L’austérité est partout, sauf dans les dépenses de l’État. Les ennemis de la prospérité en France – médias, politiques, syndicalistes en tête – s’insurgent pourtant de l’intensification d’une inexistante rigueur.
Par Baptiste Créteur.
Le Monde dévoile en avant-première la stratégie de communication gouvernementale visant à parler d’austérité sans réduire le périmètre et le train de vie de l’État.
Depuis que la France s’est engagée à ramener à l’équilibre ses finances publiques, les années se suivent et se ressemblent : elles sont, du point de vue de la discipline budgétaire, toujours plus redoutables. Les ministres et leur entourage attendent donc, avec un fatalisme teinté de lassitude, la lettre de cadrage de Jean-Marc Ayrault que Matignon devrait leur adresser à la fin de la semaine.
Les années se suivent et se ressemblent, avec un budget déficitaire depuis près de 40 ans et des dépenses publiques qui représentent aujourd’hui environ 57% du PIB. Ce n’est évidemment pas à la gourmandise croissante de l’État que font référence les journalistes, mais au contraire aux limites que la réalité impose à la folie dépensière de ses serviteurs. Le fatalisme teinté de lassitude des libéraux est sans commune mesure avec celui des ministres, qui auraient aimé pouvoir dépenser plus d’argent des autres pour assouvir leurs fantasmes respectifs.
Ce document, le même pour chacun des ministres, précise les orientations qui permettront d’arrêter les grandes lignes du budget triennal 2014-2016 de l’État. Il réaffirme la nécessité de respecter la stabilisation en valeur des dépenses de l’État sur le périmètre du budget général, hors charges de la dette et des pensions.
Leur lassitude est exagérée ; on ne demande même pas aux ministres de parvenir à équilibrer le déficit, qui croît naturellement à mesure que la dette augmente et que le système de retraites par escroquerie bat de l’aile. Ils n’ont qu’à contenir leurs dépenses et, au pire, à les réduire marginalement : l’effort budgétaire demandé est de 4 milliards d’euros, sur les presque 400 milliards que représente le budget.
Pour tenir cette norme de dépenses exigeante, introduite par le gouvernement Fillon, il serait demandé au gouvernement, selon nos informations, de faire des économies nettement supérieures aux deux milliards d’euros du « surgel » de crédits annoncé pour 2013 par le ministre délégué au budget, Jérôme Cahuzac. L’effort d’économies en 2014 pourrait même être de l’ordre de 4 milliards d’euros. Une manière, probablement, de rassurer la Commission européenne sur la détermination française.
Cette norme de dépense exigeante – draconienne, soyons fous – a été introduite par le précédent gouvernement, sans doute comme un piège tendu aux socialistes. Réduire les dépenses de 1% serait un moyen de rassurer nos partenaires européens sur la détermination dont l’État fait preuve, qu’il a déjà prouvé en repoussant le retour à un déficit – déjà inacceptable – de 3%.
[Un ministre :] « Je pense que c’est aussi la raison pour laquelle on en est venu à la question des allocations familiales. S’il faut faire encore plus d’économies, d’accord, mais alors il va falloir s’attaquer aux prestations familiales, car il ne reste plus que cela ».
Qu’il ne reste plus que les prestations familiales, rien n’est moins sûr. A moins de considérer que toutes, vraiment toutes les autres dépenses sont légitimes, justifiées et incompressibles – ce qui demeure à démontrer. Évidemment, aucun ministre ne va prendre la peine de le faire ; il suffit d’invoquer le service public et les missions de l’État. A quoi nous préparent donc le gouvernement ?
« On est à l’os », entend-on de tous côtés. « Ce n’est pas le train de vie de l’État auquel on touche désormais, c’est aux moyens d’assurer les missions de service public. » Forts de cette conviction, les ministères – Bercy compris – voudraient bien que l’on trouve des sources d’économies ailleurs que dans le budget de l’État. Peu désireux de tailler dans les crédits réservés aux mesures catégorielles, qui leur permettent de maintenir une certaine paix sociale malgré le gel du point d’indice de la fonction publique, ils lorgnent du côté des dépenses de protection sociale.
