La taxe à 75% pour les Nuls

La taxe à 75% sur les hauts salaires n’était pas un moyen d’alimenter le budget de l’État mais une amende pour excès de compétence.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
imgscan contrepoints 2297 75pourcent

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

La taxe à 75% pour les Nuls

Publié le 4 janvier 2013
- A +

La censure par le Conseil Constitutionnel de la taxe à 75% sur les hauts revenus crée un manque à spolier pour l’État. Aussi surprenant que cela puisse paraître, l’objectif de cette taxe n’est pas de permettre à l’État de continuer à dilapider la richesse créée par les Français. Une explication de Christian Eckert, rapporteur PS du budget à l’Assemblée.

Par Baptiste Créteur.

La taxe à 75% retoquée, ce serait plus d’un milliard d’euros de recettes perdues pour le budget de l’État, selon les calculs de Libération. En réalité, cette taxe ne visait pas à alimenter l’État en argent gratuit du contribuable, comme nous l’explique Christian Eckert :

Commençons par rappeler l’objectif, qui est dissuasif. Nous ne cherchons pas à percevoir un impôt pour alimenter le budget de l’État, mais à éviter que des salaires supérieurs à un million d’euros par personne ne soient versés. Ce sont ces salaires exorbitants, en période difficile où on demande des efforts à tout le monde, qui choquent les Français. Alors, cette taxe, c’est une amende plus qu’un impôt. Nous disons : Si vous dépassez la ligne jaune, vous payez.

Des salaires supérieurs à un million d’euros, c’est exorbitant selon le sympathique député – qui a d’ailleurs toute légitimité pour décider du juste niveau de revenus versé par les propriétaires d’une entreprise à leurs salariés. Surtout en cette période où on demande des efforts à tout le monde, sauf à l’État, ses salariés et ceux qu’il décide d’arroser de subventions. C’est donc une amende pour excès de compétence, destinée à tous ceux qui franchissent la ligne jaune du succès.

Le Conseil constitutionnel a considéré qu’il s’agissait d’un impôt, alors que le Parlement – et François Hollande aussi – a considéré que c’était une taxe dissuasive, temporaire puisque prévue pour durer deux ans, donc exceptionnelle, et qu’on n’avait pas à lui fixer les règles de l’égalité devant l’impôt. D’ailleurs, il existe d’autres mesures fiscales individualisées. […] Mais en se prononçant sur le mode de calcul, le Conseil constitutionnel a évité, contrairement à ce que dit la droite, de se prononcer sur l’aspect confiscatoire. C’est probablement la plus grande difficulté que l’on va avoir pour reconstruire un dispositif. On peut craindre que si l’on passe par l’impôt dans la nouvelle version le Conseil constitutionnel explique que la taxe est confiscatoire, puisque c’est ce qu’il a fait pour la taxation des bénéfices sur les stock-options et sur les retraites-chapeaux.

Il n’y a pas plus logique qu’un parlementaire : si on appelle un impôt une taxe, le principe d’égalité devant l’impôt ne s’applique pas. Il existe d’ailleurs d’autres exceptions à ce principe ; les parlementaires le savent bien, puisqu’ils n’y sont pas soumis. Ils vont donc, suite à la décision du Conseil, mettre au point un autre dispositif, toujours dans l’objectif avoué d’être confiscatoire mais en évitant qu’il n’ait l’air confiscatoire.

C’est une mesure symbolique, qui ne rapporte pas énormément d’argent, 200 millions d’euros par an, alors que l’on nous a laissé des déficits abyssaux. Mais les Français sont très attachés au symbole. C’est une des mesures qui a recueilli le plus d’adhésion dans les études d’opinion. Elle a joué un rôle important durant la campagne électorale. Donc il faudra reconstruire une mesure de ce type. On peut, par exemple, imaginer de cibler les entreprises qui pratiqueraient des salaires supérieurs à un million d’euros, soit en annulant les réductions de charges, soit en les amputant du crédit d’impôt-compétitivité. De toute façon, il n’y a pas le feu, il n’y a pas de projet de loi de finances dans les prochaines semaines, ni même dans les prochains mois. Il faut s’habituer dans ce pays à ce que le Parlement prenne un peu de temps pour légiférer.

Cet argent, l’État n’en a pas besoin, même si on lui a laissé une dette importante résultant de 30 années de déficit ; déficit qu’il continue de creuser avec la détermination d’un hamster géant d’Alsace. Être parlementaire, c’est aussi savoir jouer sur les mots : il n’est pas tout à fait vrai qu’on leur a « laissé des déficits abyssaux », puisque le budget 2013 voté par la majorité actuelle aurait pu être à l’équilibre ; en revanche, on leur a laissé – ou plutôt on a laissé aux Français, puisque ce sont eux et non les parlementaires qui auront la charge de les rembourser – des dettes abyssales.

