La bonne question est de savoir, secteur par secteur, s’il faut vraiment qu’un service soit rendu par une administration.
Par Patrick de Casanove.
Le gouvernement dit vouloir lutter contre le déficit public. Après le coup de massue fiscal pour accroître les recettes, il veut maintenant s’attaquer aux dépenses publiques excessives. Or ce n’est pas dans sa culture qui est de s’étendre sans fin, en se mêlant de tout.
Le pouvoir, vaste corps organisé et vivant, tend naturellement à s’agrandir. (…). Or, il n’y a pas pour lui d’agrandissements possibles en dehors d’empiètements successifs sur le domaine des facultés individuelles.
— Frédéric Bastiat, Profession de foi électorale de 1846.
Les Français sont habitués depuis des siècles à l’État centralisateur. Le service public « à la française » est une fierté nationale. Aujourd’hui nous vivons avec l’héritage récent de la 2ème guerre mondiale à l’issue de laquelle gaullistes et communistes se sont partagé le pouvoir. Ils ont façonné la France que nous connaissons : dirigiste et collectiviste. À la Libération, le service public a éteint le service privé dans une multitude de domaines (santé, retraite…). Les étatistes ont maintenant beau jeu de dire qu’il n’y a rien en dehors de l’État. Ils affirment que les économies seront de toute façon minimes parce que l’État, pour eux, est bien géré. Tout au plus économisera t-on sur son « train de vie ». Ils martèlent que, rendu par le privé, le service sera mauvais car soumis au profit. Celui rendu par l’État l’étant au nom de l’intérêt général, il est automatiquement optimal. Les politiciens préfèrent suivre des économistes comme Keynes et Marx qui accroissent leur pouvoir au détriment des individus, plutôt que des économistes comme Bastiat, Mises et Hayek qui limitent leur pouvoir au profit des gens. Un ministre est jugé à son interventionnisme et aux crédits qu’il obtient. Tous les moyens sont bons pour échapper aux restrictions. Si un politicien décrète telle ou telle action « priorité nationale » cela sert d’alibi à l’augmentation des crédits affectés à ce ministère. Par exemple l’Éducation nationale, l’Emploi. La cause est bonne. Intuitivement c’est difficile de s’y opposer.
Tout ceci ne concourt pas à la diminution des dépenses par rabotage. Il est illusoire de croire que l’on peut diminuer les dépenses publiques en supprimant les dépenses superflues de chaque ministère. Cela revient à considérer que le ministère lui-même est utile. Or la bonne question est de savoir, secteur par secteur, s’il faut vraiment qu’un service soit rendu par une administration.
Frédéric Bastiat a écrit dans La Loi :
Le Socialisme, comme la vieille politique d’où il émane, confond le Gouvernement et la Société. C’est pourquoi, chaque fois que nous ne voulons pas qu’une chose soit faite par le Gouvernement, il en conclut que nous ne voulons pas que cette chose soit faite du tout. Nous repoussons l’instruction par l’État ; donc nous ne voulons pas d’instruction. (…), etc. C’est comme s’il nous accusait de ne vouloir pas que les hommes mangent, parce que nous repoussons la culture du blé par l’État.
Ces propos sont toujours d’actualité. Si nous ne voulons pas de la Sécurité sociale d’État c’est que nous sommes contre les soins pour tous. Si nous ne voulons pas de la retraite par répartition, c’est que nous sommes contre une retraite décente pour tous, ou la solidarité intergénérationnelle que sais-je encore. Etc.
Bastiat nous explique dans Services privés, service public comment choisir si un service doit être rendu par l’État ou par le privé :
En principe, il suffit que le gouvernement ait pour instrument nécessaire la force pour que nous sachions enfin quels sont les services privés qui peuvent être légitimement convertis en services publics. Ce sont ceux qui ont pour objet le maintien de toutes les libertés, de toutes les propriétés, de tous les droits individuels, la prévention des délits et des crimes, en un mot, tout ce qui concerne la sécurité publique.
Cela revient à circonscrire le domaine d’action de l’État à la protection des Droits Naturels Individuels. Donc pour diminuer les dépenses de l’État il faut privatiser tout ce qui n’est pas régalien. Cela peut sembler trop difficile voire impossible. Certains continuent à espérer rendre plus efficaces les services publics français. Par exemple en s’inspirant des services publics étrangers équivalents rendus à meilleurs coût.
