La démocratie centralisée est un système fondamentalement vicié, dont découlent des dépenses irresponsables et une place toujours plus envahissante de l’Etat. Frank Karsten sera à Paris le 28 juin pour en débattre à l’Institut Coppet.
Par Frank Karsten, Laissez Faire Books, 10 juin 2013
Traduction et publication originale par l’Institut Coppet.
Comme les États-Unis, beaucoup de pays démocratiques souffrent d’un taux de chômage incessamment élevé, d’une dette publique mirobolante et d’une profonde dépression économique. Tandis que beaucoup accusent les politiciens de leurs maux, pratiquement personne ne met en cause le système démocratique. Néanmoins, si vous y pensez, il apparaît clair que c’est la nature collectiviste de la démocratie qui nous a conduit à ce désastre.
Durant les 150 dernières années, les dettes publiques ont inexorablement augmenté. Pendant cette période, les dépenses des gouvernements sont passées de 12% du PIB à un colossal 47%, dans les plus grands États occidentaux.
Dans le même temps, le code de réglementation fédéral des États-Unis a gonflé jusqu’à devenir énorme, passant d’un volume à pas moins de 200. Cela démontre que l’ingérence de l’État dans les vies privées des individus a sans cesse augmenté et que la démocratie est un danger pour la liberté.
Ces tendances ne sont pas des coïncidences. Elles sont les conséquences logiques de principes et de dynamiques initiées par le système démocratique. En démocratie, les hommes politiques sont largement incités à laisser croître dettes et taxes. Après tout, ils sont au pouvoir pour un court laps de temps et, par conséquent, ils se comportent comme des locataires à courte vue plus que comme des responsables ou des propriétaires décidant de leur avenir.
Quand ils dépensent trop, empruntent à tout-va ou font tourner la planche à billets, ce sont leurs successeurs qui devront en gérer les conséquences négatives, et qui subiront ces mêmes effets pervers. Malgré les rhétoriques d’austérité, les dettes publiques ne cessent de croître dans la plupart des pays démocratiques. « L’austérité » est en fait un code pour dire : « nous dépensons moins que ce que nous avions voulu, mais plus que par le passé ». Et finalement, ils décident d’augmenter impôts et taxes plutôt que de diminuer les dépenses pour réduire les déficits.
Une démocratie est comparable à un dîner dans un restaurant avec un groupe de personnes ayant préalablement décidé de diviser l’addition en parts égales. Imaginez que si vous commandez de ce délicieux dessert à 10€, vous ne payez seulement qu’une fraction de celui-ci et les autres règlent le reste. Dès lors, chacun mangera et boira plus qu’il n’aurait pu se permettre si il avait réglé lui-même sa propre addition.
Le résultat en est une addition totale bien plus élevée – et personne ne sera en mesure de faire quelque chose.
En démocratie, les électeurs ont la chance de faire porter leurs désirs personnels sur les épaules de la collectivité. Les assistés sociaux demandent des prestations sociales plus élevées, les parents veulent une éducation gratuite et le lobby des agriculteurs des subventions plus généreuses, et ainsi de suite. Chacun s’efforce de vivre aux dépens des autres, mais au final, presque tous y perdent, comme les compagnons de dîner de notre exemple.
Ainsi, l’homme politique qui promet le plus – qu’importe si c’est réaliste – remporte généralement l’élection.
Si la démocratie est construite d’incitations perverses de la sorte, quelle en serait l’alternative ? Les gens tendent à croire que la seule alternative à la démocratie est la dictature. Ils assimilent généralement démocratie et liberté, mais c’est un non-sens.
La démocratie est dirigée par « le peuple », ou plus exactement la majorité. L’alternative logique au règne de la majorité, c’est la souveraineté de l’individu. En d’autres termes, la liberté. Plutôt qu’un gouvernement qui dépense sans compter les recettes des impôts et prend des décisions à la place des personnes, les individus pourraient dépenser leur propre argent et prendre leur propre décision.
La démocratie est une forme de collectivisme dans lequel l’individu est soumis aux volontés collectives. C’est un système à taille unique ne correspondant à personne, dans lequel des milliards de choix individuels sont réduits à un petit nombre de décisions coercitives prises par les politiciens.
