un article précédent, cette baisse de taux ne saurait être interprétée comme une marque de confiance des investisseurs ou un témoignage de regain de la solidité de l’économie. Elle est plus sûrement due à une méfiance moindre à l’égard de la dette française que vis-à-vis d’autres émetteurs européens et aux normes prudentielles bâloises incitant très fortement les banques à acheter des obligations souveraines pour se constituer des coussins de liquidité.

Si les obligations arrivant à échéance ont été souscrites il y a un certain temps, elles l’ont été à des conditions moins avantageuses que celles émises récemment. En rollant ses dettes, l’État français emprunte alors à un taux inférieur, ce qui permet de diminuer la charge de sa dette. C’est ainsi que l’on peut observer dans le budget une relative stabilité du poste ‘Charge d’intérêts de la dette’ malgré une forte augmentation de l’encours de celle-ci.

Les baisses de taux donnent ainsi une illusion de sécurité qui pourrait disparaître dès que les taux augmenteront. Les effets des éléments cités ci-dessus vont certainement s’estomper et les conditions d’emprunt risquent alors d’évoluer à la hausse dans les mois ou les années à venir.

Imaginons que les taux augmentent de 1,00% sur toutes les maturités en 2013. Le surcoût pour un stock d’émission de 170 milliards d’euros est de 1,7 milliard d’euros par an. Cela ne paraît pas insurmontable et semble assez indolore (au moins à moyen terme), mais il faut tout de même bien avoir conscience qu’il faudra le payer sur toute la durée de vie de l’obligation. Il y a un effet d’inertie assez important : l’augmentation (ou la diminution) des taux d’intérêts n’impacte que la partie du stock renouvelée.

Par contre, si l’on regarde les échéances futures des dettes souveraines, on s’aperçoit que ce sont plus de 470 milliards d’euros qu’il faudra renouveler dans les 4 prochaines années, en plus desquels il faudra emprunter pour les déficits futurs cumulés de 2013 à 2016.

Il est également à noter que cette dette est majoritairement détenue par des non-résidents :

Cette situation de dépendance par rapport à des financements étrangers rend l’État particulièrement vulnérable au renouvellement de la dette. Si le Japon peut se permettre de dépasser les 230% de dette publique, c’est que plus de 90% des détenteurs sont des résidents (parmi eux figure en bonne place la banque centrale).

Ainsi, c’est un véritable mur de la dette qui s’annonce pour le gouvernement français. Si à court ou moyen terme une augmentation des coûts d’emprunt semble peu problématique, l’État français est face à un véritable effort de crédibilité pour réaffirmer sa solvabilité, convaincre les investisseurs et ainsi réussir à franchir ce mur.

—-
Sur le web. Publié initialement par 24hGold

Note :

  1. De l’anglais ‘to roll’, qui signifie rouler.
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  • Compte tenu des prévisions de croissance optimistes du gouvernement, du feuilleton de la dérive de Dexia et du coût du sauvetage des collègues politiciens de la zone euro, les 61 milliards de déficit ne seront pas tenus et on peut d’ores et déjà y ajouter 10 ou 20 « petits » milliards. L’AFT devra alors réviser son plan de financement à moyen et long terme à 180 ou 190 milliards à l’occasion des PLFR 2013.

    Mais attention, on parle ici uniquement de la dette de l’Etat au sens strict, soit un stock d’un peu plus de 1400 milliards, pas de la dette publique au sens de Maastricht, qui dépasse 1800 milliards (90% du PIB). Il va sans dire que le besoin de financement de l’Etat considéré dans toutes ses composantes (collectivités territoriales, régimes sociaux obligatoires, hôpitaux, entreprises publiques, etc.) dépasse de beaucoup les 170 milliards publiés par l’AFT, au-delà de 200 milliards par an.

    La durée de vie moyenne de la dette de l’Etat est une autre source de fragilité potentielle. Sur les 1400 milliards, un peu plus de 180 milliards sont des dettes exigibles à moins d’un an. Il s’agit des BTF émis pour gérer la trésorerie courante de l’Etat, dont la durée de vie moyenne est de quatre mois (119 jours). En cas de perte de confiance des marchés, crise de solvabilité de la dette de l’Etat français, les BTF seront en première ligne. Ces 180 milliards (9% du PIB) sont un bon indicateur de l’effort que l’Etat devra réaliser en urgence, le cas échéant.

