Le mammouth meurt lentement mais ne se rend pas. La sclérose et l’obésité ont gagné, définitivement, mais l’animal continuera à barrir autant qu’il le pourra, afin de faire savoir à toute la France l’importance de sa couenne, l’étendue de son emprise. L’Éducation Nationale est (encore une fois) en grève : le changement, non, ce n’est vraiment pas maintenant. Et qui, mieux que Vincent Peillon, peut mieux démontrer cela ?
Il la voulait, il l’a eu, sa belle réforme Peillon, avec un retour à la semaine de quatre jours et demi de classe dans les écoles primaires et le petit air de flûtiau habituel sur le proverbial allègement de la journée des écoliers. Il aura donc les grèves, arrêts intempestifs, mouvements d’action et autres débrayages professoraux. Mais entendons-nous bien : ce mouvement de grève n’est pas gênant, il n’y a derrière et à l’évidence qu’une grogne destinée à faire valoir des petites revendications pour un aménagement du temps de travail.
L’analyste/sociologue Peillon est formel : essentiellement, de la part des protestataires, tout ceci témoigne d’une seule volonté de conserver un petit confort de vie :
Il y a un mouvement parce qu’il y a des professeurs qui sont inquiets pour leur organisation de vie
Pour l’aimable politicien, tout se résume à une petite lutte intestine entre d’un côté certains enseignants bousculés par la nouvelle organisation de leur temps de travail, et de l’autre, les nécessaires changements pour construire l’école de demain, s’adapter au monde qui change, et tout le tralala habituel qui accompagne chaque réforme de l’enseignement en France, à raison d’une réforme tous les deux ans ou à peu près. Peillon le dit d’ailleurs ouvertement :
Tous les adultes se sont arrangés sur le dos des enfants français. Après, ils se plaignent que le niveau baisse !
Ces adultes sont peut-être les parents, peut-être les enseignants, peut-être les fonctionnaires de l’institution elle-même, allez savoir, mais en tout cas, cette franche répartie est à mettre en regard du rétropédalage sportif qu’il a entrepris pour rattraper les déclarations de son ancien conseiller, ex lycéen-gréviste, ex-étudiant frondeur, futur ex-apparatchik Bruno Julliard qui avait été, selon ses propres déclarations, « frappé par le conservatisme et le corporatisme des principaux syndicats d’enseignants », illustrant en cela d’une part ce que tout le monde savait déjà et d’autre part l’incroyable naïveté du jeunot devant la réalité objective de l’Éducation Nationale. Peillon, lui, s’interdit d’arriver à ce genre de conclusion :
Parler de corporatisme, ça n’est pas ma culture
Comprenne qui pourra, mais le bilan est indéniablement le même : on va encore se taper une grève dans l’enseignement en France ce mardi 12 février. C’est dommage, parce qu’au départ, Peillon, lui, il était parti pour distribuer, plutôt, des bisous et des accolades comme savent si bien le faire ces socialistes toujours prodigue du temps, des efforts et de l’argent des autres. D’ailleurs, c’est bien simple,
Personne ne va souffrir, je veux l’école de la bienveillance.
Bref : pas question de parler de corporatisme, mais il va falloir faire une réforme sinon personne ne se souviendra de moi, mais il faut que ça se passe dans les bisous, mais la situation actuelle est la faute aux adultes et voili, et voilà, zip, zoup, emballez c’est pesé. Le grand gloubiboulga habituel a eu lieu, Peillon peut espérer continuer sur sa lancée, inaltérée.
Et quelle lancée ! On est bien, ici, dans ce constructivisme inavouable mais parfaitement planifié qui consiste à modeler la société par le deuxième versant du formatage des cerveaux après les mass-médias, celui de l’éducation, de l’instruction, voire, plus pragmatiquement, de l’endoctrinement. Il ne faut pas s’y tromper : Peillon est un parfait idéologue, le pape auto-déclaré du lavage éco-citoyen équitable de cerveau français, et il n’hésitera pas à utiliser tous les moyens pour parvenir à ses fins.
