Rendements boursiers et vieillissement de population

La démographie montre que les rendements boursiers observés ces dernières années ne reviendront pas de si tôt.

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Rendements boursiers et vieillissement de population

Publié le 7 décembre 2012
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Mon attention a récemment été attirée par un excellent article du Financial Times qui s’est occupé à faire le parallèle entre des données démographiques et le comportement des marchés. Comme on le verra, l’analyse produite est d’ailleurs corroborée par quelques autres articles au sujet connexe.

Dans son article, Norma Cohen établit une intéressante corrélation entre le Price-Earning Ratio (PER) du marché des actions anglais (FTSE) et le pourcentage de population anglaise âgée de 35 à 54 ans. Pour rappel, le PER est le rapport du cours ou de la valeur d’une action au bénéfice par action d’une entreprise. En mettant en face la moyenne (lissée) de ce PER boursier et cette proportion de population « travailleuse », le graphique donne ceci :

Démographie et comportement des marchés

En substance, la journaliste note avec cette corrélation que si les années 80 et 90 virent les performances boursières régulièrement augmenter, cela a probablement plus à voir avec la démographie qu’avec la bonne étoile des traders de Wall Street, la mondialisation, une dérégulation plus fantasmée que réelle ou l’augmentation des gains de productivité. En substance, la croissance du marché des actions observée de 1982 à 1999 correspond à l’arrivée à l’âge productif des adultes issus du baby-boom d’après-guerre, adultes qui ont progressivement investi de plus en plus ces domaines afin de faire fructifier au maximum leur épargne.

Si cette analyse est correcte, elle a une conséquence immédiate évidente : les pays occidentaux ont à présent un profil démographique complètement différent de celui des années 50, et compte tenu des tendances au vieillissement de leurs populations et de l’augmentation de l’espérance de vie, les croissances des marchés boursiers ont de forte probabilité de ne pas se reproduire avant au moins une génération, voire pas du tout dans certains cas. En effet, comme la population vieillit, la part de population qui épargne, correspondant à cette population qui travaille et gagne plus qu’elle ne dépense, par définition, diminue nettement par rapport à la population qui « désépargne », autrement dit celle qui sort ses investissements boursiers pour vivre sa retraite.

En outre, les populations qui s’approchent de l’âge de la retraite tendent à favoriser grandement les investissements les moins risqués (comme les bons d’état, typiquement, ou les assurances vie en monnaies), au contraire des populations jeunes qui ont un intérêt majeur à augmenter leur profil de risque dans l’espoir d’un retour sur investissement plus important (logiquement, si le risque est plus fort, le temps pour corriger la trajectoire est plus important aussi). Mécaniquement donc, les banques et assurances déplacent progressivement leurs efforts à l’endroit où se trouve majoritairement sa clientèle, c’est-à-dire … les investissements moins risqués.

Évidemment, ce changement démographique profond provoque aussi d’autres effets, comme celui déjà ressenti en France avec le système de retraite par répartition : de moins en moins d’actifs cotisent pour de plus de plus de retraités. Et ce qu’on voit sur les courbes anglaises semble aussi vrai sur les courbes américaines (juste en dessous). Quant aux perspectives pour le Japon, par exemple, elles semblent définitivement pencher du mauvais côté de la balance lorsqu’on prend connaissance de ces pyramides des âges :

Vieillissement de la population au Japon

Par curiosité, j’ai effectué un petit graphique avec les données PER du CAC40 sur la période disponible (depuis 2001, chiffres Bloomberg et merci à RL, un lecteur) en y faisant figurer le pourcentage de population française entre 35 et 54 ans (chiffres INSEE). Là encore, la tendance générale est assez claire et pas vraiment à la croissance :

Évidemment, sur une courte période, on aura beau jeu pour savoir si le PER suit le ratio démographique ou le contraire, mais les graphiques réalisés pour l’Angleterre et les USA tendent à corroborer une assez bonne corrélation entre les deux courbes. Et comme expliqué plus haut, c’est logique : au fur et à mesure que la population vieillit, le nombre d’épargnants qui investissent dans la bourse devient plus faible. Mark Speigel, un économiste de la Fed à San Francisco, explique d’ailleurs que les recherches menées sur ces aspects, si elles ne permettent pas de conclure qu’une population vieillissante entraîne un marché boursier moins vigoureux, elles permettent en tout cas de montrer une forte corrélation, et observe que cette corrélation existe depuis pas mal de temps déjà. Et si l’on poursuit les tendances en tenant compte de l’évolution démographique relativement prévisible, les PER observés actuellement sont encore trop généreux et descendront encore.

