Du libéralisme à l’anarcho-capitalisme, trente ans plus tard

Pierre Lemieux revient sur son ouvrage publié il y a trente ans, devenu un classique pour les libertariens francophones. Il nous propose une analyse critique de l’anarcho-capitalisme et un regard rétrospectif sur l’évolution des libertés dans nos social-démocraties.

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Du libéralisme à l’anarcho-capitalisme, trente ans plus tard

Publié le 24 avril 2013
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Pierre Lemieux revient sur son ouvrage publié il y a trente ans, devenu un classique pour les libertariens francophones. Il nous propose une analyse critique de l’anarcho-capitalisme et un regard rétrospectif sur l’évolution des libertés dans nos social-démocraties.

Par Pierre Lemieux.

Il y a déjà trente ans cette année que paraissait mon Du libéralisme à l’anarcho-capitalisme dans la collection « Libre Échange » dirigée aux Presses Universitaires de France par Florin Aftalion et Georges Gallais-Hamonno. On a fait beaucoup de chemin depuis et on peut se demander ce qu’il faut retenir de ce livre, un des tout premiers à présenter l’anarcho-capitalisme en français. Le grand précurseur avait évidemment été Gustave de Molinari [1]. Henri Arvon m’a battu de quelques mois avec Les libertariens américains, publié dans la même collection que Du libéralisme à l’anarcho-capitalisme. Et Henri Lepage avait déjà consacré quelques pages à l’anarcho-capitalisme dans Demain le capitalisme [2].

La principale thèse de mon livre de 1983 est résumée dans sa conclusion : « le rôle de l’État est de protéger l’anarchie ».

État ou anarchie ? Le livre joue sur les deux tableaux, et pour cause. L’anarchie est l’idéal. On peut démontrer que, dans l’économie, l’anarchie fonctionne, au sens où elle coordonne efficacement les actions individuelles. La démonstration exige une compréhension minimum de la science économique, ce pourquoi les anciens anarchistes, qui n’y comprenaient rien, furent incapables d’expliquer comment les individus peuvent vivre en société tout en faisant chacun ce qu’il lui plaît. Les marchés jouent précisément ce rôle de coordination tout en maximisant les possibilités de consommation. Unissant l’idéal de l’anarchie et la compréhension de l’économie, les anarcho-capitalistes ont fait cette découverte capitale que l’anarchie fonctionne. Même poussée à sa limite, disais-je, « la liberté engendre un ordre efficace ». La question est de savoir jusqu’où.

Contrairement au marché et aux autres interactions libres des individus, l’État est fondé sur la force, la contrainte, la violence. L’État donne des ordres et impose à certains les préférences d’autres individus. La souveraineté réclamée par l’État démocratique est absurde puisque fondée sur un territoire arbitraire. Et l’histoire démontre à l’envie les dangers de la tyrannie, démocratique ou non. L’État est toujours susceptible verser dans la tyrannie. En vérité, comme celle-ci est une question de degré, l’État est toujours plus ou moins tyrannique. Mais le « plus ou moins » a son importance.

La question est de savoir si l’idéal de l’anarchie pure est atteignable, jusqu’où peut aller l’anarchie. En écrivant ce livre il y a trois décennies, je m’étais demandé s’il y aurait un aller-retour dans ma démarche et peut-être même dans le titre de l’ouvrage : « Du libéralisme à l’anarcho-capitalisme, aller-retour » ? Doit-on revenir au libéralisme après avoir exploré l’anarcho-capitalisme, ou est-ce qu’on reste à destination ? J’avais finalement rejeté le projet de construire le livre sur un aller-retour, mais l’idée est demeurée en sourdine. Elle est visible dans le texte.

J’en suis un peu plus certain maintenant : il faut revenir au libéralisme ou quelque part à mi-chemin parce que l’idéal anarchiste ne semble pas réalisable. La théorie et l’histoire suggèrent qu’une société anarchique représente un équilibre instable : ou elle sera conquise par un État étranger, ou un État indigène y sera recréé, ou elle sera la proie de bandes de pillards – les « bandits nomades » de Mancur Olson.

La première difficulté concerne la défense de la société anarchique contre les prédateurs étatiques étrangers. Cette défense territoriale représenterait un véritable bien public, du moins pour les anarchistes (des non-anarchistes pourraient évidemment vivre dans la société anarchique). Il est douteux que des solutions réalistes existent pour contourner le problème des passagers clandestins et assurer un niveau suffisant de production privée de ce bien public. Devant la puissance armée des tyrans étrangers, qui enrégimentent leurs sujets et réquisitionnent leurs biens, une société anarchiste aurait peu de chance de survie, comme l’histoire l’atteste. Le pronostic serait sans doute différent si l’anarchie couvrait la planète entière, mais il faudrait pour y arriver qu’elle s’installe partout en même temps.

Même si on néglige la menace de tyrannie étrangère, un deuxième problème mine l’idéal anarchiste : la sécurité publique intérieure relève vraisemblablement d’un monopole naturel. Robert Nozick soutient que la concurrence entre agences ou associations privées de sécurité mènera à la domination de l’une d’entre elle [3]. L’anarchie déboucherait tôt ou tard sur la création d’un nouvel État. L’État apparaît inévitable [4]. Or, n’en déplaise à Murray Rothbard, cette éventualité comporte un risque car le nouvel État pourrait fort bien être encore plus insupportable que l’ancien. Tous les États ne sont pas également tyranniques.

