Face au dérapage des comptes publics et aux efforts du gouvernement visant à les redresser, le système de santé français restera dans la ligne de mire. Le risque est grand de voir son étatisation s’accélérer. Or, le cas de la Suède est fort instructif en la matière.
Un article de l’Institut Économique Molinari.
Le processus d’étatisation du système de santé français pourrait se voir accéléré par un gouvernement visant à contrôler des comptes publics en dérapage permanent. Face à cette perspective, l‘expérience suédoise dans le domaine donne matière à réfléchir : elle montre d’une part que bureaucratiser davantage – dans un objectif de « maîtrise comptable » des coûts des soins de santé – n’est pas une solution viable et, d’autre part, qu’un retour vers un système de santé dynamique donnant plus de choix pour les patients s’avère ensuite extrêmement difficile.
Le « modèle de Stockholm » des années 1990 : une plus grande place au privé
Après une décennie de « maîtrise comptable » des coûts, les files d’attente s’allongent à la fin des années 1980. Face à l’insatisfaction croissante de la population et à la crise économique et financière la plus importante en Suède depuis les années 1930, le gouvernement engage une réforme visant cette fois à laisser plus de place au privé et plus de choix aux patients.
Certains comtés, en particulier celui de Stockholm, s’engagent dans cette voie. Le « modèle de Stockholm » repose sur l’introduction d’un financement lié à l’activité et sur une séparation au niveau local entre les fonctions d’« acheteur » de soins et celle de « fournisseur ». Les hôpitaux sont transformés en entreprises indépendantes en vue de leur privatisation et l’offre privée de soins de santé est encouragée. La réforme envisage aussi la mise en concurrence des prestataires publics et privés ainsi qu’une liberté de choix accrue aux patients.
Dans la région de Stockholm, ces réformes ont permis :
- des gains de productivité : +16 % environ entre 1991 et 1993 ;
- une diminution sensible des files d’attente : -30 % en une seule année grâce à des volumes de soins plus importants ;
- des coûts des soins en baisse : de -10 % (transport ambulatoire) à -40 % (analyses laboratoires, radiographie) ;
- l’hôpital St Göran, transformé en entreprise indépendante puis privatisé en 2000, est devenu une référence pour les autres hôpitaux en matière de bonne gestion.
Une expérience bridée
L’exemple suédois montre par ailleurs qu’un système trop étatisé a beaucoup de mal à se réformer et reste victime des changements de majorités politiques. Ainsi, et dès le milieu des années 1990, la valse des réformes et contre-réformes empêche les patients suédois de pleinement profiter des bénéfices du « modèle de Stockholm ». Ainsi :
- la liberté d’installation des médecins, autorisée par une loi en 1994, est interdite dès 1995 ;
- le concept de concurrence est remplacé au milieu des années 1990 par celui de « coopération » ; des plafonnements des volumes de soins et des ajustements à la baisse des tarifs plusieurs fois par an (et de manière rétroactive) affectent les fournisseurs de soins et rendent la concurrence inopérante ;
- seul l’hôpital St Göran est privatisé en 2000 ; une nouvelle loi interrompt en 2001 le processus pour d’autres hôpitaux.
Les patients ont, eux aussi, été les grands perdants de cette mainmise politique sur le système de santé. Les files d’attente sont de facto institutionnalisées et ne disparaissent jamais en dépit des diverses initiatives bureaucratiques au fil des ans. Pour obtenir un accès plus rapide aux soins, les Suédois se tournent de manière croissante vers l’assurance privée ; leur nombre a été multiplié par 3,6 entre 2002 et 2011.
Pour plus de détails, une étude de l’Institut Économique Molinari montre qu’au-delà de ces problèmes d’accès aux soins, le système suédois ne peut être donné en exemple, ni en termes de contrôle des dépenses publiques de santé, ni dans le domaine de ses performances, comme en matière d’espérance de vie :
- Croissance des dépenses publiques per capita au cours des années 2000 : +3% en moyenne en Suède contre 2,8% en Suisse, 2% en France et 1,6% en Allemagne.
- Évolution moindre de l’espérance de vie : alors que l’espérance de vie à 65 ans était similaire ou plus élevée en 1970 en Suède qu’en France et en Suisse, elle est inférieure 40 ans après.
L’étude « Les limites des systèmes de santé étatisés : l’exemple suédois » est disponible sur le site de l’IEM.
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