Faire disparaître en quelques heures toute l’économie d’un pays ? C’est possible ! Pol Pot l’a fait. Bienvenue dans un monde où un leader fou claque des doigts et il n’y a plus que des morts-vivants.
Par Pascal Avot.
Le 17 avril 1975 fut une des journées les plus sombres de l’histoire du XXe siècle. Plongeons-nous dans son atmosphère unique.
Au petit matin, les troupes Khmers rouges entrent dans Phnom Penh et prennent le pouvoir. Dans les premiers instants, lasse d’une guerre inextricable impliquant nombre de puissances étrangères, la population accueille la révolution avec enthousiasme. Mais tous les témoins s’accordent sur un point : il ne faudra guère plus de quelques dizaines de minutes à la capitale du Cambodge pour comprendre que le pire est à venir.
Qui sont les Khmers rouges ?
Pour la plupart, des adolescents et de jeunes adultes embrigadés complètement analphabètes venus des campagnes profondes du pays. Ils voient une ville pour la première fois de leur vie et ne comprennent rien, boivent l’eau dans les cuvettes des toilettes, défèquent dans les bidets. Habillés de noir, rudimentaires, humbles et obéissants, ils ne reconnaissent qu’une autorité : Angkar, c’est-à-dire l’Organisation, nom de code du Parti communiste dirigé d’une main de fer par Pol Pot, a.k.a. Frère Numéro Un.
Leur fanatisme ne s’encombre d’aucune sophistication, d’aucun scrupule – ils sont disposés à torturer et massacrer avec insouciance et application ceux qu’Angkar jugera bon de leur désigner pour cible. Dans l’exercice du pouvoir, ils vont montrer autant de glaciale sauvagerie que les pires unités SS. Leur credo tient en quelques mots : toute trace de capitalisme doit être impitoyablement détruite y compris si c’est un être humain, y compris si c’est un enfant. Et pour parvenir à cette fin, la méthode imaginée par Pol Pot s’avère d’une confondante efficacité.
Délocaliser l’humain
Quelques heures à peine après leur arrivée à Phnom Penh et prétextant la nécessité de protéger les habitants d’un bombardement américain à venir (bien entendu imaginaire), les Khmers rouges annoncent que la ville entière doit immédiatement être évacuée dans les délais les plus brefs. Hommes, femmes, enfants, vieillards, les malades comme les bien-portants, reçoivent l’ordre de faire leurs bagages et de se préparer à quitter leurs foyers, leur usines, leurs bureaux, leurs hôpitaux. Malheur aux retardataires ! Phnom Penh compte à l’époque deux millions et demi de personnes : toutes doivent s’en aller sans délai. Quiconque renâcle ou se plaint est abattu en pleine rue. En un clin d’œil, l’angoisse s’installe.
Quel est l’objectif de Pol Pot à travers cette migration forcée, précipitée, frénétique, sous la menace des AK-47 ? Abolir toute différence entre les citadins – qu’il juge gangrénés par l’esprit capitaliste – et les paysans pauvres – qu’il considère comme un genre de race supérieure, seule dépositaire de l’avenir radieux.
Pol Pot va au plus simple : en les chassant de leurs appartements et de leurs maisons et en les empêchant d’emporter leurs biens avec eux il métamorphose de facto les citadins en misérables, en sans-abris faméliques. Il les jette sur les routes sous bonne garde, sans vivres ni moyens de subsistance, afin de les parquer en pleine nature, de les faire revenir à un stade préhistorique et de les rééduquer par le travail.
Toutes les villes du pays subiront le même sort. C’est une expropriation à l’échelle d’un pays : au lieu de déplacer les biens, déplaçons ceux qui les possèdent. Bien entendu, en chemin, les plus faibles vont périr : les traînards et les invalides sont exécutés sur le bord des routes, sans jugement ni exception.
« Si tu vis, ce n’est pas un bien, et si tu meurs, ce n’est pas un mal », dit un slogan Khmer rouge.
Mêlant un volontarisme dément, un autoritarisme le doigt sur la gâchette et une improvisation complète, l’évacuation de Phnom Penh fait plus de 10 000 morts en un temps record. La cohue est telle que durant les 24 premières heures de l’exode, on n’avance que de dix mètres par heure à certains embranchements. Des barrages filtrent la foule.
Sont mis de côté tous les anciens serviteurs du régime précédent : fonctionnaires, officiers, professeurs, embarqués dans des camions et massacrés à coups de pelles (car les Khmers rouges économisent les munitions). Quiconque porte des lunettes est condamné à mort à très brève échéance : dans l’esprit de la révolution cambodgienne, seul le bourgeois sait lire et le bourgeois doit être éliminé.