Une troisième forme d’instabilité apparaît si l’état de nature se caractérise par une anarchie hobbienne plutôt que lockéenne. Contrairement à ce que supposent John Locke et Robert Nozick, les gens ne respectent pas nécessairement les droits d’autrui ; sans État, ils se livrent plutôt à une « guerre de tous contre tous » à la Hobbes. C’est dans ces termes que, dix ans après la publication de Du libéralisme à l’anarcho-capitalisme, Mancur Olson a posé le problème [5]. Dans l’anarchie, soutient Olson, des bandits nomades ratissent le territoire, volant, pillant et tuant ceux qui résistent. Ils n’ont aucune raison de se retenir puisque ce que chaque chef de guerre ne vole pas, le bandit nomade suivant qui passera par là le volera à sa place. L’accumulation du capital (des instruments aratoires, par exemple) est donc impossible et le niveau de subsistance est tout ce que les victimes peuvent espérer.

Le processus nous ramène au monopole de la sécurité. Les victimes se rallieront derrière un des bandits nomades pour obtenir sa protection contre les autres. Ce bandit nomade vaincra ses concurrents, établira son règne, et deviendra bandit sédentaire. Ses sujets étant désormais protégés d’autres bandits que lui-même, le bandit sédentaire comprendra qu’il est dans son intérêt de les exproprier en partie seulement afin qu’ils continuent d’investir, de produire et de payer l’impôt année après année. Les sujets du bandit sédentaire paieront plus d’impôt mais sur un revenu plus élevé, de sorte qu’il leur en restera davantage une fois le percepteur passé. Aujourd’hui même, les gens font écho à cette intuition quand ils préfèrent, tout en bougonnant, payer l’impôt sur des revenus qu’ils croient qu’ils n’obtiendraient pas sans l’État pour les protéger.

Cette intuition n’est pas sans danger. L’État qui sort de l’anarchie combat la violence par la violence. Dans son propre intérêt, le bandit sédentaire exerce contre ses propres sujets plus de violence qu’il ne serait nécessaire pour empêcher la gestation de concurrents et le retour des bandits nomades. Il exploite ses sujets de manière optimale. Mancur Olson voit la démocratie comme la solution du problème : quand le bandit solitaire se confond avec l’ensemble de ses sujets, il aura intérêt à les exproprier du seul minimum nécessaire pour les protéger contre les bandits intérieurs et les tyrans étrangers. Le bandit sédentaire démocratique ne s’exploitera pas lui-même si on peut parler ainsi. Telle est, en tout cas, la théorie olsonienne.

Mettre en doute la possibilité d’une anarchie pacifique, admettre que la violence de l’État est nécessaire pour limiter celle qui résulterait de l’anarchie, est-ce légitimer la violence ? Pas nécessairement, mais cela revient à accepter la violence inévitable. Il faut se réconcilier avec la violence, qui a toujours existé parmi les hommes et les autres animaux et dont on ne voit pas comment elle cessera jamais d’exister. Il n’y a pas d’état de nature lockéen ni d’État nozickien, où la plupart des gens respectent la morale et renoncent spontanément à la violence. Il faut donc encadrer l’inévitable violence pour la minimiser. Cette vieille idée libérale rejoint la solution de Olson, en y ajoutant l’idée essentielle que la démocratie elle-même a besoin d’être limitée de peur que la majorité n’exploite systématiquement les minorités.

Le « principe de non-agression » me fait penser au « principe de non-gravité ». Un monde sans agression est aussi souhaitable qu’un monde où on pourrait vaincre la pesanteur à volonté. Ni l’un ni l’autre n’est possible. Quand je réfléchis à cette question, je me rappelle toujours l’extraordinaire incipit du Libéralisme d’Émile Faguet :

« L’homme est né libre, et partout il est dans les fers. » Cet axiome, qui est à peu près aussi juste que ne serait celui-ci : « Le mouton est né carnivore et partout il mange de l’herbe », est, comme on sait, la première ligne du Contrat social, ouvrage destiné à prouver que l’homme est né libre, à montrer qu’il ne l’est nulle part, à assurer qu’il doit le redevenir et à organiser une société où il serait plus opprimé qu’en Turquie [6].

À l’idée que l’État est nécessaire pour minimiser la violence, il est trop facile de répondre par une entourloupette logique. L’État, soutiennent certains, s’identifie avec la violence, il n’y a pas de violence sans État. Les bandits nomades de même que toute bande criminelle sont des États par définition. « État » et « violence » étant identiques, il s’ensuit que l’abolition de l’État supprimerait la violence par définition [7]. Ce raisonnement est tautologique. Il est plus utile d’admettre que l’État implique la violence mais que la violence n’implique pas nécessairement l’État. Même sans État, la violence existerait.

La minimisation de la violence se présente alors comme une fonction de l’État qui satisfait l’intérêt, et donc emporte le consentement, sinon de tous les individus, du moins de leur vaste majorité. « L’État est nécessaire comme lieu où le pouvoir peut être limité », écrivais-je dans Du libéralisme…. Et encore : « L’État minimal protège l’anarchie. » Comme le disait si bien Raymond Ruyer, le libéralisme est « l’anarchisme véritable, réalisable et réalisé, et non resté à l’état de déclaration sentimentale » [8].