Une bien meilleure alternative à un système si centralisé serait d’avoir une multitude de systèmes décentralisés. Cela créerait une sorte de marché de la gouvernance, sur lequel les nouveaux types de gouvernements pourraient être essayés et testés.
Revenons à notre exemple du dîner : si les clients pouvaient choisir différentes tables sur lesquelles diviser l’addition, ils sentiraient beaucoup plus les effets négatifs du coût de leur dîner – relativement aux autres tables. Dès lors, le mécanisme de compte-rendu fonctionnerait bien mieux. Les tables entreraient en concurrence les unes avec les autres, de sorte que les plus irresponsables et dispendieuses seraient rapidement désertées. Ainsi, décentralisation et concurrence favoriseraient les comportements responsables.
Dans le système démocratique des États-Unis, un État ou un groupe peuvent se permettre de vivre aux dépens des autres. Dans l’Union Européenne (UE), un État peut charger les autres de sa dette et les pays les plus frugales ne peuvent s’en échapper.
Mais la Suisse – géographiquement positionnée au centre de l’UE – n’a jamais pris part à cette folie collectiviste et ne souffre que peu de la crise économique (son taux de chômage actuel est d’un modeste 3,1%). Le pays doit vivre par ses propres moyens, et surtout, les autres États ne peuvent pas dépenser l’argent des Suisses et vivre à leurs dépens.
La démocratie suisse est elle-même extrêmement décentralisée. Elle s’organise en 26 cantons, qui comptent environ chacun 300 000 habitants. Ces cantons jouissent d’une remarquable autonomie, et ils se concurrencent en matière de taxes, de réglementations, de santé et d’éducation. Grâce à cette concurrence, les individus et leurs entreprises ne votent pas seulement avec leurs bulletins, mais aussi avec leurs pieds. Cela encourage une gouvernance sensible et appliquée, qui a conduit à la prospérité et la stabilité sociale de la Suisse.
De plus, la Suisse est – au niveau fédéral, cantonal et municipal – une démocratie directe par certains de ses aspects. On pourrait, par conséquent, nous opposer que ce pays alpin offre un argument de plus en faveur de la démocratie ; néanmoins, son succès semble plus tenir de ses structures décentralisées composées d’unités relativement petites.
En terme de gouvernance, « small is beautiful ». Des 20 régions les plus prospères au monde, la plupart d’entre elles ont moins de 8 millions d’habitants. Grand nombre d’entre elles, comme Singapour, Hong-Kong, le Liechtenstein et Monaco, ne sont pas des démocraties libérales typiques.
La crise économique actuelle ne peut pas se résoudre par davantage de démocratie, de centralisation et d’ingérence gouvernementale. Il n’y a aujourd’hui que 200 États pour 7 milliards d’individus. C’est bien trop peu. Nous avons besoin d’un meilleur marché de la gouvernance, à l’intérieur duquel plus de pays se concurrencent pour attirer populations et entreprises. Cela fera baisser les taxes, les impôts, et favorisera croissance économique et stabilité sociale.
La démocratie est viciée parce qu’elle est un système collectiviste, tout comme le socialisme et le fascisme l’étaient. Nous devons la désagréger afin de la réparer.
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Il est évident que les empires se sont tous disloqués, effondrés sous leur propre poids et que l’ONU voit le nombre de ses états membres augmenter sans cesse suite aux partitions.
En effet, les « gouvernances mondiales » de style Attali, ne sont pas à taille humaine, et sont inadaptées à l’Homme. Plus la taille des pays est petite et plus chacun peut faire entendre sa voix et sa particularité sans etre noyé dans la masse.
Cependant, il me semble que ce n’est pas la démocratie en elle-meme qui est à remettre en cause mais la manière dont elle est appliquée. Il faudrait des petites structures à taille humaine afin que la démocratie directe puisse fonctionner en équilibrant les droits, les devoirs et les bienfaits de tous.
Oui je suis d’accord.
Je crains fort que malgré ses qualités notables ce livre pêche par méconnaissance de ce qu’est la démocratie. Puisque ce n’est pas la démocratie qui est réellement visé mais nos modèles d’états providence
Justement non. La démocratie n’est pas un socle vide prêt à accueillir n’importe quelle politique. C’est un socle étatiste et collectiviste. On ne sortira pas de ce modèle « état nounou » dans la démocratie actuelle.
