Et si la dérive de l’enseignement en France tenait à la confusion, voulue ou non, entre instruction et éducation ?
Par F. Duschesne.
Un article du Cri du Sorbonnard.
Classement OCDE en berne, polémiques sur le bien-fondé de débats politiques à l’école, controverse autour du film Le baiser de la lune en CM2, battage médiatique autour de la violence à l’école (en recrudescence sauf pour l’Insee), réforme des rythmes scolaires.
Bref, le système scolaire français nous passionne. La lutte des classes est le combat du père, de la mère, du grand-frère, de la grand-mère et du cousin, de tous les Français d’aujourd’hui, d’hier et de demain. La France sera ce que les enfants d’aujourd’hui voudront bien en faire. L’avenir de notre pays s’écrit aujourd’hui dans le cahier (format A4, 96 pages, Clairefontaine®) d’Hector, Luna et Léon qui consciencieusement rédigent leurs leçons. Le ministère de l’Éducation cherche à concilier ce petit monde fait d’élèves, de professeurs, de parents en colère et de syndicats aussi virulents que rancuniers.
Le mammouth peine à marcher sur ces quatre pattes aux trajectoires souvent irréconciliables. Souhaitons qu’il puisse un jour galoper à nouveau, évoluer et jamais ne s’éteindre ! Son bien-être est l’objet du mandat du ministère de l’Éducation nationale. Il est possible de soigner les divergences de point de vue des quatre acteurs principaux, de réconcilier.
Si le sujet est extrêmement vaste, souvent pointilleux, l’essentiel du malaise semble être contenu dans la vocation même du ministère, et la terminologie qu’il emploie. Si le sujet passionne tant, c’est qu’il est total : les écoles françaises ont pour vocation d’éduquer et non d’instruire. Élever un homme c’est l’éduquer par l’instruction et la morale. L’instruction est neutre, la morale ne l’est pas. Éduquer c’est guider l’instruction, or guider c’est montrer la voie, entre bien et mal. L’éducation est donc essentiellement subjective. L’État serait donc devenu subjectif par le passage de l’instruction à l’éducation des citoyens ? La République, profondément objective, est-elle alors devenue ce contre quoi elle s’éleva au XVIIIe siècle ?
Le changement terminologique est le fruit d’une profonde crise
Le ministère de l’Instruction nationale ne devient d’Éducation nationale qu’en 1932. Une façon de répondre à la crise ambiante qui toucha la France ?
La France n’a pas été victime de la crise américaine de façon rapide grâce à son protectionnisme et sa réticence devant le capitalisme total. Mais c’était sans compter les dévaluations de la livre et du dollar qui auront raison de la production française quasi-autarcique. Aussi, notre patrie s’enfonça dans cette crise dont l’épilogue belliqueux est tristement célèbre. La dépression française dans les années Trente s’incarna par une suite de crises politiques profondes. De 1932 à 1938 s’enchaînent quinze crises ministérielles qui ont partiellement pour origine la corruption dans les ministères, qui existe depuis bien avant 1932, mais fut révélée par la dépression économique.
Ainsi, à ce climat délétère se greffent les ligues fascistes, au sens véritable du terme. C’est brinquebalé sur cet instable champ de bataille politique, économique et sociale que le gouvernement choisit d’éduquer les enfants plutôt que de les instruire. Le hasard n’explique pas tout, en particulier en cette période où le gouvernement semble avoir des problèmes plus pressants que l’éducation.
C’est dans ce contexte que le gouvernement change le nom du ministère chargé de former et garnir les cerveaux de nos bambins. L’acte de naissance d’un phénomène politique renseigne l’observateur appliqué sur son caractère et son destin. Ainsi à l’instruction succède l’éducation. La République change son projet : l’enfant doit être instruit certes, mais dans le bon sens…
L’évolution lexicale est flagrante. Voyons ce qu’elle dénote par l’étude de l’étymologie des deux termes dont il est question.
Éducation : de la famille de dux, ducis, le chef, le guide. On notera la profusion des termes dont naquirent entre autres conduire, produire, séduire, déduire, traduire. Héritier de cette histoire des mots, éduquer (de educare) tient une place particulière. En effet il apparaît plus tard, au XIVe siècle, et reste rare jusqu’au XVIIIe siècle. Il a pour synonymes traditionnels : nourrir, élever, produire , mais conserve au sens courant un sens plus noble d’élévation plutôt que d’élevage.
