Que sont les harmonies naturelles chères à Frédéric Bastiat ?

Les intérêts humains sont-ils naturellement harmoniques ou antagoniques ? Une grande question à laquelle Frédéric Bastiat tentât de répondre.

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Frédéric Bastiat

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Que sont les harmonies naturelles chères à Frédéric Bastiat ?

Publié le 17 juin 2013
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Les intérêts humains sont-ils naturellement harmoniques ou antagoniques ? Une grande question à laquelle Frédéric Bastiat tentât de répondre.

Par Damien Theillier.

Livrés à eux-mêmes, les intérêts humains sont-ils harmoniques ou antagoniques ? Telle est la grande question qui sous-tend l’analyse des sociétés.

Il existe deux sortes d’harmonies selon Bastiat :

  • celle qui est imposée d’en haut par des législateurs omniscients : c’est l’harmonie construite, c’est l’harmonie forcée.
  • celle qui résulte de l’action volontaire des hommes sur un marché libre : c’est l’harmonie naturelle.

La première relève de l’ingénierie sociale, de l’organisation scientifique de la société, de la planification comme le dira plus tard Hayek. Elle part du principe faux que l’humanité tend vers la dégradation et le mal. C’est la théorie des antagonismes : l’humanité est traversée par des tendances perverses qui la conduisent au désordre et à l’anarchie. Paradoxalement, cette école n’est pas pessimiste mais au contraire optimiste. Elle croit qu’on peut redresser l’humanité par un traitement de choc : le contrat social. Elle a une confiance absolue dans le politique. Elle repose en outre sur un postulat épistémologique : la capacité par l’esprit humain d’une maîtrise rationnelle de l’ensemble des données économiques et sociales.

La seconde relève de l’humilité et de la conscience de nos limites. Elle suppose que la raison n’est pas en mesure de tout connaître et de tout contrôler. Elle suppose qu’un ordre auto-organisé peut surgir de la libre coopération des hommes dans le cadre de certaines règles de droit (en particulier le droit de propriété) de principes éthiques (la responsabilité individuelle) et politiques (la primauté de l’initiative privée sur l’action publique).

On le voit, l’optimisme de Bastiat est conditionnel. Il est conditionné par la conscience des limites de la connaissance humaine et par l’hypothèse de la responsabilité sans laquelle la liberté n’est qu’un vain mot.

L’utopie véritable est donc l’utopie d’une société parfaite, rationnellement dirigée et organisée par des législateurs et des bureaucrates.

Lisons Bastiat :

La dissidence profonde, irréconciliable sur ce point entre les socialistes et les économistes, consiste en ceci : les socialistes croient à l’antagonisme essentiel des intérêts. Les économistes croient à l’harmonie naturelle, ou plutôt à l’harmonisation nécessaire et progressive des intérêts. Tout est là.

Partant de cette donnée que les intérêts sont naturellement antagoniques, les socialistes sont conduits, par la force de la logique, à chercher pour les intérêts une organisation artificielle, ou même à étouffer, s’ils le peuvent, dans le cÅ“ur de l’homme, le sentiment de l’intérêt. C’est ce qu’ils ont essayé au Luxembourg. Mais s’ils sont assez fous, ils ne sont pas assez forts, et il va sans dire qu’après avoir déclamé, dans leurs livres, contre l’individualisme, ils vendent leurs livres et se conduisent absolument comme le vulgaire dans le train ordinaire de la vie.

Ah ! sans doute, si les intérêts sont naturellement antagoniques, il faut fouler aux pieds la justice, la liberté, l’égalité devant la loi. Il faut refaire le monde, ou comme ils disent, reconstituer la société sur un des plans nombreux qu’ils ne cessent d’inventer. À l’intérêt, principe désorganisateur, il faut substituer le dévouement légal, imposé, involontaire, forcé, en un mot la spoliation organisée ; et comme ce nouveau principe ne peut que soulever des répugnances et des résistances infinies, on essaiera d’abord de le faire accepter sous le nom menteur de fraternité, après quoi on invoquera la loi, qui est la force.

Mais si la providence ne s’est pas trompée, si elle a arrangé les choses de telle sorte que les intérêts, sous la loi de justice, arrivent naturellement aux combinaisons les plus harmoniques ; si, selon l’expression de monsieur de Lamartine, ils se font par la liberté une justice que l’arbitraire ne peut leur faire ; si l’égalité des droits est l’acheminement le plus certain, le plus direct vers l’égalité de fait, oh ! alors, nous pouvons ne demander à la loi que justice, liberté, égalité, comme on ne demande que l’éloignement des obstacles pour que chacune des gouttes d’eau qui forment l’Océan prenne son niveau.

Et c’est là la conclusion à laquelle arrive l’économie politique. Cette conclusion, elle ne la cherche pas, elle la trouve ; mais elle se réjouit de la trouver ; car enfin, n’est-ce pas une vive satisfaction pour l’esprit que de voir l’harmonie dans la liberté, quand d’autres sont réduits à la demander à l’arbitraire ?