Ne mettons pas trop de pression à nos chers députés, il faut laisser un peu de temps à ceux qui nous gouvernent pour produire un nouveau texte – ils ont déjà trouvé quelques pistes, comme légiférer sur les salaires ou s’attaquer aux entreprises qui les versent. Au contraire des multiples effets d’annonce qui rythment la vie d’un homme politique et supposent une grande réactivité, agir n’est pas urgent, pas plus urgent d’ailleurs que réduire les dépenses et équilibrer le budget de l’État ; ce qui compte, c’est qu’on flatte l’opinion, majoritairement favorable à ce qu’on spolie les riches. Être député, c’est aussi savoir gérer une carrière, donc sa propre réélection. Une carrière qui a de quoi séduire les plus ardents défenseurs de leur intérêt général personnel : sans responsabilités, puisque personne ne vous demande de comptes sur vos résultats ou la façon dont vous gérez l’argent des Français ; bien rémunérée, surtout en regard du privé dont vous pouvez arbitrairement fixer le niveau de salaire maximal ; et sans risques, puisque vous pouvez aisément vous recaser.

Mais après, c’est toujours pareil, on nous oppose la concurrence internationale et la liberté d’entreprendre. Sans parler de quelques Gérard Depardieu…

Voir les commentaires (21)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (21)
  • Alors, le socialisme n’est pas un fascisme !

    • Le fascisme est un socialisme, et le totalitarisme est la pente naturelle et inévitable du socialisme – lire The road to serfdom, de Hayek.

      Le socialisme instaure les instruments du totalitarisme. C’est un totalitarisme à visage humain. Mais tôt ou tard ces instruments sont saisis par des personnages brutaux.
      Comme il est impossible de trancher entre les utopistes, c’est le plus brutal qui s’impose de lui-même.

  • Comment on dit usine à gaz et Flat tax en socialiste

    • Flat tax se dit CSG. Créée par les Socialistes d’ailleurs (1990), alors que l’impôt sur le revenu a été créé par les conservateurs

      La CSG est plus flat que flat et rapporte presque deux fois (85mds€) plus que l’impôt sur le revenu (45Mds€).

      La TVA aussi est flat.

      Le système d’imposition Français est extrêmement flat. L’Impôt sur le revenu est le dernier à être progressif.

      • Non erreur de ma part, l’impot n’a pas été créé par les conservateurs, mais plutôt par les radicaux, 60 ans après que les anglais aient créé le leur.

      • Problème, la flat tax doit remplacer le prélèvement progressif, pas s’y rajouter !

      • La TVA est flat… Sauf qu’il y a plusieurs taux de TVA. Sauf que certaines personnes morales la payent et pas d’autres, etc… L’ISF n’est pas Flat non plus.
        Les subventions (Impots negatifs) sont tout sauf flat. Il faut quand meme garder a l’esprit que la flat tax a un but particulier: Celui de l’Equite. Si on tient compte de tous ces cas particulier, on voit bien que le systeme francais est justement aux antipodes de lequite et au sommet du populisme mensonger (je dis mensonger parce que pour les tres grosses fortunes bien gerees la France peut etre un paradis fiscal selon certains fiscalistes).

  • Le mot le plus grave dans son interview est quand même le mot « amende ».
    Ca voudrait dire qu’il est interdit (!) de gagner plus d’1 million d’euros, sans quoi on doit payer une amende. Et par extension, on peut se dire qu’il y aura 5 ans de prison fermes en cas de récidive.

    De quoi foutre les boules.

    • Quand gagner de l’argent honnêtement devient un délit (vis-à-vis de leur morale à défaut de la Loi)… Peu importe la somme, ici, c’est 1 Million et plus qui est visé, mais demain, ça sera quoi ?

      • Môssieur, gagner de l’argent c’est TOUJOURS malhonnête. C’est donc TOUJOURS un délit, ne vous en déplaise.

        Mais comme on a mis la Veuve au placard et qu’on souffre d’une pénurie de piques, ben, on taxe.

  • si c’était une amende, et bien il fallait le mettre dans le code pénal.
    Cela dit, comme « La Loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. « , il aurait fallu expliquer en quoi le fait de gagner bien sa croute est nuisible…

    • @P: Vous oubliez que « les salauds de riches font leur fortune sur le malheur des autres » donc selon les cocos, si vous etes riches, vous avez FORCEMENT gagne ce pognon avec la sueur du travail des pauvres gens que vous exploitez et donc vous etes un voleur.