Au sujet de cette révolution, Philip Short, auteur d’une formidable biographie de Pol Pot chez Denoël, parle de « mort subite de la raison ». On ne saurait mieux dire. « L’objectif de Pol Pot était de plonger le pays dans un brasier révolutionnaire. » L’incendie prit instantanément.
Disparition de l’échange
Pol Pot est pressé. Il n’a ni les zigzags de Lénine ni la patience prédatrice de Staline.
Ce funeste 17 avril 1975, Phnom Penh est à peine prise qu’il décrète l’annulation de la monnaie cambodgienne et la fermeture de la Banque nationale dont le bâtiment est dynamité avec tout ce qu’il contient – un nuage de billets s’élève dans le quartier.
D’un point de vue totalitaire c’est un coup de maître. Car non seulement il n’y a soudain plus de villes, ni d’État digne de ce nom, ni de marchés, ni d’écoles, ni d’hôpitaux, ni de religion (les pagodes sont recyclées en centres de torture), non seulement Angkar dirige tout et décide de tout sans jamais fournir d’explications mais l’argent lui-même est volatilisé et toute la valeur économique de la nation est ramenée à zéro.
Dans leur départ hâtif, bouclant leurs valises sous l’injonction glaçante des jeunes tueurs en noir, les habitants des villes paniqués ont emporté tout ce qu’ils pouvaient en billets de banque. Sur la route, les mêmes tueurs en noir leur expliquent la nouvelle situation : votre argent ne vaut plus rien, nous l’avons aboli, vous pouvez vous en débarrasser. Au fil des jours, le citadin, nouveau misérable, se résigne, comprend que les Khmers rouges ne plaisantaient pas ; un survivant raconte les avoir vus vider dans une rivière un volumineux sac de dollars américains.
S’enfonçant dans les sables mouvants de la folie idéologique, le Cambodge dit adieu à l’économie et au monde. Les citadins épuisés, affamés, désespérés au milieu de cet exode insensé et chaotique finissent par se délester de leur dernière, fragile et très relative richesse. Un témoin parle de chemins couverts par endroits de nappes de billets. Les Cambodgiens sont pris au piège : dans l’espace ultraviolent tracé par Angkar, leur dernier moyen de subsistance est Angkar. L’Organisation seule nourrit et elle seule torture. Elle torture plus qu’elle ne nourrit, du reste. Elle tient tout le pays, chaque maison, chaque enfant, chaque ruisseau. Le réel a disparu. Les frontières se referment. Le peuple entier est condamné au même bagne, lequel se confond uniformément avec le territoire. Un mot de travers, un seul, parfois un regard, et vous êtes radié de la liste des vivants.
Frère numéro un is watching you
C’était donc fait, Pol Pot avait réussi.
Comme dans un rêve, il avait bouclé un dossier qui aurait demandé cinq siècles à Brejnev : il n’y avait plus de différence entre les classes car n’y avait plus de classe supérieure, ni d’argent, ni de marchands, ni de marchandises, ni d’acheteurs, ni de banques, ni de Bourse, ni de devises, ni de coffres, ni de possibilité d’échange autre que le troc – et à quoi bon le troc dans un pays où plus personne n’a quoi que ce soit ?
Le commerce rendit l’âme. Le communisme, le vrai, advint. Ne subsistèrent que la terreur, seule debout et qui commandait chaque instant de la vie, et la misère qui lui obéissait, rampant de peur. La faim et l’inhumanité devinrent la règle. On vit des gens condamnés à manger leurs parents. On vit de jeunes enfants chargés du rôle de bourreaux, exécuter des adultes condamnés et ligotés en leur injectant du poison. On toucha le fond de l’abjection totalitaire dans chaque village de chaque région du Cambodge. Le camp de Tuol Sleng devint le Auschwitz des Khmers rouges ; on y électrocutait à la chaîne, de manière industrielle.
Il ne fait aucun doute que la vaporisation de l’argent a considérablement servi ces cruautés. L’argent, c’est l’échange libéré. Même en très petites quantités, même déprécié, il constitue par sa simple présence une possibilité de résistance au destin, sinon au pouvoir. L’argent permet des échanges imprévus, impossibles à planifier. Il est l’éventualité d’un désordre libéral dans le grand projet collectiviste. Or, ce grand projet ne tolère aucun autre désordre que celui qu’il génère lui-même, puis réprime – répression qui génère un autre désordre, qu’il réprime également et ainsi de suite à l’infini. Le totalitarisme est une chute. Le système Khmer rouge est une chute verticale en accéléré. L’argent rayé d’un trait de plume par Pol Pot, c’est la main qui vous pousse dans le vide.
