Ces retraites qui nous opposent

Le fondement même du système des retraites repose sur l’antagonisme des intérêts.

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Ces retraites qui nous opposent

Publié le 13 juin 2013
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Le fondement même du système des retraites par répartition repose sur l’antagonisme des intérêts.

Par l’auteur du site Bobo Libéral.

Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales.

Voilà ! À nouveau l’actualité est gouvernée par la réforme du système de retraite. Épisode habituel de notre social-démocratie qui la rythme comme un tour de France ou un Open de Roland Garros. Et comme toujours, nous sommes abreuvés des mêmes rengaines sur la nécessité impérieuse de réformer notre système pour assurer la solidarité de notre nation, sans quoi ce serait l’apocalypse. Et comme toujours, c’est promis, ce sera l’ultime réforme qui nous assurera des lendemains heureux… jusqu’à la prochaine saison, sans quoi on s’ennuierait.

Et Marisol Touraine, en charge de ce dossier épineux, d’entrée de jeu, ne fait pas dans la langue de bois. Elle prévient à tous que «des efforts seront nécessaires et chacun devra y participer», et que dans ce contexte douloureux «n’opposons pas les uns aux autres».

La première remarque est véridique, car pour sauver le puits sans fond de notre système de retraite c’est un euphémisme que d’exiger des efforts pour sauver ce qui ne peut l’être et comme de toute façon il est obligatoire de cotiser à la Sécurité Sociale, tout le monde devra y participer, comme si on avait le choix…

Par contre la deuxième remarque, un classique au demeurant, est fausse; c’est même l’exact opposé. Car il est vain d’essayer dans ce système de répartition de ne pas opposer les uns aux autres : car son génotype est en fait d’opposer les uns aux autres.

Le fondement même de ce système repose sur l’antagonisme des intérêts. Son financement, sa mécanique, sa nature se fondent sur le fait que chacun vit aux dépens des autres. Les avantages des uns se font au détriment des autres. Toutes les discussions auxquelles ces fameux partenaires sociaux participent vont consister tout bonnement à savoir qui va payer pour l’autre. Cela n’est évidemment pas explicité dans ces termes crus, le système serait invendable et rejeté par tous. Cette réalité est masquée sous un fatras de logorrhées sociales où l’on parle de concertation sociale, de round de négociation sociale, de refondation du pacte social et j’en passe, pour masquer platement un brutal rapport de force. En ne perdant jamais de vue la solidarité de ce système comme socle fondamental de notre patrie, histoire de ne pas se sentir coupable de duper son partenaire.

Le plus souvent, comme chacun des groupes n’est pas en mesure de payer quoi que ce soit ou plus qu’il ne peut le faire, on reporte le problème à une autre échéance par de l’endettement. C’est en somme faire payer les générations qui ne sont pas encore là pour défendre leur pré-carré. C’est ce qu’on appelle avoir une vision à long terme et faire jouer la fameuse solidarité entre les générations.

Ce constat m’évoque la formule d’Adam Smith sur la concordance des intérêts personnels, qui malheureusement a été galvaudée et incomprise. La poursuite de l’intérêt personnel au profit de celui général ne peut se faire que dans le cadre d’un marché libre, et uniquement dans ce cadre. Et cela a pour condition le respect des droits de propriété privée ; c’est-à-dire du principe de non-agression.

Un individu, pour bénéficier du bien des autres en dehors des dons, doit l’échanger contre un bien ou un service qu’il a produit lui-même. L’individu A produit la nourriture qu’il échange avec les habits produits par l’individu B. Chacun voit ses besoins satisfaits. Les intérêts se concordent. Il y a deux gagnants, chacun s’efforçant de produire ce qui pourrait intéresser l’autre, dans le but de recevoir une chose qui répond à ses propres intérêts.

Cela n’exclut pas le fait que l’individu A gagnerait peut-être plus à voler B qu’à produire une chose qui intéresserait B. Il lui coûterait moins en temps et en ressource à voler qu’à produire. Mais dans ce cas, les gains de A se feraient aux dépens de B. Il y aurait antagonisme des intérêts et émergence d’une situation conflictuelle.

