La comparaison entre François Hollande et Ronald Reagan souligne les lacunes du président français.
Par Philippe Robert.
À partir de 2008, la France est entrée de plain-pied dans une crise des plus sévères qui a eu le don de révéler aux Français la fragilité parvenue à l’extrême limite de la fracture de la branche sur laquelle ils sont tranquillement assis.
Il faut cesser de rejeter sur le précédent gouvernement, en une sorte de pseudo-incantation libératoire, la faute de nos malheurs présents, qui certes ne datent pas d’hier, même si, naturellement, sa responsabilité est clairement engagée.
Regardons plutôt vers l’avenir pour tenter non seulement de sortir de nos difficultés actuelles par le haut mais aussi et surtout, en mettant d’urgence en œuvre les réformes structurelles attendues, de consolider durablement nos fondamentaux.
Soucieux de préciser sa pensée réformatrice, le 12 mars dernier à Dijon, François Hollande a gratifié les Français d’un long discours tirant quelque peu à la ligne. En voici néanmoins la substantifique moelle de la bouche même de l’intéressé :
Le cap que j’ai fixé pour la France tient en trois points : rééquilibrer les comptes publics, redresser la production française et réduire le chômage. Ces trois priorités fonctionnent ensemble, elles ne sont pas séparées, elles sont indissociables
Une fois posé que « ces trois priorités fonctionnent ensemble », était-il vraiment nécessaire, à moins de s’adresser à un parterre de minus habens, ce dont je ne doute pas un instant, d’insister aussi lourdement sur le fait qu’elles ne sauraient alors être séparées, et moins encore indissociables ?
Et le président des minus habens de marteler :
Ces trois priorités fonctionnent ensemble, elles ne sont pas séparées, elles sont indissociables. Elles doivent être conduites dans le même temps. Plus tôt on rétablira les comptes publics, plus tôt la confiance reviendra. Et plus tôt nous aurons retrouvé de la croissance, plus tôt nous en finirons avec les déficits et plus tôt nous pourrons baisser le chômage. C’est en définitif le même processus. Ce ne sont pas plusieurs processus, c’est la même stratégie.
Bouchés à l’émeri, vous dis-je ! Encore que l’on pourrait légitimement se demander s’il ne serait pas plus fondé de retourner cette proposition à l’envoyeur… Mais portons plutôt nos regards vers les États-Unis d’Amérique en pleine ébullition un certain 5 février 1981.
À cette date, Ronald Reagan vient d’être élu et prend la tête d’un pays en piteux état après quatre années de présidence (démocrate) de Jimmy Carter. Il faut donc relever le défi de remettre l’Amérique à sa vraie place de première puissance mondiale. Aussi, dans une Adresse au pays, Ronald Ragan prévient-il les Américains qu’ils vont devoir faire face de tout leur cœur à l’adversité présente :
Voici quelques jours, on m’a présenté un rapport que j’avais demandé aux fins de disposer d’un bilan complet de notre situation économique. Vous n’aimerez pas ce rapport, je ne l’ai pas aimé non plus, mais nous devons regarder la vérité en face, et nous remettre au travail pour améliorer les choses […] Il est temps de comprendre que nous sommes arrivés à un tournant. Nous sommes face à une calamité économique de proportions incroyables, et le vieux traitement habituel ne peut nous sauver. Nous devons, tous ensemble, suivre un cours différent. Nous devons accroître la productivité, et cela veut dire remettre les Américains au travail […] Le 18 février, je présenterai un programme économique détaillé au Congrès […] J’y proposerai des coupes dans le budget de presque tous les ministères du gouvernement […] Tout en faisant cela nous devrons avancer dans la direction d’une baisse générale des impôts […] Des propositions seront soumises, visant à simplifier les formalités administratives des entreprises, et pour leur permettre aussi de disposer du capital nécessaire pour créer des emplois
Voilà un langage direct que nous, Français et Européens policés, ne sommes pas prêts à entendre et moins encore, peut-être, à accepter ; la différence de ton est flagrante entre un homme d’État énergique avant tout soucieux du bien-être de ses compatriotes et les circonlocutions compassées d’un François Hollande déjà si peu charismatique !