De l’argent au néant, sans escale
Dans notre article précédent, nous abordions la catastrophe provoquée par Lénine pendant la révolution russe.
Nous sommes ici en présence d’un événement similaire par ses causes et ses effets mais incomparablement plus rapide. Du communisme, les Khmers rouges ôtent tout ce qui dépasse. Ils ne conservent que l’os, c’est-à-dire la destruction systématique dont Bakounine disait qu’elle était « l’acte créateur par excellence ».
Indéniablement, les Khmers eouges créent une nouvelle société : économiquement, elle ne peut se comparer à aucune autre. Quand le socialisme va tout au bout de ses intentions, les instruments de mesure traditionnels sont brisés ; les concepts économiques n’ont plus cours ; les dégâts ne se comptent pas en billets de banque puisqu’il n’y en a plus, mais en cadavres – et l’on ne sait plus où les mettre. En quatre années de règne seulement, le régime Khmer rouge fit deux millions de morts sur huit millions d’habitants. Tous innocents. Un quart du peuple cambodgien disparut, avalé par la famine, la torture et les exécutions ; les trois quarts restant en vie traversèrent un cauchemar d’une telle envergure qu’aujourd’hui encore, la raison peine à le croire possible. Ils ne s’en sont jamais remis.
La nature économique autant que politique du laboratoire nihiliste khmère rouge ne doit pas être oubliée. Interdire l’échange à l’échelle d’une nation n’est pas moins barbare que d’abattre une fillette d’un coup de pelle sur la nuque : le résultat est exactement le même. Une chose est sûre, au moins : le monde sans classes est le pire des mondes.
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Lire aussi :
Je vous prépare une réponse à votre billet concernant l’élève du PCF. D’ores et déjà je consteste vos chiffres et statistiques du génocide.
Ce n’est pas 25% de la population qui a été trucidée mais 40% et peut-être même plus près de 50%. En effet, la population victime est estimée à 65% de 8 millions car ce genre de régime a un grand besoin de sicaires qu’on estime à un tiers de la population. Si vous le déduisez vous arrivez à au moins 40% de la population liquidée.
Pol Pot, c’est le paroxysme de la folie collectiviste, encensée par le Monde qui deviendra de fait l’Immonde, bien dégoulinant de sang. Comment critiquer Pol Pot alors qu’il a été formé par le PCF ? Impensable. Les cambodgiens n’ont pas été pris au dépourvu, autant qu’on veut bien le dire, d’où les boat people et en ce qui concerne mes relations, les airplane people, Cathay Pacific 1ère classe. Je ne donne pas trop de précisions au cas où l’intéressé me lirait… Ce général de l’armée de Norodom Sihanouk envoie sa famille à Paris et se refuse à fuire comme quasiment tous. En matinée, Pol Pot lance un appel radiophonique de l’hôtel de ville en déclarant qu’il pardonne à ses adversaires, qu’il les invite à un pot à l’hôtel de ville et qu’ils veuillent bien se présenter en uniforme de grand apparat… L’Asiatique aime le faste et la parade et s’est empressé de répondre à l’ordre pour se faire cueillir par les sbires dès sa sortie. Emmenés en camion à quelques dizaines de km de Phnom Penh, ils doivent creuser un trou pour être ensablé vivant jusqu’au cou. Ils sont ensuite badigeonnés de confiture afin de nourrir les fourmis. Pol Pot assistait au spectacle. Donc l’Immonde a raison, il n’y a pas de crime contre l’humanité puisque l’adversaire, par définition n’appartient pas à l’humanité. Vous pourriez suivre quand même !
« Si vous le déduisez »
Et en vertu de quel procédé magique déduisez-vous les coupables de la population ?
Par ailleurs, il est impossible, dans un régime où tout est décidé par le Parti et où la délation est un moyen de survie, de tracer une frontière nette entre innocents et coupables. Par exemple, comme dans tous les régimes communistes, de nombreux cadres et leaders du Parti sont arrêtés, torturés, exécutés – à Tuol Sleng pour la plupart. Gardons-nous d’y voir une forme de morale ou de justice.
J’ai écrit « tous innocents » avec un zeste d’exagération, mais le raisonnement tient : sachons considérer qu’aucun des exécutés du régime Khmer Rouge n’a été exécuté pour de « bonnes » raisons.
C’est pas magique, c’est pour démontrer la violence du régime surtout qu’ils ne se sont pratiquement pas épurés entre massacreurs.
De nos jours quand on veut incarner le Mal, on nomme Hitler.
