Tout ce qu’il faut savoir concernant la crise qui frappe Chypre depuis quelques semaines.
Par Le Minarchiste, depuis Montréal, Québec.
Chypre, ce petit pays méditerranéen, fait actuellement les manchettes mondiales en raison de la crise financière qui y sévit. Ce qui est particulier dans ce pays est que son système bancaire est très gros comparativement à la taille de l’économie, et qu’environ la moitié des dépôts est détenue par des étrangers, dont une bonne part provient de riches citoyens Russes. Pour éviter l’implosion de son économie, le gouvernement a décidé de tenter de sauver les banques, ce que l’on peut d’ores et déjà critiquer. Cependant, vu la taille du système bancaire, impossible pour l’État de financer un tel sauvetage.
Pourquoi Chypre, qui fait partie de l’Union européenne depuis 2004 et de la zone euro depuis janvier 2008, attire tant de dépôts ?
Parce que son taux d’imposition est très bas, qu’il a conclu des ententes fiscales avec de nombreux pays, et que ses systèmes légaux et comptables sont anglais. À l’époque de l’accession à l’euro, le pays était mené par un gouvernement communiste qui s’est mis à augmenter les dépenses de manière irresponsable. La situation fiscale du pays s’est donc fortement détériorée depuis. Par ailleurs, les banques chypriotes étaient fortement exposées aux titres obligataires grecs, lesquels ont engendré d’énormes pertes (cinq milliards d’euros) suite à la restructuration des dettes grecques, détruisant le capital des banques chypriotes. Alors que les problèmes financiers s’intensifiaient en 2011, le gouvernement communiste a quémandé 2,5 milliards d’euros en aide auprès des Russes, ce qui est significatif puisque le PIB de Chypre n’est que de 17 milliards d’euros. Cette aide a permis d’éviter les réformes structurelles et l’austérité.
Puis, en 2012, suite à la décote de la dette de Chypre par les agences de notation de crédit, les titres obligataires chypriotes ne furent plus admissibles comme contrepartie à la Banque centrale européenne, qui décida de ne pas faire d’exception cette fois-ci (comme ce fut le cas avec la Grèce, l’Irlande et le Portugal). Chypre dut donc demander l’aide de la Troïka, qui nécessita des réductions de salaires des fonctionnaires, et des privatisations d’entreprises d’État. Cependant, cette entente ne réglait pas la question de la solvabilité des banques. L’Union européenne se mit alors à menacer Chypre de lui couper la liquidité si on ne trouvait pas une solution, exigeant une décote des dépôts bancaires pour renflouer les banques.
C’est ce qui a mené au sauvetage de dix milliards d’euros annoncé en mars dernier, qui consistait à taxer les dépôts bancaires de 10 % pour obtenir les fonds nécessaires à recapitaliser les banques. Cette proposition a été rejetée par le Parlement de Chypre. Ceci dit, elle fut qualifiée de « sans précédent » par les médias du monde entier. Vraiment ? Pourtant, dans les faits, ce genre de taxation se produit jour après jour dans les pays industrialisés dotés d’une banque centrale.
En 2008-2009, les pays qui ont décidé de sauver leurs banques, comme les États-Unis et le Royaume-Uni, n’ont eu qu’à créer la monnaie nécessaire à l’aide de leur banque centrale. Chypre ne dispose pas de cet outil car sa banque centrale, la BCE, est hors de son contrôle. Ainsi, Chypre a décidé de dévaluer les dépôts par la taxation directe, plutôt que par l’inflation. Cette façon de faire paraît peut-être plus brutale, mais il s’agit néanmoins de la même chose !
Ainsi, la livre sterling a perdu 14 % de son pouvoir d’achat depuis le sauvetage des banques de 2008-2009, alors que le dollar américain a perdu 10 %. Donc, si vous disposiez de 100 dollars dans un compte-chèque aux États-Unis en 2008, ce dépôt vaut aujourd’hui 90 dollars en dollars de 2008. En fait, on pourrait dire que le gouvernement de Chypre aurait imposé un taux d’intérêt négatif de 10 % sur les dépôts, alors qu’aux États-Unis les taux d’intérêt réels sont négatifs depuis cinq années en raison de l’intervention massive de la Fed.
Quelle est la différence entre le TARP et ce que Chypre a tenté de faire ?
Ce n’est qu’une question de perception. En fait, la différence principale est que Chypre ne visait que les déposants des banques, alors que la Federal Reserve dévalue tous les dollars américains. En ce sens, la Fed et la Bank of England ont fait pire !
Dans la nouvelle version du bailout chypriote, seuls les dépôts excédant 100 000 euros seront touchés et convertis en actions de la banque, alors que les créanciers obligataires et les actionnaires des banques seront essentiellement lessivés. C’est nettement mieux, puisque cela répartit mieux le risque entre les créanciers, les actionnaires et même les déposants, car en effet, il est risqué de déposer de grosses sommes d’argent dans une banque à réserves fractionnaires ! Ceci dit, cette nouvelle entente ne règle pas les failles sous-jacentes du système bancaire. Et il y a toujours le risque de bank run une fois les contrôles levés et de contagion à l’extérieur du Chypre, où on pourrait assister à un exode des dépôts bancaires.
À cet égard, j’aime bien la manière de Stéphane Montabert de décrire la situation :
Le gouvernement chypriote est dans la même impasse qu’un malfrat qui tient en joue un individu et espère que celui-ci continuera à lui obéir aveuglément même quand il n’aura plus une arme pointée sur lui. Soit l’État fait perdurer les limites de retrait pour que perdure l’illusion de stabilité, soit il les lève et tout peut alors arriver… C’est inévitable.