[…]

Supposons qu’un professeur de chimie vienne dire : « Le monde est menacé d’une grande catastrophe ; Dieu n’a pas bien pris ses précautions. J’ai analysé l’air qui s’échappe des poumons humains, et j’ai reconnu qu’il n’était plus propre à la respiration en sorte qu’en calculant le volume de l’atmosphère, je puis prédire le jour où il sera vicié tout entier, et où l’humanité périra par la phtisie, à moins qu’elle n’adopte un mode de respiration artificielle de mon invention. »
Un autre professeur se présente et dit : « Non, l’humanité ne périra pas ainsi. Il est vrai que l’air qui a servi à la vie animale est vicié pour cette fin ; mais il est propre à la vie végétale, et celui qu’exhalent les végétaux est favorable à la respiration de l’homme. Une étude incomplète avait induit à penser que Dieu s’était trompé, une recherche plus exacte montre qu’il a mis l’harmonie dans ses Å“uvres. Les hommes peuvent continuer à respirer comme la nature l’a voulu. »
Que dirait-on si le premier professeur accablait le second d’injures, en disant : « Vous êtes un chimiste au cÅ“ur dur, sec et froid, vous prêchez l’horrible laisser-faire, vous n’aimez pas l’humanité puisque vous démontrez l’inutilité de mon appareil respiratoire ? »

Voilà toute notre querelle avec les socialistes. Les uns et les autres nous voulons l’harmonie. Ils la cherchent dans les combinaisons innombrables qu’ils veulent que la loi impose aux hommes ; nous la trouvons dans la nature des hommes et des choses.

Si l’économie politique arrive à reconnaître l’harmonie des intérêts, c’est qu’elle ne s’arrête pas, comme le socialisme, aux conséquences immédiates des phénomènes, mais qu’elle va jusqu’aux effets ultérieurs et définitifs. C’est là tout le secret. Les deux écoles différent exactement comme les deux chimistes dont je viens de parler. L’une voit la partie, et l’autre l’ensemble. Par exemple, quand les socialistes voudront se donner la peine de suivre jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’au consommateur, au lieu de s’arrêter au producteur, les effets de la concurrence, ils verront qu’elle est le plus puissant agent égalitaire et progressif, qu’elle se fasse à l’intérieur ou qu’elle vienne du dehors.

Et c’est parce que l’économie politique trouve, dans cet effet définitif, ce qui constitue l’harmonie, qu’elle dit : « Dans mon domaine, il y a beaucoup à apprendre et peu à faire. Beaucoup à apprendre, puisque l’enchaînement des effets ne peut être suivi qu’avec une grande application ; peu à faire, puisque de l’effet définitif sort l’harmonie du phénomène tout entier. » (Justice et fraternité).

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  • Si le nombre de pauvres s’est réduit de 50 % dans le monde, ce n’est pas la faute des gauchistes dirigistes 🙂

  • bonjour
    votre introduction est fausse
    bastiat ne dit pas qu’il y a a deux sortes d’harmonie
    mais 2 formes de gouvernance , l’une coercitive , structuré et collective, exercé par une « elite »
    l’autre liberale où les echanges libres de services , la responsabilité individuelle et le respect de la propriete individuelle permet la formation d’une harmonie economique dont les piliers sont, je pense ,l’interet personnel , l’experience et la concurence.
    Ce qui explique que je ne sois pas d’accord avec la suite de votre articles

    • Je pense qu’il faut faire appel à la notion d’honnêteté pour définir sous quelles réserve l’échange conduit à la prospérité générale.

  • Encore une anlayse, prônant le le travail de l’un des derniers prix nobles, qui permettait de réfuter le postulat qui voudrait l’esprit humain « capable d’une maîtrise rationnelle de l’ensemble des données économiques et sociales »: http://www.economist.com/news/finance-and-economics/21576645-nobel-prizewinner-argues-overhaul-theory-consumer-choice

    Ainsi, considérer l’irrationalité de l’esprit humain, c ‘est aussi porter davantage d’attention à la psychologie, les neurosciences, et l’anthropologie. Tenir compte de cette irrationalité tenderait donc d’autant à rendre impossible toute planification étatique, et la considérer comme un élément incontrôlable, mais néanmoins naturellement régulateur (ie aversion irrationelle au risque), du marché.

  • « ne grande question à laquelle Frédéric Bastiat tentât de répondre. »
    Tenta, pas tentât (pas de subjonctif).

    Le socialisme, optimiste ? Misanthrope et utopiste, plutôt.

    Le libéralisme s’inscrit dans l’idée qu’il est possible de compter sur l’honnêteté des individus, c’est-à-dire le respect des personnes, de leur propriété, et la sincérité dans les échanges.

    Mais il y faut une autorité morale car, comme le souligne Philippe Nemo, la pulsion primitive est grégaire et non individualiste.

    Le socialisme est donc une régression intellectuelle et morale, exploitant paradoxalement le progrès de la science pour remettre en cause les progrès moraux qui avaient permis le libéralisme … et les progrès de la science.

    Les contradictions du socialisme (son obscurantisme qui s’affirme esprit critique, son ordre moral qui se prétend laïcité…) le condamnent, la grande question étant de savoir s’il restera de quoi reconstruire ou si la destruction financière, intellectuelle et morale sera telle qu’il faille émigrer.

  • Bastiat, le plus grand 🙂 fierté nationale,
    que moins d’1% des français connaissent, évidemment.

  • Bel article. Cependant il me semble que d’autres ont fait plus court et plus imagé. J’en veux pour preuve la lettre de Mme Lagarde à N. Sarkosy. Lettre qui fut récupérée lors d’une récente perquisition et qui vient d’être rendue publique. Là l’harmonie se veut naturelle, l’allégeance au monarque en quelque sorte. Édifiant! http://0z.fr/1BcxG

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