Pour en juger au plus près, sans pour autant vouloir créer inutilement la polémique, voici en quels termes Ronald Reagan termine son Adresse au pays du 5 février 1981 [1] :
Notre système est fondamentalement bon. Nous pouvons, avec compassion, continuer à assumer nos responsabilités envers ceux qui, sans que ce soit leur faute, ont des difficultés et ont besoin de notre aide. Nous pouvons pleinement assumer les autres responsabilités légitimes du gouvernement. Nous ne pouvons continuer plus longtemps le gaspillage qui se fait aux dépens de ceux qui travaillent et de nos enfants
Nous n’avons pas de Reagan de rechange à élire pour redresser à coup sûr la France contemporaine en voie avancée de décomposition, mais si seulement nous pouvions espérer en l’émergence de dirigeants lucides et courageux, ce serait déjà une grande victoire.
C’est pourquoi il me paraît de la plus grande importance de rappeler ici que dans son introduction à l’édition française, Guy Millière écrit ce qui suit :
« Pendant toutes les années où Reagan s’est préparé à la présidence, il a analysé la société américaine et observé le monde. Il s’est imprégné de livres dont les auteurs pouvaient s’appeler Richard Pipes, le plus grand soviétologue de l’ère contemporaine, ou Frédéric Bastiat, l’un des économistes essentiels des temps modernes, dédaigné par les Français, mais que le reste du monde occidental ne cesse de redécouvrir ».
Plaise à Dieu que les écailles nous tombent enfin des yeux !
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Lire aussi : Obama est-il vraiment le moins dépensier des présidents américains ?
Note :
- Texte intégral dans l’ouvrage Ronald Reagan – Écrits personnels (Éditions du Rocher, décembre 2002) ↩
Réagan, c’est la lucidité, l’esprit de synthèse, le courage et l’honnêté.
Il est vain de le comparer à Cafouilleux Ir, mais même aussi d’espérer qu’il se réincarne dans un français.
Génétiquement, l’hexagonal ne peut s’adapter à une ligne claire ! 🙂
On ne peut mieux dire, Gente Dame !
Je ne pense pas que Reagan soit un bon exemple,il était libéral dans ses discours mais keynésien dans ses actes.
Reagan keynésien, c’est totalement faux.
Pour fixer les idées, voici une analyse comparative des politiques budgétaires menées par les différents présidents américains : http://www.contrepoints.org/2012/05/29/84959-obama-est-il-vraiment-le-moins-depensier-des-presidents-americains
L’exclusion des dépenses militaires ne se justifie pas (et l’article lui même dis bien que c’est équivoque). De là à dire que Reagan est keynésien c’est peut-être exagéré mais le fait est qu’il a augmenté les dépenses et fait exploser la dette.
http://mises.org/freemarket_detail.aspx?control=488
Ben si, ça se justifie.
Connaître la structure des dépenses de la présidence Reagan est au contraire très éclairant : renforcement d’un État gendarme au détriment d’un État providence. On peut ne pas être d’accord avec de tels choix, mais c’est clairement une politique d’inspiration libérale et ça n’a strictement rien à voir avec le keynésianisme.
Et pour qui se souvient des discours de l’époque, les motivations de la course à l’armement étaient théorisées et s’inscrivaient dans la droite ligne de celles de la conquête spatiale :
– assurer la paix (en gros montrer ses gros bras et bomber le torse face au bloc de l’est au lieu de se taper sur la gueule)
– contribuer à l’implosion du bloc de l’est (en faisant le pari que l’économie soviétique n’avait pas les reins solides pour se lancer dans une telle compétition)
Alors bien sûr on peut lui reprocher ces choix mais dire, comme le font certains libertariens aujourd’hui, qu’il était keynésien ou libéral uniquement dans le discours, c’est franchement du grand n’importe quoi.
Cela n’a rien de libéral de faire exploser les dépenses militaires et de toutes façons il n’y a pas que les dépenses militaires qui ont augmenté. Dire que l’État doit se concentrer sur ses fonctions régaliennes c’est une chose, mais cela ne l’empêche pas d’être économe de l’argent d’autrui même ici.
De plus si on pense qu’augmenter les dépenses (militaires ou autres) se justifie on ne le fait pas par le biais de la dette (qui a triplée sous Reagan !) mais bien par des réductions de dépenses dans d’autres secteurs (réductions ne veut pas dire ralentissement de l’augmentation) ou même par l’impôt. On assume sa politique.
Je suis désolé mais le minimum a attendre de quelqu’un qui se prétend libéral c’est de ne pas augmenter les dépenses publiques et la dette. Cela ne me semble pas être une exigence délirante. Et de ce point de vue Reagan a échoué.
