Les enseignants se mobilisent sans être corporatistes – d’ailleurs, ils s’inscrivent dans une action sociale de plus grande ampleur. Ce n’est donc pas uniquement par corporatisme qu’ils descendent dans la rue, mais aussi par idéologie.
Par Baptiste Créteur.
À force de réformes scolaires incessantes se fondant sur des études contradictoires, les enseignants n’en peuvent plus : ils ne veulent plus de ces changements qui amélioreraient la qualité de l’enseignement, parce que la dernière réforme en date leur allait plutôt bien. Mais ce n’est pas la seule raison de leur mobilisation, loin de là.
C’est la cinquième fois en trois semaines que les enseignants se mobilisent, dans des mouvements d’ampleur variable et sur des motifs différents, le principal portant sur les modalités d’application du retour à la semaine de 4,5 jours (abandonnée en 2008) dans le primaire dès la rentrée de septembre.
Il y aura entre 30% et 60% de grévistes, soit plus que lors de la journée de mobilisation des fonctionnaires sur leur pouvoir d’achat – bien supérieur à et au détriment de celui des Français, pour des conditions largement plus avantageuses qu’ils entendent encore améliorer. L’occasion tout de même pour Vincent Peillon, leur sympathique ministre de tutelle qui aimerait leur confier la lourde tâche d’apprendre le sexe aux enfants, de rappeler qu’ils ne font pas preuve de corporatisme lorsqu’ils sont plus attentifs à leur organisation de vie qu’à la qualité de l’enseignement.
« Il y a un mouvement parce qu’il y a des professeurs qui sont inquiets pour leur organisation de vie », mais pour autant les enseignants ne sont pas « corporatistes », a-t-il souligné. La réforme instaure le retour à l’école le mercredi matin, un allègement des journées – trop chargées et concentrées sur une année trop courte, ce qui ne favorise pas les apprentissages – et des activités culturelles et sportives.
C’est par dévouement et passion qu’ils ont choisi ce métier, mais il ne faudrait quand même pas leur demander d’être attentifs en premier lieu à la mission cruciale que leur confie un État trop heureux de contrôler l’éducation des Français de demain. Parce que les enseignants font partie des Français d’aujourd’hui, et que les Français d’aujourd’hui veulent résister envers et contre tout à l’insupportable nature humaine et aux forces obscures à l’œuvre dans notre économie qui permettent d’atteindre paix et prospérité au prix d’une malsaine et insidieuse concurrence.
La mobilisation des enseignants, qui entraînera des fermetures d’écoles, s’inscrit dans une journée d’action sociale, avec le rassemblement de salariés de plusieurs entreprises contre les licenciements boursiers, à l’occasion d’un nouveau comité central d’entreprise de Goodyear.
Pour apporter leur soutien à leurs camarades brûleurs de pneus et casseurs de machines qui ont, par leur refus de tout compromis, compromis la viabilité de leurs entreprises et risquent aujourd’hui de perdre leur emploi, ils manifestent avec eux, mais n’oublient pas de demander que la réforme soit reportée voire annulée, et – l’occasion était trop belle – de meilleurs conditions de travail et de rémunération.
La réforme survient pourtant après des mois de concertation nationale – concertation dont tout l’intérêt apparaît quand on entend les syndicats enseignants déclarer qu’elle va trop vite ou trop loin ou ne va ni assez vite ni assez loin. La concertation continue : il faut avant tout écouter, consulter, recevoir, faire preuve de sollicitude, apporter des réponses aux questions concrètes – que le ministre est apparemment le seul à entendre au milieu des revendications puériles.
Vincent Peillon, très présent dans les médias, intensifie les visites dans les écoles et a demandé vendredi aux directeurs académiques et inspecteurs de l’Éducation de faire preuve de d' »écoute » et de « sollicitude ». Réussir la réforme, c’est apporter des « réponses » aux questions « concrètes », a dit le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault. Le Parti socialiste va distribuer en février deux millions de tracts pour expliquer la « refondation de l’école », promesse de François Hollande.
Comme à la grande époque des grèves, démonstrations de force et autres blocages d’usines, les socialistes distribuent des tracts. La différence, c’est qu’aujourd’hui, les socialistes au pouvoir les distribuent aux socialistes du peuple pour expliquer leurs réformes et profitent de la bienveillance d’une presse qui a depuis longtemps cessé d’être indépendante pour marteler leurs messages liberticides, excuser leurs résultats minables et maintenir les Français dans l’illusion.
L’illusion que la situation n’est pas si grave, que le modèle français est juste et qu’il faut le protéger envers et contre tout – y compris contre la nature humaine et la liberté ; que la croissance sera bientôt de retour malgré une conjoncture défavorable et de graves problèmes structurels ; que le départ des producteurs de richesse passés, présents et futurs n’est pas si massif ; que l’État pourra relancer la croissance avec un peu plus d’interventionnisme et qu’on peut tout à la fois protéger de couteux monopoles, maintenir des armées de fonctionnaires et des emplois non rentables sans trop peser sur ce qu’il reste d’esprit d’entreprise et de marché en France.