Là où les choses deviennent particulièrement préoccupantes, c’est lorsqu’on ajoute cette tendance naturelle du vieillissement de la population aux politiques économiques pour le moins confuses des Etats en matière de monnaie et de dépenses. La nervosité des investisseurs est alors amplifiée, et la fuite des capitaux hors des marchés boursiers vers les investissements jugés plus sûrs, comme par exemple les bons du trésor, affaiblit encore l’attrait de la bourse. Et paradoxalement comme l’explique la vidéo suivante, cette ruée vers les bons du trésor, dont les taux sont bien trop bas puisqu’inférieurs à l’inflation, nourrit ainsi une bulle qui pourrait bien signer l’appauvrissement de toute une génération.

D’un autre côté, il faut comprendre que le vieillissement de la population, couplé à la disparition d’un mode d’investissement de plus en plus orienté vers le court terme, explique assez bien la relative panne actuelle du moteur de l’innovation observé dans la plupart des sociétés occidentales (décrit dans ce billet pour les USA). Redémarrer ce moteur-là nécessitera, de la part des états et des politiciens, un changement assez profond de mentalité nécessitant pour ces derniers de s’inscrire sur des tendances longues, plus longues que leurs mandats… Le défi est de taille.

Comme beaucoup d’observateurs l’ont déjà noté, les années que nous vivons actuellement sont des années de profonds changements, charnières : l’espérance de vie étant maintenant importante après 60 ans, les modes d’épargne, de consommation ou d’investissement sont en train de se modifier de façon profonde et durable. Les marchés boursiers s’y adapteront, parce que c’est dans leurs habitudes. Les entreprises et leurs patrons aussi, parce qu’ils n’en auront pas le choix. Et pour ma part, j’observerai avec attention la façon dont les politiciens et les états avec eux s’adapteront à la nouvelle donne. S’ils le peuvent.

Et s’ils ne le peuvent pas, …
—-
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  • Mais alors où investir son épargne ?

  • C’est vraiment intéressant, comme quoi un bon graphique vaut bien un long discours.
    Je rajouterai la problemetique de toutes les résidences qui vont arriver sur le marché quand les baby boomers vont commencer à vouloir les revendre car ils devront aller dans des apparts ou des maisons médicalisées

  • Où investir ? Le colorado !!!! Qui vient de légaliser la beuh sur une pop de 300 millions + le canada etc…
    Pasque vous croyez qu’Amsterdam vit sur quoi ?!! Sur une chanson de Brel ???? Nan, sur une europe qui en fait – comme d’hab… – une ville où la liberté règne…

  • Ou investir? Tant que le processus de veillissement de la population est en cours, on peut penser d’après les graphiques de l’article que les PER vont continuer à baisser, et les obligations vont continuer à monter, grâce à la demande des retraités. Quand le processus de veillissement de la population aura atteint son apogée, les actions seront très bon marché et offreront donc des rendements très intéressants, il faudra alors repasser en actions.

  • Paradoxe intéressant sous-jacent à cet article: pour générer les recettes à long terme qui soutiennent la richesse des peuples, il vaut mieux investir dans les entreprises dont l’horizon est souvent le court terme, que dans des bons d’état dont les actions sont à priori inscrites sur un temps plus long.

    Ceci souligne selon moi une donnée simplissime et ignorée des keynesianiste et autres étatistes de tous poils: la chronologie de la création de richesse. Ils ne l’ignorent d’ailleurs pas, mais font pire: ils en inversent tout simplement le déroulement, un déroulement que je définirais schématiquement comme suit: on risque et on innove et on crée de la richesse D’ABORD , PUIS on réinvestit pour augmenter la richesse , ENFIN on prélève l’impôt pour les services collectifs.

    Cette inversion tient au fait de vouloir bénéficier d’un confort, d’une sécurité matérielle avant même d’avoir fait les efforts pour la créer et la quantifier.

