Secret bancaire : un assouplissement des banquiers suisses ?

L’association suisse des banquiers semble prête à échanger des informations en matière d’évasion fiscale. Une preuve d’habileté ?

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
secret bancaire

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Secret bancaire : un assouplissement des banquiers suisses ?

Publié le 23 avril 2013
- A +

Le président de l’Association suisse des banquiers (ASB) a déclaré qu’ils pourraient s’adapter à l’échange automatique d’informations en matière d’évasion fiscale. Une preuve d’habileté ?

Par Stéphane Montabert, depuis Renens, Suisse.

Petite révolution ce week-end : la toute-puissante Association suisse des banquiers (ASB) fait savoir par la voix de son président Patrick Odier qu’elle n’est plus opposée à l’échange automatique d’informations.

La nouvelle tombe à point nommé pour le Conseil Fédéral, aligné sur la même position lors du G20. Si Ueli Maurer et Eveline Widmer-Schlumpf s’étaient opposés au même principe, ils étaient loin d’avoir fermé toutes les portes.

On pourrait croire à un revirement soudain et étonnant de la part de banques autrefois arc-boutées en faveur du secret bancaire… Mais ce n’est pas du tout le cas.

La Suisse se fait bien voir mais, dans les faits, elle ne lâche rien.

Elle demande simplement à ce que les règles de transparence que les gouvernements étrangers – financièrement aux abois et persuadés que les coffres des banques helvétiques débordent d’argent de leurs ressortissants malhonnêtement soustrait à la voracité de leur fisc – s’appliquent également à tous.

Du secret bancaire autrichien ou luxembourgeois aux montages à base de Trusts des îles anglo-normandes ou de Singapour, cela fait pas mal de monde.

Qui pourrait refuser cette remarque frappée au coin du bon sens, gage d’équité, d’égalité de traitement et de transparence ?

Régulièrement pointée du doigt (on se souvient des harangues impérialistes de M. Sarkozy) la Suisse vient de jouer finement. Au lieu de laisser le pays en première ligne, bien mal défendu par un Conseil Fédéral pétri de veulerie et de soumission aux Européens, Patrick Odier vient de mettre un terme à l’échappée. La Suisse se laisse volontairement rattraper par le peloton.

On pourrait dénoncer une manœuvre hypocrite, mais la posture de M. Odier telle qu’elle apparaît dans son interview à la « NZZ am Sonntag » est avant tout empreinte de pragmatisme : si la Suisse accepte l’échange automatique d’informations en matière d’évasion fiscale, eh bien soit, la Suisse s’adaptera. « Seulement si les choses changent vraiment globalement, au moins dans l’OCDE », ajoute M. Odier. Transparence oui, concurrence déloyale non. Les banquiers suisses acceptent de suivre les règles quand elles changent ; ils n’ont pas vocation à devenir des martyrs pour autant.

Serait-il plausible que seule la Suisse soit astreinte à la transparence ? Oui, mais cela n’aurait aucun sens. Non seulement le procédé serait injuste, mais il aurait tôt fait de déplacer les fonds sous des latitudes plus accommodantes. Une telle situation plairait beaucoup à ceux qui font profession de haïr le pays (comme la gauche locale) mais pour les chasseurs traquant les fraudeurs du fisc, le gain serait faible.

La bataille se jouera donc à l’échelle de l’OCDE, au minimum, et sera une sacrée paire de manches pour les pourfendeurs du secret des affaires sous toutes ses formes.

Prochaine étape : l’Autriche, membre de l’Union Européenne, avec elle aussi un secret bancaire proche de la tradition helvétique. Les partis politiques locaux ne sont pas chauds pour l’abolir, mais même malgré l’amicale pression qui sera immanquablement distillée par l’Union Européenne, il reste un obstacle de taille : le secret bancaire autrichien est inscrit dans la Constitution ! Modifier celle-ci impliquera davantage que des menaces contre des parlementaires influençables. Il faudra convaincre l’opinion publique.

Si d’aventure l’obstacle autrichien était franchi, un autre col autrement plus rude attendrait nos vaillants inspecteurs des impôts : la City de Londres et ses Trusts. Gageons que l’affrontement sera homérique.

