Lors de la Conférence mondiale des télécommunications internationales qui débute aujourd’hui à Dubaï, l’ITU (International Telecommunication Union), organisme dépendant de l’ONU, va tenter de faire valider une extension de son domaine de compétences pour imposer des obligations sur le fonctionnement d’Internet et sa réglementation.
Par Aster.
Il est difficile de passer quelques mois à peu près informé sans voir un nouveau sigle imprononçable venir agir de manière innommable contre Internet.
Mise en bouche
Posons les choses simplement. Aujourd’hui, Internet est une source d’information, d’enseignement, d’innovation, de création de richesse, de changement sociétal et pas simplement de divertissement. Tout aussi simplement, la liberté d’expression dérange, on peut penser au subversif WikiLeaks mais plus proche de nous en France, on peut penser à l’affaire Jean Sarkozy où le buzz a finalement permis d’empêcher l’accession du fils du président à la tête d’une entité publique. Il est facile de censurer la presse en France tant tout dépend du politique – et les groupes de presse majeurs sont peu nombreux. C’est plus dur avec Internet. Car Internet c’est vous, c’est moi, c’est nous pour le meilleur et pour le pire.
Bien sûr, officiellement, seuls quelques pays affichent une position ouverte de censure, les pays occidentaux remercient les terroristes et les pédophiles. L’Australie est un bon exemple sur le sujet, de nombreuses mesures mises en place contre les pédophiles se retrouvent finalement utilisées à d’autres fins. Deux tiers des sites censurés sont sans lien avec la pédophilie. Plus récemment les USA ont bafoué leurs lois pour mettre Megaupload à terre, quelques mois plus tard une étude explique que : « non, les revenus du cinéma ne s’en portent pas mieux ». Chez nous Français, Sarkozy a déjà déclaré qu’il voulait voir internet sous le contrôle de l’État. En 8 ans l’accès internet a augmenté de plus de 10 €. Hollande ne fait pas mieux, ses propos sur la fin d’HADOPI sont restés de veines paroles.
ITU et CMTI-12 !
Passons donc à notre sigle du jour : ITU. L’ITU (International Telecommunication Union) est une organisation dépendant de l’ONU qui historiquement s’occupait des télégraphes. Avec le temps, elle est passée au domaine des télécommunications. Ceci lui a évité à la fois l’obsolescence et le changement de sigle. Cette organisation se préoccupait jusqu’à aujourd’hui de thématiques assez ennuyeuses : des normes, mais aussi, plus sexy, de favoriser l’accès à Internet dans le monde.
2012, cette organisation se réunit à partir d’aujourd’hui à Dubaï pour une conférence CMTI-12 (12 étant le millésime). Quand on m’a dit qu’il y avait un problème je suis aller m’informer sur le site de l’ITU où, globalement, tout est mignon tout plein, je ne sais pas qui écrit les textes, mais c’est clair qu’à première lecture ils ont l’air SYM-PA.
Donc me voilà parti à creuser un peu, l’information m’étant parvenue par le biais de la rédaction de Contrepoints, je finis par suivre un des liens qui m’a été envoyé pour finalement regarder la vidéo présente vers le bas du site de l’Internet Coup (sous-titrage en français disponible). L’ITU va tenter de faire valider à la CMTI-12 une extension de son domaine de compétences pour imposer des obligations entre les États membres sur le fonctionnement d’Internet et sa réglementation.
Internet n’a pas besoin d’une autorité centrale, il a été conçu pour cela
Internet n’est à la base qu’un protocole qui a abouti à la mise en place de réseau de réseaux sans avoir besoin d’un chef d’orchestre au milieu. C’est un réseau décentralisé (autre article intéressant si le terme ne vous parle pas), il n’a donc pas besoin d’autorité centrale. S’il n’y a pas d’autorité centrale, il devient donc très difficile d’imposer des choses sur Internet : de la censure, des taxes ou encore de l’espionnage de vos communications.
L’ONU à la suite de la SDN a été créé pour être un lieu de discussion entre nations. Aujourd’hui pour réguler la finance, pour réguler Internet, des gens en font un super État mondial. Nous, individus, ne saurons que souffrir d’une gouvernance mondiale à laquelle aucun territoire ne nous permettra d’échapper. La gouvernance mondiale est une chose mauvaise.
Mettre une autorité centrale qui peut réglementer Internet c’est ouvrir des portes sur :
- La fin de l’anonymat (déjà proposée en France par Nadine Morano et, avant elle, Jean-Louis Masson),
- La non neutralité des réseaux (déjà mise en place par certains FAI en France et fortement appuyée par France Telecom Orange, elle pourrait devenir la norme),
- La taxation des e-mails (déjà proposée à l’échelle européenne par Alain Lamassoure),
- La censure (déjà pratiquée par la plupart des pays, y compris les pays occidentaux, le contrôle de la pensée n’est pas l’apanage des dictatures d’Amérique du Sud, d’Asie ou des théocraties musulmanes),
- L’espionnage de vos communications (la présence de proxy à l’étranger permet déjà à beaucoup de jouer sur la non-coopération entre États pour naviguer de manière un peu plus tranquille).
Un peu de contenu concret
Je n’aime pas demander aux gens de me croire sur parole, c’est pourquoi au début j’avais du mal à m’imaginer en train d’écrire un article sur du vent ou sur la simple confiance dans les nombreuses associations de défense du net.
Vous pouvez trouver le projet de règlement de l’ITU qui sera discuté à la CMTI-12 sur cette page (ainsi que quelques-unes des réponses qui y ont été formulées).
