Une analyse des cooptations de polytechniciens au sein des conseils d’administration et de surveillance des grandes entreprises montre qu’une distinction entre ceux passés par les services de l’État et les autres explique grandement leur propension à recruter au sein de leur propre réseau.
Par Acrithène.
Les Grandes Écoles et leur réseau de cooptation, tout le monde connaît. Mais cette pratique est-elle plus forte dans les sociétés capitalistes dédiées à de mesquins profits d’actionnaires, ou dans ces entreprises dans lesquelles l’influence de la culture d’État garantit une sorte de prise en compte bienveillante de l’intérêt général ?
Ce billet présente deux tableaux issus d’un article académique de Francis Kramarz (ENSAE) et David Thesmar (HEC) qui ont étudié comment les réseaux de Polytechnique et de l’ENA structurent la relation des PDG avec leurs Conseil d’Administration et/ou de Surveillance, en se basant sur la seconde moitié des années 1990 et le début des années 2000. Ces tableaux montrent que la cooptation est une pratique ayant une forte dimension « service public ».
Le premier tableau présente la composition des directoires, conseils d’administration et de surveillance des sociétés françaises cotées en bourse, selon que leur PDG soit issu de l’ENA ou de l’École Polytechnique, en faisant la distinction entre les polytechniciens ayant fait leur carrière entièrement dans le secteur privé ou en partie dans le secteur public.
Ainsi, pour prendre un exemple de lecture, dans les sociétés dans lesquelles le PDG est énarque, 16% des directeurs et administrateurs sont aussi énarques. Lorsqu’on pondère cette moyenne par la taille des sociétés, on arrive même à 31%. Ce qui signifie que la cooptation des énarques entre eux est d’autant plus grande que l’entreprise est importante. Guère étonnant vu que les mastodontes français sont pour beaucoup des constructions de l’État.
Plus intéressant, même s’il existe une forme de cooptation parmi les polytechniciens n’étant pas passés par la « case haut fonctionnaire », elle est beaucoup moins forte que celle des polytechniciens du public. En effet, la part des polytechniciens et énarques est de 37% dans les sociétés dirigées par un polytechnicien fonctionnaire (comprendre « ayant été fonctionnaire »), contre 24% pour les polytechniciens du privé.
Au-delà des pourcentages bruts, notez aussi les écarts. Par exemple, dans une société dirigée ni par un énarque ni par un polytechnicien, seuls 2% des administrateurs et directeurs sont des polytechniciens fonctionnaires. Un chiffre qui passe à 12% lorsque la société est dirigée par un polytechnicien fonctionnaire. Soit une multiplication par 6 en comparaison de la norme sans cooptation. Pour les polytechniciens du privé, ce multiple de cooptation n’est que de 2 (et à la limite pourrait s’expliquer par le secteur d’activité de l’entreprise plutôt que par la cooptation).
Le tableau suivant présente les coefficients de régression qui permettent de prédire l’origine des nouveaux directeurs/administrateurs en fonction de l’origine du PDG. Ainsi, le fait que le PDG soit un polytechnicien fonctionnaire augmente de 23 points de pourcentage la probabilité que les nouveaux administrateurs soient polytechniciens fonctionnaires. Cet effet n’est que de 5 points parmi les polytechniciens n’ayant jamais été fonctionnaires.
Enfin l’étude montre que ces réseaux permettent de réduire la probabilité de licenciement du PDG en cas de mauvaise performance de l’entreprise.
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Sur le web.
Source :  Kramarz, Francis & Thesmar, David (2012). « Social Networks in the Boardroom, » Journal of the European Economic Association.
Article qui n’apprend somme toute rien de bien neuf: les Pdg ont toujours aimé s’ entourer de gens pensant comme eux, et le fait de sortir de la même école est une garantie. Mais ce n’ est pas valable que pour Poloytechnique et X .
Dommage ces cooptations… on devrait empêcher les patrons rapaces de siéger partout…ily a assez de jeunes diplomés talentueux dans notre pays.
« Article qui n’apprend somme toute rien de bien neuf »
… surtout si on ne le lit pas 🙂
@enfaitpourquoi
« X » et « polytechnique » ne sont pas 2 écoles différentes, c’est la même chose…
Intéressant, cette recherche confirme mon intuition. Plus les boîtes sont privées, moins elles pratiquent le copinage.
On peut aussi faire des statistiques sur le conseil d’administration de la BPI !
Un président de la République énarque à 100% de chance de nommer un président de la BPI énarque et un conseil d’administration 100% énarque ! une chance que la parité homme/femme a été respecté car certains auraient jaser …
La Banque publique d’investissement (BPI) est un bel exemple de parité, mais homme/femme uniquement. Voulu par François Hollande, président de la république, énarque promotion Voltaire, tous ses cadres dirigeants vont être provenir de l’ENA. Et encore, impossible de trouver les noms de leurs adjoints, mais j’ai une vague idée de leurs formations …
Je pense que c’est un des exemples les plus frappant de népotisme de ces dernières années ! On est bien loin du « Je veux une République exemplaire » !
Président :
Jean-Pierre Jouyet, énarque promotion Voltaire
Conseil d’administration :
Delphine D’Amarzit, énarque
Maud Bailly-Turchi, énarque
David Azéma, énarque, ex-bras droit de Pépy venant de la SNCF
Louis Gallois, énarque
Ségolène Royal, énarque promotion voltaire, ex partenaire de coït du président avant remplacement par une plus jeune
Jean-Paul Huchon, énarque
Directeur général :
Nicolas Dufourcq, énarque