Pour ma part, j’ai toujours pensé à Pol Pot ou Staline.
Vae victis. L’histoire est écrite par les vainqueurs à la gloire des vainqueurs et au déshonneur des vaincus. Le communisme ayant gagné la SWW avec l’aide des Alliés, il est bien évident que le communisme et ses monstres sont devenus moralement intouchables.
« ils ne se sont pratiquement pas épurés entre massacreurs »
C’est tout à fait inexact, comme ça l’est pour la Russie de Staline et la Chine de Mao, et tous les systèmes totalitaires « matures ». La particularité du régime Khmer Rouge est d’avoir atteint cette maturité à une vitesse prodigieuse.
« Pour ma part, j’ai toujours pensé à Pol Pot ou Staline. »
Vous avez raison, mais n’oubliez surtout pas Mao. Sa biographie par Chang et Halliday, chez Gallimard, est stupéfiante.
Ce qui ne fait pas de Hitler une incarnation du Mal moins coupables que les leaders communistes, bien entendu. On ne parvient à vraiment saisir le totalitarisme qu’à partir du moment où l’on considère le nazisme comme une excroissance spectaculaire du socialisme.
Je ne vais pas me lancer dans un gigantesque hors sujet là-dessus (sans compter que la Police de la Pensée veille), mais la question du « totalitarisme » du national-socialisme n’est pas forcément ce qu’en dit la doxa contemporaine.
J’ajoute que le régime national-socialiste était le moins… socialiste de l’époque (les États-Unis de Roosevelt l’étaient largement plus, notamment) ; par exemple, on se référera à cette étude espagnole intéressante qui montre que le régime en question fut le premier de l’Histoire moderne à appliquer un plan de privatisations à grande échelle : http://www.ub.edu/graap/nazi.pdf.
« Un communisme de rizières » s’était contenté de dire Jean Lacouture.
🙁
la riziculture innondée, est un système qui pousse au collectivisme, car il est extremement difficile d’ignorer ses voisins( en amont et en aval) a cause du reglage du niveau de l’eau
Peut-être, par cette expression, ne voulait-il que « relativiser » l’importance à accorder à cette expérience venue d’un tout petit pays ?
C’est en tout cas ce que j’avais personnellement cru comprendre…
je ne comprends pas la conclusion: » le monde sans classe est le pire des monde « . l’auteur pourrait-il nous dire dans quelle classe il se situe ?
l’histoire nous enseigne que les dictatures ne sont jamais des mondes sans classe, mais quelles comportent au contraire, des classes extremement tranchées: celle qui tient la kalachnikov, et celle qui ne la tient pas.
il y a en asie, un precedent a la revolution nihiliste agraire des kmers rouge: la revolte des tai-ping, qui fit 30 million de mort au 19ieme siecle. la encore, les dirigeants se permettaient tous ce qu’ils refusaient au peuple: harem, luxe, mensonge, trahison …
« le régime national-socialiste était le moins… socialiste de l’époque »
C’est inexact. Il s’est socialisé au fur et à mesure qu’il avançait. La Guerre Totale de Goebbels est très précisément une militarisation de la société de type communiste. De plus, je vous rappelle que le parti nazi a compté plus de 40% de révolutionnaires de gauche, avant qu’Hitler assoie sa domination totale sur eux.
« la riziculture innondée, est un système qui pousse au collectivisme »
Peut-être, si l’on considère que le travail commun d’une même terre relève du « collectivisme », mais elle ne pousse certainement pas au totalitarisme. La commune paysanne n’entend ni être parfaite, ni être universelle.
« les dictatures ne sont jamais des mondes sans classe »
Bien entendu. Sans quoi elles réussiraient. Or, quand elles sont totalitaires, elles échouent toujours à réaliser leurs rêves. Même la Shoah est un échec. Les systèmes totalitaires ne réussissent jamais rien – sauf quand ils se contentent de voler une idée et d’en copier les plans.
(Je précise. Quand j’écris « même la Shoah est un échec », j’entends par là : un échec absolu, dès les premiers instants de l’intention exterminatrice du régime.)
Il restait une valeur très recherchée : le dictateur
Très juste ! Car Pol Pot faisait régner sur ses lieutenants les plus puissants une discipline de fer. Chacun devait nettoyer lui-même son appartement. Seul Pol Pot était dispensé de ménage pour tout le pays. Il était, à lui tout seul, la classe supérieure. C’est très rare en régime communiste… même si Staline a terrorisé ses proches, ses ministres, son QG, ses services secrets, pendant tout son règne.
