Le libéralisme est-il soluble dans l’alcool ?

Trois idées reçues concernant le libéralisme qui tiennent davantage de la mauvaise foi.

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Le libéralisme est-il soluble dans l’alcool ?

Publié le 3 décembre 2012
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Je le confesse, et sans aucune honte, je suis libéral autant qu’on peut l’être. En bon libéral, j’accepte toujours la discussion avec ceux qui ne partagent pas mes points de vue, en vertu du principe exprimé par le plus grand Président que les États-Unis aient connu qui disait aux partisans de l’esclavagisme : « Je déteste tout ce que vous dites, mais je détesterais encore plus un pays ou vous ne pourriez pas le dire ».

Ce qui m’amène à mon sujet, c’est-à-dire au moment où je n’ai plus envie de discuter avec celui qui est en face de moi non pas parce qu’il serait incompétent, ce qui peut se corriger, mais parce qu’il est de mauvaise foi, ce qui est insupportable. Je me surprends à dire : « Monsieur brisons en là, vous êtes un âne » quand on m’oppose les arguments suivants :

« Le libéralisme est d’origine anglo-saxonne et en y adhérant vous trahissez le génie français, exprimé par exemple dans les Lumières »

Voila deux grosses bêtises en une seule phrase. D’abord une bonne moitié des grands théoriciens du libéralisme dans l’histoire ont été français (citons au passage Montesquieu, Benjamin Constant, Say, Tocqueville, Bastiat, Rueff, Raymond Aron, Jean-François Revel, qui tous se sont attachés à expliquer la relation qui unissait le marché à la démocratie) tandis qu’une bonne partie du reste a été autrichienne (Von Mises, Hayek, Schumpeter), les anglo-saxons constituant une illustre cohorte, mais sans doute moins fournie en nombre (mon préféré étant Milton Friedman tant il avait comme Bastiat le génie de la vulgarisation).

Ces esprits faibles confondent la réflexion théorique avec l’application dans la réalité. Le fait que les élites gouvernantes françaises n’aient jamais voulu appliquer le libéralisme dans la pratique si l’on excepte de courtes périodes au XIXème et un peu au début de la Ve République alors que les États-Unis et l’Angleterre s’en inspiraient massivement porte simplement condamnation de la nullité de nos élites qui ont amené notre pays, en deux siècles et demi, de la première puissance mondiale à l’un des « Lander » allemands, et du plus grand créateur culturel à un pays rempli de musées et mort à la Culture.

Quant aux Lumières, le libéralisme représente, et représente seul, la pensée des lumières appliquée à la création de richesse et à la seule justice sociale qui compte, c’est-à-dire comment arriver au plein emploi. Le fait que les mots « Lumières »  et « Libertés » aient été capturés au XIXe par des gens qui soutenaient et soutiennent encore le socialisme et son cortège d’assassinats , de génocides, de ruines financières et économiques relève de la captation d’héritage. Le libéralisme a comme clé de voute la liberté, comme son nom l’indique, tandis que pour le socialisme, c’est le goulag.

« Le Libéralisme est d’extrême-droite »

Quelle imbécillité foudroyante ! Au XIXe siècle, trois personnes débattaient dans la sphère politique. 1/ Le conservateur, qui pense que pour régler les problèmes, il faut en chercher les solutions dans le passé et empêcher tout mouvement (Metternich). 2/ Le socialiste, qui a un plan dans sa tête sur la façon dont les choses devraient marcher et qui veut conquérir l’État pour l’imposer par la force (Lénine en version dure ou Mitterrand en version molle). 3/ Le libéral enfin qui pense que les progrès se font par petits sauts minuscules, améliorant le sort de tout un chacun et que pour cela la liberté est nécessaire et que l’État dans le monde moderne est le principal ennemi des libertés comme l’avait fort bien compris Jouvenel par exemple.

Les socialistes qui dominent le discours actuel nous servent le sophisme suivant sans cesse : vous êtes contre l’augmentation du poids de l’État dans l’économie, donc vous êtes en faveur des riches, donc vous êtes contre les pauvres. À cela une seule réponse : pendant les années Mitterrand, les dépenses sociales ont augmenté plus vite en GB avec madame Thatcher qu’en France, parce que là-bas, on avait favorisé les entrepreneurs au lieu de les faire fuir. Du coup, les Anglais bénéficiaient du plein emploi et les pauvres étaient plus riches chez eux que chez nous et surtout ils retrouvaient leur dignité en trouvant un travail…

« Le Libéralisme serait la loi du plus fort appliquée à l’économie. »