Et tout empreints de leur confortable illusion, les enseignants descendent dans la rue pour protéger leur organisation de vie – qu’ils estiment déjà insoutenable avec 4 jours de travail par semaine et des congés dont les Français qui ont encore un travail ont depuis longtemps oublié qu’ils pouvaient être aussi longs – et en profitent pour demander à être mieux payés. Si c’est le comportement qu’attendent les Français de ceux à qui ils confient leurs enfants, définitivement, ce pays est foutu. Sinon, qu’ils exigent de ceux qui feront apprendre leur leçon aux Français de demain qu’ils tirent préalablement les leçons de l’histoire.
Sans chercher à defendre les enseignants , je ne comprends pas cette réforme . Quel interet de passer de 4 jours à 4,5 jours de classe sauf a vouloir emm… tout le monde ; enseignants , parents , municipalités, et enfant pour les quelles beaucoup d’activités sont déjà prévue le mercredi.
J’ai parfois l’impression que Peillon cherche vraiment la merde , surtout là ou il serait facile de l’éviter.
Très surpris, 116 ‘j’aime » et pas un commentaire ?
Je ne peux qu’applaudir ce billet, ayant 2 enseignants dans ma famille, il m’est impossible de les rencontrer tellement nos positions sont opposées.
Tous ces rentiers fonctionnaires en bon socialos ne pensent qu’à leur confort, refusent de voir ce qui se passe dans le pays, ils vivent dans leur monde, s’autoproclament intellos même des petits profs, et méprisent ceux qui bossent pour assurer leur salaire, quelle honte de travailler, quels salauds les patrons etc. etc.
Mon frère petit prof d’anglais de la 6ème à la 3ème toute sa carrière, n’a jamais fait autre chose, toujours dans son petit bled pendant 40 ans, se prend pour un être supérieur, et trouve anormal que je puisse gagner plus que lui.
J’ai changé de patron chaque fois que je n’étais pas satisfait, qu’ils changent s’ils ne sont pas contents de leur sort.
Ils sont payés 30% de trop, puisque l’état emprunte 30% de plus que son budget pour les payer, qu’ils regardent les choses en face.
Ras le bol de ces priviligiés, ces rentiers à nos frais.
@akpoone.
Je ne suis pas enseignant , loin de là , mais je trouve vos commentaires totalement abérents.
C’est contre des extrémistes de votre genre que se développpe un corporatisme enseignant déplacé.
Qu’est ce qui est abérant?
– Qu’ils ne pensent qu’à leur confort
– Qu’ils se prennent pour des êtres supérieurs ?
– Qu’ils gagnent 30% de trop ?, si ce n’est pas le cas qu’on réduise leur nombre de 30% pour rentrer dans le budget !!!
Un enseignant qui s’accroche à son fauteuil pendant 40 ans, est augmenté chaque année à l’ancienneté, peu importe le résultat, c’est ça le régime des rentiers fonctionnaires, avec une retraite dorée par rapport à la notre, et ils n’arrêtent pas de pleurer.
Vous pouvez penser ce que vous voulez, je connais ce milieu, et je ne les supporte plus, basta.
Je suis pas trop au courant des revendications mais vous incluez 100% des enseignants dans vos propos.
Et je ne pense pas que 100% des enseignants soient comme vous le dites.
De plus, je préfère le billet de h16 sur le sujet. Le coeur du problème, c’est la réforme que tente de faire passer peillon, pas que les enseignants fassent grève et descendent dans la rue.
@ akpoonne
Vous donnez l’exemple concret de votre frère, prof d’anglais, qui vit dans « un autre monde » et je suis assez d’accord avec votre analyse.
Surtout, quand je vois toutes ces familles composées d’enseignants (souvent le mari et la femme le sont) qui prévoient régulièrement jusqu’à 5 projets de vacances (ski, thalasso, location en bord de mer à deux endroits différents, sejour à l’etranger etc…). sur une année civile, tandis que les salariés du privé bossent comme des dingues et doivent jongler avec leur patron pour arriver à bloquer 15 jours consécutifs de vacances .
De plus, ces gens qui travaillent à l’Ed Nat ne se remettent jamais en question comme tout salarié du privé qui est contraint de le faire à intervalle régulier.
Le journal « L’ Ordinateur Individuel » a publié une enquête qui révèle que 5 profs sur 6 n’ont jamais fait appel à des supports numeriques dans leurs cours , soit parce qu’ils ne le veulent pas, soit par ignorance des nouvelles technologies.
Bonjour,
ce n’est pas votre meilleur article (surtout le dernier §) et dieu sait que j’aime bien vous lire !
Ma femme est professeur des écoles dans une ZEP.
