Les inégalités augmentent-elles la mortalité infantile ?

Dans la doxa altermondialiste, un niveau élevé d’inégalités serait lié à une mortalité infantile élevée. Qu’en est-il vraiment ?

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Les inégalités augmentent-elles la mortalité infantile ?

Publié le 24 janvier 2013
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Dans la doxa altermondialiste, un niveau élevé d’inégalités serait lié à une mortalité infantile élevée. Qu’en est-il vraiment ?

Par Le Minarchiste, depuis Montréal, Québec.

L’argument souvent lancé par la gauche concernant les inégalités de revenus est que celles-ci sont corrélées à la mortalité infantile. Vous trouverez sur le web plusieurs graphiques montrant cette relation. Les gauchistes expliquent cette corrélation en affirmant que dans les pays inégaux, les pauvres n’ont pas suffisamment d’argent pour bien se nourrir et n’ont pas accès au système de santé. Ils utilisent aussi cette statistique pour critiquer les États-Unis, qui est l’un des pays ayant le plus haut niveau de mortalité infantile parmi les pays les plus riches.

Alors, devrions-nous redistribuer davantage la richesse pour contrer la mortalité infantile ? En analysant les statistiques et les études sur la question, j’ai trouvé plusieurs failles majeures dans ce raisonnement.

Tout d’abord voici le graphique que j’ai construit moi-même à partir des plus récentes données. Notez que je n’ai pas tronqué les axes, comme le font souvent plusieurs personnes. J’y reviendrai plus tard.

Une mesure différente

Selon les chiffres officiels, les États-Unis se classent au 24e rang sur les 27 pays les plus riches avec 6 décès par 1000 naissance comparativement à 5,3 pour les 27 pays observés selon les chiffres du CIA World Factbook de 2012. Cependant, les pays ne mesurent pas tous les mortalités infantiles de la même manière. Certains pays ne comptent pas les décès survenus durant les premières 24 heures suivant la naissance alors que d’autres ne comptent que les décès de bébés pesant plus de 500 grammes ou ayant bénéficié d’au moins 22 semaines de gestation, ce qui les fait mieux paraître comparativement aux États-Unis. Cela n’explique pas tout l’écart, mais une portion significative tout de même.

Des statistiques trompeuses

Le taux de mortalité infantile est mesuré non pas sur 100 naissances, mais bien sur 1000 naissances. Soyons clairs : même s’il n’était que 1 /1000, ce serait quand même trop. Loin de moi l’intention de diminuer l’ampleur du malheur que le décès d’un nouveau-né représente, mais il n’en demeure pas moins que 6 décès sur 1000, incluant les prématurés, est un excellent bilan comparativement à ce que l’on observait dans le passé. En fait, si on exclut le Mexique et la Turquie, qui sont encore des pays plus ou moins émergents et qui vont continuer d’améliorer leur bilan (voir les deux points extrêmes sur le graphique ci-haut), la plupart des pays ont un très bas niveau de mortalité infantile, sans grande différence les uns par rapport aux autres (voir le rectangle rouge dans le graphique ci-haut). D’ailleurs, on pourrait presque tracer une ligne droite horizontale à travers l’encadré rouge du graphique ci-haut, impliquant qu’il n’y a pas vraiment de relation significative avec les inégalités de revenu. En excluant le Mexique et la Turquie, le R-carré de la régression diminue à 35%. Et si on observe l’évolution dans le temps pour l’OCDE et pour les quatre pires taux de mortalité infantile, on constate que la mortalité infantile n’est plus vraiment un problème de nos jours dans les pays industrialisés.

Par ailleurs, lorsque l’on mesure la performance des pays en fonction d’un autre indicateur, soit la probabilité de ne pas survivre jusqu’à 60 ans (ONU), on observe qu’il n’y a pas vraiment de relation avec le Gini (r-carré de seulement 14%).

Les disparités raciales

En 2008, aux États-Unis le taux de mortalité infantile des bébés afro-américains était de 92% supérieur à la moyenne nationale. Environ 30% des décès de nouveau-nés sont afro-américains aux États-Unis. Celui des bébés d’origine hispanique était de 20% inférieur à la moyenne nationale et 4% inférieur à celui des bébé blancs-caucasiens. Certes, les noirs sont plus pauvres que les blancs, mais ils ne sont pas vraiment plus pauvres que les hispaniques, qui eux sont plus pauvres que les blancs tout en ayant un meilleur taux de mortalité infantile. Il ne semble donc pas y avoir de lien avec le statut socio-économique des races. Que font donc les noirs afro-américains pour avoir un taux de mortalité infantile si élevé ?

Les habitudes de vie jouent un très grand rôle

Le gouvernement américain s’est penché sur la problématique de l’écart de mortalité infantile des États-Unis relativement à l’OCDE. Dans un rapport du Congressional Research Service des États-Unis, on pouvait lire que « certaines causes de mortalité infantile, comme les malformations congénitales, qui est la plus grande cause de mortalité infantile aux États-Unis, sont moins susceptibles d’être contrées par l’intervention gouvernementale ».

Pourquoi ? Voici comment Wikipedia décrit les causes de ces malformations : « la cause de 40% à 60% des anomalies congénitales chez les humains est inconnue. Elles sont d’occurrence sporadique et aléatoire, peu importe les conditions de vie de la mère. Pour 20% à 25% des anomalies, il semble y avoir une cause multifactorielle, ce qui implique une interaction de plusieurs anomalies génétiques mineures avec des facteurs de risque environnementaux. Un autre 10% à 13% des anomalies ont une cause purement environnementale, c’est-à-dire des infections, maladies ou abus de drogues chez la mère. »

Donc, il n’y a pas grand chose que l’on puisse faire pour contrer la plus grande cause de mortalité infantile, outre se protéger des infections transmises sexuellement et éviter de prendre des drogues dures. À noter que les blancs américains consomment plus de drogue que les noirs et que les hispaniques, et aussi que les Américains consomment plus d’alcool, de tabac, de cannabis et de cocaïne que les autres pays (voir ceci).

La seconde cause de mortalité infantile est la naissance prématurée, qui est plus fréquente aux États-Unis qu’en Europe occidentale (deux fois plus qu’en Finlande et en Suède). Cependant, il est important de noter que selon une étude du National Bureau of Economic Research, les enfants prématurés nés aux États-Unis ont un taux de survie significativement plus élevé qu’au Canada. Selon le Docteur George Graham de la Johns Hopkins Medical School, la nutrition ne joue presqu’aucune rôle concernant les naissances prématurées. Il existe cependant plusieurs habitudes de vie qui favorisent cette situation.

L’âge joue un rôle très important à cet égard. Aux États-Unis, les naissances de mère âgées de plus de 40 ans ont fortement augmenté au cours des deux dernières décennies. Les malformations congénitales, les naissances prématurées et la mortalité infantile en général augmentent avec l’âge. Par ailleurs, l’utilisation de la procréation assistée augmente le risque de naissances multiples et, par le fait même, de poids insuffisant à la naissance, ce qui est un facteur de risque important (selon le Center for Disease Control). Les États-Unis est le pays riche qui utilise le moins la procréation assistée (voir ceci).

L’allaitement maternel peut prévenir la mortalité infantile. Il appert que les femmes afro-américaines ont constamment des taux d’allaitement inférieurs aux femmes blanches et hispaniques. Par ailleurs, les Afro-Américaines ont des durées plus courtes entre les grossesses, ce qui est un facteur de risque pour les naissances prématurées. De plus, les enfants nés de mères adolescentes sont plus susceptibles de décéder dans la première année de vie. Les États-Unis ont 7 fois plus de naissances de mères adolescentes que la Suède, notamment parce que l’accès à l’avortement y est découragé pour motifs religieux. Les naissances de mères âgées de 19 ans et moins représentent 16,4% des naissances totales chez les noirs comparativement à 7,2% chez les blancs. Pour ce qui est des 35 ans et plus, elles représentent 15,3% des mères blanches comparativement à 10,4% des mères noires.

