Les attentats de Boston en avril 2013 ont déclenché une couverture médiatique sans rapport avec des drames causant plus de morts. Pourquoi ?
Par Tristan Irschlinger et Victor Santos Rodriguez.
Lundi 15 avril 2013, 14 h 50, heure locale. En une fracÂtion de seconde, l’atrocité absoÂlue vient éclipser la jubiÂlaÂtion colÂlecÂtive ; les cris de terÂreur supÂplantent la clameur enjouée, en un batÂteÂment de cÅ“ur. Une première déflagraÂtion retenÂtit. Puis, une deuxième. Deux bombes artiÂsaÂnales viennent d’exploser en pleine foule, semant le chaos à quelques mètres de l’arrivée du marathon de Boston. D’un souffle, trois vies sont emporÂtées et une cenÂtaine de perÂsonnes blesÂsées. L’horreur de cet évèneÂment envahit la Toile et ses réseaux sociaux.
Il ne fauÂdra que quelques minutes pour que les témoiÂgnages de comÂpasÂsion affluent des quatre coins du monde occiÂdenÂtal, et même au-delà . C’est une vériÂtable déferÂlante qui s’abat sur TwitÂter, les fils d’actualité sont satuÂrés de réactions, FaceÂbook s’émeut. Les RIP BosÂton (sic), Une penÂsée pour BosÂton et autres BosÂton <3 sont légion. Les médias sont gagnés par l’hystérie, laquelle rapÂpelle, toute proÂporÂtion garÂdée, un cerÂtain 11 sepÂtembre. D’Internet à la téléÂviÂsion, en pasÂsant par la Une des journaux du lenÂdeÂmain, imposÂsible d’y échapÂper, l’information est omniprésente.
Ce même lundi, 55 IraÂkiens meurent dans une série d’attentats sanÂglants. On déplore égaleÂment près de 300 blesÂsés. Et ces chiffres ne sont valables que pour la jourÂnée du lundi. Depuis, des attenÂtats dévasÂtaÂteurs contiÂnuent de déchiÂrer le pays du Tigre et de l’Euphrate. PourÂtant, force est de constaÂter que la même vigueur émotionÂnelle n’a pas été déployée par les chantres de l’humanisme, si éloquents au sujet de l’attentat de BosÂton. Les réseaux sociaux sont muets, et pour cause, les médias relayent l’information avec bien moins d’insistance, lorsqu’ils le font. Une telle disÂpaÂrité a de quoi choquer.
Biais médiÂtaÂtique
Une brève recherche sur Google ActuaÂliÂtés perÂmet de révéÂler l’ampleur de ce deux poids deux mesures dans la couÂverÂture médiaÂtique[1]. Taper Iraq BomÂbings perÂmet de récolÂter 43 400 résulÂtats, alors que BosÂton Bombings en fourÂnit 1 180 000 000. On pourÂrait alors être tenté d’expliquer cet écart abysÂsal essentielleÂment par la préÂsence d’un biais linÂguisÂtique, puisque l’attentat de BosÂton s’est produit dans un pays angloÂphone.
Mais en franÂçais, la difÂféÂrence est égaleÂment très marquée : 8480 résultats pour AttenÂtats Irak contre 86 000 pour AttenÂtats BosÂton[2]. On est donc bien face à une couÂverÂture médiaÂtique foncièrement inégale, larÂgeÂment comÂmanÂdée par de basses consiÂdéÂraÂtions finanÂcières.
Le site oumma.com dénonce cette praÂtique répanÂdue en ces termes :
« Vu de Paris, Londres ou WashingÂton, la mort bruÂtale d’un EuroÂpéen ou d’un AméÂriÂcain dans le monde sera touÂjours plus frucÂtueuse à couÂvrir –aux yeux des resÂponÂsables de l’information– que celle de dizaines de non-Occidentaux. »
Biais cultuÂrel et identitaire
CepenÂdant, la faillite des médias n’est pas l’unique facÂteur derÂrière cette comÂpasÂsion à deux vitesses.