* Entre ce que disent les syndicats et ce que ma femme me raconte, je trouve qu’il y a un fossé. Elle me parle des programmes infaisables et des problèmes comportementaux. Les syndicats parlent salaires et insuffisance du nombre de profs.
* Les congés juillet-août ne sont pas payés. Le salaire sur 10 mois est réparti sur 12 mois.
* Le problème des rythmes scolaires tient surtout au fait de mettre des animateurs non ou mal formés à faire je-ne-sais-quoi et je-ne-sais-quand (la solution la plus économique pour la municipalité sera la meilleure..) et ensuite reprendre les gamins pour faire cours…sachant qu’après 1h30 de pause déjeuner, ils sont déjà dans un état d’excitation indescriptible !
Il faudrait aussi cesser de crier sur tous les toits que les enseignants ne veulent pas travailler le mercredi car c’est faux !
Donc, je comprends qu’il y a des corporatismes dont les enseignants pâtissent aussi, mais ne nous laissons pas aller à fustiger ceux sur qui tout le monde tape… On glorifie plus facilement les professeurs du secondaire qui pour moi en font beaucoup moins et touche beaucoup plus.
=> en conclusion, je ne vois pas ma femme comme une nantie qui profite du système mais comme une personne passionnée qui essaie de faire son travail malgré le peu de reconnaissance.
C’est la confusion entre différents motifs – motifs corporatistes et idéologiques d’une part, motifs plus légitimes ayant trait à la qualité de l’enseignement d’autre part – que dénonce l’article, peut-être pas assez explicitement.
Cette confusion brouille les messages et décrédibilise les légitimes préoccupations formulées par une partie des enseignants, grévistes ou non, dont traite très bien l’article d’h16.
Quand j’étais môme dans les années 50 en primaire, il y avait 50 élèves dans une classe avec 2 « divisions », une division par ce qu’on pourrait appelé une classe actuelle, et le prof ne se mettait pas en grève, et je n’ai pas été mal instruit.
Qu’ils se mettent au boulot basta.
Je reconnais qu’en ZEP il y a un vrai problème, mais doit-on confier ces postes à des débutantes, car les femmes sont hautement majoritaires dans ce métier, NON, elles ne font pas le poids, et on en voit les conséquences, et pas que dans les ZEP.
Quand on choisi ce boulot, on le fait sciemment, quand on fait une erreur, on le voit vite et on change de métier ou de patron.
A mon époque c’était 5 jours pleins par semaine.
Incroyable ce que ce pays est devenu fainéant depuis Aubry et ses 35h.
Déjà que l’éducation nationale fasse bien son boulot en formant, en intégrant, et non en excluant…après on en reparlera. Mais là je suis un peu froid pour mettre encore de l’argent là où c’est déjà le principal poste de dépense de l’Etat.
J’AIMERAIS BIEN QUE LE CORPS EDUCATIF FRANCAIS REAFFIRME HAUT ET FORT LES VALEURS QU’IL EST CENSE DEFENDRE !!!!! ET QU’ON LES ENTENDENDENT.
à bon entendeur…
Faire passer les enseignants pour des fumistes est classique.
A ceux là, je dis passez les concours. Je rappelle que maintenant il y a très peu de candidats aux concours (ce qui n’était pas le cas il y a 10 ans). En maths c’est carrément l’excès, au CAPES il y a quasiment un poste par présent aux épreuves, même si le jury ne pourvoit pas tous les postes. Evidemment pour passer ces concours il faut désormais justifier d’un bac +5 et vu le travail en collège ou lycée en général pénible, la rémunération fait que peu passent désormais les concours. On ne compte plus le nombre d’ingénieurs venus enseigner qui sont retournés dans le privé moins de 3 ans après.
On a eu un poste d’ingénieur de recherche dans mon université ; malgré les primes conséquentes (que n’ont pas les enseignants chercheurs), et malgré le fait d’avoir un emploi de rentier à vie, il y a eu ZERO candidat. Evidemment, les exigences étaient d’avoir fait une grande école catégorie A+ (c’est-à-dire en gros Mines Paris, X, Centrale Paris ou équivalente)+une thèse, mais payée trois fois moins que dans le privé.
Etant moi-même enseignant dans le supérieur par passion de la recherche et la transmission du savoir, j’ai refusé des offres d’emplois très alléchantes que mon statut d’X-Ponts m’avait permis d’avoir. Nombre de mes camarades de promotion (80% pour être précis) ont gagné en 9 ans ce que moi je vais gagner sur toute ma vie active.
Alors évidemment il est vrai que l’on peut s’organiser comme on veut. Aller au musée en semaine, s’occuper des enfants le mercredi ou bien se réserver une demi-journée de repos en semaine c’est possible. Perso je préfère ne pas dépasser 60 h de travail en semaine et donc je répartis les 10-15h qui restent à faire sur le week end. Aucun de mes camarades de promotion (sauf les deux chefs d’entreprise) n’apporte du travail le week end chez lui.