Que les Français se le tiennent pour dit : ce sont les dépenses de protection sociale qui permettront d’atteindre les objectifs d’économie, pas la réduction du train de vie de l’État. La raison est même évoquée clairement ; toucher aux mesures catégorielles menace la paix sociale – par opposition, toucher aux dépenses de protection sociale, non. En clair, les Français sont moins sensibles aux sacrifices qu’on leur demande que les fonctionnaires et assimilés.
Le gouvernement se prépare donc à demander des sacrifices supplémentaires aux Français. Après avoir augmenté les impôts en tentant de labelliser cet échappatoire à la réduction des dépenses « austérité », il va de nouveau recourir à une pirouette syntaxique pour ne pas réduire son périmètre ni ses prérogatives mais réduire les dépenses de protection sociale. Les contributeurs nets au budget de l’État contribuent plus, les bénéficiaires nets recevront moins, mais ceux qui vivent dans l’État seront, une fois de plus, épargnés.
Le gouvernement semble avoir les mains liées. Aux fonctionnaires et aux syndicalistes, il réserve le meilleur traitement, et impose aux autres des sacrifices de plus en plus importants. Il amnistie les mafieux – autoproclamés défenseurs des salariés – coupables d’exactions violentes et de détournements de fonds, et supprime le jour de carence des fonctionnaires, tout en annonçant pour le reste des Français des impôts plus élevés ou des prestations moindres. Ce qu’il dit sans le dire vraiment, c’est qu’il préfère prendre le pari de faire payer à la majorité des Français, ceux qui sont en dehors du périmètre protégé de l’État – pas aussi majoritaires qu’on le souhaiterait, mais majoritaires quand même – son appétit dévorant par un serrage de ceinture pas tout à fait généralisé, que risquer de froisser les fonctionnaires.
Cette majorité est, traditionnellement, moins prompte à manifester son mécontentement et encore moins prompte à le manifester violemment ; le président du rassemblement est, jusque-là, le président des gentils organisateurs de manifestations festives et citoyennes et célébrations de la haine du grand capital apatride, de l’entreprise et des patrons. Les Français ont en réalité peu de moyens d’exercer un quelconque contre-pouvoir et d’exiger que l’État réduise à la fois son périmètre et son train de vie. Ils ne votent pas le budget ; tout juste votent-ils pour des représentants qui le votent, et ils n’ont guère de choix qu’entre étatisme et étatisme, dirigisme et dirigisme.
Pire encore, ils n’ont sans doute pas conscience des enjeux et du choix – qui sera, lui, bien réel et lourd de conséquences – auquel ils seront bientôt confrontés entre liberté et totalitarisme et qui, évidemment, ne sera pas présenté ainsi – on peut déjà anticiper qu’il sera présenté par des médias pas tout à fait indépendants comme « chacun pour soi destructeur et remise en cause du modèle social français » d’un côté contre « cohésion sociale et solidarité » de l’autre. Il ne reste qu’à espérer que c’est bien les Français qui choisiront et qu’ils feront le bon choix ; jusque-là, l’État, les syndicalistes et les fonctionnaires semblent bien décidés à choisir pour eux.
je suis sidéré que 99% de la presse participe à cette enfumage, à confondre austérité de l’Etat avec toujours plus de ponctions du contribuable…
Idem
» 99% de la presse participe a cet enfumage ». C’est assez normal dans la mesure ou la presse francaise est soutenue financierement par l’Etat (par nos impots en fait).
On pourrait toujours envisager de leur retirer les subventions, mais cela obligerait les journaux a devoir vivre de leurs ventes, donc faire de la qualite, de l’investigation, affirmer des idees parfois a contre-courant, etc…. Waouh, dur, dur, surtout avec le niveau des etudiants en jouranlisme.
Dans le systeme actuel, finalement tout le monde y trouve son compte (sauf le Francais) : un pouvoir qui tient les medias pour diffuser la voix du parti, et des medias qui diffusent sans poser de question car c’est intellectuellement plus reposant et on est subventionne (base du modele sovietique).