Ce n’est pas simÂpleÂment le désÂéquiÂlibre dans l’exposition médiaÂtique entre les attenÂtats de BosÂton et d’autres évèneÂments traÂgiques qui est ici en cause, mais égaleÂment une difÂféÂrence de résoÂnance chez le citoyen occiÂdenÂtal lambda, eu égard à son idenÂtité ethÂnoÂcenÂtrée.
En d’autres termes, on est cerÂtaiÂneÂment en préÂsence d’un phéÂnoÂmène qui relève de la proxiÂmité, voire de l’identification cultuÂrelle. Pour un EuroÂpéen, il est plus aisé de se mettre dans la peau d’un AméÂriÂcain, lequel a un mode de vie relaÂtiÂveÂment simiÂlaire. Ça aurait pu être moi, songe-t-il en plein tourment. À l’inverse, il se sent émotionÂnelÂleÂment détaÂché de ce qu’il se passe en Irak, un pays dont il ne sait finaÂleÂment rien.
Biais cogÂniÂtif
Au-delà de la couÂverÂture médiatique inégale et du phéÂnoÂmène d’identification cultuÂrelle, un troiÂsième facÂteur doit être souÂliÂgné.
Pour nombre d’Occidentaux, l’attentat de BosÂton peut revêÂtir une porÂtée émotionÂnelle parÂtiÂcuÂlière en raiÂson de l’anormalité d’une telle traÂgéÂdie à leurs yeux. ImpenÂsable ! Pétris d’opinions préÂconÂçues à l’égard des barÂbares du Sud, ou simÂpleÂment lasÂsés par d’autres évèneÂments pourÂtant draÂmaÂtiques en raiÂson de leur fréÂquence, ils ont tenÂdance à trouÂver l’acte terÂroÂriste de BosÂton plus choÂquant que ceux qui ont endeuillé l’Irak, ces derÂniers étant, au fond, le pain quoÂtiÂdien des IraÂkiens. Mais évidemÂment, la récurÂrence de tels évèneÂments dans un pays n’en attéÂnue en rien la trisÂtesse, bien au contraire.
Au final, bien qu’explicable par l’attitude des médias ainsi que cerÂtains proÂcesÂsus émotionÂnels et cogÂniÂtifs, le résulÂtat n’en reste pas moins moraÂleÂment indéÂcent et révolÂtant. La vie d’un AméÂriÂcain, dans l’affect des citoyens du Nord, semble avoir plus de valeur que celle d’un IraÂkien (ou même de cent à vrai dire). Les termes sont simples, voire simÂplistes, mais la concluÂsion est inéÂlucÂtable. Et bien entendu, le phéÂnoÂmène ne se canÂtonne pas à l’Irak. Dimanche 14 avril, 34 civils sont tués dans un raid suiÂcide et un attenÂtat à MogaÂdisÂcio, en SomaÂlie. Mardi 16 avril, le tremÂbleÂment de terre le plus violent en Iran depuis 1957 frappe le sud-est du pays, faiÂsant plus de 30 morts au PakisÂtan voiÂsin ; le nombre de vicÂtimes iraÂniennes n’est pas encore connu. Tout cela, sans qu’aucun jourÂnaÂliste n’en fasse les gros titres, et sans que perÂsonne ne s’en attriste sur les réseaux sociaux. Et on pourÂrait mulÂtiÂplier les exemples, à l’image de l’ouragan Sandy, auquel une attenÂtion décuÂplée à été conféÂrée une fois le territoire améÂriÂcain touÂché, alors qu’il venait de ravaÂger les Caraïbes.
MalÂgré l’injustice criante de cette comÂpasÂsion sélecÂtive, l’attentat de BosÂton n’en demeure pas moins un vériÂtable drame, face auquel il est légiÂtime d’être bouÂleÂversé. Nous pourÂrions, devrions, touÂteÂfois en tirer des leçons. C’est préÂciÂséÂment cette empaÂthie intra-Occident qui pourÂrait serÂvir de point d’entrée à une empaÂthie plus large, plus juste. S’il est regretÂtable qu’il faille qu’un pays du Nord soit frappé pour que l’on s’émeuve dans les chauÂmières occiÂdenÂtales, cet élan comÂpasÂsionÂnel contient les germes d’une vériÂtable comÂmiÂséÂraÂtion humaÂniste, uniÂverÂselle et gloÂbale. Une fois la senÂsiÂbiÂlité éveillée, une fois la peine parÂtaÂgée, les soufÂfrances d’autrui, qui que ce soit, ne peuvent nous laisÂser indifÂféÂrents. Notre comÂpasÂsion ne devrait pas être sélective.
