François Hollande a déchargé par décret la juge Marie-Odile Bertella-Geffroy de l’affaire de l’amiante. À juste titre ou pour protéger Martine Aubry ?
Par Mathieu Morateur.
Dans un décret daté de mercredi dernier, François Hollande décharge Marie-Odile Bertella-Geffroy de l’affaire de l’amiante, affaire au cours de laquelle elle avait mis en examen Martine Aubry en novembre dernier pour homicides et blessures involontaires.
Le décret présidentiel fait polémique car il offre un écho un peu particulier aux principes de transparence et de neutralité édictés lors de l’anaphore « Moi, Président… ».
En effet, après avoir connu les affres d’une décision de la Cour de Cassation déjà controversée, prise manifestement en opportunité, à l’époque où elle avait instruit la partie du dossier du sang contaminé qui ne relevait pas de la Haute-Cour de justice, la juge Bertella-Geffroy voit une nouvelle fois les circonstances politiques rattraper son travail.
Le prétexte officielle est le suivant : la règle des dix ans, disposant qu’un juge d’instruction spécialisé doit automatiquement retrouver des fonctions générales lorsqu’il a exercé dix ans durant des fonctions spécialisées.
Devant la polémique qui enflait, la Garde des Sceaux a demandé un avis du Conseil Supérieur de la Magistrature qui n’a pu que confirmer le principe que tous les magistrats spécialisés nommés depuis 2002 sont soumis à ce régime, sans se prononcer sur ce cas particulier. Et la juge avait été nommé vice-présidente du TGI de Paris en mars 2003, après avoir été premier juge, mais déjà chargé de l’instruction.
Néanmoins, Marie-Odile Bertella-Geffroy soutient, elle, qu’elle n’est pas devenue juge d’instruction en 2003, et que la promotion dont elle a bénéficié à cette date n’a pas modifié ses fonctions.
François Hollande avait-il vraiment le choix ? Depuis le 5 mars, la juge ne pouvait qu’expédier des affaires courantes, ne pouvant plus mener réellement d’instruction sous peine de nullité des actes qu’elle aurait ordonnés. Une situation qui a, selon le Ministère de la Justice, conduit à la nomination de deux nouveaux juges d’instruction auprès du pôle spécialisé santé publique du TGI de Paris.
Il y avait cependant une autre solution, plus rassurante pour les familles des victimes qui s’étaient émues de cette probable décharge, celle de confier aux nouveaux magistrats les parties les plus urgentes du dossier, et attendre une décision de la chambre de l’instruction sur une requête en nullité d’un acte accessoire ordonné par la juge Bertella-Geffroy. Cette solution, alambiquée certes, aurait eu le mérite d’écarter tout soupçon quant au caractère répressif de cette décharge, en confiant à la seule justice le soin de dire le droit.
Espérons que les nouveaux magistrats sauront prendre dignement la relève de leur fameuse devancière et que leur travail n’aura d’autre objectif que la vérité et fera oublier cette intervention du pouvoir dans une affaire judiciaire.
Séparation des pouvoirs en France?
Mais bien sûr!
En France, la justice n’est pas un pouvoir, à peine une autorité comme le précise la constitution. Dans une démocratie, un pouvoir doit être élu. Les juges sont-ils élus ?