Le scandale Cahuzac éveille enfin l’opinion au manque de probité et d’intégrité des élus. En réalité, ce n’est pas leur faute : c’est la faute du système. Amnistions les élus.
Par Baptiste Créteur.
On ne compte plus les élus que la justice a condamnés, ou ceux qu’elle devrait condamner ; à tel point qu’il semble devenu impossible de trouver un seul élu exemplaire. Les politiciens qui se font prendre, minoritaires parmi les délinquants, ne sont inquiétés que lorsque leurs infractions à la loi ne relèvent pas du cadre de leurs fonctions ou sont devenus trop difficiles à couvrir.
Tous se déchainent alors sur le malheureux. Tous aujourd’hui jettent la pierre sur un Jérôme Cahuzac devenu indéfendable, comme si le salir allait les blanchir. On lui reproche étrangement bien plus fréquemment d’avoir menti à des élus de la république que d’avoir fraudé le fisc, et sans doute à dessein : ce n’est pas la « parole publique » qu’il discrédite comme l’a affirmé Arnaud Montebourg, mais la parole des élus.
Grâce à lui, et ce serait souhaitable, plus personne ne croira les hommes politiques sur parole ; ils pourraient enfin être jugés sur leurs actes, leurs résultats, leurs bilans. Ils en seront rarement inquiétés, et il est étonnant que si peu d’entre eux choisissent de vivre sans risques de confortables indemnités sans risquer de perdre leurs fonctions en cas de mauvaise gestion. Alors que depuis 40 ans tous les budgets votés par les députés et sénateurs sont déficitaires, on se scandalise d’une évasion fiscale de quelques millions d’euros tout au plus ; alors que tous les hommes politiques sont élus par des citoyens qui espèrent tirer quelque avantage du candidat pour lequel ils votent et sont payés pour cela, on se scandalise de quelques millions d’euros obtenus pour une activité de lobbying avec pignon sur rue.
Jérôme Cahuzac n’est pas idiot ; quitte à devenir le bouc émissaire, il préfère avouer que son mensonge est bien plus large qu’une évasion fiscale et quelques revenus louches et porte sur l’ensemble de ses fonctions politiques.
On me dit que j’ai menti sur ma situation personnelle. Cela veut dire quoi ? Qu’il y aurait des mensonges indignes et d’autres qui seraient dignes ? Quand on ment sur ordre, et pour des raisons politiques, à l’Assemblée, est-ce digne ? À ce compte-là, j’ai menti devant l’Assemblée, sur la possibilité de réaliser 3 % de déficit en 2013.
Il préfère également montrer qu’il n’est pas le seul à mentir, a fortiori dans l’hémicycle :
Si tous ceux qui ont menti à la représentation nationale devaient quitter l’hémicycle, il y en aurait des tonnes.
Et quitte à avouer qu’on fait partie d’une classe de pourris, autant ne pas y renoncer.
Il n’y a que mes électeurs ou la justice qui peuvent me priver des bancs de l’Assemblée. Or je n’ai pas été battu et je n’ai pas été, pour l’heure, déclaré inéligible.
Si je votais, je serais presque tenté de voter pour Jérôme Cahuzac, un homme qui a enfin décidé de dire la vérité aux Français et qui, contrairement aux autres, semble capable de comprendre et d’apprendre de ses erreurs.
Tous les élus sont coupables de détournements de fonds : ils utilisent l’argent du contribuable pour réaliser des projets qu’ils sont seuls à porter, et a minima se trouve-t-il toujours au moins un contribuable n’approuvant pas les desseins qu’il est pourtant tenu de financer. Tous les élus sont des lobbyistes : ils utilisent le pouvoir pour servir les idées d’une partie des électeurs, en théorie ceux qui ont voté pour eux. Tous les élus sont des menteurs : ils prétendent résoudre les problèmes du pays, accélérer la croissance, favoriser la prospérité, lutter contre le chômage, et font tout l’inverse. Il faut donc considérer comme une infraction le simple fait de vouloir être élu pour autre chose que réduire le pouvoir et la taille de l’État, ou amnistier les élus.
Même si les politiciens volent, détournent ou gaspillent l’argent du contribuable, celui-ci n’est jamais remboursé lorsque les faits sont révélés. Pire, le contribuable paie bien souvent pour la défense des politiciens véreux ainsi que tout ou partie des pénalités qui leur sont infligées. Le contribuable n’a, dans cette configuration, rien à gagner à ce que les élus soient condamnables ; proches d’une justice pas tout à fait indépendante et souvent protégés par l’immunité ou par une bien pratique prescription après des années de patinage artistique judiciaire.