Pour échapper et à la guerre hobbienne de tous contre tous et à l’État, il est une autre solution : les traditions étouffantes de la tribu, où toute incartade ou initiative individuelle est tuée dans l’œuf. Les théoriciens anarcho-capitalistes invoquent le cas de l’Irlande et de l’Islande médiévales, qui ont survécu des siècles sans le pouvoir politique organisé que nous appelons État. Mais le fait que les sociétés de ce genre n’aient pas été des pépinières de savants, d’artistes et d’entrepreneurs, ni brillé par les possibilités de consommation offertes à leurs membres, suggère que la vaste majorité des gens rejetteraient ce mode de vie.

Le monde actuel est très différent de celui de 1983. « Le grand problème de notre époque, écrivais-je alors, est de sortir de l’étatisme. » Mission ratée. Depuis les années 1980, la tyrannie a connu une progression foudroyante. Des écrans de fumée le cachent. L’empire soviétique s’est effondré et une liberté accrue s’en est suivie pour ses anciens sujets. Le risque de guerre nucléaire mondiale a été supprimé (pour le moment, en tout cas), mais remplacé par un risque terroriste que nos propres États ont su, pour attaquer nos libertés, exploiter encore mieux que le vieux prétexte de la guerre. La progression de la tyrannie a également été occultée par la suppression du contrôle des changes (jusqu’à Chypre…) et l’établissement de la liberté de circulation en Europe de l’Ouest. Certes, il y a eu des progrès, mais la liberté a reculé partout ailleurs.

Le phénomène marquant des deux ou trois dernières décennies réside dans la montée constante du contrôle et de la surveillance étatiques. Aidés par les technologies de l’information, les États ont acquis des moyens insoupçonnés de surveiller et d’espionner les gens et, par conséquent, une capacité inédite de les contrôler. Des papiers d’identités biométriques au monitoring continu des transactions financières en passant par les caméras de surveillance et les fouilles devenues routine, on n’échappe plus à l’État. Devant l’État de Surveillance actuel, George Orwell et Aldous Huxley n’en croiraient pas leurs yeux. Le terminal d’aéroport préfigure ce monde nouveau, mais le phénomène ne date pas du 11 septembre 2001, qui n’a servi que de prétexte aux États pour ajouter un autre motif de surveillance et de contrôle. Ils nous surveillaient et nous contrôlaient déjà pour notre propre bien, pour nous ouvrir le Meilleur des Mondes. Les terroristes islamistes, qui détestaient ce qui nous restait de liberté, leur ont donné un fier coup de pouce.

L’État qui nous espionne et nous contrôle semble doux, mais c’est surtout pour ses favoris et ceux qui partagent ses valeurs ; il est particulièrement vicieux contre ceux dont le mode de vie contredit les diktats officiels : fumeurs, consommateurs de drogue, chasseurs et tireurs, entrepreneurs indociles, et tous autres inadaptés sociaux – que l’on devrait plutôt appeler « inadaptés étatiques ». Ces inadaptés sociaux sont parfois différents d’un pays à l’autre : par exemple, la peur irrationnelle du sexe et de l’alcool remplace aux USA la frousse hystérique qu’éprouvent les Européens devant les armes à feu aux mains des simples citoyens. À plusieurs égards, les États qui nous gouvernaient il y a 30 ans étaient beaucoup moins menaçants.

L’Amérique a cessé d’être un phare de la liberté, une tragédie dont on ne mesure pas encore toute l’ampleur. Dans ce pays, le droit de porter des armes est à peu près le seul qui ait progressé depuis Du libéralisme à l’anarcho-capitalisme. Dans les autres pays, le droit d’auto-défense a suivi le déclin, déjà consommé, du droit pour les simples citoyens d’être armés comme leurs soi-disant protecteurs.

La montée de l’étatisme, qui a également marqué presque tous les secteurs de l’économie, ne pouvait que provoquer des crises. La Grande Récession de 2008-2009, née aux USA, en a fourni une démonstration éclatante. De 1960 à la veille de la Grande Récession, la réglementation fédérale américaine a été multipliée par 11 si on la mesure par le budget des bureaux de réglementation ; le facteur est de 14 si on inclut les budgets des bureaux fédéraux chargés de la sécurité. La Grande Récession a pris sa source dans le marché de l’immobilier résidentiel, dont la stimulation artificielle découlait de la politique sociale américaine, et dans le marché des hypothèques résidentielles, dont l’État américain occupait la moitié. Ajoutez à cela une politique monétaire laxiste, et vous avez tous les ingrédients nécessaires pour provoquer une crise économique. L’État monstrueux que nous connaissons est devenu la source première de « risque systémique » [9].

On oublie également que la crise des dettes souveraines n’est pas une crise du capitalisme ou du libéralisme – et encore moins, est-il besoin de l’ajouter, une crise de l’anarcho-capitalisme. Si on mesure la dette publique des principaux pays de la zone euro en 2010, on constate que les trois-quarts de cette dette avaient été accumulés avant 2008 [10]. La crise économique de 2008-2007 n’a fait que révéler et aggraver le gouffre de la dette et des déficits publics, qui se creusaient depuis longtemps. Pour éviter le problème, il aurait fallu sortir de l’étatisme.