Conclusion
Pour bien des gens, la dévaluation de 10 % des dépôts que Chypre a tenté d’imposer était bien extraordinaire.
En fait, dévaluer la monnaie pour aider les banques et aider les gouvernements à financer leurs déficits est ce que les banques centrales du monde entier font chaque jour. Dans le cas de Chypre, qui ne contrôle pas de banque centrale, cela doit se faire de manière « transparente », c’est-à -dire par une taxe visible, plutôt que par l’inflation, moins visible. Il est incompréhensible que les médias financiers s’insurgent face à cette situation, pendant qu’ils regardent la Fed créer des milliards de dollars sans broncher. Cela démontre bien à quel point le système bancaire contemporain est mal compris par les gens et les médias.
En passant, regardez l’impact qu’a eu la crise de Chypre sur la valeur d’un bitcoin :
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merci pour ces explications …
Nuançons tout de même. Quand il y a inflation ou dévaluation, il y a d’une part une certaine inertie qui permet de s’adapter et d’autre part il est toujours possible de transférer ses avoirs.
Tout ceci n’est pas possible avec une taxe sur les dépôts parce qu’elle est brutale, immédiate et que les dépôts sont bloqués.
Chypre est actuellement dans l’obligation de céder 11 tonnes d’or, cette tractation fait suite au cas de la Grèce que le FMI et la BCE ont dépossédé de 111 tonnes d’or. Un bien précieux que le pays ne possédait même pas dans ses propres coffres, mais à l’étranger principalement dans 2 banques centrales, la FED et la Banque d’Angleterre. L’or grec a été vendu via des opérations d’actifs (swaps). Aux 111 tonnes s’ajoutent 389 tonnes d’or (500 tonnes au total) appartenant à d’autres pays en difficulté qui ont été soumis aux mêmes opérations d’actifs en échange d’une aide financière sous forme de devises (dollars& euros).
Une aide sans réelle valeur puisque ces devises sont l’objet de création monétaire expansive – quantitative easing aux USA (planche à billets) & Création monétaire en Europe sous forme de prêts colossaux accordés par la BCE aux banques privées à taux quasi nul. Par le rachat de dettes toxiques des banques privées en difficulté, par le rachat d’obligations souveraines de peu de valeur. Des opérations entreprises par la BCE sans contrepartie d’actifs, ce qui revient à de la pure création monétaire. Tout ceci pour éviter la faillite du système bancaire et alléger la dette de certains États en favorisant l’emprunt obligataire sur les marchés financiers à des taux les plus bas possible.
Désormais, en contrepartie, le FMI et la BCE, compte tenu de la perte de valeur des principales devises (dollars & euros), ces opérations de secours ne se font plus qu’en échange du seul actif qui a encore de la valeur, le stock d’or physique des pays ayant sollicité cette aide. Des réserves de métal jaune qui paradoxalement n’étaient même plus contenues dans les coffres de ces nations en perdition. C’est dire qu’un mouvement insoupçonné de réforme économique et financière se prépare à l’échelle mondiale. Maintenant, la question cruciale n’est pas tant de connaître le stratagème en cours d’exécution, mais surtout de savoir ce qui se profile derrière tout cela.
Plus généralement, au travers de ces tentatives désespérées, de ces tractations imposées par ces institutions supranationales aux ordres de la véritable gouvernance mondiale, ces États européens étranglés par l’endettement extrême essaient avant tout 1) de sauvegarder le système bancaire, générateur de crédit. 2) De sauver l’euro. 3) D’enrayer la crise de la dette publique. Cependant ces actes forcés de secours, sans calendrier, sont pris dans l’urgence, à l’emporte-pièce, juste dans l’espoir du lendemain.
Désormais, pour le cartel mondialiste, tous les États ne sont plus que de gros gibiers apeurés et déstabilisés par les rabatteurs, les chiens de meute, les spéculateurs. Une scène de chasse qui effraie les chefs de gouvernement, ils redoutent d’être cernés de trop près et d’être pris à la gorge dans l’antre des marchés de la finance mondiale. Tandis que les écuyers, les maîtres de la haute finance, après avoir organisé magistralement la battue, ont mis leurs chevaux de cross au repos et se sont installés aux tribunes d’honneur pour mieux assister à cette nouvelle scène de chasse. Ils attendent de les voir très bientôt leur abandonner ce qui reste de leur souveraineté nationale.
Voici le lien de Bullion Vault détaillant le mouvement de vente d’actifs sur la base des 500 tonnes d’or dont sont dépossédés de plus en plus d’Etats : http://delor.bullionvault.fr/la_gr%C3%A8ce_devratelle_vendre_son_or09081
Bonjour,
Merci pour cet article intéressant ! Pourriez-vous expliciter l’allusion que vous faites à l’impact sur le Bitcoin, qu’en conclure ? Merci !
intéressant
La difference entre inflation américaine et deflation chypriote, c’est que l’inflation est subie par tous les américains, y compris les non déposants, sous forme de dépots et de salaires qui se dévaluent, mais aussi par tous les étrangers ! Les américains ont ainsi fait payer les Chinois, les Japonais, les Arabes …
Alors qu’à Chypre seuls les déposants ont payés.
Ca fait tout de meme une difference.
Je recherchais se l’info à savoir si c’est bien à Chypre qu’il y a eu le gel des comptes de tous les citoyens.
Si ce n’est pas Chypre j’aimerais qu’on me rappelle c’était quel pays, car ce fait m’avait traumatiser….