Les syndicalistes mafieux et violents bénéficient déjà d’une amnistie, pourquoi ne pas en faire bénéficier les autres mafieux ? Barons locaux qui tiennent des régions entières par la barbichette, maires pourris jusqu’à l’os qui font enfler la masse salariale de la mairie et exploser le nombre de ronds-points en même temps que les impôts locaux, conseillers généraux qui s’auto-subventionnent, ministres qui offrent des primes colossales à leurs collaborateurs et des petits-fours et du champagne à ceux qui ont la bonne idée d’être d’accord avec eux, élus de tous niveaux qui financent leurs amis et leurs électeurs : ce n’est que la partie émergée du gigantesque iceberg France dont certains morceaux – les plus petits – commencent à tomber alors que l’iceberg, lui, coule.
Commençons par amnistier les exilés fiscaux. Dans le tas, nul doute que beaucoup sont des hommes politiques. Et, compte tenu des niveaux d’imposition actuels en France et de ce que les prélèvements servent à financer, l’exil fiscal est à partir d’un certain niveau de revenus une preuve de rationalité. C’est le sens d’une proposition de loi de députés UMP, qui voient là un moyen de faire revenir en France des capitaux. Si j’étais exilé fiscal, je soupçonnerais un piège, mais peut-être suis-je devenu trop méfiant à l’égard de la parole publique.
Amnistions également les détournements de fonds. L’argent public est quasiment toujours indument prélevé aux contribuables, gaspillé et ne bénéficie qu’à une partie des électeurs ; que cela change-t-il réellement, si cette partie des électeurs est infime et constituée de l’élu et ses proches ?
Amnistions enfin toutes les utilisations du pouvoir à des fins personnelles. On le leur a confié, pourquoi ne l’utiliseraient-ils pas comme ils l’entendent ? Les hommes politiques auraient tort de s’en priver.
Amnistions les hommes politiques, car ce ne sont pas eux les fautifs mais le système politique dans lequel ils s’inscrivent. Les élus font la loi et sont élus par une partie des citoyens qui cherchent, par leur choix, à tirer un peu plus à eux la couverture. Chacun cherche à obtenir, qui une protection de ses acquis, qui des droits nouveaux, qui un peu d’argent public pour embellir son jardin ou contre quelques emplois qui disparaitront quelques années plus tard ; tous, nous serons à blâmer, tant que ce système perdurera. Car tant que nous considérerons que la légitimité vient de la légalité au lieu de comprendre que la légalité doit venir de la légitimité, tant que nous accepterons les fondements et les principes de la social-démocratie et d’une souveraineté absolue du peuple sur l’individu, les détournements de fonds seront le principe même du fonctionnement de l’État.
Lire aussi :
Non pas amnistier, mais leur faire rendre gorge des impôts sans cesse croissants, et cela très simplement :
On conteste systématiquement les impôts locaux et sur le revenu car non conformes à l’article 13 des Droits de l’homme qui font partie de la Constitution.
De plus toutes les taxes sont contestables devant cet article et feront aussi l’objet d’attaques répétées.
En fait, on va sacrément s’amuser.
Beaucoup de français sont des schizophrènes : d’un côté ils passent leur temps à s’indigner de la corruption de leurs élus (ce qui ne les empêche pas de les réélire) et d’un autre ils leur accordent toujours plus de pouvoir et s’acquittent de toujours plus d’impôts avec joie. Enfin c’est cohérent. Tant qu’une majorité d’électeur comprendra qu’on peut voter pour des subventions payées par le voisin en votant pour des « représentants » ceux qui souhaitent vivre au dépend de la vie des autres gagneront…. jusqu’à ce qu’il n’y est plus assez d’argent pour financer tous leur désirs et nous seront (sommes déjà !) tous perdants.
C’est la première fois que je commente sur Contrepoints (même si ça fait plus d’un an que je vous lis chaque jour) et je vous voulais sincèrement vous remerciez d’aiguiser mon sens critique face aux étatistes qui m’entourent et c’est pas ce qui manque ! Merci Baptiste
« Beaucoup de français sont des schizophrènes : d’un côté ils passent leur temps à s’indigner de la corruption de leurs élus (ce qui ne les empêche pas de les réélire) et d’un autre ils leur accordent toujours plus de pouvoir et s’acquittent de toujours plus d’impôts avec joie. »
Et ils se plaignent d’avoir des incompétents au pouvoir alors qu’ils veulent des structures toujours plus complexes qu’elles dépassent l’entendement humain.
Si on met la barre trop haut, même le champion du monde de saut en hauteur passe pour un minus.
amnistie, transparence, retrocession … peut-etre.
vu que les homme politiques sont, seront, et ont toujours été plus ou moins malhonnètes, le plus efficasses serait deja de reduire leurs nombres: y a -t-il besoin d’autant d’elus au parlement, surtout que c’est de plus en plus les lois europèennes qui s’imposent. il faudrait revenir a trois echelon administratif uniquement ( etat, departement ou region, commune ou district ) les economies seraient considerables, tant pour les elus, que le personnel administratif. la clarification ainsi opèrée, permetrait au citoyen lambda, de se concentrer a nouveau a ces taches de production ou de service, l’esprit libre et les poches mieux garnies
c’est pas seulement le parlement qu’il faudrait réduire : il y a en france 600 000 élus, le gros des troupes, il est dans les conseils municipaux : 36 000 communes, des centaines de milliers d’élus qui veulent marquer leur passage, qui veulent faire notre bonheur.
fusion des communes, par exemple il n’y en aurait que 5 000, il y aurait 200 000 élus en france, ça irait beaucoup mieux.