Oui, si on se limite à un diagnostic comptable, tu as raison : Reagan a échoué. Personne ne nie que la gestion des finances publiques de Reagan était mauvaise.
Mais :
1. Hors dépenses militaires, les déficits de la présidence Reagan sont les plus faibles jamais connus aux EU. L’argument qu’il était libéral dans le discours mais keynésien dans les actes ne tient pas la route.
2. Ton appréciation comptable ne tient pas compte des contingences géopolitiques de l’époque. Un discours de désengagement militaire à la Ron Paul s’il est tenable aujourd’hui, c’était totalement impossible à l’époque.
Encore une fois, on peut être en fort désaccord avec la politique de course à l’armement menée par Reagan durant ces années. Mais j’ai franchement du mal à voir quelle autre politique était possible face à la menace soviétique, et surtout, après coup, en termes géopolitiques et non comptables (*), il est difficile de dire qu’il a fait les mauvais choix.
(*) cela n’excusant pas ceci, c’est vrai.
Il y a une différence entre désengagement militaire et explosions des dépenses militaires. Il y a un entre deux (par exemple la simple stabilité ou l’augmentation modérée). Et encore une fois il n’a pas diminué les autres dépenses par ailleurs.
Je ne dis pas qu’il était keynésien (je suis même pas sur de ce que cela signifie exactement d’ailleurs) ni que par ailleurs au delà du « diagnostic comptable » il ait pu faire de bonnes choses (et d’autre moins bonnes). J’estime simplement que les actes n’était pas à la hauteur des belles paroles. Je préfère Reagan à Obama ou Bush junior, mais ça ce n’est pas vraiment un exploit.
Je suis partisan du moindre mal, mais je ne le confond pas avec le bien.
pas besoin de passer l’atlantique, il suffit de passer la manche: margaret tatcher, voila un dirigeant !! encore plus detesté des francais que ronald reagan.
il serait extremement curieux que l’on voit ca en france dans les 30 ans qui viennent.
Je suis bien sur un site français ? Je rêve ? Pincez-moi, des années que je souhaitais lire quelques bonnes vérités à dire sur Reagan ! Saturé des monceaux de dégueulis déversés injustement sur lui.
On a beau être blindé, avec ce que l’on a pu lire sur Sarah Palin, il était temps de remettre les choses à leur juste place: Reagan fut un excellent président, n’en déplaise à tous nos médias, nos bien-pensants, qui contrairement à ce qu’ils nous disent : leur, Obamâââââ, ne marche pas sur l’eau, ne multiplie pas les pains, ce n’est qu’un nullisime dépensier en dessous de tout.
Excellent président non, mais c’était le moins mauvais et le plus libéral des présidents des USA de la seconde moitié du XXe siècle. Comme l’a dit Arn0, il a fait exploser la dette publique, renforcé l’abjecte War on Drugs, et lancé une série de bombes à retardement géopolitiques (soutenir tout régime opposé au communisme, on voit aujourd’hui les résultats…) sans oublier le scandale de l’affaire Iran-Contra. Reagan ne vaut pas clairement pas un Calvin Coolidge ou un Grover Cleveland, mais il a réussi à inverser partiellement l’inquiétante dynamique étatiste qui s’était installée notamment avec LBJ et Nixon, ce qui n’était pas une mince affaire. Cependant, il faut aussi rappeller que les déréglementations ont commencé à la fin de l’administration Carter, tout le crédit ne lui revient donc pas.
A tea party : merci sincèrement pour la mémoire de Reagan !
Reagan
Le dictateur qui a remplis les prisons Américaines
« Osons nous inspirer de Ronald Reagan ! » http://t.co/9E0EsxHeAR via @Contrepoints
entre Reagan et Tatcher, je préfère de loin la dame de fer
Reagan n’était pas libéral. il a augmenté les dépenses publiques et la dette. certes, il faut reconnaitre que même s’il n’était pas bon, il reste le meilleur président depuis la seconde moitié du 20 siècle. il n’était libéral que dans les paroles. aucune des promesses de coupes dans les dépenses de l’État, de diminution des impôts ou de dérégulation n’a été tenue. http://mises.ca/posts/articles/the-myths-of-reaganomics/
http://www.harrybrowne.org/articles/Reagan'sLegacy.htm