Qu’est-ce que la falaise fiscale qui menace les États-Unis ? Comment l’éviter ? Avis d’experts à lire dans notre dossier spécial publié en collaboration avec le magazine américain Reason.
Par Matt Mitchell (*), depuis les États-Unis.
Article paru initialement sur Reason.com sous le titre The Fiscal Cliff.
Ça semblait être une bonne idée. Il n’y avait pas les 60 voix nécessaires au Sénat pour les baisses d’impôt de George W. Bush, alors le Président a utilisé une manœuvre pour les faire passer avec une majorité simple. Il y avait juste un couac : la procédure impliquait qu’à la fin de 2010, les taux remonteraient. Dix années se sont écoulées sans qu’on les voit passer, tout comme la prolongation de deux ans passée par le Président Obama et des Républicains du Congrès en 2010. Et maintenant, face à cette « falaise fiscale » (fiscal cliff), des baisses temporaires d’impôt ne semblent plus être une si bonne idée.
Les économistes de tous les bords s’inquiètent de ce qu’une hausse précipitée d’impôts, spécialement dans une période de reprise molle, pourrait avoir des effets économiques dévastateurs. Parmi les keynésiens, l’inquiétude se porte sur ce que l’augmentation des impôts pourrait saper le pouvoir d’achat des consommateurs, diminuant la demande globale. Parmi les tenants de la théorie des cycles réels, l’inquiétude est que des taux marginaux d’imposition plus élevés diminuent l’incitation à travailler, à épargner et à investir. Et puisque les décisions d’investissement se prennent en regardant le long terme, il est même possible que la hausse prévue d’impôts ait miné l’intérêt de ces baisses d’impôts depuis des années.
La vérité est que même si les baisses d’impôt n’avaient pas été prévues pour être caduques un jour, elles ne pouvaient pas être considérées comme une politique fiscale soutenable. Parce que personne dans l’État n’a ne serait-ce qu’essayé d’aligner les dépenses avec des revenus fiscaux moins élevés. En fait, Washington s’est lancé dans une orgie de dépenses peu après la baisse d’impôts : de 2001 à 2009, les dépenses fédérales sont passées de 18,2 à 25,2% du PIB. C’est la plus grande augmentation en huit ans depuis la Seconde Guerre mondiale.
Cet épisode devrait poser aux partisans d’un État limité une question importante : des baisses d’impôt sans baisses de dépenses sont-elles bonnes pour la cause de la limitation de l’État ? Il y a des décennies, Milton Friedman a répondu à cette question par un oui retentissant. Baissez les impôts, et affamez la bête. Avec moins de revenus fiscaux, la dépense chutera elle aussi. Les baisseurs d’impôts, de Ronald Reagan à George W. Bush, ont été depuis lors convaincus qu’il fallait « affamer la bête ».
Mais un autre prix Nobel, libéral lui aussi, n’est pas d’accord. James Buchanan, un des pères fondateurs de la théorie des Choix Publics, qui utilise les outils de l’analyse économique pour faire la lumière sur les incitations des hommes de l’État, a depuis longtemps remis en question l’idée d’« affamer la bête ». Quand les politiciens peuvent légalement et politiquement faire courir un déficit, a-t-il prévenu, ils financent simplement l’État en empruntant. Dans ce cas, les baisses d’impôt donnent aux électeurs l’illusion que la dépense publique est bon marché. Et, l’État semblant moins dispendieux, les électeurs seront ravis d’en avoir davantage.
Il y a quelques années, l’économiste Andrew Young, de l’Université de Virginie Occidentale, a mis à l’épreuve les deux hypothèses en utilisant 50 ans de données fédérales. Ses conclusions suggèrent que, pour le coup, Buchanan pourrait bien avoir eu raison : ce sont les hausses d’impôt, et non les baisses, qui semblent associées avec la baisse les dépenses de l’État. Il conclut que « il faut que l’électorat voit la facture pour reconnaître le coût de l’État ». Les économistes de Berkeley David H. Romer et Christina Romer ont récemment confirmé les conclusions de Young, en utilisant des données et des techniques différentes.
Dès le début de janvier, les électeurs verront davantage de la facture que ce dont ils ont l’habitude. Ceux d’entre nous qui veulent garder cette facture basse doivent être prêts à payer moins d’État. Ce qui signifie réduire les dépenses et les impôts.
(*) Matthew Mitchell est senior research fellow au Centre Mercatus de l’Université George Mason, et chercheur principal dans le cadre du Projet pour l’Etude du Capitalisme Américain
- Dossier spécial sur la « falaise fiscale » aux États-Unis : introduction (Peter Suderman)
- On ne peut pas baisser les impôts sans baisser les dépenses (Matt Mitchell)
- Le pire des deux mondes (Charles Blahous)
- Comment tuer ce qu’il reste de reprise économique (James Pethokoukis)
- La « séquestration » n’est que le premier pas (Véronique de Rugy)
- Procrastiner, encore une fois (Tad DeHaven)
- La falaise réglementaire est aussi à craindre (Susan Dudley)
—
Traduction : Benjamin Guyot/Contrepoints.org
« ……Buchanan pourrait bien avoir eu raison : ce sont les hausses d’impôt, et non les baisses, qui semblent associées avec la baisse les dépenses de l’État. Il conclut que « il faut que l’électorat voit la facture pour reconnaître le coût de l’État …. »
Incroyable ! Hollande, à son insu, préparerait les Français à comprendre que notre « état-providence » est impossible à financer.
Chaque hausse d’impôt les réveillerai un peu plus.