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-  Recherche effecÂtuée sur news.google.ch le 18 avril 2013, à 18 heures, en cochant la case moins d’une semaine. Quel que soit le moment exact de la recherche, la tenÂdance reste similaire. ↩
- L’inclusion, ou non, du s à bomÂbing et attenÂtat n’altère les résulÂtats que de manière insignifiante. ↩
Ce déséquilibre ne s’explique-t-il pas aussi et surtout par la différence de densité des moyens sociaux et médiatiques?
Quel est le nombre de médias et de réseaux disponible en Iran pour relayer le tremblement de terre? Même chose en Afrique, en Irak. Quand ces régions du globe auront autant de blogs, de forums, de radios et chaîne de télé, alors cela changera.
Le jour où les densités de moyens seront comparables alors nous pourrons faire des comparaisons et peut être découvririons-nous que selon les cultures, les civilisations le rapport à la mort, la violence, à la fatalité est différent.
Il existe encore une autre raison : le nombre d’attentat commis en territoire arabe les rend nettement moins intéressants car trop courants… Un peu comme si on relatait tous les accidents de voiture en Europe.
D’accord avec vous.
Cet article dénote un déni total des identités culturelles.
En fait la violence quotidienne en pays musulman navre, mais elle est considérée comme un triste aspect de la culture musulmane.
Qu’il s’agisse des attentats enter chiites et sunnites irakiens, ou de lapidations au Pakistan (80% des pakistanais sont pour la charia) .
Cette violence va gagner l’Occident à la faveur de l’islamisation, d’autant plus si on suppose qu’elle est effectivement ancrée dans les textes de référence, et que les musulmans occidentaux sont bien plus lettrés que ceux des pays musulmans actuels.
Le débat démocratique sera difficile à concilier avec les certitudes absolues que cette religion comporte dans tous les domaines – alors que dans notre culture chrétiennes elles ne touchent que la morale abstraite.
Et, bien entendu, chacun comprend bien que la violence des attentats islamistes n’est limitée que par les moyens techniques que leurs auteurs réussissent à mettre en oeuvre. Leur but est de causer un strict maximum de souffrance, sans égard pour leur propre vie.
Note: Respectueux de la liberté de conscience, je ne considère comme musulmans que ceux qui adhèrent réellement à l’islam de leur propre fait.
Le phénomène a son théorème : l’effet dramatique est le produit du nombre de victimes par le carré de la distance !
Un type écrasé au village = 10 types dans le pays = 100 types dans une région connue, ou 1.000 dans une “autre partie du monde”.
Le phénomène a son théorème : l’effet dramatique est le produit du nombre de victimes par le carré de la distance !
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Beau théorème, c’est juste bête que ce soit archi-faux. Les morts de Boston sont bien moins nombreux, plus loin de Paris et ont pourtant eu bien plus d’effet dramatique que ceux d’Iraq.
Nombre de victimes divisé par le carré de la distance, je pense que ça fonctionne mieux. Ajusté par un “facteur ethnique” (qui vaudrait 10 000 pour les USA, et 7 pour l’Irak, par exemple)
Tout aussi flippant que l’attentat à Boston, le couvre-feu total avec l’armée dans les rues et les maisons fouillées une par une sans que ça ne choque personne…
Ont-ils retrouvé le suspect? Oui et vite.
Qu’aurait-il fallu faire sinon?
De plus, l’armée n’était pas dans la rue. C’était les polices locales et le FBI.
Cela se passerait en France, on aurait la gendarmerie dans les rues (=armée) et “visitant” chaque maison pour questionner ses occupants (et ils/elles sont loin d’être timides…)
Mais ça s’est passé en France! AZF, ça ne vous dit rien? Et vous avez vu la gendarmerie passer Toulouse au peigne fin?
Lorsque quelqu’un de ma famille meurt, ça m’atteint beaucoup plus qu’un inconnu.