C’est mignon tout plein, une belle tentative de cynisme doublée d’une naïveté parce que »les gens ils font rien qu’à penser à eux ».
Faites un choix !
Abrogeons plutôt pour tous toute règle fiscale qu’un élu au moins aura enfreinte en pleine connaissance de cause.
Si tous ceux qui ont menti à la représentation nationale devaient quitter l’hémicycle, il y en aurait des tonnes. Ca résume tout
C’est une blague cet article ?
Ou il faut le prendre au second degré ?
Il m’a l’ait très sérieux cet article, comme toutes les positions affirmées en ces lieux…
De la sorte, si nous amnistions les élus, cela tentera encore plus de gens de devenir élu pour taper dans la caisse et ne plus se soumettre aux lois.
C’est enfin la bonne solution pour que la fiscalité soit allégée pour tous les français : ayons tous un mandat électif, cela nous affranchira de toutes les lois.
En passant, cela évitera également le cumul des mandat, car il faudra surement créer encore quelques couches dans le mille-feuilles pour réussir à donner un mandat a chacun 🙂
C’est ridicule
Accuser un mort !!!!!!
Autant de noblesse laisse pantois d’admiration !!!!
Ce n’est pas ce genre de pirouette qui fera remonter le politique dans mon estime et que dire des autres candidats avec de multiples casseroles ….
A moins qu’il accuse un mort pour ne pas accuser des gens du même parti qui sont encore vivants, ce qui pourrait lui coûter encore plus cher;
Il est impossible de croire bêtement qu’il n’était pas en service commandé (devinez par qui ) et assuré d’être « couvert » (devinez encore par qui).
Un peu de cynisme est très appréciable face à cette classe politique qui vit dans un autre monde, l’énarchie ne fait pas partie de notre planète à mon sens.
Cela soulève néanmoins le problème des solutions à apporter à cette situation. Le grand problème pour moi est l’inexistence de contre pourvoir, la cour des comptes ne faisant que dénoncer sans jamais pourvoir comdamner. Pour moi, un élu est d’autant pus responsable qu’il est mandataire de ses concitoyens, il ne devrait pas y avoir deux justices, mais bien une seule… Comment alors mettre en examen des élus qui font les lois? Encore une fois, il est nécessaire de mettre en place un contre pouvoir fort capable d’intervenir (comme c’est le cas dans de nombreux pays ayant un indice de corruption plus faible que la France 😉
Notre contre-pouvoir, ce sont les syndicats….
Vous pourriez remplacer politiciens par tout un tas de catégories. C’est d’ailleurs probablement ce que vous aviez en tête lors de la rédaction de ce billet.
Non, pas les amnistier, mais leur couper la tête, enfin pas au propre, pour cela l’EI s’en réserve l’exclusivité, mais au figuré.
Tout homme condamné ne devrait plus pouvoir se présenter aux élections, dès que cette condamnation est prononcée et sans attendre un quelconque appel.
Bien sûr, en corollaire, la justice aura au maximum 6 ou 12 mois pour se prononcer.
Je rêve? j’oublie que nous sommes en France? patience…
cahuzac ira en prison ; il vient de prendre 3 ans ferme ; est ce que cela fera réfléchir tout ces politiques qui se croient à l’abris de tout ?
Revoir les peines d’emprisonnement pour les infractions financières et au droit des affaires en les remplaçant par de lourdes amandes et des peines privatives de droit serait déjà un bon début…Au fait je n’ai pas entendu Mme le Pen demander l’exécution publique de Mr Cahuzac comme vient de le faire l’Iran dans une affaire semblable…
Il est farce que les Chats Fourrés chantent pouilles à Messieurs Cahuzac et Sarkozy.
M. Georges Clémenceau sauva son portefeuille en saluant d’un tonitruant « Bonsoir Docteur » un Président du Conseil qui, déguisé en médecin, s’adonnait aux « matinées enfantines » du bordel.
Du bon usage des R.G., mouches et archives!
Monsieur Créteur est tout bonnement ahurissant : un élu devenu ministre, qui après avoir fraudé, ment avec aplomb à l’assemblée nationale les yeux dans les yeux, ne mérite rien d’autre que ce que la justice lui inflige, et le mépris de tous, et ce n’est pas cher payé : il a contribué de manière irresponsable à la destruction de la démocratie. Plutarque écrivait : « Quand la république a les mains sales, le peuple se tourne vers le tyran »