J’apporterais aujourd’hui quelques modifications à Du libéralisme à l’anarcho-capitalisme. Certaines concernent des détails. La société General Motors a quitté Sainte-Thérèse au Canada et y a même rasé son usine ; le terrain est maintenant occupé par un centre d’achats, autre exemple de la « destruction créatrice » dont parlait Joseph Schumpeter. Un funambule a finalement réussi à traverser les chutes du Niagara le 15 juin 2012, près de 30 ans après que j’eus conclus que cela était désormais impossible. Parfois, l’État relaxe son emprise, surtout quand il peut renflouer ses coffres (comme dans ce cas-là) en donnant du pain et des jeux au bon peuple.

Autre exemple : j’ai sans doute été un peu dur avec Jacques Attali, qui avait entrevu la montée de l’État de Surveillance, et proposait maladroitement la solution d’un État socialiste qui, par miracle, éviterait d’utiliser ses nouveaux pouvoir pour surveiller et contrôler ses sujets. Attali proposait que l’État contrôle le crédit et (je vous le donne en mille !) « l’industrie de l’habitat », c’est-à-dire précisément le genre de politiques qui ont mené à la crise des dettes publiques et à la Grande Récession. En réalité, la gauche et la droite ont continué d’apporter chacune ses propres pierres à la construction de l’État policier, et sans jamais renverser les mesures liberticides adoptées par les prédécesseurs au pouvoir.

Depuis 1983, les questions relatives au libéralisme et à l’anarcho-capitalisme ont intéressé un nombre croissant d’universitaires et on fait l’objet d’un foisonnement de recherches. Ces recherches m’amèneraient à proposer de nouveaux arguments et à reformuler ou infléchir ceux que je présentais alors. La théorie des jeux a servi à expliquer la formation des règles de comportement de même que la production privée de biens publics. Les théoriciens de la banque libre ont amélioré la théorie hayekienne de la monnaie. La théorie des choix publics a montré qu’il y a davantage à dire sur l’irrationalité de l’État – irrationalité par rapport à quoi et à qui ? – que ce que j’en dis dans Du libéralisme… [11]. J’ai expliqué plus haut comment je suis devenu plus critique envers l’anarchie, mais on constatera que ces doutes figuraient déjà dans mon livre d’il y a trente ans.

Un point qui est moins mineur qu’il n’y paraît concerne la question des armes à feu. J’ai été un peu trop prudent en écrivant : « Le résultat net des effets pervers et des effets désirés du contrôle des armes à feu sur la criminalité est pour le moins discutable. » Je n’avais pas le bénéfice de toute la recherche qui s’est faite depuis. On sait maintenant que l’effet net du contrôle des armes à feu est d’augmenter la criminalité [12], sans compter ses conséquences sur la relation entre le supposé maître, le citoyen désarmé, et son soi-disant serviteur, l’État armé – et de plus en plus puissamment armé.

D’un point de vue méthodologique, j’établirais maintenant une distinction plus nette entre l’analyse économique et les considérations éthiques. Je serais plus critique envers l’état de nature lockéen, pour le fonctionnement duquel la morale nécessaire est présumée exister a priori. Je serais plus critique également envers la théorie du droit naturel. On ne peut comprendre la loi naturelle sans la biologie évolutionniste et la théorie des jeux [13]. Il me semble également clair que toute théorie éthique doit prendre en considération les conséquences des actions et institutions humaines. Un cas extrême servira d’illustration : une moralité qui entraînerait des conséquences que tout le monde déteste serait indéfendable quelle que soit sa beauté ou sa rigueur logique.

Je me suis écarté du rationalisme aride à la Lysander Spooner et à la Murray Rothbard pour me rapprocher davantage du rationalisme critique et évolutionniste de Friedrich Hayek. La raison est indispensable, mais il faut être conscient de ses limites, comme Bertrand Russell et Kurt Gödel l’ont montré de manière si éclatante dans le domaine même de la logique pure. Contra Spooner, la plus grande partie de l’interaction humaine repose sur des règles tacites plutôt qu’explicites et il est illusoire de rejeter tout ce qui ne relève pas d’un contrat écrit. Contra Rothbard, faire sortir de la cuisse de Jupiter des institutions imaginaires comme la « règle des deux tribunaux » n’explique pas grand-chose.

Cela étant, contre l’État monstrueux qui continue d’engraisser, je crois que mon livre de 1983 demeure un antidote utile. Il s’inscrit dans une lignée maintenant longue de critiques des idées étatistes reçues. Quelque part sur le continuum entre le libéralisme et l’anarcho-capitalisme se trouve la solution aux problèmes actuels.


Notes :

  1. Gustave de Molinari, « De la production de la sécurité », Journal des Économistes, vol. 22, n° 15 (février 1849), p. 277-290.
  2. Henri Lepage, Demain le capitalisme, Paris, Librairie Générale Française, 1978.
  3. Robert Nozick, Anarchy, State and Utopia, New York, Basic Books, 1974; traduit en langue française sous le titre Anarchie, État et utopie, Presses Universitaires de France, 2008.
  4. Voir Randall G. Holcombe, « Government : Unnecessary but Inevitable », The Independent Review, vol. 8, n° 3 (hiver 2004), p. 325-342; et, du même auteur, « Is Government Really Inevitable », Journal of Libertarian Studies, vol. 21, n° 1 (printemps 2007), p. 41-48. Pour les arguments contraires, on consultera Peter T. Leeson et Edward P. Stringham, « Is Government Inevitable ? Comment on Holcombe’s Analysis », The Independent Review, vol. 9, n° 4 (printemps 2005), p. 543-549, et Walter Block, « Governmental Inevitability : Reply to Holcombe », Journal of Libertarian Studies, vol. 19, n° 3 (été 2005), p. 71-93.
  5. Mancur Olson, « Dictatorship, Democracy and Development », American Political Science Review, vol. 87, n° 3 (septembre 1993), p. 567-576. Martin C. McGuire et M. Olson, « The Economics of Autocracy and Majority Rule : The Invisible Hand and the Use of Force », Journal of Economic Literature, vol. 34, n° (mars 1996), p. 72-96.
  6. Émile Faguet, Le Libéralisme, Paris, Société française d’Imprimerie et de Librairie, 1902, p. 1.
  7. Voir Walter Block, op. cit., p. 85 et passim.
  8. Raymond Ruyer, Éloge de la société de consommation, Paris, Calmann-Lévy, 1969, p. 267.
  9. Voir Pierre Lemieux, Somebody in Charge : A Solution to Recessions ?, New York, Palgrave Macmillan, 2011, p. 75 et passim.
  10. Pierre Lemieux, The Public Debt Problem : A Comprehensive Guide, New York, Palgrave-Macmillan, 2013.
  11. Pierre Lemieux, « The Public Choice Revolution », Regulation, vol. 27, n° 3 (automne 2004).
  12. Voir notamment John Lott, More Guns, Less Crime: Understanding Crime and Gun Control Laws, Chicago et Londres, University of Chicago Press, 1998. Joyce Lee Malcolm, Guns and Violence: The English Experience, Cambridge et Londres, Harvard University Press, 2002. Pierre Lemieux, Le droit de porter des armes, Paris, Les Belles Lettres, 1993.
  13. Voir, par exemple, Robert Sugden, The Economics of Rights, Cooperation and Welfare, deuxième edition, New-York, Palgrave Macmillan, 2004.
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  • Il est bien évident qu’une société anarcho capitaliste ne peut émerger tant que des états puissants, et surtotu des états non démocratiques, existeront.

    Mais la société anarcho capitaliste ne veut pas dire la chienlit ou l’absence d’autorité faisant respecter les droits fondamentaux, ce n’est las l’anarchie libertaire.

    La société anarcho capitaliste aura des agences de sécurité en concurrence les unes avec les autres pour permettre de rendre la justice à moindre cout et en limitantl es risques de dérives.

    L’argument de Nozick comme quoi la recherhe de la sécurité va conduire à un monopole naturel étatique est faux.

    Malgré la volonté de tous les dirigeants (étatistes) de la planète de créer des gouvernements supra nationaux, la réalité montre que c’est tout l’inverse qui se passe :

    Il y avait 50 états en 1945, il y en a aujourd’hui presque 200, et leur nombre augmente sans cesse. On peut les appeler des « agences de sécurité » en monopole sur un territoire mais en concurrence entre elles.

    et que chaque tentative de supra nationalité est vouée à l’échec :

    L’union européenne en est l’exemple le plus flagrant actuellement.

    • Ça rejoint donc l’argument de Nozick, les agences de sécurité auront inévitablement un monopole sur un territoire donné, si petit soit-il.
      Si plusieurs agences ont des lois de sécurité différentes, l’une plus forte (car plus de clients) pourra écraser la plus petite si elle n’est pas d’accord avec ces lois. Les gens n’iront donc pas se faire protéger par la plus petite, mais toujours par la plus grosse, qui ne pourra pas se faire écraser. Il y aura donc des situations de monopoles sur des petits territoires, mais ce sera invivable, donc il y aura des accords et conventions entre territoires. Puis des agences de sécurité sur tout ce territoire pour faire respecter ces conventions. Oups nous voilà avec un Etat…

      • @lucashlt :

        Non, car Nozick prévoyait un monopole unique sur le monde entier, vu que la concentration ne pouvait cesser jusqu’au monopole selon ses arguments.

        On peut penser que cela va évoluer vers une fragmentation des agences de sécurité de plus en plus grandes, et quand elles seront suffisamment nombreuses et que le concept de nation géographique sera affaibli (ou du moins le concept de sécurité nationale), le monopole géographique de chacune sera battu en brêche.

        Relisez Rothbard et surtout Friedman (david) => les agences de sécurité existeront pour faire des bénéfices.

        Celle qui voudra « écraser » la plus petite va faire moins de bénéfice que les autres, coutera donc plus cher à ses clients et se verra donc quittée par ses clients et faire faillite.

        La recherche de bénéfices va conduire immanquablement à un réglement pacifique des conflits, car c’est ce que souhaite les clients et c’est surtout ce qui coutera le moins cher et sera le plus efficace économiquement.

        Encore une fois, la recherche du profit amène la paix et l’harmonie.

        Vous allez acheter des voitures à Fiat parce que c’est la plus grosse marque de voiture ?

        Les gens irons à l’agence de sécurité la plus efficiente, qui ne sera pas forcément la plus grosse (c’est évident, une grosse société est tjrs moins efficiente qu’une petite).

        Donc votre raisonnement, inspiré de Nozick, ne semble pas correct, car non conforme aux raisonnements économiques habituels des consommateurs.

        Que ce soit pour la sécurité ou les voitures ou la santé ou l’éducation, la tendance naturelle va vers toujours plus de concurrence, qui est souhaitée par le consommateur car elle augmente son bien-être.

        • « Non, car Nozick prévoyait un monopole unique sur le monde entier, vu que la concentration ne pouvait cesser jusqu’au monopole selon ses arguments. »

          Ce n’est pas ce qui est entrain de se passer? La concurrence augmente entre les différents monopoles géographiques, ça devient de + en + compliqué pour le consommateur, on créé donc des institutions au dessus d’eux (des conventions) pour faire respecter un droit supra, pour éviter les litiges entre les agences (guerres). Voir la création de l’ONU, de l’UE, du Mercosur…

          « que le concept de nation géographique sera affaibli (ou du moins le concept de sécurité nationale), le monopole géographique de chacune sera battu en brêche. »

          Le concept de nation géographique n’est justement pas affaibli, il est renforcé, et c’est pour cela qu’il y en a de plus en plus (les gens veulent une agence plus en accord avec leur morale).

          • nous sommes passés de 50 états à presque 200 en moins de 50 ans et vous dites que c’est un monopole mondial de la sécurité qui est en train de se créer ?

            L’ONU a été créée il y a 60 ans et n’est donc pas issue de cette augmentation de la « concurrence ».

            L’UE et le mercosur sont des créations à l’origine économiques pour favoriser le libre échange, cad la concurrence. Ce ne sont que les technocrates européens qui veulent transformer l’UE en monstre supra national, et cela est en train d’échouer.

            Tout à fait, le concept de nation géographique se renforce, mais nous pouvons aussi imaginer qu’un jour la sécurité ne fera plus l’objet d’un monopole sur le ^périmètre d’une nation géographique, comme la santé ou l’éducation.

    • « Il est bien évident qu’une société anarcho capitaliste ne peut émerger tant que des états puissants, et surtotu des états non démocratiques, existeront. »

      Peut de chose m’énerve autant que cette idolâtrie ultra-démocratique, démocratique c’est donc non violant, parce que non démocratique c’est les violent, la démocratie c’est dans ce culte, la liberté, la vertus, la transparence, la justice, l’ordre ou la fraternité selon la circonstance, bref le bien incarné, aucun debat à avoir avec ces dogmes.

      c’est probablement au moyen-âge qu’à exister la plupart des Etats proche de l’anarcho-capitalisme? L’Islande libre et un grand nombres d’Etats du Saint Empire, par exemple la Ligue des dix juridictions ou même un peu plus tard la basse Navarre à certaine période.

  • « Libéral, si tu n’es pas anarcho-capitaliste à vingt ans c’est que tu n’as pas de couilles. Si tu l’es toujours à quarante c’est que tu n’as pas de tête. »

    • @ Raphael : cet aphorisme ne s’applique pas au libéralisme et à l’anarcho capitalisme, qui n’est qu’un libéralisme poussé au bout de sa logique.

      Je suis ravi d’apprendre que Nozick, Rothbard, Friedman, etc etc etc … n’ont pas de tête :-))

      • Si seulement toutes ces démonstrations et réflexions ne se basaient pas sur des présupposés anthropologique et politiques complétement faux, on pourrait alors envisager une réflexion, malheureusement ces auteurs tente de faire de la philo, persuader de jouer du logos et du sophia, quand on ne voit qu’un festival de demi idée et pre supposées.
        Malheureusement, a l’instar de Hayek et Nozick, l’auteur viens d’une époque où l’anthropologie n’a pas éclairer la nature humaine et remit les oeuvres de Lock et Hobes a leurs places: à la poubelle. Ce que confirme les évolutions des sciences cognitives, neuronales et l’évolution de la psychologie.
        De la même façons, toutes ces idées politico-économiques se basant sur une science économique six pieds sous la rationalité concrète font de votre réflexion une semi philosophie, teinté d’une mathématique absurde, très médiocre et peu scientifique. L’économie n’ayant aucun fondement scientifique rationnel je vous conseil de vous pencher sur la réflexion des sciences énergétiques et environnemental afin d’ouvrir les yeux sur la réalité des effets mécaniques de ce capitalisme décédant.
        Les pré supposés philosophiques des libertariens prouvent leur complète incompétence en politique et sociologie, c’est vivre dans un monde pre-quantique et simplifié a l’extrême. les pré supposés anthropologiques des économistes prouvent leur complète incompétence en économétrie des écosystèmes, en science naturel et énergétique et surtout l’incapacité concrète de ces humains sous doués a comprendre les systèmes chaotiques et fractales. Les pré supposés politiques des anarcho capitaliste sont si affligeant de stupidité que l’on voit facilement a quel point deux ou trois gourous peuvent créer des lignés entières d’imbéciles: erreur prouvant par la même qu’aucun de vous n’êtes libre et que votre libre arbitre n’est qu’une fable que votre conscience fait jouer a votre inconscient.
        Spécialiste des théories millénaristes, des sectes apocalyptiques et de la théorie du complot, ce que je vois ici n’est qu’un autre ballet de malade mentaux cherchant a se faire plus grand qu’ils ne sont.
        Je ne suis pas du même monde que vous, je suis née sous l’étoile de la physique quantique, mes études se sont fait sous l’égide des sciences cognitives et neuronales, des mathématiques chaotiques et fractales. Voilà pourquoi je suis un homo sapiens bien plus avancé que vous ne l’êtes, non pas car j’ai de l’avance, mais car vous avez du retard, scientifique d’un univers pre-quantique vous n’avez pas connu la révolution de Bohr (quantiques, chaotiques, fractacles), vous êtes encore à l’époque de Newton (des forces attractives, répulsives, des théorèmes exactes et des mouvements linéaires).

        Voilà l’ensemble des conférences scientifiques et littéraires de l’ENS, rattraper son retard est facile à l’heure de l’internet. Si vous parlez économie allez du côté des sciences de l’énergie et de l’environnement plutôt que parler sans connaitre les effets d’eco-système. Si vous parlez de l’homme allez voir des conférences de sciences cognitives et neuronales, plutôt que parler de nature humaine sans savoir comment marche le cerveau de l’homme. Si vous voulez parler philosophie, allez donc voir des conférences d’anthropologie, plutôt que parler développement des hommes et des sociétés sans rien connaitre des dynamiques sociétales.

        Je vous respect en tant qu’individus, mais vos idées sont absurdes et en retard d’un siècle.

        • Expert en « saut quantique », notre nouvel ami Erwan en a parsemé un paquet tout au long de son commentaire ! 😆
          http://www.contrepoints.org/2011/09/10/39770-le-saut-lacantique

        • En terme de présupposés, vous n’êtes pas avare!

        • Je suis un jeune docteur en physique, on ne peut donc pas dire que je sois de l’époque de Newton, j’ai grandi avec Internet, les ordinateurs, la physique quantique et les fractales. J’avoue ne pas avoir une compréhension très poussée des théories du chaos, mais je sais ce que c’est.

          Cela étant dit, votre blabla sans arguments n’a malheureusement bien peu de sens et ne permettent absolument pas de qualifier quoi que se soit d’absurde.

          Vous êtes un idiot et vous êtes condescendant, à ce titre je ne vous respecte donc pas.

        • P’tain, j’sais pas à quoi tu carbures, erwan machin, mais j’en veux bien un peu, elle a l’air bonne ! Et pis en fait nan, j’en veux pas, j’ai pas envie d’avoir l’air aussi con que toi, finalement.

        • J’organise un diner ce soir Erwan, ça te dirait de venir?

        • vous qui etes specialiste des sectes apocaliptiques, pourriez-vous me dire si la rebellion de la grande paix celleste au 19ieme siecle en chine, etait de nature feodale ou anti-feodale. ca me turlupine, et m’empèche de dormir ?

        • Il est tout à fait normal que Pierre Lemieux ai perdu ses illusions. Le simple constat entre la situation de toutes les libertés il y a trente ans et aujourd’hui consacre la victoire de tous les interventionnistes et des socialistes. Cependant, cela ne devrait l’empêcher de continuer à penser et réfléchir correctement. En reprenant à son compte les arguments erronés de Nozick qui était un philosophe et sûrement pas un économiste, l’auteur qui lui pourtant a été correctement formé semble ignorer que le marché libre est parfaitement compatible avec une situation de monopole. La seule condition consiste à tout producteur de pouvoir entrer. Pour ce qui concerne les prestations de sécurité et de justice, il faut bien dissocier les deux. La première va permettre à tout un chacun de faire appel à des prestataires privés pour assurer la sécurité selon un cahier des charges prédéfini en échange d’une certaine somme de monnaie. Pour la seconde, la plupart des conflits mineurs vont se régler à l’amiable. S’il faut faire appel à un tribunal arbitral, les individus se conformeront à la justice naturelle. Telle seront les seules normes qui devront régir la société des anarchistes de marché. Il n’est pas question de mettre en concurrence des tribunaux qui rendraient leurs décisions selon le pseudo droit positif et d’autres selon la justice naturelle. On ne transige pas avec le principe de non agression. C’est cela que Pierre Lemieux a surtout perdu de vue. Il est le témoin de l’avancée civilisationnelle d’une société. Et d’ailleurs notre soi disant sociale démocratie est composé d’individus très développés sur ce plan. Ainsi la France compte 65 699 détenus. En estimant que la justice étatique fasse très mal son travail et que le nombre devrait être multiplié par deux cela représente 0.002% de la population. La violence n’est pas constitutive de la nature humaine. Elle l’est pour les gens dévorée par la maladie, la soif de pouvoir et aussi pour les incapables de produire quoi que soit à un certain moment (contraint ou forcé)
          Enfin, en cas d’agression extérieure, les individus de la société anarchique peuvent se regrouper pour défendre leur territoire et si le besoin s’en fait sentir, faire appel à des prestataires externes qui interviendront le temps du conflit. Ils peuvent même mener une guérilla sans merci aux agresseurs pour leur passer l’envie de recommencer (Rothbard).

        • erwan bompard : A la lecture de votre commentaire, nous comprenons très bien que vous ne comprenez pas un mot de la liberté que nous souhaitons. Vous avez sacrifié votre propre liberté pour votre idéologie, ça vous rend triste, suffisant, haineux et con. Merci pour votre commentaire inutile.

        • Vous connaissez Alain Sokal ? Lisez ça devrait vous plaire:
          « Transgresser les frontières: vers une herméneutique transformative de la gravitation quantique »
          Ca parle de gens comme vous.

        • Vous connaissez Alain Sokal ? “Transgresser les frontiers: vers une herméneutique transformative de la gravitation quantique”. Lisez, ça devrait vous plaire, ça parle de gens comme vous

        • Un excès de conférence peut être ?

          Y veut pas faire de la politique au moins ?

          c’est pas ça qu’il a fait juppé, le meilleur d’entre eux?

  • Autoquote :

    « En plus court : les anarchistes se font toujours bouffer tout cru par les nationalistes.
    Ergo, tant que les libertariens ne forment pas une nation à part entière (même décentralisée), avec une culture commune, des signes de reconnaissance, et une solidarité forte, ils resteront soumis/impuissants.
    C’est ce qu’on appelle l’ironie du sort. »

    http://www.contrepoints.org/2012/11/06/103288-presidentielles-us-pourquoi-voter-gary-johnson#comment-193242

  • « Les théoriciens anarcho-capitalistes invoquent le cas de l’Irlande et de l’Islande médiévales, qui ont survécu des siècles sans le pouvoir politique organisé que nous appelons État. Mais le fait que les sociétés de ce genre n’aient pas été des pépinières de savants, d’artistes et d’entrepreneurs, ni brillé par les possibilités de consommation offertes à leurs membres, suggère que la vaste majorité des gens rejetteraient ce mode de vie. »

    L’État libre d’Islande à bien été une pépinière d’artistes, surtout quand on prend en compte son nombre d’habitants.

  • Il y a deux tendances chez les libertariens: les minarchistes et les anarcaps. Je suis à la fois anarcap et minarchiste. Une société commerciale fournissant des services équivalent à un Etat peut exister et fonctionner, même sans aucun territoire dédié. En ce sens je suis anarcap. Cette société commerciale, cette communauté, aurait alors le rang d’Etat pour les autres Etats classiques existant. Ce serait une sorte d’Etat libertarien. Les membres de cette Etat libertarien, de cette anarcapie, pourrait obtenir un visa de résidence dans certains pays gérés par un Etat classique.

    Mais je suis aussi minarchiste car il serait rare que tous les habitants d’une zone acceptent une absence d’un Etat au sens classique de la conception de l’Etat. Un Etat minimal administre alors un territoire et légifère sur les lois qui s’imposent aux habitants. L’Etat légifère ou administre lorsqu’il est démontré qu’aucune formule contractuelle, syndicale ou commerciale n’est possible.

  • Plus les entreprises sont grandes, et moins elles sont efficientes ; et c’est aussi le cas pour les états. La coercition nécessite des moyens exponentiels, qui sont obtenus par l’endettement et la prédation et la surexploitation des ressources. Donc l’Etat porte en lui-même le germe de sa future et inévitable faillite.
    Lorsqu’un Etat fait faillite, il est alors remplacé par une multitude d’autres plus petits et plus efficients, donc moins coercitifs. Ceux-ci finiront également par péricliter au profit d’autres plus faibles, et ainsi de suite, jusqu’à-ce que la présence de ces Etats ne soit plus du tout viable face à l’organisation infiniment efficience de la société libre.

    C’est ce qui s’est passé entre l’antiquité et le moyen-âge : les empires antiques se sont construits sur l’impérialisme étatique, sur l’expansion et la surexploitation des ressources (notamment en bois, sur le pourtour de la méditerranée, afin de construire d’innombrables flottes navales destinées à contrôler cette zone cruciale), et le centre du pouvoir s’est déplacé progressivement de l’Est vers l’Ouest, depuis Babylone et l’Egypte jusqu’à Rome, au fur et à mesure de la raréfaction de leurs ressources ; jusqu’à Rome, qui a fini par dominer l’ensemble de cette zone. Mais aussitôt la totalité de cette zone sous contrôle, l’Etat romain s’est retrouvé ruiné : pour perdurer, il lui aurait fallu s’endetter encore et compenser cet endettement par une continuation de l’impérialisme, ce qui n’était plus possible.
    L’Etat romain s’est donc effondré pour devenir bi-polaire, puis multi-polaire, pour finir complètement désagrégé au profit d’innombrables petits royaumes. Au cours des siècles qui ont suivi, ces royaumes ont progressivement dû abandonner leur pouvoir aux mains de leurs vassaux, puis aux mains de cités libres et de villes franches.
    Cette évolution aurait sans doute conduit à une situation d’anarchie, si la découverte des Amériques n’avait pas réintroduit brutalement la possibilité d’un nouvel impérialisme et de nouvelles ressources à s’approprier et à surexploiter.

    Aujourd’hui nous sommes encore les héritiers de ce monde à coloniser et à surexploiter, dominé par l’efficacité et la coercition. Mais il est à nouveau fini, et l’efficience, l’innovation et la coopération redeviennent concurrentes de l’efficacité, de la prédation et de la coercition.
    Déjà le monde redevient multi-polaire, les initiatives individuelles se multiplient, et les Etats tentent vainement de contrôler la circulation des biens et des informations qui s’accélèrent et s’intensifient en se libérant progressivement de leur joug grâce à l’innovation technologique en matière d’efficience énergétique, au partage d’informations et à l’échange responsabilisé et librement consenti.
    Avec les nouvelles technologies cette décentralisation progressive va aller très vite, et probablement que dans moins de deux siècles les Etats n’appartiendront plus qu’au passé.

    L’anarchie ne sera pas atteinte par la voie politique, c’est sûr ! Mais par contre elle sera sans doute atteinte par la voie de la fertilité et de l’efficience, de l’innovation et de la concurrence, de la mutualisation et du libre-échange. Dans un monde fini où l’ensemble des terres sont déjà appropriées, où la rareté domine, et où la concurrence se substitue à la compétition.

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