Ne parlons donc plus de presse, mais de porte-parole des politiques, ou de collaborateurs.
On se moque du monde. L’austérité c’est en réalité pour les entreprises et les salariés du privé. L’Etat, les collectivités locales et leurs satellites peuvent bien continuer à dépenser comme avant voire un peu plus. Quel monde de fous!
Hollande a promis à son électorat qu’il ne mènerait pas de politique d’austérité et qu’il augmenterait les impôts. Il assume pleinement les deux points. Par contre les médias ont transformé les mots : « augmentation des impôts » en « austérité », pour plonger tout le monde dans la confusion.
Le plus étonnant à mon avis concerne l’électorat de Hollande : la côté de popularité de Hollande atteint un niveau record. Cela voudrait il dire que les gens qui ont élu un homme qui se présentait comme un incompétent ne sont pas content de son niveau d’incompétence ?
« à la majorité des Français, ceux qui sont en dehors du périmètre protégé de l’État – pas aussi majoritaires qu’on le souhaiterait, mais majoritaires quand même »
C’est tout le problème : ça fait bien longtemps que les contributeurs nets sont en minorité.
A partir de là, je ne vois pas comment on peut espérer une quelconque solution issue des urnes.
Encore une fois, clair et net. Merci.
Quelles solutions pourrions-nous avoir hormis la violence, puisque de toute évidence, les manifestations populaires dans le calme n’impressionnent nullement les socialistes. J’ai bien peur qu’une réaction physique et subite ne soit la meilleure réaction en face de ces incompétents.
D’abord, faire lire aux gens des idées qui dévient de tout ce qu’ils ont entendu jusqu’ici à l’école, dans la presse et les médias, et même, dans bien des cas, en famille. L’avantage de la « chappe de plomb » qui s’est installée sur les idées, c’est que les nôtres paraissent, par contraste, très fraiches et très excitantes à ceux qui les découvrent et n’en avaient pas soupçonné l’existence (mais avaient tout de même au plus profond d’eux même comme un sourd sentiment qu’il y a quelque chose qui cloche).
ça devient de la pure folie.
Alors que tous les voyants sont au rouge et que l’UE nous exhorte à réduire a voilure.
Ayrault annonce, aujourd’hui, qu’il n’est pas question de renoncer au projet pharaonique de métro Grand-Paris (200 kms et 70 gares) qu’il n’est même pas question de réflechir à un projet alternatif plus modeste .Même en sachant que le cout va dejà être revu à la hausse de 2 milliards d’€ , le Gouvernement se lance dans ce projet suicidaire pour nos finances.
http://www.laposte.net/thematique/actualites/france/article.jsp?idArticle=20130306171257-ayrault-s-engage-a-la–realisation-integrale–du-grand-paris-express-en-2030&idAgg=actu_france
@ Mina
La violence envers autrui n’est jamais justifiée (sauf en cas de défense contre une agression physique). Le droit de ne pas craindre pour son intégrité physique est imprescriptible, comme la propriété, et d’autres droits naturel bafoués de plus en plus.
Une solution beaucoup plus simple consiste à cesser d’obéir: désobéissance civile en ce qui concerne les impôts/taxes. Imaginez que les entreprises en entrepreneurs décident, en grand nombre, de ne pas verser taxes et impôts divers, au mois de juillet, ou juste de décaler d’un trimestre pour rigoler. Vous provoquez une défaillance juste au moment où le gouvernement calcule les montants à emprunter sur les marchés. La France doit emprunter trop d’un seul coup pour fonctionner, et c’est la débandade.
Désobéissance civile pacifique, c’est tout.
L’histoire de Gandhi est très instructive, pas besoin de cogner.
Il serait peut-être temps de songer à une bonne grosse grève générale des impôts…
Ah, je ne suis pas le seul ! Effectivement je crois que c’est une solution sérieuse à envisager
Autant lancer un mot d’ordre de grève dans le monde du travail ne présente aucun risque, autant lancer une action concertée de ne plus payer d’impots présente, je crois de gros risques d’emprisonnement.