Ce n’est pas indécent.
Ensuite ça y va par “cercles”. Un très bon ami, un ami, l’ami d’un ami, un voisin “inconnu”, etc.
Or l’Américain est pour nous plus proche que l’Irakien.
Ca n’enlève rien à la valeur de la vie humaine. Mais pour nous cela a évidemment plus d’impact.
Cela n’a rien de choquant ni d’inhumain.
Les quelques Américains morts ne valent pas plus que les dizaines d’Irakiens ou Somaliens.
Mais comme je vous disais au début : la perte de votre mère aura éminemment plus d’importance pour vous que la perte de dizaines d’inconnus.
Vous ne faites qu’illustrer par vos propos ce que cet article dénote par l’expression de “biais culturel”.
Mais la question qui est ici soulevée est la suivante : sommes-nous réellement si proches des américains que cela justifie moralement une telle disparité dans notre compassion?
Il est bien évident que la perte d’être cher éveille une tristesse d’une profondeur difficilement comparable avec ce qu’on pourrait ressentir à la mort d’un inconnu. Mais est-il acceptable que ce même type de processus émotionnels produise une disparité dans notre compassion à l’égard des américains et des irakiens?
L’article y répond certainement par la négative, et il en va de même pour moi.
L’indignation sélective ne serait-elle aussi dans cette article? on n’a jamais autant parlé d’indignation à géométrie variable avec ce attentats de Boston en comparant avec des attentats en Irak ou des enfant mort par millier par an due au famine maladie etc…
Bizarrement on n’en parle presque pas de cette indignation sélective dans la blogosphère française lorsque des crimes mettant en cause des enfants saur territoire français. Tel les victimes de Merah. On se demande si les victimes de boston devraient finalement avoir moins d’importance que les victimes française d’attentats ou d’assassinats?
D.J
« La mort d’un homme est une tragédie. La mort d’un million d’hommes est une statistique. »
Joseph Staline
Je pensait au Bengladesh dont on ne rebat les oreilles…
Et le nombre de morts sur la route diminue : qu’en est-il des grans bléssées : ne faudrait-il pas avoir des chiffres globaux ? Peut-être serions nous surpris que l’ensemble des deux demeure stable, mais nous n’en savons rien.
On peut faire dire tout et son contraire à des pseudo-statistiques sorties de leurs contexte.
Je crois que l’auteur de l’article viens simplement de découvrir la relativité.
Donc, vous plaidez pour une *égalitaire* répartition de la compassion ? J’ai, il est vrai, assez de mal à voir le libéral en moi trouver de la proximité intellectuelle avec cette idée.
“Notre comÂpasÂsion ne devrait pas être sélective.”
La semaine dernière j’ai dépuceronné mes rosiers. Des centaines de pucerons cruellement écrasés, réduits en bouillie! (j’évite les insecticides, je les écrase entre le pouce et l’index). Le croiriez-vous, pas une ligne dans la presse, même dans le torchon local, pour fustiger cet inqualifiable génocide! Notre compassion est vraiment sélective.
Vous n’êtes sûrement pas aussi simple que vous ne le laissez paraître. Néanmoins, les Irakiens apprécieront tout de même l’analogie avec les pucerons. Aussi volontaire que soit l’absurdité de votre intervention, elle n’en cache pas moins un profond mépris de l’humanité de certains peuples.
Voici une vidéo relatant l’analyse d’un spécialiste en matière de terrorisme. Il a réellement une vue d’ensemble dans le domaine des manipulations secrètes car entre autres sujets corollaires, il décrit les récentes manipulations de la FED sur l’or, citant qu’à l’origine opère un gouvernement de l’ombre ” Shadow government ”
http://www.youtube.com/watch?
C’est une des 105 vidéos que nous avons sélectionné dans différents secteurs relatant la face cachée du mondialisme.
“Shadow government” ne signifie pas gouvernement de l’ombre. Shadow Chancellor of the Exchequer se traduit par Ministre des Finances de l’opposition, pas par Ministre des Finances de l’ombre.
De manière similaire, “shadow banking” ne signifie finance de l’ombre. C’est simplement le secteur financier non bancaire.