Le syndrome Balthazar Picsou

Marine le Pen et Arnaud Montebourg sont atteints de ce syndrome. Mais de quoi s’agit-il ?

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Le syndrome Balthazar Picsou

Publié le 18 janvier 2013
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Marine le Pen et Arnaud Montebourg sont atteints de ce syndrome. Mais de quoi s’agit-il ?

Par Georges Kaplan.

Vous connaissez sans doute Balthazar Picsou, Scrooge McDuck [1] en version anglophone, l’oncle de Donald Duck qui se trouve par ailleurs être à la tête d’une fortune estimée par Forbes à environ 44,1 milliards de dollars en 2011. L’oncle Picsou est donc immensément riche mais ce n’est pas tout ; il a une autre particularité, une caractéristique qui tient à sa personnalité : Balthazar Picsou est incroyablement radin.

Jugez par vous-même : depuis le début de sa carrière en 1947, la quasi-totalité des dollars qu’il a gagnés sont allés rejoindre son coffre géant de Donaldville. Cela fait donc 66 ans qu’il amasse des dollars sans jamais dépenser un cent ; 66 longues années qu’il traine la même redingote et le même haut-de-forme élimé. Si je vous en parle aujourd’hui, c’est que la pingrerie de Picsou n’a rien d’anecdotique, ce n’est pas un simple trait de personnalité ; il est en réalité atteint d’une pathologie grave : ci-après, le syndrome Balthazar Picsou.

Description clinique

Pour bien comprendre, je vous invite à considérer un billet de banque – de 5, 10, 20 ou 50 euros ; le premier qui vous tombe sous la main – et à vous poser la question suivante : qu’avez-vous entre les mains si ce n’est un morceau de papier imprimé ? En d’autres termes : par quel miracle ce bout de papier a-t-il de la valeur à vos yeux alors que – par exemple – le journal d’avant-hier n’en a pratiquement aucune ? Eh bien c’est extrêmement simple : c’est uniquement parce que vous savez, parce que vous avez la certitude que vous pourrez échanger ce billet contre des biens et des services qui rendent votre vie plus agréable.

Si cette idée vous chiffonne, essayez d’imaginer un monde dans lequel vous possédez une baignoire pleine à ras-bord de billets de 100 euros alors que tous les magasins auxquels vous pouvez raisonnablement accéder sont désespérément vides : il n’y a rien à acheter. Auriez-vous le sentiment d’être riche ? Vous ne pouvez acheter ni vêtements, ni nourriture : diriez-vous que votre situation matérielle est enviable ? Probablement pas.

Eh bien pour Balthazar Picsou, comme pour toutes celles et ceux qui sont atteints du syndrome du même nom, c’est exactement le contraire : ils se fichent éperdument des richesses réelles, du confort et du bien-être que leur argent leur permettrait d’acquérir ; ils accumulent de l’argent pour le seul plaisir d’en avoir beaucoup [2]. Autrement dit, pour celui qui est atteint du syndrome Balthazar Picsou, (i) un billet de banque a de la valeur indépendamment des biens et services qu’il permet d’acheter et (ii) un billet de banque a toujours plus de valeur que les biens et services qu’il permet d’acquérir.

Une explication rationnelle du mercantilisme

Je vous vois sourire d’ici. Vous pensez sans doute que cette histoire de syndrome Balthazar Picsou n’a ni queue ni tête et que ce n’est que pure invention de ma part. Eh bien détrompez-vous : le mal est bien réel et il est infiniment plus répandu que vous ne le pensez. Par exemple, Jean-Baptiste Colbert, Marine le Pen, Arnaud Montebourg, toutes celles et ceux qui pensent que le déficit de notre balance commerciale est un problème et toutes celles et ceux qui plaident ou ont plaidé pour la mise en œuvre de politiques protectionnistes en sont atteints.

Je m’explique : imaginez que nous vivions dans un monde sans argent, un monde de troc où nous échangeons uniquement des produits contre d’autres produits. Dans un tel monde, un déficit de la balance commerciale n’aurait aucun sens n’est-ce pas ? À chaque importation de produit correspondrait une exportation de produit de valeur équivalente (sinon, la transaction n’aurait pas lieu) et la balance commerciale serait, par définition, toujours équilibrée. Et maintenant, imaginez qu’au lieu d’exporter des produits, nous exportons des billets : pourquoi diable cela nous appauvrirait-il ?

Vous aurez beau tourner autour du pot, la seule explication c’est que celles et ceux qui pensent qu’un déficit de la balance commerciale nous appauvrit sont intimement convaincus, sans même le réaliser, que 100 euros en billets de banque ont plus de valeur que 100 euros de marchandises. C’est une manifestation du syndrome Balthazar Picsou. Dans les cas extrêmes, le patient préfère mourir de faim ou de maladie plutôt que d’échanger ses précieux billets contre de la nourriture ou des médicaments.