Je ne sais pas ce qui est réellement prévu par la loi mais étant donné que ce genre de mot d’ordre a été rarement lancé,c’est que la reponse de l’Etat doit être violente.
Je crois me souvenir que la dernière fois qu’un appel avait été lancé en ce sens c’était vers les petits commerçants par la voix d’un certain Gérard Nicoud en 1967; et qu’il avait eu de sérieux problèmes.
D’un autre côté, le droit de résistance à l’oppression est imprescriptible… Difficile pourtant de le faire valoir sans désobéir à l’État.
@O0 : Il a été prouvé que c’est faux, même si tu chauffe l’eau lentement, la grenouille sort du bassin, parce qu’elle n’est pas aussi conne qu’un Français devant la baisse de son niveaude vie :http://www.snopes.com/critters/wild/frogboil.asp
@Baptiste : la résistance à l’oppression est jugée par l’histoire et l’histoire est écrite par les vainqueurs. Si l’Allemagne avait gagné la seconde guerre mondiale, les résistants seraient considérés comme de dangereux criminels, traitre à la patrie, tout comme les révoltés Vendéens de la révolution française.
La résistance à l’oppression est donc un non droit : qu’il soit acquis ou pas ne change rien.
Effectivement, ce qui est légitime n’est pas toujours légal, et ce qui est légal n’est pas toujours légitime. Mais à choisir…
C’est seulement un problème de volume. Au delà d’une masse critique d’irrévérencieux, l’État ne peut plus faire face: manque d’agents de contrôle, manque de place en prison, manque de place dans les tribunaux, défections des agents collaborateurs… la structure de contrôle est débordée.
Ce genre de stratégie ne peut vraiment fonctionner que lorsque le système en place bascule de manière manifeste dans l’illégitime, lorsque le risque de la résistance en vaut la peine, vu que ne pas résister condamne à une condition inacceptable.
Le point de basculement va inévitablement arriver. Je pense qu’on y arrive petit à petit. Soyons patient, les clowns en place ont toutes les compétences pour nous y amener.
Mettez-vous à la place de tous ceux qui suent pour engraisser L’Etat. Quand celui-ci devra inévitablement rogner dans leur zone de confort minimal et de survie pour assurer son fonctionnement, ça risque de mal se passer.
Et puis la paupérisation va gagner également les électeurs de Normal Premier. Et imaginez un peu ce qui va se produire quand les chantres de la solidarité se verront eux-mêmes mis à contribution pour la solidarité qu’ils défendent ? La solidarité, c’est génial quand ce sont les autres qui la financent. Mais quand on devient les autres …
Je réitère ma remarque dans un post plus haut: Gandhi a patiemment renversé un Empire entier, sans violence, juste en désobéissant
« Et imaginez un peu ce qui va se produire quand les chantres de la solidarité se verront eux-mêmes mis à contribution pour la solidarité qu’ils défendent ? »
C’est là que vous vous trompez et que nos gouvernants ne sont pas si débiles. Il n’est nullement question d’inverser le rapport contributeurs/receveurs du système, simplement de ponctionner un peu plus ceux qui contribuent.
Simplement ceux qui recevaient bcp recevront un tout petit peu moins.
Le réveil des masses contributrices n’aura pas lieu, d’une part parce qu’ils sont et resteront minoritaires et d’autre part car les plus virulents ont choisi leur mode d’action : l’exil.
Les opposants fiscaux ou politiques au régime partent, rendant d’autant plus minoritaire et hypothétique tout mouvement de résistance.
C’est comme le mariage : parlez maintenant ou taisez vous à jamais.
S’ils restent, ils se battront ; s’ils partent, les richesses qui cessent d’être produites ne peuvent plus être distribuées, le système capote.
La grenouille cuit lentement dans l’eau qui chauffe petit à petit.
L’austérité ne se soigne pas par les symptômes mais par une action pour remettre les gens au travail, même s’ils veulent travailler !