Dès lors, là où beaucoup de ses prédécesseurs ne voyaient en l’Éducation Nationale qu’un échafaudage sur lequel s’empilaient syndicats, enseignants, élèves, parents d’élèves, pédagogues, inspecteurs et myriade de lobbies commerçants ou non, Peillon y trouve un véritable instrument de ses idées, le moyen pratique pour parvenir à ses fins.
Le but n’est alors plus d’instruire les enfants, d’élever les élèves vers un niveau de savoir, mais de les éduquer parce qu’on a confondu depuis un moment instruction avec éducation ; on a tout fait pour former des citoyens conformes à une vision républicaine bien spécifique, autrement dit, on a produit des soldats de la démocratie à la française, humanistes en diable, toujours prêts à sacrifier les autres pour aider le monde entier et à distribuer l’argent pris (démocratiquement) au voisin pour aider un peu son prochain et beaucoup lui-même. Et Peillon ne veut rien tant que ça : de l’anticlérical, du laïc de combat, du socialiste qui cogne, qui lutte, qui écrase ceux qui ont le malheur de penser différemment, que ce soit en matière de religion ou en matière de politique. Il ne peut y avoir de salut qu’au travers de l’État, rien ne pourra être fait contre l’État, et surtout rien en dehors de l’État.
Partant de là, le petit personnel n’a qu’à s’accommoder des changements. Les élèves s’adapteront. L’intendance suivra. Les réformes auront lieu, point. Et c’est sans importance que le niveau général s’abime dans des profondeurs insoupçonnables, au point que certaines facultés ou grandes écoles en viennent à demander la Certification Voltaire à leurs élèves. Pour Peillon, cette catastrophe n’est pas un effet indésirable de la techno-structure bureaucratique de l’Éducation Nationale : c’est un sous-produit pratique et bénéfique pour le résultat recherché ! En effet, avec des élèves incultes ou en friches intellectuelles, à l’orthographe hésitante, au vocabulaire étique et aux connaissances réduites, on forme des bataillons de citoyens manipulables, et, par voie de conséquence, d’enseignants dociles et convaincus.
Pas étonnant, dès lors, que le ministre veuille à ce point recruter ! Pas étonnant non plus qu’a contrario, le métier n’attire plus du tout ! Non seulement, les salaires ne sont plus franchement bons, mais le savoir n’est plus un facteur de prestige. L’enseignant n’est plus une figure, un notable, quelqu’un qui pouvait, dans son village, dans sa petite ville, espérer faire partie de la bonne société. Par le travail de sape des syndicats et la multiplication des grèves, par le sabotage de l’institution à cause d’ayatollahs du socialisme comme Peillon ou de pédagogos déchaînés comme Meirieu, l’enseignant, le professeur, l’instituteur est devenu un petit prestataire de service public, avec toutes les tares qu’on y attache automatiquement, et la perte inéluctable de prestige du statut social correspondant.
Le contribuable a vu enfler ses impôts, taxes et ponctions diverses et a regardé dégringoler le niveau du bac ; et comme les guichetiers de la Poste dont il soupçonne qu’ils passent leur temps à jouer au démineur entre deux recommandés et un extrait de compte pour Mamie, comme les éboueurs dont il se doute que leurs journées font rarement plus de 4h, ce contribuable part maintenant du principe que les fonctionnaires qui se tiennent devant ses gamins pendant la journée sont, pour l’essentiel, des garde-chiourmes et des distributeurs automatiques d’une purée colorée de savoir facile à digérer, pas trop salée, pas trop sucrée, pas trop grasse et pleines de vitamines utiles pour la croissance des enfants.
Peu importe, finalement, que la réalité soit bien différente.
Peu importe que l’enseignant consciencieux se tape des journées bien plus longues que les seuls cours qu’il dispense, on retiendra surtout ses trois mois de vacances à l’année. Peu importe aussi que beaucoup ont (ou avaient) envie d’exercer leur métier correctement, en accompagnant réellement leurs élèves et en tentant de les instruire au milieu du tourbillon d’âneries des programmes toujours plus éclatés et mal foutus écrits par une volée d’imbéciles pontifiants ou d’idéologues dangereux ; on retient surtout les incessantes jérémiades d’une poignée d’entre eux sur l’absence de moyens qui n’ont pourtant pas cessé d’augmenter depuis des lustres dans des proportions invraisemblables.