Rêve de planche à billets

C’est-à-dire que pour les personnes atteintes de cette pathologie, le billet de banque que vous tenez entre vos mains n’est pas un moyen pratique d’échanger, de conserver ou d’évaluer de la richesse, il est la richesse ; à la limite, rien d’autre n’a de valeur. Ainsi, de la même manière que l’opération qui consiste à exporter des billets de banque pour importer de l’or donne lieu, à leurs yeux, à un appauvrissement, le simple fait d’imprimer des billets constitue une source intarissable d’enrichissement.

Naturellement, nous savons vous et moi que ce n’est pas en remplissant nos baignoires de billets que nous garnirons les étals des marchands ni, par voie de conséquence, nos garde-mangers. La théorie quantitative de la monnaie, dûment étayée par quelques siècles d’histoire, nous a clairement appris qu’à trop multiplier les billets au regard des richesses réelles produites, on obtient qu’un seul effet : la dévaluation de la monnaie, c’est-à-dire de l’inflation. Nous savons, en somme et comme Jean-Jacques Rousseau le résumait si bien que « l’argent n’est pas la richesse, il n’en est que le signe ; ce n’est pas le signe qu’il faut multiplier, mais la chose représentée [3]. »

Mais pour celui qui souffre du syndrome Balthazar Picsou, la monnaie se confondant complètement avec la notion de richesse, il n’est pas de problème qu’il ne pense pouvoir résoudre en imprimant des billets. Les salaires ne sont pas assez élevés ? Imprimons des billets et distribuons-les ! Il y a du chômage ? Imprimons des billets et utilisons-les pour payer des salaires ! L’État est endetté ? Imprimons des billets et utilisons-les pour rembourser la dette publique ! Au bout du compte, lorsque tous cherchent à freiner ses ardeurs, le sujet s’imagine couramment victime d’un obscur complot et sombre dans la paranoïa.

Si, au regard des symptômes exposés ci-dessus, vous pensez être vous-même atteint du syndrome Balthazar Picsou, je ne saurais trop vous encourager à consulter un spécialiste de toute urgence.


Sur le web.

Notes :

  1. Si les écossais ont la réputation d’être radins, c’est probablement dû à l’extraordinaire efficacité de leur système bancaire et financier entre 1716 et 1845 ; un système de monnaies privées en concurrence qui fonctionnait pratiquement sans aucune régulation.
  2. Balthazar aime aussi s’y baigner mais c’est un autre problème.
  3. Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social (1762).
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  • ouais, mais Hollande à le syndrome du Rapetou…

  • Il me semble particulièrement injuste de s’en prendre à Piscou tant il est l’une des rares figures libérales -et osons le un quasi-objectiviste- de la Bande dessinée. Et ceci transpire abondamment dans l’oeuvre de Carl Barks ou de Keno Don Rosa…

    • Maudit Mickey constructiviste !

      Non sérieusement Picsou est un bon exemple, ludique et très juste à la fois.
      On aurait pu aussi disserter sur le fait que sa fortune a été objectivement réduite par linflation et, bien pire, dire qu’avoir de l’argent en n’en faisant rien c’est équivalent à ne pas avoir d’argent.

      Picsou est un personnage complexe, oui très libéral mais aussi très contestable. Et ce n’est qu’en opérant cette contestation/comparaison que l’esprit (et surtout les jeunes esprits qui lis(ai)ent Barks ou Don Rosa, dont je faisais parti) peut évoluer.

  • Je ne pense pas que les Buffet Lagardère et Cie entassent des biftons dans des placards ce qui n’aurait aucun sens mais plutôt… des lingots. Sachant que la fortune mondiale sortie de terre jusqu’à aujourd’hui représente un cube d’or de 20,5m d’arête, si quelqu’un en a les 3/4 l’autre ne peut prétendre en avoir la moitié ! Ainsi cherchent-ils plutôt à priver l’autre de ce qu’il veut plutôt que d’avoir le simple plaisir (dénoncé ci-dessus) d’en contempler le tas.
    C’est la rareté et le besoin qui établissent les prix. Or, dans ce cas précis où Tartempion amasse des lingots, il est confronté et obligé d’acheter de l’or tous les jours pour conserver la rareté et le prix élevé de son tas.
    C’est ce qui se passe tous les jours en France notamment où sortent de nouvelles lois pour obliger les consommateurs à acheter/payer telle ou telle connerie sous le faux-drapeau de ‘la sécurité’, nouvelles nouvelles normes décidées à Bruxelles. L’important est donc de ruiner tous les hommes et de les maintenir sous la barre ‘du riche’ afin qu’ils ne rivalisent pas avec les politiques.
    C’est aussi ce qui se passe aux States où les coûts des études s’envolent et font et feront des pauvres sans instruction et des riches diplômés.

    • Tout à fait ; c’est comme ca que commence les sociétés élitistes, et ce n’est que le début du déclin.

