Idée reçue : le 1% le plus riche des Américains n’est pas constitué de financiers de Wall Street mais aux trois quarts d’entrepreneurs individuels.
Par Bernard Zimmern.
Un article d’Emploi 2017.
Contrairement aux croyances largement répandues, le centile le plus riche des Américains n’est pas constitué des financiers de Wall Street mais aux trois quarts d’entrepreneurs individuels, à la tête d’entreprises non incorporées. Ils ont débuté leurs entreprises sans s’embarrasser de statuts et sont parvenus dans le premier centile des plus riches par leur travail et en économisant. Mais ils possèdent plus de la moitié de la fortune industrielle des États-Unis et c’est donc d’eux que dépendent la croissance et l’emploi. Ceci peut expliquer la faible reprise de l’activité américaine malgré les vannes du crédit ouvertes par la Banque Fédérale si ces entrepreneurs n’ont pas confiance dans leur gouvernement et ne veulent plus prendre de risques.
Un débat clé pour l’avenir de nos sociétés occidentales
Ce débat a agité et continue d’agiter l’Amérique puisque Barack Obama réclame une taxation spéciale des millionnaires et qu’il est même question d’instituer aux USA un impôt sur la fortune. Un débat qui concerne la France. Il n’aurait en effet guère d’incidence s’il s’agissait seulement de couper le superflu et, comme le suggèrent rien moins que deux prix Nobel, de punir les plus riches qui vivraient, au mieux d’une rente, au pire de l’exploitation de la sueur et du sang des plus pauvres.
Le hic, c’est que ce sont précisément les plus riches qui sont responsables de plus de la moitié de l’investissement dans les entreprises et l’emploi. Comme dans probablement la quasi-totalité des pays de l’Ouest. Et que, comme l’a fort bien rappelé l’OCDE, la lutte contre les inégalités commence par un travail : « L’emploi est la voie la plus prometteuse pour réduire les inégalités. Le principal défi consiste à créer des emplois plus nombreux et de meilleure qualité, offrant de bonnes perspectives de carrière et des chances réelles d’échapper à la pauvreté » [1].
Les très riches Américains sont aux trois quarts des entrepreneurs individuels, non incorporés
Pour savoir qui sont réellement ces super-riches, accapareurs ou fainéants, il est intéressant de se plonger dans les travaux d’un chercheur, Edward N.Wolff, qui figure parmi ceux qui traque les inégalités depuis près de 20 ans. Pour chiffrer la fortune des Américains et sa composition en fonction du niveau de fortune, il s’appuie sur les enquêtes du Survey of Consumer Finances effectué par le Federal Reserve Board, publiées tous les 2 ans et portant sur environ 5.000 ménages (avec échantillonnage spécial sur les ménages les plus riches pour tenir compte de leur petit nombre). Un des intérêts de ces enquêtes est qu’elles se sont répétées depuis 1983 et que le chercheur les commente et les analyse tous les 2 ans depuis 1994. Ses travaux sont d’autant plus crédibles que Wolff appartient plutôt au clan des égalitaristes, comme d’autres membres de son université semble-t-il, qu’au clan des entrepreneurs.
Dans un rapport de 2010, il dévoile que 73,8% du patrimoine du 1% les plus riches [2] sont dans des « unincorporated business » [3], que nous croyons pouvoir traduire par entreprises individuelles, ces entreprises que leur fondateur n’a même pas constituées en sociétés à leur création mais tout simplement débuté en offrant ses produits ou services et qui sont restées sans statuts.
Le grand public non averti pourrait penser que la fortune industrielle américaine est dans les grandes entreprises cotées, les Google, General Electric, les 40 entreprises du Dow Jones ou les 100 du Nasdaq. Erreur. Elles ne constituent que 11,8% du patrimoine total américain et 16,8% si l’on inclue les actions indirectement détenus à travers les fonds de pension, les OPCVM, etc. contre 20,1% [4] pour le patrimoine représenté par les entreprises individuelles. Plus de la moitié du patrimoine industriel américain est donc dans des entreprises non incorporées. De même d’ailleurs qu’en France.
Dans son rapport 2010 sur les patrimoines 2007, Wolff confirme que les très riches américains sont ces créateurs d’entreprises individuelles, par cette phrase remarquable : « a somewhat startling 74 percent of the very rich reported owning their own business » [5].
Pourquoi les entrepreneurs individuels représentent 75% des plus riches américains
C’est que la plus grande partie de la richesse d’une nation n’est pas créée par des élèves de grandes écoles ou universités, qui cherchent généralement des carrières sures au sein de grands groupes mais par des autodidactes qui, flair ou accident, débutent une activité en affichant simplement un panneau et ne s’embarrassent pas de statuts beaucoup trop compliqués ou coûteux. À force de travail et d’économies, leur activité grandit et ils finissent, aux USA, par constituer plus de 50% de l’actif industriel.