Le plus dur dans toutes ces histoires dramatiques, c’est d’imaginer qu’il a été facile de formater des lieutenants pour ce genre de grand ménage et que somme toute on n’a toujours pas de garde fou pour éviter ce genre de schéma.
Au final on peut se poser la question si ce ne sont pas de grands psychopathes comme le sont souvent de grands intellectuels !
Je remarque avec désagrément que vous utilisez dorénavant à mon égard l’outil de la censure et de la « modération », mon récent commentaire de ce matin n’ayant pas été publié immédiatement, comme d’habitude. Mes commentaires seraint-ils si dérangeants ? Ai-je outrepassé les normes d’expression « libérales » propre au forum de Contrepoints ?
Excellent article narrant cette folie « bestiale ». J’y ai appris des détails de moi inconnus, et macabres.
Je lisais hier soir différents articles dans le mensuel La Recherche (N°419, mai 2008) sur les pérégrinations humanoïdes depuis l’Afrique et comment le peuplement du monde s’est déroulé, selon les récentes découvertes réalisées grâce au carbone 14 et l’ADN mitochondrial.
J’en suis venu à une réflexion que je vous propose : les humanoïdes comme Pol Pot appartiennent à une branche, à une espèce qui devra disparaître de la planète par la force des armes, à moins qu’elle ne devienne dominante au XXIe siècle par la lâcheté des hommes, en écrasant le reste des peuples par son nouveau vecteur d’expansion, le sinoïsme. Je m’explique.
La question suivante et centrale est : Pol Pot est-il un artefact isolé de l’évolution humaine naturelle vers la barbarie ou une simple annonce de ce que la domination extrême asiatique pourrait produire à l’avenir, par son humanisme réduit à sa plus simple expression, par un caractère ontologique insensible, en tant que branche ou espèce humanoïde nouvelle, l’Homo sinoïdus. En lisant cet article et en le combinant au vôtre hier soir, Monsieur Pascal Avot, bien que n’étant pas expert, j’ai eu une cette intuition à la suite de mes lectures sur la paléoanthropologie, inspiré aussi par les commentaires sous votre article qui parlaient de bestialité en ces actes. J’y ai vu pour ma part les prémices d’une espèce différente au delà de l’homo sapiens dont le communisme n’aura été que l’instrument idéal corrélé à la barbarie ontologique inscrite dans ce nouvel ADN dominant. Certains parlent à ce sujet d’animaux, des êtres inférieurs donc. Je ne suis pas d’accord. Il faut s’inscrire en faux avec cette thèse tant l’on sait pertinemment que l’idéologie marxiste-léniniste est un progrès de l’humanité dans ce qu’elle peut produire de pire, une facette du modernisme. Tant l’intelligence de ces hommes dirigeant la meute était supérieure, éduqués, cultivés, instruits qu’ils étaient aux meilleures sources occidentales, exemple étant donné aujourd’hui par l’ami juriste de ces criminels cambodgiens chez nous, l’avocat Jacques Vergès. Les animaux sont incapables de pogroms, de tels massacres. Il faut de l’intelligence industrielle, organisationnelle, de l’organisation scientifique du travail, de l’insensibilité puisée aux meilleures sources du nihilisme occidental, tares dont sont dépourvus les animaux, sauf les insectes. Ces massacres sont propres au XXe siècle, ils sont le produit de l’idéologie fordienne, qui elle, ne s’appliquait qu’aux voitures avant de se généraliser au monde entier aujourd’hui dans son évolution ultime, la robotisation. La solution finale en Allemagne ne procède pas moins, comme chacun sait, de cette évolution mentale majeure chez l’homme et dans ses sociétés. Mais nous ne devons jamais non plus oublier, l’humanité, que nous ne sommes qu’une des branches de la zoologie. Je militerais donc dans le cas de la violence polpotienne pour la thèse d’une nouvelle espèce humanoïde sinoïde totalement dénuée d’humanisme, au sens chrétien du terme et de celui des Droits de l’Homme et du Citoyen. Après tout, l’aspect plus policé et plus présentable du régime voisin chinois actuel et son toujours d’actualité Laogai ne doivent pas non plus lasser de nous interpeller quand en moins de 50 ans, un régime tue plus de 50 millions d’individus. C’est le bilan du maoïsme, uniquement des faits avérés. Aujourd’hui la chape de plomb est mise sur ces camps de concentration. Combien d’hommes et de femmes y passent et trépassent par an ; mille, dix mille, cent mille, 1 million ? Nul ne le sait. L’instrument politique de coercition n’est pas aboli. Aucun cynisme occidental ne se préoccupe plus par ailleurs de ces millions de victimes tant qu’il y a des affaires à faire, des marges à effectuer sur le coût du travail délocalisé malgré le prix du transport, des bénéfices à prendre. Une femme politique française en pleine campagne présidentielle vante par ailleurs l’efficacité de la justice chinoise, sans aucun complexe. Le communisme, le socialisme et le marxisme ont-ils des complexes à faire, par ailleurs ? Ils ne sont pas, ne seront jamais responsables de ces horreurs quand bien même ils les ont défendues avec la plus grande conviction, sans qu’ils soient pour le moins menacés, torturés ou enchaînés (les idiots utiles d’ici) depuis 100 ans. Dénonce-t-on un régime frère de l’Internationale Socialiste, dont font encore partie les partis de gauche français et tous les partis criminels marxistes-léninistes de la Terre ? Enfin, plus généralement concernant la lâcheté des peuples occidentaux qui sont heureux de trouver des produits à bas prix produits par des esclaves qu’on ne voit pas, ne touche pas, ne sent pas, quelle différence alors, dans nos attitudes conciliantes avec le régime de Pékin, avec les aristocraties européennes et américaines qui faisaient de juteuses affaires avec le régime nazi ?