Pour les partisans de la liberté économique, la véritable solution est que les citoyens recourent désormais à l’échange libre de services sans passer par l’État.
Car, il n’en faut pas douter, c’est là qu’est la raison de décider entre l’Organisation naturelle et les Organisations artificielles ; c’est là , exclusivement là , qu’est le Problème Social. Si la prospérité de tous est la condition de la prospérité de chacun, nous pouvons nous fier non-seulement à la puissance économique de l’échange libre, mais encore à sa force morale.
— Frédéric Bastiat, Harmonies économiques. L’échange.
La question est de savoir s’il est plus difficile de vaincre les résistances politico-administratives pour améliorer le service public, ou de les court-circuiter pour privatiser.
Les services de l’État ne sont pas suicidaires. À ce jour toutes les tentatives de « réforme » de l’État par l’intérieur ont échoué. Il est raisonnable de passer par l’extérieur. Il serait judicieux d’avoir recours à la démocratie directe pour rendre aux citoyens la liberté d’agir et la responsabilité de gérer leurs biens [1]. Pour les hommes politiques le véritable courage n’est pas de pressurer davantage les Français mais de leur rendre la liberté de choisir. On verra alors s’ils sont vraiment « irréformables » !
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Note :
- Libre disposition de la totalité des revenus, impôt proportionnel unique et faible, liberté foncière, liberté du travail, libre choix pour l’éducation, la retraite et la santé etc. ↩
La théorie, c’est bien…. mais en pratique…; on fait comment ?
L’acculturation au libéralisme gagnerait à illustrer l’alternative libérale par des cas concrets…
1- situation actuelle
2- proposition libérale, avec deux options pour coller aux familles libérales celle avec le moins d’état possible et celle avec une approche sociale , avec situation cible, avantages et risques si possible illustrée de cas dans d’autres pays.
3- le scenario de transition
Dans la pratique on serre les boulons, on élimine les doublons, on fait sauter les échelons.
Je suis bien d’accord.. et même on peut faire plus ….
Mais à quel boulon, quel échelon, quel doublon pensez vous en particulier ?
La question n’est quel, quoi, qui, où, quand, comment,
La question n’est plus pourquoi, la question est combien.
La liberté de choisir n’est pas un cadeau empoisonné. Chaque jours des milliards de personnes font des milliards de choix libres et s’en trouvent bien. Le cadeau empoisonné est de leur enlever cette responsabilité et de la transférer par contrainte légale à un groupe d’individus, pas différents des autres, pour que ce groupe choisisse à leur place. Que l’on appelle ça feuille de route ou autrement le résultat est le même. Ce groupe leur confisque aux gens leurs moyens d’existence, de choix et au final leur vie. Ce groupe qui obéit aux même moteurs que le commun des mortels impose ses propres choix à la population. Les conséquences désastreuses se voient tous les jours. Plus le pays est économiquement libre plus il connaît croissance et prospérité. Lire à ce sujet L’Index of Economic Freedom qui paraît tous les ans depuis 18 ans.
En pratique :
1 rendre l’intégralité de leurs revenus aux gens. Pour les salariés c’est le salaire complet. Pour les indépendants c’est le chiffre d’affaire diminué des charges nécessaires à l’exercice de leur métier.
2 laisser aux gens l’immense majorité de leurs ressources. Pour cela un seul impôt proportionnel sans niches et privilèges suffit. Il finance les fonctions régaliennes
3 liberté foncière, achat vente construction location
Le reste suit.
exemples : Suisse, Australie, Nouvelle Zélande, Estonie etc : voir Index of Economic Freedom et autres index.
transition : le plus long est de solder le passif du collectivisme. Par exemple les retraites par répartitions. L’exemple chilien montre néanmoins que la transition est bien plus rapide en pratique que prévue en théorie parce que la croissance est là . Passer au salaire complet, à un seul impôt proportionnel, à la liberté foncière ne prend que quelques jours.
Gommer l’héritage du conseil de la résistance ne se fera pas en quelques jours. Les réformes nécessaires ne pourront se faire actuellement qu’au forceps ( e.g. avec une majorité de gens contre)
Diminuer les dépenses publiques, maintenant.
La réforme suivra en conséquence.