Les différentes formes de pouvoir et le probable futur de notre démocratie

Parce que des ressorts assez primitifs nous poussent à écouter un homme politique plutôt qu’un autre, la démocratie apparaît d’une incroyable fragilité.

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Les différentes formes de pouvoir et le probable futur de notre démocratie

Publié le 25 avril 2013
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Parce que des ressorts assez primitifs nous poussent à écouter un homme politique plutôt qu’un autre, la démocratie apparaît d’une incroyable fragilité.

Par Claude Robert.

 

hollande

On apprend dans les écoles de management qu’il existe trois sortes de pouvoir et qu’il est préférable pour un manager de posséder un minimum de chacun des trois pour obtenir des résultats :

  • Le pouvoir hiérarchique
  • Le pouvoir charismatique
  • Le pouvoir de compétence

On y apprend avec justesse qu’un dirigeant qui n’a que pour seul pouvoir celui de sa fonction, le pouvoir hiérarchique donc, aura des difficultés à l’exercer car ce ne sera que contrainte pour les personnes managées, en l’absence de toute autre légitimité solide comme celle qui donne l’envie de suivre quelqu’un qui y incite (pouvoir charismatique), ou celle qui donne l’envie de collaborer avec quelqu’un avec lequel on réalise de belles choses et avec lequel on apprend beaucoup (pouvoir de compétence)…

Le pouvoir charismatique, lorsqu’il est seul présent chez un dirigeant, s’avère psychologiquement moins contraignant pour les personnes dont il est responsable, au début tout au moins, et ceci tant que l’absence de pouvoir hiérarchique et l’absence de compétences n’en ont pas gâché l’attrait. Mais dès lors que les décisions de ce dirigeant sont remises en cause par le vrai pouvoir hiérarchique, ou dès lors que les mauvais résultats des actions entreprises sont avérés, son pouvoir charismatique va s’essouffler et ne pourra plus compenser l’absence des deux autres.

Le pouvoir de compétences, lorsqu’il est le seul des trois à être présent chez un dirigeant, ne suffira pas non plus, ou pas à tous les coups. Il ne peut en effet se suffire qu’avec des gens qui sont assez « secondaires » pour ne juger leur dirigeant que sur les compétences et l’efficacité des décisions qu’il prend ou qu’il suscite dans ses équipes. Auprès des autres populations, dont les réactions sont plus « primaires » c’est-à-dire fondées sur une appréciation plus instinctive, affective et immédiate, le pouvoir de compétence s’usera très vite par l’absence de motivation et même par absence de respect de la fonction tout court.

Cette loi fonctionne à tous les niveaux de pouvoir et de responsabilité, et on la retrouve logiquement poussée à son paroxysme en ce qui concerne les hommes politiques qui nous gouvernent, avec en plus une différence qui n’est pas des moindres : dans une organisation ou dans une entreprise, le dirigeant n’est pas choisi par les personnes qu’il manage, mais par la ligne managériale, tandis qu’un homme politique, lorsqu’il est élu au suffrage universel, est choisi par les électeurs.

Il va donc de soi que la phase de l’élection, et plus particulièrement la campagne électorale qui la précède, constitue une dimension totalement spécifique à l’accession au pouvoir politique : n’importe quel postulant qui pourra convaincre les électeurs pendant ce laps de temps-là, sera élu par eux, avant même d’avoir fait ses preuves. Ainsi, pendant cette phase cruciale que constitue la campagne électorale, les candidats peuvent être certes crédités des trois pouvoirs, pour peu qu’ils aient eu auparavant de hautes responsabilités, une forte cote de popularité et de beaux résultats. Mais ceci n’est valable que pour les candidats dont l’électeur se rappelle voire même comprend les précédentes responsabilités et les précédents résultats. Pour les candidats dont les électeurs ont oublié ou n’ont pas vraiment saisi ces dimensions-là, ou pour les candidats n’ayant jamais eu auparavant de mandat électoral d’importance comparable, l’électeur ne pourra appuyer son choix que sur l’appréciation de l’individu, son image présente, la sympathie qu’il dégage pendant la campagne, ce qui n’est autre que son pouvoir charismatique puisque tous ces éléments-là sont purement visuels et affectifs.