« Je militerais donc dans le cas de la violence polpotienne pour la thèse d’une nouvelle espèce humanoïde sinoïde totalement dénuée d’humanisme, au sens chrétien du terme et de celui des Droits de l’Homme et du Citoyen. »
Je pense que vous auriez tort. La violence du régime Khmer Rouge n’est pas spécifique au communisme oriental – même si le communisme cambodgien présente des traits spécifiques dans les formes que prennent cette violence. Dès l’origine du totalitarisme réel (c’est-à-dire : dès l’établissement du premier camp de concentration soviétique, dans le monastère des îles Solovki), la violence est absolue et absolument déraisonnable. Une fois de plus, je ne saurais trop recommander la lecture de l’Archipel du Goulag. De même, les SS n’ont rien de « sinoïde ».
J’ai lu et relu l’Archipel du Goulag à sa sortie. Ma première conscience du crime communiste, à l’époque des envolées lyriques de Marchais ! Mais « pourquoi le communime devient-il si absolu et totalement criminel sous des latitudes qui n’ont jamais fait grand cas de l’individu ou de l’individualisme », le contraire de nos pays de l’Ouest européen plus tournés vers le libéralisme anglo-saxon, est peut-être aussi la cause de l’absolutisme des solutions finales. Le nazisme ne se revendiquait-il pas lui-même arien, aux origines proches de l’Indus ? Le soviétisme dans son expression ultime stalinienne n’est-il pas asiatique puisque le petit Joseph était né à Gori, Georgie, que l’on met artificiellement aujourd’hui en Europe pas les raccourcis de la géopolitique et du football ? Pourquoi le sinoïsme, comme cause à mon avis de la potentialité du crime, mais que vous ne considérez pas comme prégnante ? Parce que la gestion des masses humaines en ces lieux s’y fait de manière industrielle, parce que la natalité y est grouillante à cause et à l’instar d’une dame nature prolifique sous les cieux tropicaux et équatoriaux. Vous parlez de folie ? Cette nature-là aussi, incontrôlable, est folle, rend fou, l’opium réel du peuple étant, là aussi, le moyen trouvé, comme la Vodka en Russie, comme les cultures du pavot et du hashish au Moyen-Orient, pour museler les propensions de révolte des peuples soumis à de telles contraintes physiques et météorologiques. Un ami m’a dit un jour : ce qui frappe le plus en Inde, c’est l’odeur. C’est vrai. La nature étant tellement puissante là-bas que tout y pousse, le bon grain comme l’ivraie, à des vitesses affolantes. Les solutions politiques terrifiantes aussi y sont plus nombreuses, à mon avis et statistiquement. Bien à vous.
Le contenu de mon commentaire ci-dessous qui semble passer par morceaux. Mea culpa, trop important !
Je vous avais tancé lors d’un de vos excellents et précédents articles, en vantant le mérite communiste de « la liberté ou la mort » face au langage factice et faible produit par l’oukase de l’immonde et totalitaire (marxiste) pensée unique et son tribunal adjacent, ce n’était pas pour vanter ces régimes odieux, mais bien pour montrer que l’insipidité et la fadeur de certaines de nos convictions dans notre logorrhée occidentale faisaient pales figures face à la détermination du « bœuf qui est lent mais la terre est patiente » propre à la philosophie confucéenne. Que le prix de la vie (et des convictions) dans cette culture pouvait se monnayer à grande échelle et à vil prix. Vous le montrez bien en cet article, que même le prix d’une balle était souvent trop cher payé pour détruire l’âme individuelle de l’immonde bête occidentale puisqu’on y préférait la tuerie industrielle à la pelle et à l’électricité.