Et c’est fort pratique ainsi : pendant ce temps, la machine de Peillon à laver les cerveaux continue sa tâche.
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Sur le web
Pour une fois je soutiens les grévistes. En effet à l’heure des économies d’énergie, je ne comprends vraiment pas pourquoi il faudrait augmenter de 25 % les déplacements scolaires.
Peut etre que Peillon est à la solde des lobbys des transporteurs scolaires?
Bien dit !
Comme toujours on brasse du vent , chaque ministre veut sa réformette à deux balles pour marquer de son empreinte son passage et surtout pour justifier sa place .
Toujours la même rengaine d’un afflux de moyens pour un manque de résultats flagrant …. vraiment lassant ..
Même si certains problèmes de forme peuvent être discutés, il est évident qu’il y a de vrais problèmes de fond à régler d’urgence.
Mais bon, nous sommes en France, tant que ça tient, on peut continuer, même si le système éducatif est moribond et sur le point de s’écrouler. Je ne crois pas au changement sans un énorme choc, c’est stupide de devoir en arriver là, mais c’est le seul moyen de faire réagir le gouvernement, ou au moins la population…
Aujourd’hui, dans le primaire et le secondaire, tant que tu sais qu’il ne faut pas oublier (d’ailleurs c’est amusant car sur ce sujet on apprend aux élèves la conséquence, mais pas forcément la cause), que l’Europe c’est le bien (oui oui, ça aussi c’est inscrit dans le socle commun), qu’il faut aimer son prochain et se faire des bisous, et que la religion c’est le mal (sauf la religion laïc, hein), ça ira, tu auras ton bac et tu pourras continuer -ou te rater-.
L’objectif de cette gauche égalitariste est simple.
Pour elle, la cellule famille, concurrente de l’état et source d’inégalités, doit disparaitre ou au moins être réduite au strict minimum. Ainsi, le temps que les enfants passent en famille doit progressivement être diminué. La semaine des 4 jours et demi cache celle des 5 jours qui est dans les cartons de nombreux idéologues.
Pourquoi ne pas arracher l’enfant à ses parents dès la naissance pendant qu’on y est ? (comme le suggèrent nombres de romans d’anticipations). Là au moins, plus d’inégalités. A quel prix ?
« de l’anticlérical, du laïc de combat, du socialiste qui cogne, qui lutte, qui écrase ceux qui ont le malheur de penser différemment, que ce soit en matière de religion ou en matière de politique. »
http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_des_congr%C3%A9gations_chr%C3%A9tiennes_en_France
1880: À l’issue du court délai, les congrégations non autorisées, bénédictins, capucins, carmes, franciscains, assomptionnistes… sont expulsées
1902: 3000 écoles non autorisées de congrégations autorisées sont fermées sur le territoire national. Est frappé d’amende ou de prison :
– Quiconque ouvrirait sans autorisation un établissement scolaire congréganiste,
– Toute personne qui après ordonnance de fermeture continuerait les activités de l’établissement ou en favoriserait l’organisation ou le fonctionnement.
1904: L’enseignement de tout ordre et de toute nature est interdit en France aux congrégations.
Près de 2 000 écoles furent fermées, et des dizaines de milliers de religieux qui avaient fait de l’instruction leur terrain d’action privilégié se trouvaient interdits d’exercer leur profession et confrontés à l’alternative de la reconversion, et donc de l’abandon de l’état religieux, ou l’exil.
30 à 60 000 religieux français partent ainsi fonder des établissements à l’étranger.
Conclusion :
Le triomphe actuel du socialisme découle de la prise de l’enseignement par les socialistes entre 1880 et 1904, au moyen de la force publique.
Les socialistes avaient compris qu’ils devaient endoctriner les enfants pour faire triompher leur idéologie; et que le christianisme enseigne une anthropologie foncièrement libérale (responsabilité, individu, société civile, subsidiarité…).
Ce qui démontre que le socialisme est fondamentalement une religion, qui ne sépare par le religieux du régalien, mais emploie celui-ci pour s’imposer – et appelle laïcité ce qui en est l’exact opposé.