Le philosophe Michel Serres nous dit que « la seule autorité qui peut s’imposer est fondée sur la compétence » (Le Point, 20.09.12) car c’est la seule qui fait grandir, qui tire vers le haut. Ceci est tout à fait exact mais auprès de qui cette autorité de compétence peut-elle suffire ? Les électeurs sont-ils majoritairement secondaires ? Au moment de l’élection, combien sont-ils à faire l’effort de se renseigner sur les résultats précédemment obtenus par les candidats et à considérer ceux-ci ? Combien au contraire se fient à leur feeling, à la façon dont le candidat s’exprime, se débrouille pendant les quelques rares débats encore organisés, ou répond aux questions des journalistes ? Tout cela ne se réduit bien souvent qu’à du pouvoir charismatique.

Quelle est la nature du pouvoir charismatique ? Il y a des ouvrages de référence qui tentent d’analyser en quoi a pu tenir la capacité de persuasion des leaders charismatiques que notre histoire récente a révélés. Certaines thèses sont critiquées [1] mais, au-delà des possibles querelles d’écoles, il semble qu’il émane de ces études un certain nombre de fondamentaux quant aux caractéristiques qui favorisent le pouvoir charismatique :

  • Il serait proportionnel au volume du corps,
  • Il est très dépendant de la confiance en soi,
  • Il s’accommode mal d’un débit verbal et d’une gestuelle rapides,
  • Il va de pair avec un discours maternant, protecteur,
  • …

Dans son essai Anatomie du pouvoir, John Kenneth Galbraith n’y va pas par quatre chemins : « le pouvoir échoit toujours à ceux qui sont capables de trancher dans l’inconnu avec la plus parfaite assurance. Le pouvoir n’élit pas ceux qui savent mais ceux qui, souvent par bêtise, croient savoir et ont le don d’en persuader les autres » [2].

Or cet élément confiance en soi semble d’autant plus central qu’il incorpore forcément le volume du corps (plus rares sont les petits chétifs à avoir une grande confiance en soi) et qu’il détermine également le débit, la gestuelle et le discours : plus on a confiance en soi, moins on a un débit, une gestuelle et un discours stressés. Au contraire, la confiance génère de la sécurité pour autrui. Ainsi serait donc l’origine du phénomène de leadership, une simple histoire d’apparence…

À l’aune de ces hypothèses quant aux ressorts assez primitifs qui nous poussent à écouter quelqu’un plutôt qu’un autre, la démocratie apparaît tout d’un coup d’une incroyable fragilité. La période électorale constitue en effet l’instant critique pendant lequel l’accession au pouvoir se joue et dont il émerge un Président compétent et visionnaire, en résonance avec les problèmes du moment, ou tout le contraire. Or si comme le dit Peter Slodterdijk, « l’électeur compétent » n’est qu’un « mythe », alors la moindre des choses serait de tout faire pour que les campagnes électorales poussent à la transparence et à la vertu, en visant à la meilleure information des électeurs afin que leur processus de décision soit le moins primaire possible et en incitant les candidats à faire preuve de la plus grande honnêteté. Pourquoi lors des quelques débats encore organisés en France, aucune instance ne vérifie les propos et les affirmations des postulants et ne leur demande de s’en expliquer ensuite lors d’un débat ultérieur ? Pourquoi n’existe-t-il pas des règles strictes qui interdisent les attaques ad hominem lors de ces trop rares débats ? Pourquoi les candidats n’ont-ils jamais l’occasion de faire des présentations visuelles et chiffrées comme on le fait dans la moindre des entreprises chaque fois qu’il s’agit de décider entre telle ou telle stratégie ? Pourquoi les candidats sont-ils généralement interrogés par des journalistes alors qu’il faudrait mobiliser des spécialistes (indépendants) de l’économie, des finances, de l’éducation, de la santé, de la recherche, de France et d’ailleurs ?