La coïncidence veut que j’aie sous les yeux un ouvrage 2004 (Jacques Julliard; ex-Nouvel Obs) :
« Que sont les grands hommes devenus » (…) éd. Saint-Simon
Ouvrage où l’auteur disserté à propos de démocratie et des errements de ses mécanismes au long des époques FR.
Durant des rencontres « élites » et citoyennes tenues hier à Bruxelles, Eric Zemmour répondit très franchement à des questions relatives à ces mêmes thèmes et les distorsions de gouvernance dans un contexte Union (sic) européenne. Peut-on deviner qu’il ne fut pas tendre à l’égard de nos dirigeants et leurs bureaucrates ? Pas plus d’ailleurs qu’envers les médias serviles que nous connaissons tous. Ces acolytes opaques ont fait d’une Nation (jadis dite des Lumières) un pays mentalement dévasté. Pays au sein duquel la lucidité est absente chez 51 % au moins des électeurs … Pauvre hexagonale !
En vous lisant, j’hésite entre fou-rire et consternation…
Ici on argumente, on est pas à la fête de l’huma….
Très intéressant.
En effet la solution passe par la restriction absolue des pouvoirs des politiques et de l’Etat en général.
Il faut également en finir avec ce système où l’élection au suffrage universel (même par une minorité de la population) donne un blanc sein total pour la durée du mandat. Celà ressemble bcq trop au pouvoir de la royauté s’appuyant sur la filiation divine.On le constate dans toute les dérives de nos gouvernants. Une fois élu ils peuvent tout se permettre, légitimés qu’ils sont par l’élection populaire.
Enfin il faut en finir avec cet Etat et ce pouvoir centralisé.
Cdlt
Le vice, c’est d’abord d’appeler « démocratie » des machins qui n’en ont a peut près aucun des caractères.
Cela étant, quelque soit les mots utilisés, évidement que la décentralisation maximale est souhaitable.
Avant toute chose il faut que les droits naturel des individus soit établi comme supérieur à tous les pouvoirs afférant aux régime politique. Ceci fait n’importe quel type de régime est viable (démocratie, monarchie,même tyrannie…)
Les critiques de la démocratie ne datent pas d’hier. Les premières furent le fait de ceux qui avaient inventé le concept et le mot: les grecs du IVème siècle avant JC.
Quel fut le raisonnement de Platon et, dans une moindre mesure, d’Aristote? Il part du constat que la majorité du peuple est bête et ignare. Donc pour être élu, il faut plaire à cette majorité bête et ignare. Le moyen de plaire à cette majorité s’appelle donc la démagogie (encore une mot grec). La démagogie est donc la soeur jumelle de la démocratie. De plus, comme la majorité du peuple est pauvre, elle usera de son pouvoir majoritaire pour tenter de voler l’argent des riches (pour faire simple).
Bien que ces arguments aient été écrits il y a presque 2500 ans, cela ne vous rappelle rien sur ce qui se passe aujourd’hui?
Le gros problème est que les autres systèmes ont aussi leurs vices cachés. Mais ceux de la démocratie sont évidents et s’étalent tous les jours devant nos yeux.
Pourquoi ne pas essayer autre chose, au moins pendant un certain temps?
Il faut qu’on arrête de confondre la démocratie (= tirage au sort) avec la république (= élection).
La démocratie n’implique pas une étatisation à outrance.
Lorsque l’on enlève toute responsabilité à l’individu, il ne réfléchi plus il fonctionne.
Je pense comme vous
Un rapport de 2003 de l’Organisation des Etats Américains (OAS) affirmait que dans la seule région bananière d’Urabá, l’AUC a tué 3 778 personnes et forcé 60 000 paysans à quitter leurs terres. Chiquita a ensuite «volontairement» fait état de ces paiements à la Justice américaine. Mais comme l’a rapporté le Washington Post dans un article en date du 2 août 2007, les officiels du ministère de la Justice « disaient clairement que Chiquita était en train de violer la loi et que ces versements aux AUC ne pouvaient pas durer». Toujours selon le Post, «les avocats de la Justice et le procureur fédéral à Washington étaient outrés par ce qu’ils considéraient comme la continuation flagrante de ces paiements illicites en dépit d’avertissements formels ».