L’obésité et le diabète sont aussi des facteurs de risques pour les naissances prématurées et la mortalité infantile. Ceux-ci sont plus prévalents aux États-Unis que dans les autres pays riches et sont plus fréquents chez les afro-américains que chez les blancs. La production de maïs est fortement subventionnée aux États-Unis alors que le prix du sucre blanc est maintenu élevé par des mesures protectionnistes, ce qui a fait en sorte qu’au cours des dernières décennies, le sirop de maïs à haute teneur en fructose a été de plus en plus utilisé comme agent sucrant aux États-Unis. Cet ingrédient est un facteur déterminant de l’épidémie d’obésité qui sévit aux États-Unis.

Le syndrome de la mort subite du nourrisson (SMSN) est la troisième cause la plus importante de mortalité infantile aux États-Unis. Parmi les causes et facteurs de risque du SMSN, on retrouve la position de couchage (il faut mettre le bébé sur le dos !), le tabagisme et le non-allaitement, sur lesquels les parents ont le contrôle peu importe leur classe sociale. L’autre facteur de risque est bien entendu la prématurité de la naissance. À noter que les États-Unis ont un taux de SMSN 66% plus élevés que la moyenne des pays riches (voir ceci). Aux États-Unis, le SMSN est significativement plus fréquents chez les noirs Afro-Américains.

Donc en somme, les taux de mortalité infantile et de naissances prématurées sont plus élevés aux États-Unis qu’ailleurs car a) l’usage d’alcool/tabac/drogues y est plus élevé, b)  l’allaitement maternel y est moins fréquent, c) les grossesses sont plus rapprochées, d) les naissances de mères adolescentes y sont plus fréquentes, e) l’obésité et le diabète y sont plus prévalents et f) le syndrome de la mort subite du nourrisson y est plus fréquent. Les mauvaises habitudes de vie liées à ces problèmes sont plus prévalentes chez les noirs afro-américains, qui représentent une grande proportion de la population américaine.

Les programmes du gouvernement américain contre la mortalité infantile

Le gouvernement américain n’est pas resté les bras croisés face à la situation. Plusieurs programmes ont été lancés depuis les années 1970, au coût de plusieurs milliards de dollars par an, incluant :

  • Temporary Assistance for Needy Families program (TANF)
  • Women, Infants, and Children program (WIC)
  • Supplemental Nutrition Assistance Program (SNAP)
  • Healthy Start Program (HSP)
  • Maternal and Child Health Services Block Grants
  • Federal Health Center Program
  • Health Education Efforts (HHS), incluant Toll-Free Prenatal Care Line, Back-to-Sleep (prevention du SMSN), Folic acid campaign, Preventing mother-to-child HIV transmission campaign.
  • Programmes de prevention (Teen Pregnancy, Family Planning, Childhood Immunization).
  • Medicaid

Le programme Healthy Start est un programme fédéral qui vise spécifiquement à s’attaquer à la mortalité infantile en finançant l’accès aux soins prénataux pour les familles à faible revenu. Le programme WIC quant à lui subventionne la distribution de nourriture aux femmes enceintes et aux jeunes enfants de familles à bas revenus.

Quels ont été les impacts de ces coûteux programmes ? Selon le rapport du CRS cité plus haut :

« Les chercheurs ont observé des résultats ambigus en examinant les effets des programmes fédéraux sur la mortalité infantile » (“Researchers found ambiguous results when they examined the effects of federal programs on infant mortality and the IMR”).

 Ainsi, il semble que l’intervention gouvernementale en matière de mortalité infantile, qui a débuté dans les années 1970, n’a pas vraiment contribué à améliorer la situation. L’amélioration de l’IMR des États-Unis a surtout résulté des avancées scientifiques en médecine, comme ce fut le cas dans les autres pays de l’OCDE. Cela ne devrait surprendre personne, puisque tel que mentionné précédemment, la malnutrition ne joue pratiquement aucun rôle au niveau des naissances prématurées. Les habitudes de vie mentionnées ci-haut sont plutôt la cause principale.