    • C’ Est nuisible parce que ca fait s’ étouffer de rage et mourir de jalousie ceux qui ne sont pas capables de devenir riches. On pourrait même avancer que coller une amende à ceux qui gagnent de l’ argent est une opération de santé publique afin de «protéger» la population de tous ces riches qui lui collent des boutons.

  • Impôt/taxe : c’est du branlage de c****** sémantique. Au final, le résultat est le même : de l’argent gratuit pris dans la popoche de ceux qui bossent.

  • L’impôt est une arme des constructivistes pour modifier le comportement des individus (carotte et bâton),
    La taxe sur les micro logements a aussi pour but d’encadrer les loyers.et non rapporter des sommes significatives.

  • « La taxe à 75% retoquée, ce serait plus d’un milliard d’euros de recettes perdues »

    Ah bon? Moi il me semble me souvenir que cette taxe symbolique devait ne rapporter que 200 millions. Et la retoquer réduirait ce rapport d’un milliard? De qui se moque-t-on?s

  • « La taxe à 75% retoquée, ce serait plus d’un milliard d’euros de recettes perdues pour le budget de l’État. »

    Voilà une puissante et profonde vérité. Mais ce n’est que le petit bout de la queue de l’iceberg. Un milliard de perdu pour le budget de l’Etat, c’est déjà énorme. Mais combien de CENTAINES DE MILLIARDS perdus parce que cette taxe ne frappe les super-hyper rupins qu’à partir d’un million d’euros au lieu de à partir de, disons, cent mille euros? Hein? Vous en connaissez beaucoup, des gens qui engrangent un million par an, vous? Moi pas un. Tandisque des qui gagnent plus de cent mille euros, j’en soupçonne une poignée. Ce n’est donc pas un misérable petit milliard de perdu pour l’Etat, c’est des milliards et des milliards. Combien de milliards? Je ne sais pas. Mais un milliard par-ci, un milliard par-là, ça finit vite par cuber (disait Jean-Paul Getty quand un milliard c’était un vrai milliard et pas des picaillons comme au jour d’aujourd’hui).

    Donc, la taxe à 75% pas retoquée qui ne s’appliquerait qu’au delà d’un million de revenu annuel, c’est des centaines de milliards d’euros de recettes perdues pour le budget de l’État. Comme si, avec notre dette et notre déficit, nous avions les moyens de ne pas cueillir tout ce bon argent qui ferait tant de bien à la République. Stop à la gabegie!

    Yfo taksé!

  • « Être député, c’est aussi savoir gérer une carrière, donc sa propre réélection.  »

    Donc complaire à son parti et à ses chefs: Les vrais patrons.
    Écouter Yvan Blot « Le pouvoir irresponsable » (dailymotion)

    Solution: La démocratie directe.

  • Et les niches fiscales? C’est pour les chiens libéraux?

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Commençons par un constat brutal mais nécessaire : l’édifice légal et constitutionnel de notre pays est contesté de part et d’autre pour des raisons différentes. Le Conseil constitutionnel en est le plus récent exemple mais, de plus en plus fréquemment, c’est la Cinquième République qui est mise en cause en tant que telle. Un système légal s’effondre, il en appelle un autre, qui sera ou vraiment libéral ou fasciste. L’entre-deux dans lequel nous nous trouvons depuis 1958, ce semi-libéralisme, mettons, est caduc : les signes en sont multiples.... Poursuivre la lecture

Avec le retour de la volonté présidentielle d’inscrire l’IVG dans le texte fondamental qu’est la Constitution du 4 octobre 1958, certaines critiques sont revenues sur le devant de la scène, notamment venant des conservateurs, qu’ils soient juristes ou non.

Sur Contrepoints, on a ainsi pu lire Laurent Sailly, à deux reprises, critiquer cette constitutionnalisation en la qualifiant de « dangereuse et inutile » ou plus récemment, Guillaume Drago dans le « Blog du Club des juristes », critiquer ce projet, reprenant pour ce dernier une publ... Poursuivre la lecture

Première partie de cette série ici.

 

Le requérant de la seconde Question proritaire de constitutionnalité soutient comme argument que les cours criminelles départementales violent un « principe de valeur constitutionnelle » selon lequel les jurys sont compétents pour les crimes de droit commun.

Contrairement aux Principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, les principes à valeur constitutionnelle sont très utilisés par le Conseil constitutionnel qui n’hésite pas en découvrir de nouveau, et à modif... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles