Grande découverte : il semblerait que la Commission Européenne va infliger un sévère recadrage à la façon dont l’État français gère certaines affaires. Découverte encore plus grande : relatée par nos médias, l’affaire prend une tournure délicieusement décalée sur le mode « Méchante Bruxelles fouette Gentil Paris », dans une espèce de débordement patriotique un peu lyrique généreusement badigeonné du n’importe quoi journalistique habituel.
L’affaire est résumée, à gros traits, dans quelques articles de presse construits dans ce style navrant qui caractérise le journalisme d’improvisation que notre époque semble chérir. Dans le meilleur des cas, on se contente d’un « Une facture de 4.2 milliards pour les Français », pas à proprement parler faux mais déjà lourdement orienté ; dans les autres occurrences, c’est un festival : « La France menacée de devoir rembourser plusieurs milliards par Bruxelles » pour PravdaTV Info, « Paris doit entre 8 et 9 milliards d’euros à Bruxelles » pour Boursier, ou carrément « Ces impôts, taxes et subventions que l’Europe interdit à la France » pour un Challenges très en forme (le challenge étant manifestement de trouver de nos jours des journalistes à la hauteur).
J’attends les petits articles de Libération et du Monde pour mettre en marche le fouet mécanique et le plonger dans le bol de caca, mais sans même avoir parcouru les articles, on sait déjà, résigné, qu’on va devoir touiller de la bonne Pignouferie de Presse.
Avant d’éplucher les bananes journalistiques, attardons-nous un peu sur le fond de l’affaire. Un truc à plusieurs milliards d’euros, ça mérite qu’on se penche sérieusement sur la question, non ? Et lorsqu’on se penche (pas trop, le gouffre est imposant et la chute serait douloureuse), on découvre que l’État français, dans son habituel jmenfoutisme décontracté, s’est généreusement assis sur un certain nombre de directives européennes, soit en les transposant trop tard, soit (plus classique) en ne tenant absolument pas compte de la transposition, soit (pour les règlements, qui ne sont pas transposés mais appliqués tel que) en oubliant les parties gênantes des accords internationaux correspondants ; ici, il faut bien comprendre que lorsque j’écris « l’état français », cela signifie en réalité « les clowns qui en ont la charge au moment critique d’appliquer ou non les règlementations ou directives en question ».
Et cette fois-ci, les litiges se sont accumulés sur des impôts, des taxes illégitimes et des subventions inappropriées ou tout simplement interdites. Pourtant, la Commission Européenne, peu encline à cogner trop fort sur les états membres qui sont, par nature, les pourvoyeurs de fonds de l’Union Européenne, avait laissé, à chaque fois, le temps à l’État français de corriger le tir.
Par exemple, on apprend que les OPCVM étrangers sont taxés à 30% sur les dividendes qu’ils perçoivent des sociétés françaises, tandis que les OPCVM français ne payent aucune taxe sur ces mêmes dividendes. Cette discrimination est (évidemment) interdite, et en plus, en juin 2009, par l’arrêt dit Aberdeen, la Cour de Justice européenne avait jugé discriminatoire le système fiscal finlandais sur les OPCVM, qui fonctionnait comme le système français. Il était donc évident, dès cette date, que le système français allait se prendre un bon rappel à l’ordre bien senti. Pire : dès 2006, des plaintes d’organismes étrangers soumis à cette taxe avaient enclenché la procédure… Aussitôt mis au courant, les services de l’État et les ministres concernés de l’époque se sont – vite, vite – empressés de passer à un autre sujet, en laissant la situation s’enkyster pendant trois années supplémentaires après 2009 (et 6 si l’on part des premières plaintes).
À présent, il va donc falloir, pour l’État français, rembourser les sommes indûment perçues, couvrant toutes les taxes payées depuis 2004. Et comme la condamnation était à peu près inévitable, une modification de la législation fiscale dès 2009 aurait évité de percevoir (et donc, de rembourser maintenant) des sommes depuis cette date. Comme il s’y ajoute des intérêts de retard, on comprend que l’ensemble s’envole rapidement.
