La famille, lieu de coopération sociale en évolution

La féminisation du monde du travail et le partage accru des tâches domestiques ne doivent rien au hasard : ce sont des conséquences logiques des progrès techniques que nous avons réalisés.

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La famille, lieu de coopération sociale en évolution

Publié le 23 avril 2013
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La féminisation du monde du travail et le partage accru des tâches domestiques ne doivent rien au hasard : ce sont des conséquences logiques des progrès techniques que nous avons réalisés.

Par Guillaume Nicoulaud.

« In three words I can sum up everything I’ve learned about life — It goes on. »
— Robert Lee Frost

Nous, homo sapiens, sommes une espèce de la famille des hominidés, une ramification de l’ordre des primates et donc des mammifères placentaires. De toute évidence, nous sommes une espèce particulièrement douée. On a souvent cité ce fameux pouce opposable, notre capacité à coordonner nos actions, notre faculté à échanger et transmettre nos expériences – après tout, peu importe : le fait est que nous sommes, jusqu’à preuve du contraire, l’espèce la plus évoluée de cette planète mais que nous n’en demeurons pas moins une espèce animale.

Comme tous les animaux, nous avons développé – sélection, adaptation ou combinaison des deux – un modèle évolutif propre à assurer la survie de notre espèce. En l’occurrence, et pour retenir la classification proposée par MacArthur et Wilson [1], nous sommes la quintessence du modèle évolutif K.

Collaboration sociale

Contrairement à de nombreuses espèces – en général des animaux de petite taille à courte durée de vie – qui misent sur le nombre de leurs descendants pour compenser le fort taux de mortalité de ces derniers (modèle évolutif r), toute l’histoire de notre espèce tend vers une amélioration de nos conditions de vie qui améliore notre espérance de vie, retarde notre maturité sexuelle et nous pousse à prendre soin de nos enfants.

C’est de cet impératif qu’est née notre cellule sociale la plus élémentaire : la famille. Nous n’avons pas besoin de familles pour nous reproduire ; nous avons besoin de familles pour élever nos enfants, pour les protéger et les nourrir alors qu’ils ne peuvent subvenir eux-mêmes à leurs besoins, pour leur transmettre nos connaissances et nos expériences. C’est, pour suivre Hume [2], probablement de cette forme la plus élémentaire de coopération sociale que découlent toutes les autres.

Nos familles sont un lieu de coopération sociale, de division du travail. Pendant des millénaires et dès leur plus jeune âge, les garçons étaient élevés dans l’idée qu’ils auraient, le jour venu, la lourde responsabilité de subvenir aux besoins de leur future famille tandis que les filles grandissaient dans l’attente du moment où elles seraient appelées à veiller à l’organisation interne du foyer.

Mettez de côté les artifices légaux qui privaient les femmes de droits civiques et les revendications féministes modernes et que reste-t-il ? Une organisation rationnelle qui, dans un monde où la force physique était un déterminant essentiel de la capacité d’une famille à subvenir à ses besoins (du point de vue de la production – chasse, travaux des champs… – mais aussi de la protection) attribuait ce rôle aux hommes ; une société dans laquelle hommes et femmes se partageaient la charge de travail de la manière la plus efficace qu’il puisse être.

Le monde de l’intelligence

Mais les temps changent. Pour la première fois dans l’histoire de notre humanité, la force physique devient une qualité subalterne dès lors qu’il est question d’assurer la subsistance d’une famille. De sociétés essentiellement agricoles puis industrielles, notre monde évolue irrémédiablement vers une économie massivement dominée par les services ; c’est-à-dire par l’intelligence. C’est un monde dans lequel les attributs naturels des hommes ne justifient plus le rôle que nos antiques traditions leur attribuaient jusque-là : dès lors que le bien-être matériel du foyer dépend plus de l’intelligence que de la force, les femmes font jeu égal avec nous.

Si vous êtes trentenaire ou jeune quadra, vous savez nécessairement ces choses-là. Comparez votre implication en matière d’éducation de vos enfants et de travaux ménagers à celle de votre père ; considérez l’implication professionnelle de votre épouse par rapport à celle de sa mère : nous sommes, dans toute l’histoire du genre humain, la première génération à connaître une telle révolution. La féminisation du monde du travail et le partage accru des tâches domestiques ne doivent rien au hasard, ce sont des conséquences logiques des progrès techniques que nous avons réalisés.

Cette évolution, selon toute vraisemblance, est inévitable et elle est déjà largement entamée. Mais notez bien ceci : c’est une évolution spontanée de notre organisation sociale, elle est intervenue, partout dans le monde développé, sans qu’aucun plan centralisé ne l’ait imposé. Elle s’est imposée d’elle-même. C’est, là aussi, typique des espèces à stratégie K : nous nous sommes adaptés à un changement de notre environnement sans que personne ne l’organise, sans que rien ne nous l’impose. Sans grands discours ni grandes théories, la vie continue.


Sur le web.

Notes :

  1. Robert MacArthur et Edward O. Wilson, The Theory of Island Biogeography (1967).
  2. David Hume, A Treatise of Human Nature (1739-40), voir notamment le livre III, partie II, section 2.
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  • La féminisation du monde du travail et le partage accru des tâches domestiques sont effectivement les conséquences logiques des progrès techniques que nous avons réalisés.

    Pas des luttes féministes, pas de la politique.
    Mais du progrès technique et matériel, donc du capitalisme.

    GN cite la nécessité disparue de la force physique.
    Mais il y avait une nécessité bien plus impérieuse encore.
    Lorsque la natalité nécessaire était de 6 enfants par femme en moyenne, et qu’un accouchement sur 10 était fatal, toutes les femmes qui le pouvaient devaient consacrer leur vie à procréer et à élever les enfants. Avec 6 à 10 enfants à la maison, sans machine à laver ou cuisinière électrique, qu’auraient-elles pu faire d’autre ?
    D’autant plus qu’il n’était pas facile de subvenir aux besoins de familles si nombreuses…

    Sait-on que l’espérance de vie des hommes a toujours excédé celle des femmes, sauf depuis peu, malgré guerres, accidents, maladies ?

    Le patriarcat ou la répression de l’homosexualité n’ont pas été inventés à cause d’une perversion naturelle du mâle, mais imposées par la nécessité.

    Ils ont été poussés à l’extrême dans le monde arabo-musulman, où ils continuent d’être très prononcés à cause de l’islam (polygamie et répudiation…) Mais ils étaient réduits au strict minimum dans le monde occidental chrétien (à mon avis parce que le christianisme n’y pousse pas du tout), comme le montre Bernard Lewis dans What Went Wrong (témoignages anciens de musulmans extrêmement choqués par le statut de la femme en occident).

    Bref, de même que les progrès des conditions de travail découlent des réalités économiques (offre et demande…), donc du capitalisme, et pas du tout des luttes sociales, le statut de la femme a changé grâce au libéralisme, et non grâce à la politique.

    Le progrès n’est jamais décrété, il est toujours le produit de la liberté.

  •  » Le progrès n’est jamais décrété, il est toujours le produit de la liberté.  »
    Merci pour cette phrase que j’utiliserai comme argument face aux pseudo »progressistes ».

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Article initialement paru le 25 octobre 2020.

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