Le système de santé trop coûteux et inaccessible

Est-ce que le très coûteux système de santé américain pourrait figurer parmi les causes de la mortalité infantile aux États-Unis, le rendant inaccessible à ceux qui n’ont pas accès à de l’assurance ? L’étude du CRS montre que les hôpitaux publics associés au programme Medicaid (une assurance-santé gratuite pour les pauvres) affichent un taux de mortalité infantile plus élevé que les hôpitaux associés à des programmes d’assurance-santé privés. Ces hôpitaux seraient-ils donc de moins bonne qualité ou seraient-ils simplement situés dans des quartiers où il y a une plus grande proportion d’Afro-Américains ? Encore une fois, il est difficile de séparer corrélation et causalité.

Est-ce que réduire les coûts du système de santé pour le rendre plus accessible pourrait aider à réduire la mortalité infantile ? C’est possible, mais il n’en demeure pas moins que le gouvernement est largement responsable des coûts élevés (voir ceci). L’interventionnisme dans l’assurance-santé qui engendre des problèmes d’agence, la cartélisation des médecins, les coûts associés aux brevets et à la réglementation, le système légal déficient qui gonfle les coûts d’assurance-responsabilité.

Dans un exemple récent, selon le Docteur Jason Sigmon de l’Oklahoma, une simple chirurgie aux sinus pour les patients souffrant d’infections nasales chroniques coûterait 33.505 dollars dans un hôpital « traditionnel » (ce montant ne comprenant que les frais hospitaliers sans coûts d’anesthésiste ou de l’intervention du Dr. Sigmon lui-même), alors que lorsque Dr Sigmon pratique la même opération au Centre Chirurgical, une clinique privée « hors-système », la facture totale s’élève à seulement 5.885 dollars tout inclus ! D’où vient la différence ? De la bureaucratie et de l’inefficacité : bref d’un système plein de distorsions. Ceci dit, les gens de l’Oklahoma sont chanceux car cet état ne fait pas partie des 35 États dans lesquels les établissements indépendants du système doivent obtenir la permission des hôpitaux traditionnels pour opérer, un soi-disant « certificate of need ». Belle façon de bloquer la concurrence !

Conclusions

En somme, on pourrait résumer la situation par les affirmations suivantes :

1) La mortalité infantile n’est plus un problème majeur dans les pays développés, y compris aux États-Unis.

2) Le taux de mortalité infantile des États-Unis est gonflé par la méthodologie de comptage utilisée.

3) La mortalité infantile plus élevée des États-Unis est essentiellement un problème afro-américain.

4) Ce problème est largement causé par de mauvaises habitudes de vie :

  • Tabagisme, drogues, alcool
  • Infections transmises sexuellement
  • Naissances issues de mères adolescentes
  • Non-allaitement du bébé
  • Grossesses trop rapprochées
  • Obésité et diabète
  • Syndrome de mort subite du nouveau-né (mauvaise position de couchage)

5) L’insuffisance alimentaire n’est pas une cause significative de mortalité infantile aux États-Unis, surtout en présence des programmes fédéraux à cet égard (dont le WIC).

6) L’intervention du gouvernement en matière de mortalité infantile n’a pas donné de résultats concluants.

7) Les failles du système de santé américain pourraient expliquer une partie du problème.

Rien n’indique que combattre les inégalités de revenus par la redistribution fiscale ne viendrait améliorer la situation aux États-Unis.

Cet article fait suite à une série d’articles sur les inégalités que j’ai récemment publiés, lesquels sont :


Sur le web

Voir les commentaires (3)

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  • Bonjour
    J’avais fais le calcul de corrélation sur les bases OCDE 2003

    Gini/mort infantile 0.39
    PNB habit/mort inf 0.53

    En fait il semble plus efficace d’avoir une politique de développement économique (libérale), qu’une politique de lutte contre les inégalités.
    Comme toujours une économie forte augmente la richesse de tout le monde au bout du compte.
    Mais à court terme il est plus payant pour un politique d’avoir une politique ‘généreuse’.

  • Pour le coup je suis moyennement d’accord avec l’article.

    La prédominance de la population noire dans ces statistiques est le reflet de leur précarité.

    • @JS

      Alors que dire hispaniques? Malgré leur précarité similaire à celle des noires, leur mortalité infantile est inférieure à celle des blancs…

      D’ailleurs, quand on étudie les causes principales de mortalité infantile, on constate qu’elles n’ont pas grand chose à voir avec la précarité (avez-vous lu l’article en entier?).

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