C’est un essai très inégal que publie l’économiste Olivier Pastré. Nous partageons sa proposition pour une « nouvelle économie d’en bas » mais sommes moins d’accord sur les constats concernant la crise actuelle et ses vrais coupables.
Par Bogdan Calinescu.
Un article de l’aleps.
L’auteur, en visionnaire optimiste, imagine une France en pleine croissance économique vers… 2021. Grâce à François Hollande, tout a redémarré. La recette ? Le président a compris que ce n’est pas à l’État de faire la politique économique mais aux vrais acteurs de terrain : entreprises, investisseurs… C’est la méthode « bottom-up » qui s’appuie sur l’environnement des entreprises afin de prendre les décisions nécessaires pour relancer la machine économique. C’est tout à fait souhaitable à condition que la puissance publique n’intervienne pas comme elle l’a fait dans le passé. Et à Pastré de rappeler l’échec – à coups de milliards – du Concorde (ou bien du Minitel ou du supergénérateur nucléaire). De même, l’échec du keynésianisme de Sarkozy qui s’était fait pourtant le chantre d’une autre économie, plus libérale. Sa politique économique a été profondément keynésienne avec les résultats que l’on connaît.
Jusque là on suit parfaitement l’auteur. C’est après que ça se gâte… Il commence à mélanger les politiques keynésiennes avec les recettes « néolibérales », ce dernier adjectif étant une sorte de passe-partout utilisé surtout par les économistes de gauche afin de désigner les échecs économiques de plusieurs pays. En quoi consiste réellement cette « politique néolibérale » ? S’il s’agit de surveiller les comptes de l’État et de faire confiance au secteur privé, toute politique conseillée aujourd’hui est néolibérale. Mais les dirigeants suivent-ils vraiment ce genre de politique ? Ensuite, comment partager avec l’auteur ce qu’il appelle « les causes profondes de la crise » ? Pour lui, elles sont au nombre de quatre : la désindustrialisation, la course folle au rendement, la titrisation et la procyclicité de la finance. Mais où sont passées les politiques suicidaires du crédit facile mises en place par les gouvernements américains ? Les connivences entre le secteur bancaire (l’auteur est administrateur de plusieurs banques…) et les institutions publiques ou para-publiques ? Quid des dérives budgétaires des États ? Comment se fait-il que la crise n’ait pas touché de nombreux pays riches comme le Canada, l’Allemagne, l’Australie, plusieurs pays nordiques, etc. ? A-t-on été victimes du moins d’État ou du trop d’État ? Difficile de comprendre comment une politique « top-down » peut « atteindre ses limites avec le libéralisme exacerbé qui a inspiré la politique économique depuis près de trois décennies ». Car c’est exactement le contraire qui s’est passé ! La France – un pays qui cultive le chômage de masse, crise ou pas crise – a explosé ses dépenses publiques et gonflé le secteur de l’État (ou des collectivités locales) depuis 30 ans !
L’auteur ne croit pas en la « concurrence parfaite » ou en la « rationalité des individus », deux caractéristiques qu’il attribue au libéralisme économique (en fait, il s’agit d’hypothèses empruntées aux modèles de l’école néo-classique) et défend ainsi l’intervention de l’État. Mais il n’y a aucun exemple de pays où l’État a laissé complètement libre le secteur privé. Tant que l’État taxera et réglementera les relations économiques, on ne peut pas parler de pays « néolibéral » ou « libéral » (par ailleurs, quels étaient les États libéraux dans les années 30 ?). Il y a eu des réformes dans certains pays, y compris dans des pays fortement étatisés comme la Suède. Il faut laisser les acteurs économiques s’exprimer sans interférer ! Faisons-le et ensuite critiquons – ou non – le libéralisme économique.
Finalement, ce qu’il faut retenir du livre d’Olivier Pastré c’est qu’on doit s’appuyer sur l’économie d’en bas pour s’en sortir. C’est déjà pas mal.
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Sur le web.
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Félicitations à l’auteur d’avoir pris le temps de lire Olivier Pastré. Personnellement, il y a longtemps que je ne l’écoute plus que de très très loin.