Enfin, la période électorale est d’autant plus dangereuse dans l’hexagone que plusieurs sondages effectués ces dernières années attribuent aux Français une note peu reluisante en matière de culture économique (Codice/TNS Sofres 2008 et 2009, IFOP 2011) et que certains économistes (C. Saint-Étienne ou  le prix Nobel d’économie E. Phelps pour n’en citer que deux) déplorent régulièrement cette méconnaissance.

Si en effet l’on rajoute à la rusticité des critères de décision humains une couche supplémentaire d’ignorance des enjeux et des mécanismes économiques, alors on obtient l’élection présidentielle à laquelle notre pays a assisté en 2012, élection qui a bien sûr médusé plusieurs de nos voisins, élection dont effectivement est ressorti gagnant le candidat qui a totalement passé sous silence les problèmes du pays et promis la facilité à travers des décisions financièrement intenables. Pourquoi dans ce cas ne pas départager les candidats sur une épreuve de karaoké ? N’est-ce pas vers quoi se dirige notre démocratie ?


Sur le web.

Notes :

  1. Par exemple G. Lebon et sa « Psychologie des foules » sont sévèrement critiqués par M. Pagès dans La vie affective des groupes.
  2. Page 48 ; édition Histoire Immédiate/Seuil.
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  • ne pas oublier que hollande a était élu pour chasser sarkozy qui a pourtant plus de charisme , et peut être plus de compétence pour gouverner un pays comme la france ;comme quoi…..encore que pour moi , ni l’un ni l’autre ne sont valable , mais ça c’est mon avis strictement personnel;

  • Si la compétence est bien entendu le seul critère qui devrait préoccuper l’électeur, il est bien incapable de détecter cette compétence, ignorant tout des candidats, et pire encore des dossiers …

    On voit alors le choix démocratique se déterminer sur le factuel, un look, un petit mot d’esprit, une couleur de peau, un sexe, un slogan. Il n’y a plus qu’une excellence qui vaille, c’est celle du marketing.

    Si cette perversion touche toutes les démocraties, elle est particulièrement aigue en France, du fait de la dé-responsabilisation totale de la moitié de l’électorat, qui ne paie pas l’impôt, et vit donc en position prédatrice..

    Apercevoir une carotte et se ruer à sa poursuite n’a jamais été une garantie de bon fourrage 🙂

    • Le suffrage universel en vue d’élire les politiques ne doit pas être modifié.

      En revanche, les budgets nationaux, locaux, ou les lois ayant des conséquences financières doivent être soumis à référendum réservé à ceux qui ont une contribution nette positive vis-à-vis de l’Etat, seuls électeurs véritablement concernés. La question du référendum peut même être personnalisée pour chaque électeur, en portant la mention individualisée de l’impôt à payer sur la carte d’électeur : on ne peut pas faire plus démocratique ! En cas d’échec du référendum, les politiques (et les hauts fonctionnaires) qui ont proposé ces budgets ou lois doivent abandonner leurs postes.

      Ainsi, peu importe les partis, peu importe les idéologies, peu importe qui est élu : les politiciens et les hauts fonctionnaires devront faire face à la réalité démocratique du consentement de ceux qui les payent.

      Exemple : une taxe douanière sur des voitures importées ne peut être décidée sans un vote majoritaire réservé aux acheteurs de ces voitures. Voilà un bon moyen de s’assurer du principe constitutionnel du consentement à l’impôt !

      Conséquences probables : FLAT TAX et TVA soumises à référendum annuel sont des impôts qui permettent de concilier suffrage universel, consentement à l’impôt et responsabilisation des politiciens, des fonctionnaires et du corps électoral. Les impôts progressifs (tranches de l’IR, quotien familial) ou spécifiques (ISF, IS, CSG, charges sociales, barrières douanières), seront quant à eux rapidement éliminés. De même, les dettes publiques doivent être interdites, puisqu’une fraction importante de ceux qui auront à les payer ne peuvent encore voter.

      • Pourquoi le président ne serait-il pas élu lui aussi par les contributeurs nets ? Tant que les élections sont des parodies démocratiques qui débouchent sur des choix qui vont parfois complètement à l’encontre de l’intérêt général, c’est qu’il y a un problème…

      • trop compliqué. des impots, tout le monde en payent, notement avec la tva, et trop.
        si on demande aux contribuables s’ils  » consentent  » a payer des impots, on ce retrouvera vite dans la situation qui prevalait en france en 1788:  » comment, nous les nobles, payer des impots, vous ni songez point, vous savez bien que l’on paye deja l’impot du sang !  »
        il faut reduire le train de vie de l’etat. pour que cela puisse ce faire un jour et sur la durée, une idée serait de moduler le suffrage universel suivant la position des votant:
        citoyen majeur: 1 voix
        citoyen majeur actif: 2 voix
        citoyen majeur actif a son compte: 3 voix

        • En fait une seule partie des français actifs ne paient des impôts. Votre système de pondération des voix me semble logique mais il fera hurler les gens à cheval sur le principe d’égalité, c’est dire les problèmes que cela soulèverait, et pourtant, les citoyens, sous l’angle de leur contribution en tant qu’acteurs économiques, sont loin d’être égaux, et logiquement, la pondération pourrait être celle qui va dans le sens que vous donnez : aux responsables et contributeurs nets (ceux qui sont bénéficiaires à la société) de peser plus, ce qui tirerait vers le haut plutôt que de donner autant de poids à des gens qui par exemple cherche à se faire entretenir par le système, ou à couler ceux qui réussissent par pure idéologie ou jalousie (c’est souvent lié en France j’ai l’impression)

        • « citoyen majeur: 1 voix
          citoyen majeur actif: 2 voix
          citoyen majeur actif a son compte: 3 voix »

          Ainsi, nous aurions très rapidement une oligarchie de riches en place 🙂

  • Il est clair que la Mairie de Tulle ne dit rien sur la capacité à diriger la France.
    Le genre de démocratie que nous avons actuellement a déjà été critiquée par Platon il y a 2400 ans environ avec le raisonnement suivant: on constate que la majorité des citoyens n’a pas l’intelligence requise pour bien juger; en conséquence, elle élira celui qui lui servira le meilleur boniment. Cela s’appelle la démagogie. Aristote mettra lui aussi la démocratie dans la catégorie des formes de gouvernement dévoyées.

  • Pour commencer, il faudrait que les électeurs lisent les programmes; une bonne part ne sait pas vraiment ce que leur candidat prévoit, et ignore totalement les autres…

  • Je retiens la proposition de karaoké, 🙂
    article intéressant sur le principe. Mais effectivement, je pense que Hollande a été élu afin de se débarrasser de NS plus que suite à une comparaison de leurs différents pouvoirs.
    Ceci dit, cela conforte l’hypothèse de l’article, les critères de jugements et de choix sont totalement farfelus.

  • si l’on suit l’auteur dans son raisonnement, on se demande bien comment nicola sarkozy a été elu en 2007:
    1 metre 63, exité comme un colibri a la manoeuvre, reste la confiance en soi.
    soitfranc hollande, lui, vu de profil, a un peu plus de gabari. quand a la compétence …

  • Compétence… dans quel domaine ?
    Les élus sont compétents pour se faire élire.
    Ils ne sont pas a priori plus incompétent que n’importe qui pour diriger un pays ou une collectivité.

  • En parlant de competance des hommes politiques depuis quarante ans,…. juste une suggestion pour les enseignants de l’ENA, ayant forme des generations d’inaptes,…. je me jeterai sous un train par soucis de moralite !

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