Quand cette dernière est reconnue comme telle, on demande justice et réparation. Mais quand elle est institutionnalisée et reconnue à tort comme légitime, elle établit un régime de guerre sociale à minima, de basse intensité, qui garde un aspect de civilité et d’ordre, mais dont les fondations sont immanquablement fragiles, et toujours sur le point de s’effondrer.

C’est le cas pour notre système de protection sociale où les intérêts sont par nature en opposition. Ces négociations ne sont rien d’autres qu’une forme raffinée et évoluée de guerre civile, où un groupe tente de s’octroyer des privilèges aux dépens d’un autre.

Il est inéluctable que, dans ces conditions, on ait tendance de façon quasi intuitive à vouloir opposer les uns aux autres dans ces soi-disant discussions. Et l’avertissement de Marisol Touraine ne fait que confirmer cette réalité.

Mais il y a un moyen d’harmoniser les intérêts et de les rendre complémentaires. Ce serait de sortir de ce système. Par le biais du MLPS et de Claude Reichman, en faisant jouer certaines dispositions européennes non respectées en France. Il serait alors possible pour tout un chacun de cotiser dans des assurances vies privées ou des plans épargnes retraites privées. Ce serait autant de retraites sauvées, d’épargnes constituées qui serviraient à l’investissement, et de moyens libérés pour la consommation, sans que cela se fasse au détriment des salaires et des revenus des indépendants.

Et sans que cela soit dommageable pour nos politiques aussi. Au contraire ils se délesteraient d’un fardeau dont ils n’auraient plus la charge.

Imaginez un instant !

Plus d’interminables discussions entre partenaires sociaux autour d’une table jusqu’à 6h du mat’, plus d’hermétiques débats à la télé entre économistes sur les différents leviers pour sauver les retraites (durée de cotisations ou niveau de cotisations), plus de manifestations de syndicats, plus de lutte des classes, plus rien de tout ça. D’un coup tout cela s’évanouirait ! Ce spectacle pathétique, cette farce sociétale, cette mascarade sociale à laquelle on a droit cycliquement, et dont on connait d’avance l’issue (l’échec), n’auraient plus lieu.

Autant de migraines en moins chez nos politiques pour un problème dont ils ne voient aucune issue favorable dans un avenir désormais très court. Aussi bien eux que les assujettis sociaux seraient gagnants. De quoi satisfaire les intérêts de tous.

Et pour le coup, dans un tel système il sera légitime de mépriser ceux qui voudront opposer les uns aux autres.


Sur le web.

Lire aussi : Retraites : pourquoi la jeunesse devrait se révolter

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  • A ma connaissance il n’y a pas en France UN (1) système de retraite.
    Ce singulier me semble bien singulier.
    Les pensions de retraites des fonctionnaires, qui sont déterminées sur éléments, très favorables sont elles provisionnées par l’Etat ? A quelle hauteur ? Sont-elles hors bilan ?

    • il y a bien un système de retraite, lui même composé de plusieurs (sous-)systèmes ayant leur propre complexité.
      Les pensions de retraites des fonctionnaires, par exemple, ce n’est pas un seul système non plus.
      la fonction publique territoriale fonctionne comme le privé : par répartition, avec une caisse (la CNRACL) qui reçoit les cotisations et verse les pensions.
      la fonction publique d’état n’a pas de caisse propre, mais un « compte d’affectation spécial » au sein du budget de l’état, pour fonctionner en pseudo-répartition. Il y a une évaluation de ce que ça représente, c’est « hors bilan », il y en a pour 1679 milliards, et on en parlait un peu partout :
      google : cour des comptes retraite « hors bilan »

      • @p, système étant un mot valise par excellence on peut lui faire dire n’importe quoi.
        Je ne vois pas en quoi la retraite du privé est un sous-système d’une système plus général.
        Je ne vois pas en quoi, non plus, il y a répartition dans le fait que l’état verse les pensions à ses ex-fonctionnaires, sauf à croire (encore) que la répartition est payée par les autres.
        Bien sur que c’est hors bilan, bien sur que tout le monde le sait, bien sur aussi que tout le monde l’ignore.

    •  » Les pensions de retraites des fonctionnaires, qui sont déterminées sur éléments, très favorables sont elles provisionnées par l’Etat ? A quelle hauteur ? Sont-elles hors bilan ? ».