On en trouve confirmation dans les travaux d’un autre chercheur [6]. C’est qu’un entrepreneur individuel ne peut généralement compter que sur lui-même – et son entourage familial –, pas sur les institutions financières, pour survivre en cas de retournement de la conjoncture économique et qu’il est donc conduit à accumuler de la richesse, à épargner, à s’enrichir au maximum, en vivant s’il le faut chichement, comme Sam Walton, le fondateur de la plus grande chaîne de distribution Wallmart qui roula dans sa vieille Ford plus de 20 ans, jusqu’à sa mort.
Les entrepreneurs individuels, le facteur clé de la croissance, qui manque actuellement
En 2007, c’est pourtant ce 1% des plus riches qui représente 49,3% de toutes les actions et fonds communs de placement, 60,6% des placements financiers, 62,4% du « business equity » [7], donc représente plus de la moitié de la fortune industrielle américaine. Page 19 de son édition 2012, Wolff va même plus loin et rappelle que « comme montré tableau 6, les foyers du centile le plus riche (rangés par patrimoine) investissaient plus des trois quarts de leurs économies dans la propriété immobilière, les entreprises, des actions de sociétés et des placements financiers ».
Ce qui nous conduit à penser que si la reprise américaine est si lente et si hésitante malgré les vannes de crédit largement ouvertes par la Federal Reserve, ce n’est pas que les circuits bancaires manquent de capitaux, c’est que les principaux agents de la croissance qui sont ces entrepreneurs américains, qui ont fait leur fortune généralement en partant de rien, ces riches américains n’ont plus confiance dans leur gouvernement et gardent leur fortune plutôt que de la risquer.
Notes :
- OCDE (2011), Toujours plus d’inégalité : Pourquoi les écarts de revenus se creusent. ↩
- Pour éviter toute ambiguïté, il écrit lui-même que les très riches sont les 1% les plus riches, pas les 10% ou tout autre décile. ↩
- Table 6 page 49 « Recent Trends in Household Wealth in the United States » 2010 Edward N. Wolff. Levy Economics Institute of Bard College. ↩
- Page 16, ibid. ↩
- Page 16, même document. ↩
- « Entrepreneurship, Business Wealth, and Social Mobility » par Gabriel Basaluzzo UT Austin / ITAM. ↩
- Table 9 ibid. ↩
On peut faire le parallèle avec l’Europe, qui croit dur comme fer qu’avoir des taux d’intérêts frisant le zéro absolu, c’est « bon pour les investissements et l’emploi ».
Non seulement ces taux ridicules ruinent les épargnants (inférieurs à l’inflation), mais cela n’a aucun influence sur les investissements productifs.
Investir, c’est un acte de foi dans l’avenir ! Si la conjoncture est porteuse, on fait le plan financier, et on intègre tout simplement le taux d’intérêt à titre de paramètre quelconque (et généralement déductible !)
L’investissement repose donc avant tout sur le moral ! Cruellement absent quand on voit un gouvernement ne rien connaître à l’entrepreneuriat, tondant les riches et les classes moyennes, et n’épargnant même pas les très très petits épargnants qui voient leur épargne fondre.
Il faut à tout prix revenir par palliers à un taux moyen de 5 %, qui stimule l’épargne et les investissements. Mais aussi flamber toutes ces règles qui paralysent la libre entreprise : en France, il faut trois à 6 mois pour créer une entreprise, en Angleterre … 3 jours !
Sans évoquer l’étonnante extrapolation entre le fond de l’article censément extrait des travaux de Wolf et son opportune conclusion, j’aimerais rappeler à l’auteur que les « unincorporated entities » incluent les limited partnerships (LPs), les limited liability partnerships (LLPs), les Limited liability limited partnership (LLLPs) and limited liability companies (LLCs), tous acronymes que tout lecteur de la presse financière US (ou juridique…) croise après sensiblement n’importe quel témoignage de gestionnaire de fonds ou membre d’un cabinet d’avocats… et n’évoquons pas même les trusts qui également sont sous forme unincorporated…
Alors le coup des  » 73,8% du patrimoine du 1% les plus riches qui sont dans des unincorporated business « … non ? sans blague ?
Et donc, vous interprétez comment le commentaire de Wolff : « a somewhat startling 74 percent of the very rich reported owning their own business » ?