88 pages, sans lien qui fonctionnent à l’intérieur, c’est long, c’est chiant.
Page 22, évolution 29, en particulier CWG/4/116 : on ne parle plus d’administrations, mais d’exploitants, ceci pour introduire comme principe de base la « facturation au départ ». Par exemple, on demandera à YouTube de payer les différents fournisseurs d’accès pour que vous ayez accès à une vidéo qui ne rame pas. C’est la fin de la neutralité du net et, bien que Google, très noblement, s’oppose à cela, c’est la meilleure garantie pour voir la fin de l’émergence de nouveaux acteurs sur Internet et, potentiellement, la fin de la gratuité. On note également l’introduction d’une dimension politique dans ce qui est attendu des États membres. Bien qu’étant libéral, je vous fais remarquer que l’idée que c’est aux administrations de fournir des infrastructures est totalement effacée. Ceci me semble aussi prématuré que de privatiser les routes dans des pays où il n’y a qu’une seule assurance santé centralisée.
Page 23, évolution 30 : les États demandent une traçabilité de l’acheminement des données sous un prétexte de sécurité et de lutte contre la fraude.
page 24, évolution 30 : la neutralité est affirmée du point de vue des usagers. En gros, on ne traitera pas Paul de manière différente à Jacques. Mais ceci ne changera rien, on traitera les usagers différemment de fait car ils iront sur des sites différents à qui on demandera de payer pour l’acheminement de leurs données.
page 24 à 28, évolution 31* : les États ont les contrôles des moyens de communications utilisés sur leur territoire. Selon moi, cet article pourrait conduire à exiger que les État collaborent entre eux pour s’assurer un « droit de censure » sur leur territoire.
page 32, évolution 35, CWG/4/73 : la porte ouverte est laissée pour interdire l’accès à des personnes au réseau sous prétexte de « risque pour le matériel ou les personnes ». Dans le cas de WikiLeaks, on pourrait arguer que leur révélations présentent des risques et donc simplement les débrancher du réseaux.
Vous seriez étonnés du nombre de pages (32 à 39 environ) de blabla écrites pour être de simples déclaration de bonnes intentions.
Page 39 à 42, évolution 41D : dispositions relatives à la cybercriminalité, la cybercriminalité ayant un sens très large, on peut craindre des usages inappropriés.
Page 43 à 56, article 6 : les dispositions de taxations internationales sont fixées par le règlement, peu d’impact sur la liberté d’expression, mais, est-ce nécessaire d’avoir une seule règle dans le monde entier ?
Page 56, article 7 (inchangé mais intéressant) : droit est reconnu « de facto » aux États de suspendre leurs télécommunications. Jugez cela comme bon vous semble à la lumière de ce qui se passe en Chine, Iran, Syrie et Égypte.
page 62, évolution 63 : les États membres n’ont plus de droit de réserve possible.
Votre mission pour aujourd’hui et pour demain
Pour aujourd’hui, ce sont les État qui votent. Parlez (ou écrivez) à votre ministre, à votre député, à votre président. Par principe, c’est important que nous nous opposions à ce surplus de réglementations qui nous étouffent tous les jours. Sur ce cas particulier, ce texte vient directement instaurer la non neutralité des réseaux, c’est mauvais.
Pour demain, l’IDL Internet Defense League vous informe à travers ses Cat Signal, c’est l’équivalent de cette chauve-souris projetée dans le ciel pour appeler Batman, à part que cette fois le super héros c’est vous ! Ces petits sigles assassins n’en sont pas à leur première tentative ni à leur dernière.
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Sur le web.
Les autorités refusent encore et toujours de comprendre qu’Internet, en réseau décentralisé conçu pour router les transactions autour des dégâts qu’il subit poru s’auto-réparer, traite et continuera de traiter leurs interventions comme de simples attaques, à contourner elles aussi.
Fiscaliser les mails ? Pourquoi pas faire payer à la minute ou au gigaoctet l’accès à internet, tant qu’on y est ? N’importe quoi !
Pourquoi fiscaliser les mails ? parce que les gens s’écrivent moins par voie postale… donc moins de timbres vendus… ( oui, c’est débile )
L’idée initiale de la fin des mail gratuit est de dire que si il faut payer 0.0001c par email envoyé, c’est parfaitement transparent pour toi, mais ça rend le spam non rentable.
De ce point de vu, c’est une bonne idée sur le papier, même si la mise en application est aussi impossible que contournable
« si il faut payer 0.0001c par email envoyé, c’est parfaitement transparent pour toi, mais ça rend le spam non rentable. »
Malheureusement c’est faux!
Cela se base sur l’idée que le spam est très peu rentable; mais le spam même avec un « taux de conversion » très faible peut rapporter, parce que le spammeur vend une m… 10 ou 100 fois son prix.
Mais que ça soit du vrai argent, ou avec du hashcash, ce genre d’idées ne peut intrinsèquement pas marcher quand les machines des utilisateurs sont facilement et très souvent piratées! (notamment celles sous Fenêtres)
@bubulle il ne s’agit là que de « possibles » sur le sujet du mail ou de la consommation au GO. Mais le fait est que pour, pour les fournisseurs de services, la norme sera de payer pour que l’on puisse accéder à leur contenu.
« payer pour que l’on puisse accéder à leur contenu »
C’est déjà le cas pour les petits, qui sont au bout du tuyau.
Les gros qui ont leur propre infra n’ont pas les mêmes coûts (ils ont moins de coûts de location mais plus d’amortissement évidemment).