Instruction : du latin struere, structus : empiler des matériaux, bâtir. Selon des linguistes stru-, proviendrait de l’indo-européen (encore et toujours !), ster : étendre. Importé du terme latin struere il faut noter l’abondant lexique dont nous citons quelques exemples : construire, détruire, industrie (industrius), structure etc.
Le terme qui nous intéresse ici est instruire. Enstruire, mot populaire, est remplacé au XIVe siècle par le terme, remontant au XIIe siècle, insturere. C’est donc au XIVe siècle que la divergence entre educare et instruere se creuse. Ainsi instruire est l’acte par lequel la structure mentale d’un individu est bâtie.
Par ces peu séduisantes digressions historique et étymologique, on est relativement capable d’entrer au cœur du sujet : l’école est-elle le lieu de la production ou de la structuration des individus ?
Considère-t-on l’État comme le lieu de la production sérielle d’individus ou au contraire doit-on abandonner à la porte de la République les différences éducatives pour se concentrer sur la structure de l’individu, c’est-à -dire son savoir ?
Prise en charge de l’individu par l’État et effet d’éviction des familles par déresponsabilisation
L’exemple du cours d’histoire.
Aujourd’hui, l’instruction n’est qu’une branche de l’éducation, confiée à l’État et moins à la famille. Le ministère tente de prendre en charge la complète formation de la pensée des élèves dont il a la charge. Au gré des changements politiques le programme change.
Voici le programme de collège depuis 2008 :
Si l’histoire nationale reste essentielle, elle ne constitue plus un passage obligé pour une ouverture sur l’histoire de l’Europe et du monde. La recherche du sens des repères, événements, hommes et œuvres, est devenue essentielle.
La recherche du sens. Quel sens ? Le sens de l’Histoire ? C’est une idéologie. Le sens moral ? Pourquoi pas, mais ce n’est pas de l’Histoire.
L’historien cherche un sens lorsqu’il regroupe suffisamment d’éléments apparemment insensés en sa possession. Il peut ensuite expliquer ce que l’ensemble lui révèle. Un enfant de sixième a-t-il le savoir nécessaire pour remettre en cause l’interprétation que lui offre l’enseignant ? Non, cent fois non. La raison d’être de l’histoire au primaire c’est l’histoire avec un petit h, plus proche du conte que de la science, au collège c’est la science historique, et au lycée il devient possible de s’attaquer à l’éventuel sens, par le prisme de la philosophie historique. L’enfant à l’école apprend le tout, l’adulte pense le tout. Ici encore il faut se tenir à l’instruction républicaine d’un Jaurès ou d’un Rousseau plutôt que l’éducation aliénante d’une majorité tyrannique toujours changeante.
La solution pour extraire l’éducation de la mainmise étatique semble radicale : une société sans école pour certains. Dans tous les cas il manque à la démocratie véritablement entendue une séparation de l’instruction et de l’éducation : l’instruction scolaire en parallèle de l’éducation associative, familiale ; à rendre obligatoire ?
Ivan Illitch (l’écrivain, pas le héros de roman) dans son œuvre magistrale, Une société sans école, critique cette confusion entre l’enseignement (l’instruction) et l’éducation. Il soutient que « prisonnier de l’idéologie scolaire, l’être humain renonce à la responsabilité de sa propre croissance et par cette abdication l’école le conduit à une sorte de suicide intellectuel ».
Ainsi la prise en charge par l’école de l’éducation et de l’instruction de l’enfant l’aliène à un système de pensée loin de lui offrir la vraie chance de s’élever socialement. N’oublions pas de rappeler, comme toujours quand il s’agit de question d’éducation, la théorie des capitaux (social, culturel, économique) de Bourdieu. L’école confinerait ainsi à la reproduction sociale. Hé bien il semble qu’elle soit paradoxalement le vecteur principal et quasiment unique de cette reproduction.
Toujours selon Ivan Illitch, « l’école crée artificiellement de l’infériorité sociale. Au Mexique, les déshérités sont ceux à qui il manque cinq années d’études, à New-York, ceux à qui il en manque douze ».
Ainsi le niveau d’éducation d’un peuple ne renseigne en rien de l’égalitarisme de son infrastructure.