    Ceci dit, il ne fait pas de doute que le gouvernement mobilisera la récente manne miraculeuse des livrets A pour dissimuler cette crise et qu’en toute probabilité, la BCE interviendra, abusant une nouvelle fois de la nuance subtile entre « liquidité » et « solvabilité » qui, jusqu’à présent, a permis à SuperMario de boucher indirectement les trous dans les finances des PIIGS (http://sdw.ecb.europa.eu/quickview.do?SERIES_KEY=117.BSI.M.U2.N.C.L20.A.1.U2.1000.Z01.E et http://sdw.ecb.europa.eu/quickview.do?SERIES_KEY=117.BSI.M.U2.N.C.AT2.A.1.U2.2100.Z01.E).

    • Xavier Timbeau, directeur du département prévision et analyse de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) explique que mener des politiques d’austérité « bête et méchantes » , comme le prône Contrepoints, cela mène à l’echec.
      Ce n’est pas la bonne solution.

      ————————————
      La question, aujourd’hui, est sur l’incapacité de la politique d’austérité en zone euro, telle qu’elle est conduite, à rétablir l’équilibre des finances publiques.
      Toute cette austérité, qui met à genou l’économie espagnole, est un échec.
      Ce qui se passe en Espagne, se passe à des degrés divers partout en zone euro.

      http://www.lemonde.fr/economie/article/2012/11/29/europe-trop-d-austerite-sera-contre-productive-pour-reduire-les-dettes_1798111_3234.html#xtor=AL-32280308

      • Si tu ne réduis pas la dépense aujourd’hui tu devras la réduire encore plus demain. Ce n’est jamais le bon moment mais plus tard ce sera encore pire. ça fait 20 ans que la cour des compte hurle dans le vide, maintenant des « experts » nous expliquent que ce n’est toujours pas le bon moment ?

        harrisburg: « La question, aujourd’hui, est sur l’incapacité de la politique d’austérité en zone euro »

        Le problème c’est qu’elles ne sont pas basée sur une réduction du problème principal – les dépenses publique- mais sur une augmentation d’impôts. Tu as une réduction du niveau de vie sans changer d’un iota le problème.

        C’est marqué en clair dans le PLF 2013 +1 milliard de dépense de l’état, +20 milliards d’impôts.

        Ceux qui ont fait ces réductions (les pays du nord) s’en sortent bien mieux. (Je parle de vrais réduction et pas de l’enfumage des pays du sud incapable de ce réformer)

        harrisburg: « Xavier Timbeau, directeur du département prévision et analyse de l’Observatoire français des conjonctures économiques »

        Il a poursuivi les droites ce monsieur pour voir on on en sera sans réduction dans 10 ou 15 ans ? Il a regardé du coté des bombes à retardement que sont les retraites et la SS ?

        Le gouvernement français n’a aucun intention ni même la capacité de réduire l’état (+600% de frais de personnel pour les collectivités sous Sarkozy), donc on va faire exactement ce que préconise ton « économiste » pendant que les pays du nord vont tirer la langue à prendre de vraie mesures.

        Rendez vous dans cinq ans.

      • @Harrisburg

        Involontairement, Timbeau a raison mais il ne comprend pas pourquoi, ce qui, au demeurant, correspond à son état naturel, sachant que l’OFCE est une annexe de Sciences Pipo.

        Les politiques d’austérité actuellement menées, avec leurs augmentations d’impôts sans fin, sont récessives puisqu’elles consistent à réduire le potentiel du secteur privé, seul secteur créateur de richesse, tout en maintenant intacte la capacité de destruction de richesse du secteur public.

        Pour inverser la tendance, il convient de mener des politiques de croissance, c’est-à-dire des politiques de réduction des impôts pour le secteur privé. Mais cela n’est pas suffisant. Il faut également réduire le potentiel de nuisance du secteur public. Une vraie politique de retour à la croissance implique donc aussi une baisse importante des dépenses publiques, bien au delà de la question de la réduction des déficits publics.

        On y viendra le jour où notre déchéance économique sera devenue insupportable au plus grand nombre, ce qui ne saurait tarder.

    • La purge du Livret A est proche en effet. Madoff n’a-t-il pas fait idem ?… http://bit.ly/TvI26q

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