La France est classée au 44e rang du rapport Doing Business de la Banque mondiale, ce qui suffit à expliquer la récession.
Par Guy Sorman.
François Hollande, pas plus que les membres de son gouvernement et de leurs cabinets, n’ont la moindre expérience de l’entreprise. Ils n’en ont ni créé, ni géré. Cette inexpérience a des conséquences : ils ne comprennent pas pourquoi un entrepreneur crée une entreprise, la développe ou non, recrute ou pas ? S’ils avaient cette expérience ou s’informaient, ils retiendraient que la quête du profit, qui détermine la vision socialiste de l’économie, n’est pas le facteur décisif. L’entrepreneur est avant tout un passionné de l’innovation et il est déterminé par le long terme. Le flou dans lequel le gouvernement Hollande plonge les entrepreneurs, incertains des réglementations et des impôts à venir, est donc un frein considérable à la croissance. L’opposition de droite, guère plus expérimentée, n’évoque que l’impôt et le déficit budgétaire ; mais le niveau de l’impôt, s’il est stable et prévisible sans devenir confiscatoire, est un paramètre que l’on peut intégrer dans un compte d’exploitation. La volatilité ? Non.
Plus invisible que l’impôt et souvent plus coûteuse est la réglementation : les entreprises sont soumises à des milliers de règles plus ou moins farfelues, souvent sans rapport avec leur activité. Ces règles sont appliquées avec une grande latitude d’interprétation par des inspecteurs qui harcèlent les entreprises dans un climat de lutte des classes. Parmi les règles les plus dissuasives, le Code du travail et la quasi-impossibilité de licencier même pour faute : ne pas pouvoir licencier est la principale raison pour laquelle les entrepreneurs français ne recrutent pas. Les principales victimes sont les jeunes sans qualification particulière.
Tous ces freins sont recensés chaque année dans un rapport annuel de la Banque mondiale, intitulé Doing Business. Cette Banque qui ne sert à rien, et emploie dix mille fonctionnaires, pourrait produire ce rapport avec cinquante économistes et le rapport pourrait aussi être rédigé par un organisme plus léger. Mais ce rapport existe et sa méthodologie est peu contestable : il synthétise tout ce qui facilite ou pourrit la vie des entreprises, du temps nécessaire à la création d’une entreprise, à l’accès au crédit, ou à la protection de la propriété. Il en ressort que la France est 44e au classement, ce qui suffirait à soi seul à expliquer la récession et à justifier le « choc de simplification ». Mais Hollande, séduit par la formule (on avait entendu auparavant le « choc de la compétitivité » qui ne s’est traduit que par une augmentation de la TVA), n’a pas donné suite à sa propre déclaration : une intuition juste, une politique absente. On notera, sans surprise, que deux gouvernements font pression sur la Banque mondiale pour qu’elle cesse de publier ce rapport annuel : la France et la Chine, qui se trouve, elle, en fin de classement. En son temps, Nicolas Sarkozy avait tenté de remplacer l’index universellement admis de la mesure du PIB par un index du bonheur (comme le Bhoutan qui y a d’ailleurs renoncé).
On suggérera donc que tout ministre devrait effectuer un stage prolongé dans une PME pour découvrir que la réglementation, le harcèlement administratif, l’arbitraire dans l’application de ces règles, enfoncent la France dans la récession et le chômage. Le choc de la simplification serait donc plus nécessaire et concret que celui de la compétitivité, mais il n’aura pas lieu.
Ce qui pourrait provoquer un sursaut en France ne viendra que de l’extérieur. De même que notre appartenance à l’Union européenne et à l’euro nous protège d’un naufrage absolu et de l’hyperinflation, le jour – possible – où les marchés financiers cesseront de financer le déficit français à des taux ridiculement bas, le gouvernement devra sortir de sa torpeur intellectuelle. Sans catastrophe extérieure, pas de réforme à attendre : on regrette de devoir conclure ainsi mais puisque rien n’a été fait, ni compris depuis un an (Sarkozy n’avait pas fait grand chose non plus), l’optimisme exige, aujourd’hui, de compter sur le pire pour s’engager sur la voie du meilleur.
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Sur le web.
Le PIB est un indicateur qui ne vaut rien mais vouloir le remplacer par un truc de bonheur, éminemment subjectif, faut oser, surtout en France socialie ! Reprenez-moi si je me trompe, mais il me semble que le Bouthan n’est pas très loin du Boukistan ?
Le PIB marchand est le vrai PIB, le seul agrégat exprimant la création de valeur. En France, le PIB marchand par habitant corrigé de l’inflation est en 2011 au même niveau qu’au début des années 1990. C’est un peu comme si les évolutions économiques des dernières décennies (internet, mondialisation…), contrairement au nuage de Tchernobyl, s’étaient arrêtées aux frontières de la petite URSS française.
C’est Ségolène qui proposait cela en 2007 si je me rappelle bien. Critiquer le PIB est similaire à tuer le messager. On peut toujours chercher des indicateurs plus complexes et plus précis, mais des macros-indicateurs génériques ont toujours un intérêt.
« Le PIB est un indicateur qui ne vaut rien mais vouloir le remplacer par un truc de bonheur »
ben, ca fera un autre classement international où la France pourra finir lanterne rouge: on est un des pays les plus déprimés au monde…
Même Le Monde en parle:
http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/02/01/france-terre-de-deprime_1825980_3232.html
Je partage totalement votre conclusion: seule la catastrophe pourra forcer ce beau pays, dirigé par des crétins (tous bords confondus) à se réformer.
Bien entendu, il faut supprimer l’ENA. Mais en attendant cette souhaitable réforme, il faudrait remplacer le stage en préfectorale par un stage en PME. D’un an au moins, de façon que nos politiciens voient à quoi resemble la vraie vie. Ils en ont tous besoin.
Patience, la catastrophe se rapproche 🙂
Le jour ou les taux d’emprunt Français décrochent, on va bien rigoler.
La réglementation hystérique ne « pourrit » pas la vie qu’aux entreprises: elle décourage toute initiative d’où quelle vienne. Notamment celles des artisans, indépendants et des citoyens qui voudraient faire appel à leurs services.
En effet, pour reprendre l’expression d’Alain Madelin, avant de pouvoir remonter, il va falloir toucher le fond de la piscine. Le problème c’est qu’on est en France, et avec la tradition d’instabilité politique qui est la notre depuis la révolution, toucher le fond de la piscine pourrait très mal se terminer.
Et de trois, cette note-là m’avait échappé … Donc Paris rétrograde dans le classement des ville touristiques :
http://jacqueshenry.wordpress.com/2013/05/28/paris-nest-plus-que-la-4e-ville-la-plus-visitee/
elle rétrograde au niveau du Malawi pour la qualité de vie générale, tous paramètres confondus :
http://jacqueshenry.wordpress.com/2013/06/12/la-france-retrograde-a-vive-allure-dans-tous-les-domaines/
Reste la dégradation de la note de la dette française (et de l’économie en général) par les agences de notation, mais ça ne saurait tarder, peut-être bien le 15 août, c’est une date opportune.
Les français ont voulu une société bureaucratique, ils l’ont et profond….