Les études sur les rythmes scolaires se suivent et se ressemblent, affirmant avec dogmatisme l’importance de facteurs secondaires et occultant les principaux enjeux : l’enseignement primaire.
Par Fabrice Descamps.
Quelques jours après Mme Dagnaud (sociologue, chercheuse à l’EHESS), c’est au tour de M. Galland (sociologue, directeur de recherche au CNRS, excusez du peu) de nous asséner ses vérités sur l’école, toujours sur le think tank de centre-gauche TELOS, qu’on avait connu plus en forme. J’en arrive sérieusement à me demander quel est l’intérêt de faire des études de sociologie si c’est pour développer une telle cécité aux faits sociaux. J’en suis même à me dire que le principal attrait de la pratique professionnelle de la sociologie réside peut-être précisément, comme celle de la philosophie quand j’observe mes collègues de ces deux disciplines, dans les outils que l’une ou l’autre fournit pour nier la réalité.
M. Galland est formel : l’École française est en faillite parce qu’elle est élitiste, pédagogiquement archaïque et incapable d’alléger les horaires et les programmes des élèves. Et M. Galland ose citer à l’appui de ses dires la désormais célébrissime étude PISA (Programm for International Student Assessment) de l’OCDE.
Or que nous apprend PISA ? Que tout cela n’a justement AUCUNE influence sur les résultats des systèmes scolaires. Car certes le numéro un du palmarès des meilleurs systèmes scolaires au monde est, bon an mal an, la Finlande. Mais les rangs suivants sont souvent occupés par des pays asiatiques comme la Corée du Sud ou le Japon. Or les systèmes scolaires de ces pays sont « élitistes, pédagogiquement archaïques et incapables d’alléger les programmes et les horaires des élèves ». Alors comment M. Galland s’y prend-il pour justifier ses vérités ? Eh bien, c’est plus commode, il ne les justifie pas : ce sont des dogmes, lisez l’article, vous chercherez en vain la moindre preuve de ce qu’il avance. Ah quelle belle science que la sociologie où l’on peut argumenter en se passant de toute preuve ! Dieu que voilà une activité reposante !
Quelle est alors la variable explicative qui permet de regrouper dans une même catégorie des systèmes aussi disparates que le finlandais et le coréen et d’en exclure la France ? Observez tout simplement les taux de maîtrise de la lecture, de l’écriture et du calcul à la sortie de l’école primaire et vous aurez la réponse. Autrement dit, tout se joue au moment des apprentissages fondamentaux ; le reste, ce sont des détails sans grande importance.
Notez qu’ici encore, les écoles primaires performantes peuvent être très différentes les unes des autres, de la plus traditionaliste (i.e. asiatique) à la plus décontractée (autrement dit scandinave ou anglo-saxonne). Mais la clé de leur succès réside dans le temps et les moyens qu’elles consacrent aux élèves en difficulté à l’école primaire. Là est toute l’explication de leur réussite, M. Galland. La preuve par le Canada qui a un système proche de celui des États-Unis, mais un rang bien supérieur dans le classement PISA car son école primaire est remarquable.
La priorité absolue de toute bonne politique éducative devrait donc consister à concentrer les moyens en argent et en enseignants dans le primaire. M. Peillon semblait l’avoir enfin compris. Las, le voilà englué jusqu’au cou dans les alliances et les compromissions de son camp avec la FSU et de nombreux maires socialistes qui ne veulent rien faire.
Battons donc en brèche quelques idées reçues. Je dis à mes amis de gauche (eh oui, j’en ai beaucoup car je suis libéral, donc tolérant et ouvert à la discussion quand elle est rationnelle) : non, la radicalisation du collège unique et son extension au lycée (et pourquoi pas après, à la fac ?) ne résoudront rien. Et je dis à mes amis de droite : non, la suppression du collège unique ne résoudra rien non plus. Car le problème n’est pas là , il est en amont à l’école primaire.
