L’accord commercial Canada-Europe s’intéresse beaucoup à l’impact sur les producteurs, mais peu aux consommateurs. Une logique qui n’est pas sans évoquer les velléités protectionnistes en Europe.
Par David Descôteaux, depuis le Québec.
Si vous suivez les discussions entourant l’accord commercial Canada-Europe, vous avez peut-être remarqué une chose : on parle très peu de l’impact potentiel de cet accord sur vous, en tant que consommateur.
Quand journalistes ou politiciens parlent de « nos » intérêts dans ce dossier, c’est presque toujours l’impact sur les producteurs d’ici. Est-ce que ça va être bon pour « nos » producteurs de lait, ou de fromage ? Pour « nos » entreprises manufacturières ? Pour « nos » compagnies qui profitent en ce moment des lucratifs contrats des villes et des gouvernements (Dépassement de coûts ? Charbonneau ? Connais pas…)
Syndrome de Stockholm
Pourtant, la gestion de l’offre — un amas de quotas et tarifs douaniers (atteignant parfois 300 %) qui supprime la concurrence et fait grimper le prix du lait, des œufs et du poulet dans nos supermarchés — profite certes à des producteurs. Mais elle coûte cher à l’ensemble des consommateurs québécois. C’est une taxe régressive, qui frappe plus durement les pauvres. Je ne relance pas ici le débat sur la gestion de l’offre. Je suis contre, sauf que les agriculteurs ont payé une fortune pour obtenir les avantages des quotas de production et des prix de soutien. Si on les élimine, il faudra compenser ces agriculteurs, et ça va coûter une beurrée. Bonne chance au politicien qui veut se lancer dans cette aventure !
Ce qui agace, c’est qu’on regarde toujours ce type de négociation commerciale sous l’angle des entreprises ou industries directement touchées. Au lieu de se demander si telle ou telle politique profiterait à la majorité des citoyens. Les taxes et tarifs à la frontière sont là pour protéger des groupes particuliers d’entreprises (et sont souvent le résultat de lobbying intense de la part de ces entreprises). Si ces tarifs disparaissaient, ces entreprises seraient forcées de s’ajuster. Mais l’ensemble des consommateurs y gagnerait.
Le Sénat dévoilait récemment que le fédéral récolte 3,6 milliards $ en tarifs à la frontière chaque année. Sur des produits qui vont des pièces automobiles, à une paire de gants ou de culottes de hockey. Comme l’écrivait récemment le chercheur Mark Milke, de l’Institut Fraser, c’est comme si le gouvernement vous imposait une taxe de 18 % sur l’équipement de hockey de votre garçon. Il le fait, mais comme la taxe n’apparaît nulle part, personne ne se plaint.
De toute façon, beaucoup de gens aiment défendre les monopoles et cartels qui les font payer plus cher qu’il ne le faut… Si bien sûr ces monopoles sont publics, frappés de l’estampe du gouvernement ! Comme le disait avec un brin de sarcasme le professeur Stephen Gordon il y a quelques jours sur Twitter : si vous voulez mettre fin aux plaintes des consommateurs concernant les prix élevés de leur facture de cellulaire, vous n’avez qu’à créer une entreprise d’État, lui donner un monopole, et doubler les prix…
La chaise vide
C’est un peu la même histoire avec le contribuable québécois. Où est-il lorsque le gouvernement négocie avec les syndicats du secteur public ? Qui le représente lors des renouvellements des conventions collectives ? Ou quand le gouvernement décide de subventionner à coups de millions de dollars une entreprise ? Pas surprenant que le contribuable passe au cash à chaque fois — d’un côté vous avez un groupe d’intérêt qui cherche à maximiser les gains pour ses membres, et de l’autre, des politiciens qui ne dépensent pas leur propre argent. Et qui préfèrent avant tout acheter la paix.
D’ailleurs le contribuable aura-t-il son mot à dire lors du prochain sommet sur l’éducation ? C’est pourtant lui, en fin de compte, qui paye en grande partie le faible coût des études universitaires. Mais ne le cherchez pas lors de ce sommet. On a oublié, comme d’habitude, de l’inviter.
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