Il sera alors temps, éventuellement, de porter la bataille à l’échelle de la planète. Après tout, il n’y a pas de raisons que seule l’Europe subisse un échange automatique d’informations alors que les places financières d’Amérique et d’Asie refusent ce modèle. Là encore, comme M. Cahuzac l’a si bien fait remarqué dans une conversation enregistrée désormais célèbre, d’autres places comme Singapour offrent un havre tout à fait accueillant pour les fraudeurs du fisc. Ces gens-là profitent fort bien de la mondialisation.

L’Europe aura-t-elle le bras assez long pour aller jusque-là ?

Renoncer au secret bancaire et au secret des Trust simplement à l’échelle de l’OCDE sera une gageure, mais pourrait ne pas suffire. La traque contre la fraude fiscale ne saurait être que planétaire ou ne sera pas ; vaste programme !

En attendant, la Suisse a sagement rappelé à l’Europe de commencer à faire le ménage devant sa porte, renvoyant l’OCDE et surtout l’Europe à ses propres contradictions. Voyons comment celle-ci jouera la balle, elle est dans son camp.


Sur le web.

Voir les commentaires (5)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (5)
  • J’ai peur mon cher Stéphane que vous soyez bien optimiste. EWS s’est défroquée tellement facilement par le passé que je doute qu’elle appuie de toutes ses forces la position de l’ASB. Un indice qui nous permettra de la juger sera la divulgation du contenu de la convention sur les successions. J’ai peur qu’une nouvelle fois, nous avons rendu les armes sans même combattre. Wait and see…
    Il faut encore répéter que le combat des sociales démocratie est bien de tuer un concurrent gênant. La moralité n’a rien à voir la dedans.

    A ce titre, j’invite les lecteurs à lire le livre de Marie-Hélène Miauton :

    http://www.payot.ch/fr/nos-librairies/nosevenements/evenement?eventId=1091&bookstoreId=0371

  • Il faut sauver les Paradis Fiscaux!

  • Je crains en réalité que tout cela cache un braquage généralisé des épargnants par la confiscation de l’épargne soit par de l’hyperinflation généralisée vu la quantité de monnaie crée depuis 2008.Et tout cela au profit des banques anglo-saxones!Donc en réalité nous revenons au servage ou on était dépendant des caprices de son seigneur et maitre…

  • Avant de se préoccuper du secret bancaire, on ferait mieux de lever l’opacité fiscale des syndicats, de nos Sécu, du coût réel de notre Education Nationale ou de notre immigration !!!

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Le retour au pouvoir des travaillistes au Royaume-Uni semble avoir un impact sur les relations entre l'UE et le Royaume-Uni. Le nouveau Premier ministre Keir Starmer s'est engagé à ce que son pays ne réintègre pas l'UE de son vivant, tout en excluant qu'il rejoigne le marché unique ou l'union douanière de l'UE. Malgré cela, le nouveau gouvernement est clairement plus ouvert à l'idée de sacrifier sa souveraineté afin de réduire les barrières commerciales que le précédent gouvernement conservateur.

 

C'est notamment le cas du... Poursuivre la lecture

2
Sauvegarder cet article

Liberty Road Trip est le journal de bord de notre auteur Rainer Zitelman lors de son tour du monde. En vingt mois, l'historien et sociologue a visité trente pays sur quatre continents, parcourant plus de 160 000 kilomètres. Il présente un mélange passionnant d'impressions personnelles, de recherches historiques, de résultats d'enquêtes internationales et, surtout, de centaines de conversations avec des économistes, des entrepreneurs, des journalistes, des politiciens et des gens ordinaires dans ces pays. Il a décidé de confier quelques-unes d... Poursuivre la lecture

Le FMI a publié ses prévisions pour l’année 2024 : 2,9 % pour la croissance mondiale, et 1,2 % pour la zone euro, avec un net recul de l’inflation.

« So far, so good ! »  a commenté, non sans humour, Alfred Kammer, le directeur du Programme Europe de l’organisme international. C’est en effet un peu mieux que ce que l’on pouvait craindre, sachant que la plupart des économies européennes sont fortement affectées par la guerre en Ukraine.

En France, nos dirigeants n’ont pas devant eux une page blanche, loin s’en faut. Des niveaux r... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles