Nous avons essayé la taxe Tobin : ça n’a pas fonctionné

L’Europe devrait apprendre de l’expérience suédoise sur la taxe Tobin.

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Nous avons essayé la taxe Tobin : ça n’a pas fonctionné

Publié le 19 avril 2013
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L’Europe devrait apprendre de l’expérience suédoise sur la taxe Tobin.

Par Magnus Wilberg [*].

L’Europe est dans l’erreur. En février, la Commission européenne a dévoilé une proposition de taxe pour les transactions financières – aussi appelée taxe Tobin ou taxe Robin des Bois – dans l’Union européenne. Onze pays européens se sont ainsi vus accorder le droit de taxer les opérations sur les actions et sur les dettes souveraines à hauteur de 0,1% et les opérations liées aux produits dérivés à hauteur de 0,01%. À en croire l’expérience suédoise, cette taxe est une erreur. Le but de cette taxe est double : améliorer l’efficacité des marchés en réduisant la spéculation et générer des revenus pour l’Union européenne. Ces objectifs sont les mêmes que ceux invoqués par la Suède en 1984. À cette époque, la fuite des capitaux hors de Suède était limitée par le contrôle des changes qui restreignait les fuites des capitaux des investisseurs suédois vers l’étranger. Et pourtant, les investisseurs avaient fui ce nouveau régime fiscal.

Au départ, le taux d’imposition était de 0,5% et était connecté aux achats et ventes d’actions. Puis, au cours de l’année 1986, le taux avait été doublé et l’assiette de base avait été élargie aux échanges de stock-options et de devises. La conséquence immédiate avait été une diminution brutale du volume des transactions à la Bourse de Stockholm. Le résultat moyen des marchés avait diminué de 30% pendant la deuxième moitié de l’année 1986 et tout au long de l’année 1987. Le volume d’échange des 11 actions les plus importantes avait baissé de 60%. Or, il semble peu probable que cette diminution ait seulement touché les échanges spéculatifs : plus tard, en 1989, la taxe était à nouveau élargie pour y inclure les obligations d’État. La conséquence fut la réduction de 85% du volume des échanges et de 98% des produits dérivés sur obligations. L’augmentation des revenus de la taxe due à son élargissement avait alors représenté moins de 5% de ce qui avait été attendu. En 1990, peu de temps après que les derniers vestiges du contrôle monétaire se soient effondrés en Suède, plus de 50% des transactions financières suédoises prenaient place à Londres. À l’inverse, dès que la taxe fut abolie en décembre 1991, les échanges à la Bourse de Stockolm reprirent. En 1991, 40% des échanges suédois prenaient place à Stockolm ; en 1992 ce nombre avait augmenté de plus de 50%. Même les investisseurs restés en Suède réussissaient à échapper à la taxe Tobin. La définition d’une transaction « taxable » avait posé problème aux autorités suédoises : certains instruments et opérations dérivées liés aux dettes souveraines avaient ainsi échappés à la taxe. Ces derniers produits avaient alors connu une forte augmentation de leurs transactions. Ceci semble donc montrer que la taxe n’avait pas vraiment réduit la spéculation.

Cette conclusion est renforcée par les études menées sur cette taxe, qui tendent à montrer que celle-ci a eu pour conséquence de réduire la liquidité des marchés sans affecter leur volatilité. Étant donné que l’augmentation des activités spéculatives tend à indiquer une plus grande volatilité des marchés, ceci suggère que cette taxe n’avait que peu d’effets sur les échanges spéculatifs.

Nous pouvons alors tirer plusieurs leçons de cette expérience suédoise.

Premièrement, sur des marchés financiers ouverts, il est relativement simple de déplacer des transactions vers les marchés non-taxés. De plus, le développement des échanges automatiques facilite les transferts et érode l’assiette de la taxe.

Deuxièmement, il est juridiquement compliqué de définir ce que constitue une transaction « taxable ». Cette complication rend le contrôle fiscal très difficile et encourage le déplacement des transactions vers les instruments financiers non taxés.

Troisièmement, ces taxes ne rapportent rien aux États. Si la taxe augmente l’efficacité des marchés, l’assiette de la taxe va fortement diminuer, de la même façon que le volume des échanges. Même si le volume des transactions n’est pas affecté par la taxe, la taxe ne générera pas plus de revenus dès lors que les transactions sont déplacées vers des instruments financiers non taxés.

Les taxes créent des revenus pour l’État mais induisent des coûts sous la forme de perturbations qui réduisent l’activité économique. Lors de la mise en place d’une taxe, le point de départ devrait être d’assurer le financement des dépenses publiques au moindre coût pour l’économie. Sous cet angle, et d’après l’expérience suédoise, une taxe appliquée aux transactions financières est un mauvais moyen de générer des revenus. Au lieu de réduire la spéculation, la taxe suédoise tendait à réduire et à détourner les investissements financiers répondant à d’autres besoins que ceux de la spéculation. L’Union européenne devrait donc s’inspirer de la Suède. Il est probable que la taxe Tobin conduira à un déplacement des transactions à court et à long terme vers d’autres pays et vers d’autres instruments financiers – ou entraînera un arrêt brutal des échanges financiers en Europe.


Article original publié en anglais  par le Financial Times. Traduction : Ériul/Contrepoints.

[*] L’auteur est un ancien économiste ayant travaillé au ministère des Finances suédois et à la banque de Suède.

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Créer un compte Tous les commentaires (10)
  • Un aspect qu’on oublie souvent : cette aberration (qu’on appelle injustement « Taxe Tobin », sachant que J. Tobin s’est insurgé contre l’utilisation qu’on a fait de son nom à ce sujet) est le cheval de bataille des escrocs d’ ATTAC et d’autres parasites internationaux qui se voient déjà à la tête d’un organisme supra-national de gestion de ce prétendu trésor, avec la possibilité de prélever un pourcentage pour leur usage au titre de frais de gestion et de redistribution.

  • Bref ceux qui disent que lUE est »ultra-libérale » se palntent en beauté!Il suffit de regarder l’article ci-dessus!Mais la Suède s’est réformée , pas l’UE…Mais c’est une autre histoire….

  • La taxe sur les transactions financières européennes est une absurdité.

    Si on regarde l’exemple français, on a déjà un retour d’expérience intéressant.

    Suite à la MIF et à cette taxe, les volumes de la place de Paris sont très bas, et n’ont jamais retrouvé leur niveau d’avant crise.
    L’assiette taxable a donc été fortement diminuée, ce qui explique en partie le rendement réel de la TTF très en deçà des prévisions.

    De plus, à cause des règlementations à venir sur le trading pour compte propre, conjugué à une taxation confiscatoire des hauts salaires, les salles de marchés se délocalisent => chute des volumes encore plus importante.

    Troisièmement, la taxe est collectée sur la position nette acheteuse, et ne touche par conséquent pas le trading intraday ni le SRD ce qui aurait dû être les fameuses activités spéculatives à taxer.

    Enfin, vu que les brokers français n’ont plus de volumes, et/ou délocalisent leur salles de marché, cela fait autant d’impôt sur les sociétés en moins pour l’Etat, et autant de chômeurs à recaser.

    Avec la TTF au niveau européen, ce n’est plus seulement les brokers qui agonisent, mais à terme l’industrie de la gestion d’actifs en entier.

  • On est gouverné par des idéalistes aussi bien en Europe qu’en France, loin des réalités et des nécessités de résultats, il n’y a rien de pire, on va dans le mur.
    Mais cela ne les décourage pas, c’est inquiétant.

  • « il est relativement simple de déplacer des transactions vers les marchés non-taxés. » Les anglais devraient donc applaudir des 2 mains, hors ce n’est pas le cas. Extrapoler l’expérience isolée des suédois à l’initiative de 2/3 de l’Europe n’est pas pertinent. Article vraiment indigent.

    • Je vous invite à relire l’article. Les Anglais ne s’inquiètent pas d’une taxe qui ramènerait les volumes chez eux (ils ont adoré la MIF, ils adorent voir crever les brokers continentaux) mais d’une taxe qui dépendrait de la « nationalité » de l’entreprise, et qui pénaliserait par conséquent les transactions quelque soit la place financière.

      Cela peut vous paraître une parade, mais la conséquence sera la disparition d’activités (et d’emplois) devenus non rentables par la mise en place de la taxe.

      La taxe aura donc permis de tuer l’activité, mais aura alors atteint un rendement nul (voir négatif si on compte les chômeurs ainsi créés)

  • Je ne comprends pas trop l’argument de l’article. Il me semblait que le but de la taxe Tobin est justement de ralentir les échanges financiers pour booster l’économie réelle (les montants récoltés étant un effet de bord mais non un but), et que donc la diminution du volume des transaction et la mise au chômage de professions parasites comme les brokers soit justement un critère de réussite de la loi?
    L’article, pour être pertinent, devrait s’intéresser au vrais résultats sur l’économie des secteurs non-financiers de la suède (que je ne connais pas).

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