    Cette inversion est celle d’une opposition entre 2 homo economicus, que l’on pourrait dépeindre de façon simplifiée mais non simpliste avec les stéréotypes suivants :
    – les vieux-consommateurs-peureux-paresseux
    – les jeunes-producteurs-innovateurs-travailleurs

    Ceux du premier groupe assoient leur niveau économique sur l’endettement des générations futures VIA l’endettement public, et ils sont principalement consommateur des recettes collectives .
    Les seconds l’assoient via leur production présente et sont massivement contributeurs aux finances collectives.

    Les premiers ayant le pouvoir politico-intellectuel aujourd’hui en Occident, ils poussent inévitablement les finances à nourrir leur principal financeur: l’état.

    Les normes bancaires de Bâle 3 ont quelque part consacrées la transformation de l’économie occidentale d’une économie entreprenariale créatrice de richesse en une économie de rentes pseudo (car asservie à des corporatismes en fait) publiques destructrices des richesses présentes et futurs. Les normes édictées obligent en effet une banque à garder inactive une énorme masse de cash si elle achète des actions, et aucune si elle achète des bons publics, fussent ils grecs….

    • « – les vieux-consommateurs-peureux-paresseux
      – les jeunes-producteurs-innovateurs-travailleurs

      Ceux du premier groupe assoient leur niveau économique sur l’endettement des générations futures VIA l’endettement public, et ils sont principalement consommateur des recettes collectives .
      Les seconds l’assoient via leur production présente et sont massivement contributeurs aux finances collectives. »
      Formidable, il a trouvé les coupables => les vieux.
      Il a de la chance car les vieux ne sont pas tous Juifs sinon tu avais droit à l’attaque du MRAP etc.
      Maois tu devrais mieux apprendre l’histoire récente de la France, et même celle d’aujourd’hui.
      Quand je bossais 60 à 70h semaine sur les chantiers par tous les climats, je n’ai fait que rapporter de l’argent à l’état, et je ne lui ai jamais coûté un centime => école privée, jamais arrêter maladie de ma vie, jamais de chômage car j’allais chercher le boulot là où il y en avait.
      Les jeunes seraient donc tous travailleurs ?????, aucun n’accepterait les conditions de travail que j’ai vécues, mettez vous au boulot au lieu de raconter n’importe quoi et passer vos trop nombreuses heures de loisirs sur internet.
      Apprenez la vraie Histoire, pas celle que les socialos de profs vous rabachent, et vous verrez qu’avant on bossait 2 fois que maintenant du moins dans le privé.
      Faites votre recherche sur les dettes et le nombre de fonctionnaires, de politicards, de syndicats, et le prix qu’ils coûtent au pays vous comprendrez mieux pour quelle raison le pays est dans cet état déplorable.
      Quand on a si peu de culture, on devrait se taire.

  • Voilà une démonstration de plus de tous les changements de fond que va entraîner le vieillissement de la population dans le monde.

  • On pourrait croire, par le style d’écriture, que h16 a lui aussi pris un coup de vieux !

    Sinon, pour vous rassurer, la France avec ses 35h et son état providence a, heureusement, une jeunesse toujours bien présente en nombre; malheureusement en étant, nous, bien incapable de lui donner l’occasion de se trouver la place qu’elle devrait avoir !

  • Bonsoir,

    Lors du salon Actionaria 2012 au Palais des Congrès, la plupart des actionnaires individuels sont des retraités. Un moment ou un autre, ils retireront leur capital investir pour assurer leurs vieux jours. Par contre, ce qui m’inquiète ce que les jeunes d’aujourd’hui préfèrent les placements sans risque (peu productif à l’économie) au détriment de la Bourse.

    Cordialement.

    • Le problème que je perçois c’est que les placements en bourse sont sévèrement taxés en France. Ça n’aide clairement pas.

      • Exactement, j’ai arrêté de prendre des risques en bourses pour cette raison.
        L’état me prend prsque tout si je gagne, mais si je perds il ne me rembourse pas :).
        Les jeunes n’y vont plus c’est aussi pour cette raison, donc il ne reste que les institutionniels et les banques, pour le privé c’est trop dangereux, et racketter.

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