Néanmoins, je ne milite pas pour que nous nous mettions à niveau dans la barbarie pour pouvoir lutter à armes égales contre cette nouvelle espèce humaine sinoïde dont la violence politique criminelle paraît être un des premiers paramètres d’ajustement, ce serait renier tout ce qui fait les fondements de la culture des Lumières, le communisme étant discrédité à jamais dans cet inventaire. Je milite pour que nous devenions forts et lucides, en Occident, sur le destin de nos cultures si par malheur celle de l’extrême Asie venait à devenir dominante, économiquement, politiquement, militairement, sur la Terre entière. Nous vivons aujourd’hui la suprématie économique de cette Asie.
Le volet martial de cette politique suit le même chemin quand on voit les récents essais nucléaires de Pyongyang soutenus par Pékin. Votre article, à ce titre, est fondateur. Je voulais, par mon commentaire, vous encourager à nous éclairer plus avant, historiquement, sociologiquement et humainement, vous semblez connaître fort bien le sujet, sur l’avenir de la Terre en cas de domination extrême orientale, prenant pour exemple, l’histoire récente (et ancienne de l’extrême Asie) et ma thèse anthropologique.
Car vous aviez bien identifié le problème plus général dans votre titre annonciateur… « un Dark Vador »… figure tutélaire de l’Empire totalitaire dans Stars War. Votre intuition serait-elle inaboutie ?
« Je remarque avec désagrément que vous utilisez dorénavant à mon égard l’outil de la censure et de la « modération », mon récent commentaire de ce matin n’ayant pas été publié immédiatement, comme d’habitude. Mes commentaires seraint-ils si dérangeants ? Ai-je outrepassé les normes d’expression « libérales » propre au forum de Contrepoints ? »
Je n’ai pas la réponse à votre question, cher ami, mais laissez-moi vous dire que cela m’arrive aussi, et qu’il ne faut pas confondre bug et censure, sans quoi on devient très vite fou. Si cela arrive fréquemment sur Facebook – qui bénéficie d’une architecture technologique de très, très haut vol -, je ne vois pas comment cela pourrait ne jamais arriver sur Contrepoints.
« Je voulais, par mon commentaire, vous encourager à nous éclairer plus avant, historiquement, sociologiquement et humainement, vous semblez connaître fort bien le sujet, sur l’avenir de la Terre en cas de domination extrême orientale, prenant pour exemple, l’histoire récente (et ancienne de l’extrême Asie) et ma thèse anthropologique. »
Merci pour vos encouragements, mais j’en serais bien incapable. Et quand bien même j’aurais des intuitions sur l’avenir, je les tairais. Je crois à la justesse de ce proverbe arabe : « Si quelqu’un te prédit l’avenir, il a tort, même s’il a raison ».
« Je crois à la justesse de ce proverbe arabe : « Si quelqu’un te prédit l’avenir, il a tort, même s’il a raison »… Je crois de même que nous devons ici aussi nous méfier encore d’une pensée relativiste occidentale qui se nourrirait de telles phrases poétiques, jolies, au premier abord ensorcelantes et sages, même si elles peuvent s’avérer dangereuses à l’usage. Car en effet, à quoi servirait bien alors les instituts de prospective privés ou publics, les services Recherche & Développement des institutions et entreprises, les études d’histoire et de sciences humaines, les services secrets d’information publics ou privés, les organismes dont vous êtes issus, l’EHESS, ainsi que la pensée de votre admirable maître bien qu’ancien communiste, dans ses prises de positions lucides qui ont tout d’intuitions prospectives et lucides sur l’avenir de nos contrées, sur l’Islam entre autres, après celles sur le communisme lors de sa prise de conscience qu’avaient été les horreurs des crimes staliniens ? « Si quelqu’un te prédit l’avenir, il a tort, même s’il a raison »… Si l’on écoute littéralement cette phrase, autant aller se coucher et en aucun cas construire le futur dans telle ou telle direction, car tel est l’objet principal de la politique et de l’économie. Ici et maintenant certes, mais aussi fondations de demain ! Connaissez-vous des constructeurs qui n’ont pas d’intuitions de l’avenir, des banquiers qui prêtent sans vision rentable, des états et entreprises qui investissent sans vision stratégique ? Moi pas. L’intuition de l’avenir est centrale dans toute activité humaine (et biologique), tout projet. La conviction de cette intuition prospective est le moteur par lequel celle-ci aboutit à des signatures de contrats. Phrase bien dangereuse et décidément bien arabe, parce que la tente et le nomadisme sont peut-être à cet endroit la culture, le destin et la projection mentale des peuples.