Le système scolaire est ainsi fait que loin de réunir les enfants issus de tous horizons dans une réussite généralisée et une orientation en fonction des caractères et des aptitudes, il discrimine et reproduit sans responsabiliser. Pire, il fabrique artificiellement la distinction sociale. L’élite d’hier avait le baccalauréat. Elle sort aujourd’hui de grandes écoles, cinq ans après le diplôme lycéen. Les 71 % d’une classe d’âge sortant du secondaire le sésame en poche ne valent guère mieux que les brevetés du collège des dizaines d’années plus tôt. Et les véritables bâcheliers au sens napoléonien du terme sont les énarques d’aujourd’hui. Aussi peut-on raisonnablement penser que la quantité d’informations engloutie et la durée des études n’influent en rien sur l’accès à tous aux postes de pouvoir (car c’est véritablement de ça dont il est question).
C’est la maîtrise des codes sociaux dominants qui prime, et l’école ne fait que les révéler, les exacerber. L’acquisition de normes passe par l’éducation. Or, elle ne peut être confiée à une structure d’instruction proprement dite sans que cette structure ne pervertisse l’enseignement lui-même. Il s’agit en quelque sorte d’une séparation des pouvoirs éducatifs entre morale (normes communes) et instruction (savoir commun) afin de favoriser les références communes, qui fondent une Nation au sens français du terme.
Les élèves se plaignent régulièrement de la théorisation à outrance de l’enseignement. La pratique est le seul moyen d’éduquer des hommes humains, non des individus consommateurs victimes de leurs désirs, grouillant sans âme aucune.
Illitch blâme « l’acquisition de certains types de connaissance » à l’école alors que le savoir véritable de la plupart des humains vient « d’expériences fortes en dehors de l’école ». Contre cette fatale issue, un éducateur, Baden-Powell, prit pour pari de former des citoyens complets. Aussi il fonda le scoutisme, aujourd’hui largement méconnu du peuple et qu’importa en France Jacques Sevin. Dans son livre Le Scoutisme ce dernier explique les fondements et objectifs de l’association éducative résumé par une citation de Baden-Powell qui définit superbement ce qu’est l’éducation :
Or, d’un enfant, faire un homme : « C’est à la fois former son corps, son esprit et son âme. Il y faut un juste équilibre. Si vous ne développez que le corps, vous en ferez un magnifique animal : c’est de l’élevage, non de l’éducation. Si vous ne vous occupez que de meubler le cerveau, vous risquez de produire un esprit faux ou dangereux ; et si vous ne prétendez ne vous adressez qu’à l’âme, les trois quarts du temps, les garçons ne viendront pas à vous. Une éducation vraiment scientifique doit donc s’adresser à la fois à l’âme, à l’esprit et au corps ».
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il apparteient aux parents d’éduquer et à l’école d’enseigner.Ces réformes scolaires comme en Suisse provoquent la confusion générale ce qui rend service aux socialistes bien entendu devenus à eux seul un parti pour bobos anars
Personnellement, et à travers l’expérience familiale, je n’ai que très peu de choses à reprocher à l’Edn; à part, peut-être, les rythmes scolaires que je trouve inadaptés aux enfants et au manque de pratique dans les différents domaines.
Après, il y a bien évidement le rôle des parents qui est primordial dans l’éducation, mais ce n’est qu’une banalité de le rappeler.
En tout cas, nos jeunes sont très prisés quand ils cherchent un emploi à l’étranger (malgré un niveau en langues pas terrible). C’est peut-être la preuve que notre système parents/edn marche pas si mal que ça !
Il ne fait aucun doute que l’Edulcoration Nationale convient à certains individus. Mais ce n’est pas le cas de tout le monde, notamment les 30% (en hausse continue) d’illettrés post-bac. Dès lors, pourquoi vouloir à toute force imposer un même système à tout le monde ? Que ceux qui en sont satisfaits y restent, que les autres soient autorisés à en sortir, financement compris. Est-ce trop difficile à comprendre ? Le problème n’est pas l’EdNat en soi mais son monopole.
« Nos jeunes sont très prisés à l’étranger ». Lesquels? L’enfant de français moyen, passé par l’école publique d’une banlieue de la capitale, l’enfant de français moyen de province, passé par l’université, ou l’enfant des beaux quartiers, passé par un lycée prestigieux, une boîte à bac, des cours particuliers, une école de commerce hors de prix?
@Vodarevski
« Lesquels? L’enfant de français moyen, passé par l’école publique d’une banlieue »
Et pas forcement de la capitale.
Les jeunes qui veulent/peuvent partir à l’étranger on soit de l’argent, soit des compétences. Dans les deux cas cela est une très grosses perte pour la France.
Ah ! Un article que j’aurais moi même pu écrire, sur un sujet qui me passionne depuis déjà plusieurs mois.