Accessoirement, être « incorpored » ne vous empêche pas de rester un business familial (Mars Incorporated par exemple)
Relisez les tableaux de Wolff, ça signifie juste que 73,8% des ménages américains composant le 1% des plus riches (plus de 8 millions de $ kamême) déclaraient avoir investi dans de l’unincorporated business en 2007, rien de plus… Ne croyez pas tout ce qu’on vous rapporte, particulièrement d’un rapport de Wolff trois ans après sa sortie…
D’ailleurs, en ce qui concerne les 1% relativement aux plus hauts revenus et non pas aux plus grosses fortunes – ça se recoupe pas mal de fait- voir l’étude de Bajika/Cole/Heim de juin 2012 sur le sujet : 31% d’entre eux, sont managers, cadres ou directeurs (dans le secteur non financier). 15,7% appartiennent au corps médical, 13,9% aux professions dans le domaine de la finance et 8,4% sont avocats. Oukissont les « zentrepreneurs » et les « zindustriels » ?
Je crois ce que je peux vérifier, et je peux vérifier que Wolff dit bien textuellement ce que l’auteur indique. Et je ne vois aucune raison de vous faire confiance plutôt qu’à Wolff. En fait, quand je vois que vous me sortez des chiffres « excluding capital gains » quand le sujet ce sont les riches (c’est à dire les gens qui sont justement caractérisés par un gros capital et donc de gros revenus du capital), que manifestement vous ne maitrisez pas les probabilités conditionnelle (et comme l’autre abruti qui confondait la proportion d’étrangers en prison et la part de la délinquance causée par les étrangers, vous confondez part de la richesse détenu par la population A et part de la population A parmi les riches), et bien la balance de la crédibilité ne penche pas de votre coté.
Try again.
Exact, les chiffres étaient tirés du tableau 1 qui excluait les revenus du K des 1%, mais je suis sûr que vous n’avez pas manqué de constater à quel point le tableau 2a, incluant les revenus du K, était sensiblement superposable au tableau 1, aussi bien pour les 1% que pour les 1‰ au demeurant… Et oui, comme je l’ai d’ailleurs précisé, on peut légitimement considérer que la population des 1% des plus hauts revenus se recoupe significativement avec celle des 1% des plus gros patrimoines ce que la similarité entre la répartition des hauts revenus avec ou sans revenus du capital tendrait d’ailleurs à confirmer implicitement, n’est-il pas ?
Sur les 74% avancés par Wolff page 19 (et pas 16…), je recommencerai pas la démonstration mais demandez vous s’il est n’est pas un peu cavalier de passer allègrement de « a somewhat startling 74 percent of the very rich reported owning their own business » (i.e 73,8% détiennent des parts dans des unincorporated business) à  » les entrepreneurs individuels représentent 75% des plus riches américains « ..
n’est-il pas ?
Et bien non, il n’est pas. Toujours le même genre de confusion que vous faites.
Dans la mesure où l’auteur assimile clairement les propriétaires de leur business à des entrepreneurs individuels,non, je ne trouve pas ça « cavalier ». Même si perso il me semble clair que quand est à la tête d’une structure qui fait de vous un parmi les 1 pour mille plus riche américain, on n’est plus dans « l’individuel » au sens commun français (même si ils sont propriétaires ou patrons, ces gens ne bossent certainement pas tout seul), et pour voir ça j’ai pas eu besoin de vous.
Faites un petit effort de compréhension et/ou de bonne foi please. Pour en finir et parce que je suis trop bon : il est clair que les 1% sur les revenus sont sensiblement les mêmes que les 1% sur la richesse et qu’en aucun cas 74% ne sauraient être des « entrepreneurs » pur jus, ce qui est démontré par la répartition professionnelle des 1% sur les revenus incluant ceux du capital. Et non désolé mais quand Wolff écrit que 74% de ces 1% déclarent (au fisc) détenir leur propre business ça ne signifie pas que les 3/4 des plus de 8,2 millions $ de patrimoine Us en 2007 étaient des zentrepreneurs, mais bien qu’ils détenaient pour tout ou partie d’une unincorporated (aux multiples formes et objets possibles…) participant pour partie ou totalité de leurs revenus et patrimoines. Verstanden ?
Pour le reste on est d’accord, les légions de Main Street pèsent infiniment plus lourd, en terme d’effectifs en tout cas, que celle de Wall Street parmi les 1,2 million de foyers des 1% Us comme dans les 120 000 des 1‰… mais ça on s’en doutait…
Tout ceci ne nous dit si ce sont parce qu’ils ont accumulé beaucoup de patrimoine, qu’ils ont pu lancer leur boite, et en accumuler beaucoup plus ou l’inverse (parce qu’ils ont lancé leur boite, ils ont pu accumuler du capital, et étendre leur boite, etc ..).
Je rejoins les commentaires ci-dessous, « unincorporated entities » est un terme qui ratisse large. Aussi, une petite precision: il n’y a que 30 entreprises côtées au Dow Jones (non 40); et pour etre precis, le Nasdaq-100 est un sous-ensembele du Nasdasq qui est constitué d’approximativement 3000 entreprises.