Il faut donc bien comprendre qu’au contraire de ce qui est décrit dans les vibrants articles de notre presse nationale, l’État français n’est pas menacé par Bruxelles (le flingue au poing ?), mais bien condamné avec un procès équitable, qu’il était effectivement en tort et pas qu’un peu, qu’il avait largement eu le temps de se retourner mais n’en a rien fait et qu’il mérite amplement le petit bourre-pif qu’il est en train de se prendre. Évidemment, ce sont bien les Français qui vont devoir payer l’incurie des bouffons qui n’ont pas pris au sérieux les avertissements des cabinets spécialisés et de la Commission elle-même ; on regrette fortement que tout ou partie de la somme à rembourser ne soit pas directement ponctionnée sur les responsables de l’époque ainsi que les responsables actuels qui ont, finalement, accepté la reprise du bébé. Après tout, si un entrepreneur reprend une entreprise au bord de la faillite, il s’engage à son tour personnellement à la remettre en ordre ou à payer de sa poche les conséquences d’un échec ; pourquoi en serait-il autrement avec les politiciens ? Je suis sûr, en outre, qu’une telle condition dans l’exercice des mandats les rendrait plus responsables, et instantanément moins rigolos. La vie politique, on peut le parier, perdrait une palanquée de comiques et d’autres jeanfoutres comme on en voit pavaner à l’Assemblée actuellement, mais l’État gagnerait en dignité et en budgets équilibrés ce qu’il aurait perdu en fanfaronnades débiles.
Reste néanmoins que pour certains, tous ces règlements, toutes ces directives, c’est très joli mais cela empêche l’État de taxer à loisir. Quelque part, c’est très triste : s’il n’y avait pas cette fichue Europe, il semble évident que les budgets déficitaires seraient déjà de l’histoire ancienne et qu’on se serait sorti de la crise depuis longtemps à coup de relances et d’investissements publics, de grands travaux et autres services sociaux généreux. Mais si. Cela revient un peu à s’envoler en tirant sur ses lacets de chaussures, mais l’important, pour les politiciens et les économistes qui fleurissent dans ce pays, et les journalistes qui relaient avidement leur non-pensée économique, c’est que l’avenir ne soit pas entaché d’une réduction quelconque des dépenses. Dans ce cadre, tout remboursement, toute amende, toute application du droit communautaire risque in fine de réduire les « marges de manœuvres » de l’État en matière de généreuse distribution. Dès lors s’explique fort bien la nervosité lisible dans certains articles et dans la bouche d’autant de ministres.
Et devant telle attitude, tel acharnement à ne pas voir l’incurie des gestionnaires de l’Etat et telle désinvolture devant l’impôt, comment ne pas conclure que ce pays est foutu ?
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Sur le web
Nous sommes dirigés par des incompétents…
Et les journalistes ne font pas leur travail…
Ma pauvre France….
Beaucoup d’hommes politiques se plaignent, et avec raison, d’une Europe qui se construit contre les peuples. Voilà une piste intéressante de réforme : si des taxes illégitimes ont été perçues par l’Etat, elles devraient retourner dans la poche des contribuables qui ont été taxés injustement, et non pas dans celles de Bruxelles…
Mais c’est le cas, justement.
Ces taxes (pour les OPCVM) ont été perçues sur des organismes étrangers, qui ont dû déduire des rendements les taxes à payer. Une fois remboursés, ils pourront augmenter les rendements et rembourser leurs adhérents (donc les injustement-taxés).
ces OPCVM, s’ils sont remboursés, n’iront pas rechercher les investisseurs passés qui auraient du payer moins de taxe: ils comptabiliseront simplement le remboursement au moment ou il le recevront, dans leur NAV: si vous voulez une idée d’investissement, recherchez les OPCVM qui ont payés beaucoup de taxes sur les dividendes (fonds actions françaises « High Yield »), et qui ont réduit leur taille depuis (dont une partie importante des investisseurs ont récemment rachetés leurs parts). L’impact sur ces fonds sera important!
Dans le cadre du traitement équitable des porteurs de parts du fonds, une telle combine me parait très étonnante..