Il y a tellement à dire dessus..
Un des problèmes, principalement éthique, est le monopole de l’éducation nationale sur la scolarité « gratuite », et le monopole du programme -ou plutôt du socle commun- que l’état impose à tous.
La plus grosse blague aujourd’hui, ça reste le baccalauréat, pour l’avoir (du premier ou deuxième coup) il suffit juste d’arriver en terminal, ce bac, actuellement ne vaut plus rien, et ne sert à rien si ce n’est qu’à pouvoir rentrer à l’université (ou plutôt à en empêcher d’autres d’y rentrer).
Bref, notre éducation nationale actuel n’est pas construite sur une méritocratie intellectuelle réel (les élèves les plus doués sont d’ailleurs souvent largués), elle n’aide pas non plus les plus en difficultés à s’améliorer, elle se contente juste de faire avancer une certaine moyenne (quitte à ce qu’ils se cassent la gueule arrivés au bout).
C’est pour ça que la pluralité dans l’éducation « gratuite » est nécessaire, pour ceux qui n’y trouveront pas leur compte dans cette éducation nationale de plus en plus médiocre. Et c’est sans parler du droit à la concurrence..
PS :
« Ivan Illitch (l’écrivain, pas le héros de roman)  »
Un personnage de Tolstoï, c’est amusant car Tolstoï s’intéressait beaucoup à la pédagogie, il va d’ailleurs dans le sens de cet article ;
http://fr.wikipedia.org/wiki/Tolsto%C3%AF_p%C3%A9dagogue
Si on garde à l’esprit l’objectif officiel et réel de cette institution, ça marche plutôt bien. Le but de l’EN n’est pas d’instruire mais de faire réussir. Résultat: ça marche, 80 % de réussite au BAC. Bon ok, ça coûte la faillite d’un pays entier.
Et la faillite de l’institution elle-même, puisque le bac ne vaut plus rien.
Et le truc c’est que parmi les 20% des élèves qui ont échoués, une grosse majorité redouble leur classe de terminal (je n’ai pas de chiffre concret, mais je suppose, question de logique), et repasse donc une deuxième fois le baccalauréat. (En plus, même si j’ai un doute, il me semble qu’on peut garder ses meilleurs notes de l’année dernière, lulz).
Encore une fois je n’ai pas de chiffres concret, mais je doute qu’un élève rate deux années de suite son bac. Le taux de réussite au bac pour un élève arriver jusqu’au bout de son cycle secondaire est donc bien supérieur à 80%
Bref, pour moi la cible prioritaire à laquelle s’attaquer si on veut démontrer l’insuffisance et l’incapacité de l’EN, c’est le bac, son niveau de plus en plus revu à la baisse ne fait que prouver l’inconsistance de l’instruction (enfin, « l’éducation ») qui le précède.
Le taux de réussite au bac général ( ES,L, S ) est de 90 %.
98 % si on considère les lycéens qui obtiennent le bac du premier coup ou en redoublant.
La valeur du bac se jauge à la hauteur de la mention.
Les mentions Bien ou TB ont une signification.
Oui je me suis un peu renseigné sur les chiffres entre temps, c’est assez hallucinant.
La mention à une valeur significative (même si il me semble que pour rentrer en prépa ils se basent plus sur les moyennes obtenues tout au long de l’année que sur le bac ), qu’on accepte alors à l’université que les bacheliers avec une mention bien ou TB. Car le problème du bac offert c’est l’énorme taux d’échec qui arrive après, en première année de fac. Même si certains réussissent, on parle de 30 à 50% des élèves qui ne passent pas la première année (il faudrait détailler filière par filière pour être plus précis), y’a tout de même un problème, surtout que ces élèves qui échouent coutent énormément d’argent (et puis pour eux, c’est pas vraiment sympa de les envoyer droit dans le mur).
Qu’on supprime le bac, et qu’on démocratise le concours d’entrée pour les études à l’université, un concours avec une réelle difficulté, qui jugera objectivement la possibilité à l’étudiant de réussir dans la filière choisie (après, l’échec ça peut toujours arriver, mais il faut au moins essayer de limiter la casse), le problème de cette méthode c’est que trop d’élève ne réussiront pas les concours, et trop d’échecs, c’est pas assez bisous pour notre gouvernement actuel.
Qu’on réforme alors l’enseignement primaire et secondaire pour leur donner les possibilités de réussir, mais là encore une fois, je crois que notre gouvernement n’aime pas trop le changement, et préfère l’éducation à l’instruction….