La prévision telle qu’elle est pratiquée, par le banquier ou du le chef d’entreprise ne relèvent jamais de la certitude. Sans quoi ils ne les ajusteraient pas tous les matins. Un « expert » qui vous annonce ce qui se vendra le mieux dans trois ans sur tel ou tel marché est un escroc – ou un haut fonctionnaire.
Quant aux intuitions justes sur l’avenir, je crois qu’elles existent bel et bien, mais on ne peut mesurer leur intérêt que si elles se vérifient. Leur accorder du crédit avant ce passage à la réalité n’a donc aucun intérêt.
(Erratum : « ne relève »)
(Erratum : « Les prévisions »)
Bon, bref, la première phrase est caduque. 🙂 )
« Le communisme, le vrai, advint. Ne subsistèrent que la terreur … et la misère. »
Farouchement anticommuniste depuis qu’on m’a expliqué le sens de ce mot (j’avais 10 ans), je n’avais jamais entrevu les choses sous cet angle. Il est faux de dire que « le communisme ça ne marche pas… ». Si, ça marche ! Sauf que ça donne ce que vous décrivez et que, mieux ça marche et plus on se rapproche du cauchemar cambodgien. A fortiori, le communisme n’a jamais été dévoyé par une bande d’autocrates. Le communisme, c’est ÇA et rien d’autre. Pour cette raison, il ne faut pas discuter avec des communistes, faut cogner !
Merci pour ce passionnant article et pour celui sur Lénine, j’espère qu’il y en aura d’autres.
« Il est faux de dire que « le communisme ça ne marche pas… ». Si, ça marche ! (…) A fortiori, le communisme n’a jamais été dévoyé par une bande d’autocrates. Le communisme, c’est ÇA et rien d’autre. »
Exactement. Vous avez tout compris.
« Merci pour ce passionnant article et pour celui sur Lénine, j’espère qu’il y en aura d’autres. »
Merci à vous ! La suite arrive… 😉
@Pascal Avot
Merci pour vos articles toujours aussi passionnants sur l’Histoire.
Il faut ajouter à celui-ci une analyse de l’âme khmère qui éclairera beaucoup mieux les événements car la dimension idéologique seule n’y suffit pas.
Rappelons d’abord que les tortionnaires au Cambodge ne sont pas que le seul fait des analphabètes fanatisés, il suffit de voir les pogroms anti-vietnamiens, des dizaines de milliers de tués, perpétrés pendant des années depuis 1970 par les Cambodgiens eux-mêmes sous le régime de Lon Nol (pro-occidental et adversaire des Khmers rouges). Les massacres des vietnamiens vivant en Cambodge, souvent depuis des générations, ont été commis par les Cambodgiens partout dans le pays, que ce soit en ville ou à la campagne, et ceci dans la plus parfaite indifférence voire complicité de la population.
De ce que j’ai compris, une constante dans la mentalité khmère, est la duplicité. Un Khmer peut parfaitement vivre en harmonie apparente avec vous et du jour au lendemain se retourner violemment contre vous sans même que ce ne soit une cause socio-économique (explication toujours tentante pour les propagandistes de la lutte des classes) : la communauté vietnamienne visée n’étaient pas particulièrement plus aisée et était intégrée dans l’économie cambodgienne. A titre d’anecdote, pour un ami sino-vietnamien ayant fuit Phnom Penh lors de ces « événements » pour sa vie et celle de sa famille, installée depuis 2 générations au Cambodge, beaucoup de Vietnamiens et de Cambodgiens croient que le génocide khmer est une question de Karma, si les Cambodgiens l’ont subi, ce n’est que la juste rétribution de ce qu’ils ont fait subir aux Vietnamiens.
Si j’étais croyant, je serais tenté de le croire.
Ce comportement anti-Vietnamiens s’explique à mon humble avis en grande partie par le contrôle qu’avait les communistes vietnamiens sur l’Angkar, puis par la distance que prit Pol-Pot avec ces derniers.
Il y a pire qu’être l’ennemi d’un communiste : ne plus être son ami.
Sur les traits spécifiquement khmers du communisme cambodgien et sur les liens entre Angkar et le Viet-Nam, je vous recommande hautement la biographie de Pol Pot par Philip Short, chez Denoël. Un vrai chef-d’œuvre, qui prend soin de ne pas traiter uniquement des aventures de Pol Pot, mais qui décrit avec minutie et de manière passionnante l’action d’Angkar et le contexte géopolitique.