« Cela revient un peu à s’envoler en tirant sur ses lacets de chaussures » excellent mais les politiques y croient !!! mdr
C’est la base du bootstrapping !
Incompétence ou cynisme ici ? Il me paraît assez plausible que la droite en 2009 se soit dit « le temps que ça arrive, la gauche sera aux affaires, donc autant récolter l’argent maintenant et le rembourser plus tard », c’est finalement une forme d’emprunt forcé qui n’augmente pas les chiffres de la dette. Et vu le déficit publique en 2009, 2010, 2011 (, 2012, 2013, 2014, … ), on n’allait pas refuser un petit milliard par ici ou par là…
Il ne faut jamais expliquer par la malice ce qui peut l’être par l’incompétance
Certains pensent qu’ils sont incompétents.
Mais lorsqu’il s’agit de trouver des impôts et taxes nouvelles, il savent manier le billard a trois bandes.
Donc ils sont bien plus cyniques qu’incompétents, surtout que le cynisme paye (ils se font élire, ensuite ils expliquent leur incompétence). Facile !!
A croire que nos hommes politiques fument les mêmes pétards que sur la photo. Sinon c’est plus grave que je pensais…
Pour bien comprendre ce qui se passe depuis 30 ans sur la gestion de l’état lisez un livre de Charles Gave L’état est mort vive l’état. Les politiques sont généreux avec l’argent des autres et ils n’ont que l’objectif de se faire réélire ce qui les poussent aux mensonges et le prochain paieras. Dans l’Europe il y a des pays qui se sont bien adapté et d’autre pas, a qui la faute!
Tiens, considérons un truc, mon bon H16, comment a-t-on pu s’emberlificoter à un tel point avec nos monnaies, purement fiduciaires qui plus est.
Non, mais c’est vrai, les italiens, les grecs, les espagnols, et même les français – surtout quand le tonton était élu – dévaluaient leur papier cul régulièrement, détendus comme tout, comme à l’entrainement ! Et effectivement, ça faisait « Gronff » pendant 6 mois, et ça repartait, nickel chrome.
Aujourd’hui, la dévaluation, c’est terminaga. Les US avec leur monnaie mondiale peuvent en vomir tant qu’ils veulent, les japonais ratatinés avec leur langue, leurs vieux, leurs sushi et leur île c’est pareil, et l’Europe, ha l’Europe, l’esprit latin, qui avait la dévaluation dans le sang, hé ben c’est terminé aussi.
Et l’esprit latin mon pauvre ami, il aura mis la terre entière sur un pic comme la tête de Mussolini ou coupé toute les têtes qui dépassent du sol avant de se remettre en question.
Il ne comprends que les coups, l’esprit latin, ouna bestia !
Il n’est pas forcement stupide, il est surtout « moral », pas comme ces « pragmatiques » d’anglais.
Bref, la « moralité » séculière des latin va rejoindre de « pragmatisme » pas moins séculier des anglais, et du papier cul mon ami, toi et moi on va en voir imprimer piscines, je peux te le garantir, mais le « tilt » – inévitable – je ne suis pas sûr qu’on y assiste.
Les assiettes des monnaies sont trop grosses, quand tonton dévaluait, c’était tout petit, la France – ca l’est encore -, il appelait au téléphone le patron de la banque de France, un soir de préférence vers 23h, et il lui disait : « demain matin : on fait moins 30% ». Quelle beauté, quelle liberté ! Ca c’est terminé.
Mais ceci dit, pourquoi la dévaluation est mieux que la déflation ?
La déflation – la tendance déflationniste devrais-je dire dans le contexte actuel – ratatine ceux qui travaillent pendant 10 ans, une bonne dévaluation fait mal d’un coup et pas à ceux qui bossent.
Tiens, je ne sais plus si c’est un bon manager – peut-être un philosophe, ou un psychologue – qui disait : il faut faire le bien petit à petit, c’est bon d’avoir le bien au fur et à mesure, mais le mal, par la plus pure humanité, il faut le faire tout d’un coup, très bref. Sinon, de la torture, du sadisme.