Bref, il faut croire qu’une morale laïc, c’est le plus urgent à mettre en place.
problème d’éducation je dirais. On a encore des profs de qualité en france, le programme, quoi qu’on en dise est loin d’etre parfait mais n’est pas non plu une cata.
il y a un réel problème d’éducation des parents, où les gamins sont rois, l’école une annexe de garderie, et les élèves immatures jusqu’au master.
je connais une école d’ingé à Toulouse où 35% de la promo est là parceque « mes copains s’y sont inscrits alors vu que je ne savais pas où aller, j’ai suivi les potes ».
Une école primaire (Toulouse) propose des stages sportifs sur le temps de classe, il y a un mois, du golf !! pour des gamins de 7 ans qui ne savent meme pas lire.
Une chose est sûr, les diplômes Français valent de moins en moins, le niveau requis baissant chaque année pour se mettre à la hauteur de la masse et conserver le sacre-saint taux de réussite.
(sinon bon article)
Précision historique:
Anatole de Monzie, ministre radical socialiste, a débaptisé l’Instruction publique en Éducation nationale pour célébrer le jubilé des lois Ferry,
L’expression date de la fin du 18e siècle, où elle était employée par les partisans de la prise en main par l’État des affaires d’enseignement. Elle était réapparue dans les années 1910-1920 sous la plume des adversaires de la division du système éducatif en filières distinctes. Anatole de Monzie explique dès sa prise de fonction qu’elle est synonyme d’égalité scolaire et de développement de la gratuité et que, en somme, qui dit « éducation nationale » dit « tronc commun ». Cette titulature sera remise en cause pendant les premiers mois du gouvernement de Vichy, où l’instruction publique fait sa réapparition, mais l’appellation « éducation nationale » sera rétablie dès le 23 février 1941. Elle avait d’ailleurs été conservée à Londres, puis à Alger, par les gouvernements du général De Gaulle.
Si la date de 1932 est significative ce n’est donc pas parce que Monzie répondait (tardivement) à la crise de 29. Il voulut se faire l’émule du Duce, à qui il vouait une grande admiration. Mussolini avait créé le ministerio dell’ Educazione Nationale le 12 septembre 1929, six semaines avant le crach, donc pas de lien causal là non plus.
Mais, contrairement aux jacobins français, les Italiens ont repris dès la Libération (1944) la dénomination de Ministerio della Pubblica Istruzione (MIP).
Je signale aussi que le PCI s’est fait hara-kiri dès la chute calamiteuse du grand frère soviétique alors que, comme pour l’Éduc nat’, on attend encore que le PCF fasse son aggiornamento!
L’esprit de 1793 s’enracine indécrottablement dans la conscience collective des Français (majuscule, svp) et ce tropisme anti-libéral pousse l’économisme jusqu’à l’ineptitude.
j’ajouterai que la « théorisation » du savoir enseigné coure à la ruine du savoir en question, les débutants ne sont pas opérationnels et se noient dans un verre d’eau, ils n’ont aucun outils pour « penser » des solutions.
des perroquets savants.
les filières pro étant tellement dévalorisées, voies de garages des conseillers de désorientation, anti-chambres des RH de Paris et Navarre où c’est le diplôme qui compte, et non la compétence.
perso j’ai eu une chance isolante d’avoir la place que j’ai , elle est certes méritée par les preuves que j’ai su apporter, la confiance et la reconnaissance, cependant, je n’aurais jamais pu l’avoir sans être passé par la case « management US ».
mon conseiller de désorientation en 3° me disait que j’étais bon à rien, que j’arriverais à rien dans la vie, et que naturellement je devais choisir une voie CAP BEP.
avec le recul, déjà je me dis que parler comme ça à un ado n’est peut etre pas des plus choisi, ensuite, j’ai fait un BEP que je me suis débrouillé de trouver, puis un BAC PRO, puis un BTS par alternance, major de promo. Je pense être parmi ceux qui ont le mieux réussi en terme de carrière et revenus sur ma classe de 3°….
comme quoi quand on fait du suivi au cas par cas et qu’on trouve ce qui motive l’éleve, ça marche, contrairement à la politique du rabaissement et une stratégie unique appliquée à tous.