Le libéralisme, c’est le règne de la loi et non pas des hommes ou du social-clientélisme. Prenons un exemple. Le secteur financier (dans lequel je travaille) a capturé le système politique, ce que l’on a fort bien vu dans la dernière grave crise économique (voir pour plus de détails Libéral mais non coupable) et tout cela a été légalement autorisé par des hommes politiques qui avaient été achetés. Les banquiers et financiers n’ont pas gagné d’argent en mettant leur capital en risque (la base du libéralisme) mais en achetant la complicité des gens au pouvoir, ce qui n’a rien à voir avec le libéralisme et tout avec le social-clientélisme, cette horrible maladie de la démocratie. Par exemple, permettre la fusion des banques d’affaires et des banques de dépôts comme l’a fait l’administration Clinton aux USA a été un véritable crime dont nous payons encore le coût. Dans un pays libéral, de plus, l’État ne serait pas intervenu pour manipuler le coût des prêts hypothécaires à la baisse afin d’acheter les voix des électeurs avec l’argent d’autres électeurs, et nous n’aurions jamais eu de crise immobilière.

Je ne doute pas que les lecteurs vont réagir à cette petite philippique ; ce serait bien normal et bien sûr, je serai ravi de leur répondre. Cependant, s’ils veulent m’entreprendre sur l’un de ces trois points, ils doivent savoir que je risque de m’énerver…

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  • « Dans une grande république, il y a de grandes fortunes, et par conséquent peu de modération dans les esprits : il y a de trop grands dépôts à mettre entre les mains d’un citoyen ; les intérêts se particularisent ; un homme sent d’abord qu’il peut être heureux, grand, glorieux, sans sa patrie ; et bientôt, qu’il peut être seul grand sur les ruines de sa patrie. »
    Montesquieu, De l’esprit des lois.

    « La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent ; et si un citoyen pouvait faire ce qu’elles défendent, il n’aurait plus de liberté, parce que les autres auraient tout de même ce pouvoir. »
    Montesquieu, De l’esprit des lois.

    « Règle générale : on peut lever des tributs plus forts, à proportion de la libellé des sujets ; et l’on est forcé de les modérer, à mesure que la servitude augmente. »
    Montesquieu, De l’esprit des lois.

    « Il faut un code de lois plus étendu pour un peuple qui s’attache au commerce et à la mer, que pour un peuple qui se contente de cultiver ses terres. »
    Montesquieu, De l’esprit des lois.

    « S’il y avait dans le monde une nation qui eût une humeur sociable, une ouverture de coeur, une joie dans la vie, un goût, une facilité à communiquer ses pensées; qui fût vive, agréable, enjouée, quelquefois imprudente, souvent indiscrète ; et qui eût avec cela du courage, de la générosité, de la franchise, un certain point d’honneur, il ne faudrait point chercher à gêner par des lois ses manières, pour ne point gêner ses vertus. »
    Montesquieu, De l’esprit des lois.

    « Quand un peuple a de bonnes moeurs, les lois deviennent simples. »
    Montesquieu, De l’esprit des lois.

    « Si l’esprit de commerce unit les nations, il n’unit pas de même les particuliers. »
    Montesquieu, De l’esprit des lois.

    « Nous voyons que, dans les pays où l’on est affecté que de l’esprit de commerce, on trafique de toutes les actions humaines, et de toutes les vertus morales : les plus petites choses, celles que l’humanité demande, s’y font ou s’y donnent pour de l’argent. »
    Montesquieu, De l’esprit des lois.

    « La liberté du commerce n’est pas une faculté accordée aux négociants de faire ce qu’ils veulent, ce serait bien plutôt sa servitude. »
    Montesquieu, De l’esprit des lois.

    « Ce qui gêne le commerçant ne gêne pas pour cela le commerce. »
    Montesquieu, De l’esprit des lois.

    Même si Montesquieu était libéral pour son époque, il est bien loin des théories actuelles. Merci de ne plus faire l’amalgame.

    • « bien loin des théories actuelles »
      De quelles théories actuelles parlez-vous ?
      Pouvez-vous nous en dire plus ?

    • Et qu’y-a-t-il de contradictoire entre ces citations et les « théories actuelles » ? La liberté n’est pas la licence.

      Marrant, mais il y a toujours eu des gens pour relativiser et « modérer » la pensée des auteurs libéraux afin de faire passer les libéraux actuels pour des radicaux.

  • Cher monsieur,

    Superbe coupé collé qui ne fait que prouver que oui, montesquieu était bien un libéral au sens ou nous le comprenons. Le plus simple serait il me semble que vous changiez votre propre définition personelle du mot libéral et votre vie s’en trouverait changée.

    • Montesquieu n’est pas un auteur libéral mais bien au contraire un antilibéral de droite, attaché à la société d’ordres d’Ancien Régime.
      Cf. Philippe Nemo, son « histoire des idées politiques aux temps modernes et contemportains ».

      Pour info, Keynes considérait Montesquieu comme le plus grand économiste français.