C’est ça la différence entre la déflation et la dévaluation, la tendance déflationniste, c’est : je te coupe un orteil, puis l’autre, puis encore un, et puis le mollet, et puis au genoux, et puis la jambe.
La dévaluation c’est un coup de hache à la jambe d’un coup.
Comment peut-on avoir fait ces monnaies ?
J’irai m’agenouillé devant l’ENA qui brule.
L’ENA c’est quoi l’ENA, finalement.
L’ENA c’est la réponse de Charles à un vrai problème à la sortie de la deuxième guerre mondiale.
Réponse adéquate s’il en est.
A la sortie du deuxième massacre industriel de l’humanité, le paysage français se composait d’hommes très entreprenants, pas gestionnaires, pas éduqués, mais avec une belle paire de pamplemousses, des résistants survivants ! Et encore plus que cela, des résistants, survivants et qui se connaissaient, bien.
Charles a dit : pour « aider », le bon terme est pour « seconder », tous ces entreprenants nous allons faire une élite de gestionnaires, et il a fait l’ENA.
Et voila, les paires de pamplemousse ne sont plus là, ce qui aurait du rester des gestionnaires se sont transformés, en l’absence des paires de pamplemousses – que seuls des contextes critiques peuvent engendrer – en administrateurs.
Des administrateurs castrés sont au pouvoir, et par une pure démocratie, dont l’impulsion à été faite par une « dictature », de celles que seule la France sait créer et gérer.
Je ne suis pas Marx pour de sous, mais, il n’y a pas dit que des inepties.
La planche à billets a un inconvénient majeur, c’est que la monnaie nationale n’a alors plus aucune valeur à l’étranger.
Sous De Gaulle, lors du passage aux nouveau francs, il était très difficile de trouver un pigeon, même italien — la Lire n’était pourtant pas très reluisante —, pour en acheter. Comme aujourd’hui la roupie népalaise ou encore, à la « belle » époque, le rouble.
Il faut alors construire un mur pour empêcher les ressortissant de partir. Heureusement qu’il y a l’Euro, sinon nous serions triers-mondialisés depuis longtemps !
Je ne suis pas convaincu par tes « murs » causés par les dévaluations.
La déflation et la fiscalité qui en sera issue vont, à mon avis, en ériger plus.
Il y a ceux qui ont lu Marx.
Et ceux qui l’ont compris.
bonjour Bruno Liautaud
« La déflation – la tendance déflationniste devrais-je dire dans le contexte actuel – ratatine ceux qui travaillent pendant 10 ans, une bonne dévaluation fait mal d’un coup et pas à ceux qui bossent. »
J’ai jamais compris cette aversion pour la déflation (sauf pour les débiteurs, donc l’état). Et une ‘bonne’ dévalation, c’est comme une ‘bonne’ guerre ;/
« une bonne dévaluation fait mal d’un coup et pas à ceux qui bossent »
euh une devualuation signifie juste une baisse de la valeur du travail effectué par le travailleur d´ou sa perte de pouvoir d´achat, mais c´est tout bon pour l Etat qui utilise l´inflation importé pour remettre ses finances a flots sans le dire ….donc je ne vois pas en quoi c´est indolore pour ceux qui bossent…au contraire c´est eux qui trinquent le plus
Je voudrais vous faire un petit cadeau H16. Pour vous montrer ma réalité et vous prouvez que le réchauffement climatique c’est pas vrai !
Parfois vous me frustrez (pas sexuellement bien sur, car le masque à gaz n’a rien de sexy pour moi) car étant idéaliste je rêve de voir votre intelligence utilisée avec vos amis de contrepoints pour proposer une nouvelle réalité aux prochaines élections. Hélas, pour moi, je trouve que vous avez tous des qualités individuelles certaines et qui; si elles étaient réunies autrement que sur un site internet seraient l’arme de destruction massive de l’Etat. Alors je prie pour que cette réalité devienne la réalité de demain ! Le lien s’auto détruira dans 2 jours !
http://youtu.be/hkS0XhCIIyQ