A quoi correspond les 47%.
Les états-unis sont à 40 et la France à 57%
http://goo.gl/0Ut0y
Corée du sud 30%
si votre analyse est tout à fait exacte, et la démocratie un genre de foire au meilleur slogan, pour installer des camelots-potentats, il ne faut pas sous-estimer de réflexe pavlovien qui fait de chaque individu gamma un défenseur compulsif du système, même s’il l’écrase …
Finalement, aucun système n’étant parfait, il me semble que le suffrage censitaire avait du bon : une voix par personne + une vois pour études supérieures + une voix pour ceux qui payaient l’impôt.
Mais c’était reconnaître que l’avis de gens formés peut être plus intéressant que celui d’un peuple remarquablement ignorant, et que donner plus d’importance à ceux qui prennent des risques plutôt qu’à ceux qui en profitent n’était pas « sympa ».
Le système fédéral s’impose alors : chaque région se débrouille, ne gardant en commun que des département nécessairement nationaux.
Le processus ne manque pas de pittoresque, et on le voit très bien en Belgique,pays qui évolue en ce sens, chaque région s’échinant à rafler un maximum d’héritage, mais commençant aussi à faire ses comptes, plutôt qu’à galvauder joyeusement un argent réputé illimité, puisqu’il venait de l’Etat central. C’est donc un début de sagesse.
Je crois que nous allons vers une Europe des régions ; des régions fort autonomes, et l’UE en chef d’orchestre : une Europe philharmonique en quelque sorte 🙂
Dans cette hypothèse, les Etats nationaux se résumeraient à un central téléphonique pour orienter les demandes, et à quelques fonctionnaires mis en commun par les régions pour des missions d’ordre général, comme les Affaires Etrangères …
oui une démocratie sans constitution limitant strictement les pouvoirs de l’état = dictature
constitution qui ne puisse pas être manipulée ni interprétée comme l’est la notre par les « représentants » du peuple, mais uniquement par le peuple lui même avec une majorité(voir plus) par rapport aux inscrits et non aux votes exprimés.
La France n’a pas de constitution ou tellement peu.
Intéressant cette idée de fragmenter la démocratie pour la réparer. Somme toute, une application concrète du principe (chrétien) de la subsidiarité. Je formule le souhait que Contrepoints et/ou l’Institut Coppet nous relatent ce qui sera dit au séminaire…
Il y a plusieurs confusions dans cet article. L’échec de la « démocratie centralisée » (prenons la France) n’est pas l’échec de la démocratie.
Comme il est rappelé par certains commentaires, nos procédures n’ont rien de démocratiques. Aristote l’avait très bien décrit d’ailleurs, la procédure phare de la démocratie est le tirage au sort.
Ce qui décrit bien mieux notre système n’est pas la démocratie mais une oligarchie élective (ce qui au fond est une sorte de pléonasme). C’est à la lumière de ça qu’on peut comprendre pourquoi cela marche mieux en Suisse qu’en France. Le federalisme y est peut-être pour quelque chose en effet, mais le fait que la démocratie y soit beaucoup plus réelle y est également pour une part importante selon moi.
Il y a donc effectivement quelque chose de comique à cet article qui cherche à démonter la démocratie en concluant sur la Suisse démocrate couverte de succès.
Enfin, la démocratie n’est pas « une forme de collectivisme dans lequel l’individu est soumis aux volontés collectives ». A la base la démocratie est plutôt une méthode politique pour gérer ce qui ne peut être partagé, le bien commun. Genre la justice, la sécurité d’un territoire, etc.
« un système collectiviste néfaste ». Pléonasme 😉
Je me permets de vous faire remarquer qu’à la concurrence entre les cantons se mêle également la solidarité à travers la péréquation financière. De plus, je ne connais personne dans mon entourage qui a changé de canton pour des motifs de système de santé ou d’éducation. Quant aux taxes, le fait de « voter avec ses pieds » n’est pas une spécificité suisse il me semble.