@Fucius
« Les socialistes avaient compris qu’ils devaient endoctriner les enfants pour faire triompher leur idéologie; et que le christianisme enseigne une anthropologie foncièrement libérale »
1.D’accord sur l’idée d’endoctrinement de l’enseignement laic.
2. En revanche, le christianisme ne prone pas d’ideologie liberale.
« En revanche, le christianisme ne prone pas d’ideologie liberale. »
Je pense que si. L’impression contraire est un malentendu, une incompréhension du christianisme, du libéralisme, ou des deux.
Le libéralisme est en quelques sorte le complément politique du christianisme, puisque celui-ci se veut distinct de l’État.
Le fait est que ces deux-là ne sont pas antagonistes entre eux, et ont tous deux dans le socialisme un ennemi mortel.
Le christianisme définit une anthropologie (c’est le rôle des religions, socialisme y compris) qui produit le libéralisme à cause des principes déjà cités: Individu, responsabilité, vérité, société civile (hors de la religion et de l’État), subsidiarité, laïcité…
Tout ce vocabulaire est proprement chrétien avant d’être libéral, c’est incontestable.
Le socialisme est la religion du totalitarisme, que je définis comme le contraire de la laïcité, c’est-à-dire la réunion de l’autorité morale/spirituelle et de l’autorité régalienne – cf Peillon et ses inspirateurs. Écoutez aussi Philippe Némo sur dailymotion, ça fait réfléchir.
fucius
j’emets des doutes que ce soit les socialistes ( loins de moi l’idée de les defendre, je detestes leur » casernes » comme disait clemenceau ) qui ont legifèrés entre 1880 et 1904. a cette epoque, ils netaient jamais representés dans un gouvernement, mais etaient considerés comme des opposants de gauche utopistes et revolutionnaires. ce sont les radicaux qui sont a l’origine de ces lois. ils etaient certe anticlericaux, mais surement pas etatistes ni collectistes. c’est apres la première guerre mondiale qu’ils ont été debordés sur leur gauche, a cause de la pression de la revolution russe, et de l’exode rural, syphonant leur base electoral vers les partis ouvriers doctrinaires
J’appelle socialistes les antilibéraux d’une manière générale, ou les constructivistes si vous préférez, sans tenir compte des partis.
Ceux que Bastiat dénonce dans ce texte: http://bastiat.org/fr/propriete_et_loi.html
À mon avis, la violence même de la destruction de l’enseignement catholique, pour qu’il devienne soumis à l’État, démontre chez leurs auteurs un penchant foncièrement totalitaires, ou une inconscience totale. Qu’ils aient été débordés, par la suite, par plus socialistes qu’eux, c’est la nature du socialisme, qui en fait la route de l’esclavage (lire The road to serfdom, de Hayek).
Pour moi un magistère moral est indispensable dans une société, le mieux qu’on puisse faire est de réduire cette morale au strict nécessaire, et de disjoindre cette autorité morale de l’autorité régalienne. Ce qui était le cas dans la situation, certes forcément imparfaite, qui prévalait avant cette guerre anticatholique (je précise que le catholicisme n’est pas ma version préférée du christianisme).
En fait, il me semble que c’est le protestantisme le plus apte à être conciliant avec le libéralisme. Il n’est donc pas étonnant que ce soit dans les pays nordiques ou anglo-saxons que les libertés individuelles furent durant longtemps plus étendues que dans les pays latins, fortement influencés par le catholicisme.
@fucius.
Le constructivisme c’est quoi aujuste ?
A l’origine c’est un mouvement purement artisique donc je ne vois pas qu’est-ce que vous entendez par là.
Je suis d’accord avec Lola.
Le calvinisme est liberal mais en aucun cas le catholicisme .
Seule solution réelle :
Casser toute l’éducation nationale . Complètement.
Je sais que c’est radical, mais.. seule vraie solution !!
Introduire un système de voucher pour l’acces à l’école.
Pas parfait mais mieux que la chienlit actuelle !!
Le catholicisme est tout a fait compatible avec le libéralisme.
Voir les encycliques et nombreuses déclarations de Jean Paul II et de Benoît XVI, notamment celles qui condamnent l’interventionnisme d’état.