      Si vous voulez lire de vrais auteurs libéraux français du XVIIIème, et pas des auteurs considérés comme tels par la tradition antilibérale, qui a tout intérêt à enfumer les esprits pour s’imposer, eh bien intéressez-vous à Boisguilbert, Condillac, Turgot, Condorcet ou Destutt de Tracy.

      http://www.institutcoppet.org/2012/09/23/condillac-le-commerce-et-le-gouvernement-1776/

  • On pourrait ajouter que le libéralisme est un système de non agression. C’est la coopération spontanée basée sur la liberté et le droit de propriété. Le socialisme au contraire est un système basé sur la contrainte puisque son idéal d’égalité n’est pas spontané et doit donc être imposé.

  • Question naïve. Quel pays aujourd’hui pratique le libéralisme dans son intégralité ?

  • Cher Monsieur Gave,

    Une réflexion sur la solubilité du libéralisme dans l’âme humaine, en passant:

    S’il y a bien un livre qui m’a marqué à jamais, malgré un style plutôt lourd et longuet, c’est bien « Atlas Shrugged » d’Ayn Rand. A sa lecture, j’y ai compris que le fait d’être de droite ou de gauche n’est que très rarement une question de choix conscient, mais plutôt une question de nature profonde de l’individu, nature qui se reflète dans les valeurs auxquelles il adhère.

    Si Ayn Rand a tellement marqué les esprits, c’est qu’elle a démontré dans son roman qu’il existait une communauté d’intérêt entre le « moocher » (le gémissant, le pleurnicheur) et le « looter » (le pillard), qui les faisait se retrouver tous les deux sur les bancs du socialisme et du communisme. Les deux s’associent en dispositif parasitique au détriment du producteur / entrepreneur.

    A l’origine de cette communauté d’intérêt, un sentiment partagé qui, chez le « gémissant » et « le pillard » se cristallise sur cette émotion antédiluvienne des humains, la jalousie. C’est la jalousie du petit garçon sur la plage qui piétine le château de sable de son voisin, patient constructeur, celle du président qui n’aime pas les riches. Je la vois se cristalliser dans le socialisme et ses variantes miasmatiques. Tout ou presque de ce que l’on voit aujourd’hui est construit sur cette base sinistre. Et la solubilité dont vous faites état n’est qu’un des aspect de l’incompatibilité entre la dépendance et la liberté. Le reste n’est que commentaires.

    La plus belle phrase qui résume cette pensée, je l’ai trouvée par hasard dans le film « Stalingrad », où Danilov, le commissaire politique soviétique tire à la fin du drame, une leçon clairvoyante:

    « Quel imbécile ai-je été, Vassili. L’homme sera toujours un homme. Il n’y a pas d’homme nouveau. Nous avons tant essayé de créer une société où tous seraient égaux, où personne aurait rien à envier à son voisin. Un sourire, une amitié, quelque chose que vous n’avez pas et voici que vous voulez vous l’approprier. Dans ce monde, même soviétique, il y aura toujours des riches et des pauvres. Des riches en cadeaux, des pauvres en cadeaux. Des riches en amour, des pauvres en amour. »

  • « Le secteur financier (dans lequel je travaille) a capturé le système politique,  »

    À mon avis c’est le contraire : ce sont les politiques qui ont perverti la finance. Le résultat est le même, mais il est important de bien cerner les modalités.

    À la fin de l’étalon or, la finance fut chargée de contrôler les dépenses étatiques: Les États devaient s’adresser à elle pour se financer.
    Les politiciens l’ont donc pervertie pour qu’elle finance leur mégalomanie. Ils l’ont soustraite au capitalisme.

    L’idée de départ était aussi futile que de confier à un pitbull la protection d’une jarre de miel … contre un grizzly.
    La finance n’est pas de taille face à l’État.

    L’étalon-or fonctionne, jusqu’à ce que les politiciens réussissent à l’abolir.
    Une seule solution est imparable: La démocratie directe.

    « Le conservateur, qui pense que pour régler les problèmes, il faut en chercher les solutions dans le passé et empêcher tout mouvement (Metternich) »

    De nos jours, le conservatisme est un terme anglo-saxon qui désigne une forme de libéralisme, selon moi le seul vrai, l’autre branche étant le « libertarianisme » (le mot « liberalism » signifiant gauchiste).

    Or cette distinction nous concerne aussi, et j’ai personnellement adopté le terme de conservateur.

    Bastiat était un conservateur, qui affirmait que l’État doit être au service de l’homme tel que Dieu l’a fait, et non chercher à le transformer tel qu’on voudrait qu’Il l’eût fait.
    Alain Madelin est libertarien.

    Le libertarianisme n’est libéral qu’en économie, ce qui est incohérent.
    Par exemple il accepte le mariage homosexuel: Mais si l’État se mêle de bénir toutes sortes de choix de vie, en dépit de l’intérêt général, il dissout l’idée de responsabilité individuelle, et donc tout le libéralisme, économique y compris.

    Le conservatisme est donc le seul libéralisme cohérent.

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