      Les pensions de retraite des fonctionnaires ne font pas partie du régime général des retraites en France car les fonctionnaires « ne partent jamais en retraite ».
      Peu de gens le savent mais c’est ainsi.
      On comprendra toute la duplicité qui existe .dans leur statut qui considère qu’ils sont simplement « mis en disponibilité  » en fin de carrière, mais susceptibles d’être rappelés, à tout moment, pour « être remis au service de l’Etat ».
      Jouant de cette ambiguité, les fonctionnaires bénéficient donc d’un salaire de substitution, assez peu inférieur au salaire qu’ils avaient en activité; et qu’ils justifient par l’éventualité d’être obligés de reprendre du service, au cas où l’Etat le leur redemanderait

      • @ vieux-bourg,
        la démocratie étant la loi du plus grand nombre je suggère que :
        – les retraités-fonctionnaires soient interdits de prendre leurs retraites à l’étranger au titre qu’ils sont en disponibilité et susceptibles d’être rappelés à tous moments.
        – que leur pensions de retraite soient calibrées sur la totalité des durées de leurs carrières.
        – Qu’on interdise aux fonctionnaires de voter pour leurs employeurs.
        – Qu’on réduise le nombre des fonctionnaires.
        – Qu’on ne leur demande surtout pas de revenir au service de l’Etat vu son état, ou plutôt qu’on leur impose de ne pas revenir au service de l’Etat, mesure symbolique en forme de pied-de-nez ou de doigts-d’honneur, selon l’égout (sic)

  • La première iniquité en matière de retraite’, (se reporter au vieux « TOUJOURS PLUS » de François De Closet) c’est l’emploi à vie pour les fonctionnaires et la promotion à l’ascenseur.
    En quoi serait-il immoral, condamnable, anormal que les fonctionnaires soient licenciables ?

  • Les fonctionnaires, tous futurs retraités, votent pour leurs employeurs, lesquels ne se soucient pas du versement, à terme, des pensions de retraites. Tout ce petit monde tire à gauche.

  • très bel article, merci.

  • L’homme a toujours veillé à assurer ses vieux jours. La première formule consistait à faire beaucoup d ‘enfants, qui arriveraient bien à faire vivre leurs vieux à frais partagés (c’est toujours comme cela dans de nombreux pays moins socialement généreux). Il y avait aussi la petite épargne, la maison, quelques arpents de terre, quelques Louis d’or sous le pommier …

    Les apprentis sorciers ont voulu faire de ce mécanisme de prévoyance naturel un « droit » qui offre l’avantage d’employer un tas de fonctionnaires, d’asservir les gens (risque de perdre sa pension), qui coûte fort cher aux bénéficiaires, etc.

    Renvoyer les pensions aux initiatives privées, cela mettrait une foule de fonctionnaires en rade, et laisserait les alloctaires sur les bras de l’Etat. Impensable !

    Or, les fonctionnaires libérés retrouveraient vite de l’emploi dans les assurances groupes, et leurs salaires feraient la joie de retraités impécunieux.

    Mais on ne touche pas aux niches étatiques, ni à la puissance de Big Brother, et si le système doit couler, coulons tous ensemble !

  • Contrairement à la légende urbaine bien établie, ce n’est pas le Conseil National de la Résistance qui a mis en place ce système de retraite, mais le gouvernement Pétain, par l’intermédiaire du secrétaire d’état du travail (socialiste) Belin le 14 mars 1941* :
     »
    Loi du 14 mars 1941 relative à l’allocation aux vieux travailleurs salariés

    Nous, Maréchal de France, chef de l’Etat français,
    Le conseil des ministres entendu,

    Décrétons :
    […]
    Article 9

    § 1er – Les retraites et pensions de vieillesse des assurances sociales sont constituées sous le régime de la répartition.

    § 2 – A dater du 1er janvier 1941 les dispositions de l’article 11 (§ 2) du décret-loi du 28 octobre 1935 et de l’article 8 (§ 1er) du décret-loi du 30 octobre 1935 cessent d’être applicables.
    […] « .

    Le CNR n’a fait qu’entériner les lois prises par leur prédécesseurs (socialistes comme eux).

    * http://www.legislation.cnav.fr/textes/loi/TLR-LOI_14031941.htm

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