      C’est comme dans Pokémon. Les bicyclettes valent 1’000’000 pkdollars, montant impossible à atteindre en jeu (la machine limite à 999’999’999). Le marchand de bicyclettes qui a le monopole et donc le pouvoir ne t’en fournira que si tu lui rends un service.
      Comme pour entrer dans de prestigieuses écoles : elles ont quasiment le monopole des relations et des pistons et en contrepartie demandent des services à leurs futurs élèves (gros dossier ou gros compte en banque).

  • « un billet de banque a toujours plus de valeur que les biens et services qu’il permet d’acquérir »

    Pour le dire autrement, on paie un coût d’opportunité chaque fois qu’on achète quoi que ce soit avec de la monnaie… mais cela ne vaut vraiment qu’en « économie en rotation stable », pour reprendre la formule de Mises.

    En passant, la monnaie est (normalement) la compensation de l’utilité sociale que le reste du marché vous doit. Et donc, celui qui amasse de l’argent en masse sans le dépenser… est l’ultime philanthrope, car il est celui qui apporte le plus de valeur à l’existence de ses contemporains, tout en consommant le minimum lui-même.

    Alors, radin, l’oncle Picsou ? Faut voir comment on définit ce mot. Il est en totu cas d’une toute autre trempe et d’une éthique très supérieure aux clopportunistes de notre époque, qui verrouillent les marchés à coups de réglementation copinarde et s’assurent d’une clientèle captive à travers les « marchés » publics.

  • Picsou a gagné son argent uniquement à la sueur de son front.
    D’ailleurs il n’a pas commencé sa carrière en 1947, mais vers environ 1885, comme chercheur d’or.
    Je vous invite à lire la formidable ré-édition des jeunes années de Picsou par Don Rosa, parue en Décembre 2012 aux éditions Glénat.

    • Tout à fait !
      Et en fait il faut savoir que Picsou n’accumule pas l’argent juste pour l’argent : chaque pièce de son coffre est chargée du souvenir de l’aventure grâce à laquelle la pièce a été gagnée.

      Ainsi il fait parfois don de fabuleux trésors qui ne lui rappellent aucun souvenir.

      et puis il fait tourner l’industrie puisqu’il possède de nombreuses usines et magasins dont l’argent est réinvesti et n’atterrit pas dans son coffre.

      Le coffre est une boîte à souvenirs

    • 1947 correspond a la date ou picsou est apparu dans notre monde (ou les gens n’ont pas des têtes d’animaux :p).

      Et oui picsou gagne son argent purement grace a sa prise de risque, sa famille, et son esprit d’entrepreneur. Mais cela ne change pas ce qu’explique l’auteur : Pour picsou la valeur des pièces dans le coffre est plus importante que la valeur des marchandises qu’elles pourraient acheter (parceque les pièces sont des souvenirs).

      • En fait en 43! Mais il est habillé à l’écossaise. Il n’a pas encore de nom et explique à Donald qu’il faut bien économiser son argent pour payer ses impôts en bon patriote. La participation de Disney à l’effort de guerre: « Taxes to burry the Axes ».
        The Spirit of 43.

  • Tant qu’on parle de Picsou, on peut parler du fait qu’à écouter les discours de nos amis planistes, Picsou est la représentation typique de l’entrepreneur moderne, soit un radin qui se contente d’accumuler du fric sans jamais investir ou favoriser d’innovation quelconque. Le problème vient de là, pour beaucoup de paupéristes en tout genre (socialistes, décroissants…), ils pensent que les riches planquent des montagnes de pognon sous un matelas et le « retirent » du circuit économique. Tant qu’ils ne verront pas l’entrepreneur comme un créateur de richesses et un innovateur mais comme un parvenu paresseux, ils n’accorderont jamais leur confiance à ces individus.

    C’est mal barré.

    • Retirer de l’argent (ou de l’or) du système financier n’est pas non plus gênant, c’est complétement neutre : si tu retire une fraction de la masse monétaire, la fraction restante verra sa valeur augmenter de par sa rareté relative. L’effet sera inverse si le capital stocké est mangé.
      Quel qu’en soit le sens considéré, une monnaie est un instrument passif, elle a une certaine inertie, qui baisse avec l’augmentation de la circulation de l’information, mais toute manipulation monétaire est vouée à l’échec !

      • Nous sommes d’accord. Je ne partage pas le point de vue que je développe, je dis juste que c’est la représentation majeure chez nos adversaires politiques, et que malheureusement cette représentation est fausse. Dès lors, la lutte politique commence dans les esprits (on peut dire ce qu’on veut de Gramsci, il serait le meilleur ami des libéraux ces temps-ci).

  • C’est la base du jeu de role qu’ils apprenent à l’ENA.

    Le vieux banquier, la sorcière, les bandits et les dingos

    mais je pense que piscou, il est devenu asiatique à force.

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