Je voudrais terminer cette énième mise au point sur les problèmes éducatifs (je fatigue à force d’avoir tout le temps à réexpliquer la même chose à de soi-disant « sociologues universitaires » payés avec l’argent de mes impôts pour écrire partout des balivernes) par une remarque méthodologique simple : je ne veux plus entendre l’argument selon lequel il faudrait supprimer le redoublement parce qu‘il y a corrélation entre d’une part la précocité et la répétition du redoublement et de l’autre la sortie du système scolaire sans diplôme ; autrement dit, plus un jeune redouble tôt et souvent, plus il a de chances de sortir sans qualification du système. Cet argument est grotesque puisqu’une corrélation n’est pas une causalité et qu’elle n’indique donc pas a fortiori le sens de ladite causalité. Il se peut que les jeunes redoublant trop tôt et trop souvent sortent du système sans diplôme, mais il se peut tout aussi bien qu’un jeune redouble tôt et souvent parce qu’il a de très grosses difficultés lesquelles expliquent également ensuite la sortie sans diplôme.
J’attends donc des adversaires du redoublement qu’ils me donnent des arguments un peu moins stupides en sa défaveur. Car je crois, moi aussi, que le redoublement ne sert à rien, non pour une raison aussi honteusement fausse, mais simplement parce qu’il y a d’autres façons, moins humiliantes, plus efficaces et déjà expérimentées avec succès dans d’autres pays, de prendre en charge les élèves en difficulté dès le primaire.
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Allons, courage! La pédagogie, c’est la répétition.
Sur l’inefficacité du redoublement, il y a pire encore: c’est souvent une prophétie auto-réalisatrice. Si les professeurs, les parents ou l’élève lui-même sont persuadés que ça va échouer, alors ça ne peut qu’échouer. L’hypothèse, sans doute fausse avant 1989 (loi Jospin), est devenue vraie depuis. On n’a pas interdit le redoublement, on l’a vidé de sa substance, ce qui est bien plus grave.
Je me rappelle assez bien, au collège, que mes enseignants ignoraient cordialement les redoublants de ma classe, a priori avec l’idée en tête que si il a redoublé, il est nul et qu’il ne vaut donc pas le coup de lui consacrer du temps. En ce sens, bloquer le redoublement peut avoir un sens (dans la pensée socialiste, s’entend) mais c’est mettre un sparadrap sur une jambe de bois quand le moignon pue la gangrène …
Quand j’étais au collège, notre professeur principal (qui était encore jeune et plein d’illusions) nous avait raconté qu’en conseil de classe, quasiment tous les mauvais élèves au niveau supérieur (y compris les cancres à 5/20 de moyenne). En effet, la politique du proviseur était de les faire monter jusqu’en 3e (où ils rataient en général leur brevet) pour ensuite les faire redoubler jusqu’à ce qu’ils aient 16 ans (fin de l’obligation de scolarisation).
25% des enfants arrivent en sixième sans savoir lire et écrire couramment; alors peillon se trompe de combat ( ou ne veut pas affronter le vrai problème – ce qui le disqualifie totalement)
« Mais les rangs suivants sont souvent occupés par des pays asiatiques comme la Corée du Sud ou le Japon » Ils nous battent aussi en suicide et dépression, et manifestement les travailleurs issues de ce système ne sont pas si performant que ça, on l’a bien vu à Fukushima.
(faceplam)
le système français, qui produit des gens capable de pondre ce genre de commentaire, est encore plus pourri que je le pensais.
Est-ce que le redoublement ne sert à rien? Je n’en suis pas sûr pour tous les élèves et dans toutes les situations.
Je crois que c’est une décision qui repose sur le conseil des professeurs, ce qui est bien car les profs peuvent seuls vraiment estimer ce qui est acquis, ce qui n’est pas acquis, l’environnement de l’élève, … autant d’éléments qui sont dans la balance pour déterminer si redoublement, ou devoirs/rattrappage de vacances, ou passage avec renforcement/ accompagnement ici ou là,… c’est comme cela que beaucoup d’élèves ont pu progresser malgré des difficultés… mon cas: 3 redoublements et licence quand même à 25 ans.