Institutrice, et pas pompeusement « professeur des écoles », dans les années 70/80/90, je me battais pour que les parents remplissent leurs devoirs d’éducateurs et les enseignants celui d’instruire… Autant prêcher dans le désert. Certains parents attendent tout de l’école, et certains enseignants outrepassent leurs droits en faisant du bourrage de crâne politiquement correct! Le résultat? Il suffit d’ouvrir les yeux pour le voir. Et je crains le pire quand Peillon dit vouloir s’occuper de ça. Qu’il continue à ne rien faire, au moins il ne fera pas de conneries!
Tiens à propos, il y a encore grève demain. Sur le cahier de correspondance de ma fille, un long tract où l’on pouvait y lire que « cette réforme va accroitre les inégalités ». Bon, et puis notre système éducatif est tellement bon qu’il squatte tous les classements académiques, qu’il est étudié de long en large par nos voisins, etc. Au vue de ce que j’ai vu et même vécu à l’étranger, l’Ednat ne vaut pas plus de 8/20.
« Élever un homme c’est l’éduquer, par l’instruction et la morale. L’instruction est neutre, la morale ne l’est pas. Éduquer c’est guider l’instruction, or guider c’est montrer la voie, entre bien et mal. L’éducation est donc essentiellement subjective. L’Etat serait donc devenu subjectif par le passage de l’instruction à l’éducation des citoyens ? »
Non: Il est devenu totalitaire. Du moins il s’est engagé sur la pente qui mène au totalitarisme.
La politique se fonde sur des principes qu’elle ne peut pas se donner à elle-même: C’est le rôle de la religion.
Prétendre éduquer, c’est revendiquer le magistère moral, donc c’est être une religion. Cela s’applique au socialisme, religion séculière. Cf. Vincent Peillon et Philippe Némo pour une démonstration complète.
Le disjonction des autorités morale et régalienne permet seule l’existence d’une société civile, donc la laïcité.
Le socialisme est le contraire de la laïcité, puisqu’il vise à réunir les pouvoirs régalien et spirituel (=moral). Il désigne de laïcité ce qui est est l’exact contraire: Sa lutte contre le christianisme par le dévoiement du pouvoir régalien, en commençant par l’éducation (cf. l’interdiction et l’expulsion des congrégations, préfiguration du sort des Juifs).
Le socialisme est coutumier de cette dialectique des slogans retournant le sens des mots, comme J-F Revel l’a souvent souligné.
Selon moi cette fusion des autorités régalienne et morale (=spirituelle) n’est rien d’autre que le totalitarisme. La Vérité et la Liberté seront totalement exterminés. Seul le retour au christianisme peut nous en préserver, car c’est le seul moyen d’obtenir une certaine séparation, donc une société civile.
Une société civile, c’est précisément la solution pour le second volet qui nous occupe, l’instruction. Il faut qu’elle soit libre, qu’elle fonctionne sur le principe du marché.
Le socialisme déteste la société civile et la prend en tenaille: Des impôts lourds la privent de moyens, et des services « gratuits » payés avec ces impôts viennent finir d’exterminer l’offre privée.
Ainsi le socialisme assure sa mainmise.
Pour conclure, je dirais que le totalitarisme présente un terrible attrait
pour l’homme (cf. J-F Revel, La tentation totalitaire), à quoi on peut résumer le socialisme, mais n’est pas fait pour l’homme, qu’il mène immanquablement au désastre.
Alors que le marché et la société civile, entre une autorité morale (il en faut une!) et une autorité régalienne disjointes, bref le couple christianisme+libéralisme, correspond bien à l’homme (prospérité, progrès) mais ne le séduit pas du tout…
Triste paradoxe.
Juste une petite rectification : l’auteur d' »Une société sans école » est Ivan Illich (et non Illitch)…
Il appartient désormais aux parents d’éduquer ET D’ENSEIGNER. L’école ayant failli irréversiblement, sauf pour quelques chanceux, les parents retrouvent leur mission pluri-séculaires. Voyez cette page: http://l-ecole-a-la-maison.com
Il y a aussi « les 10 raisons pour lesquelles votre enfant va échouer à l’école » ici: http://l-ecole-a-la-maison.com/10-raisons-pour-lesquelles-votre-enfant-ne-peut-pas-reussir/#.Ukq8ShCzlkg
Il faut être clair : beaucoup de parents aident leurs enfants : paiement de cours, achat de cahiers de vacances, aide du tonton, du cousin, choix du privé… Sans cela quel serait le résultat de Pisa ? Encore plus catastrophique. L’éducation nationale coûte très cher et ne sert pas à grand chose.
« La transformation de l’instruction publique en éducation nationale est la plus fasciste de mes réformes. » Benito Mussolini